L’AUTO QUI VALAIT 3 MILLIARDS

Cette année, la modernité sera représenté par l’imprimante 3D et la voiture qui se conduit toute seule. Je ne vais pas m’appesantir ici sur l’imprimante 3D, fantasme absolu du Marketing d’installer directement le supermarché (et l’usine) dans le salon des consommateurs.
Par contre, nous pouvons nous interroger si la perte du volant est un grand pas pour l’humanité, ou a minima pour l’industrie automobile.
Les constructeurs automobiles qui gagnent encore de l’argent (ils se reconnaîtront facilement) réfléchissent aux nouveaux gadgets inutiles que la technologie pourrait créer pour suréquiper notre automobile déjà bien chargée. Cela leur permet de combler le vide de sens abyssal de leur réflexion “accumulation égale modernité”, ce qui du fait même de leur réussite relative, les empêche aussi de réfléchir à d’autres alternatives pérennes et plus profitables. Dans ce cadre on peut comprendre qu’ils développent des systèmes de freinage automatique qui fonctionnent plus ou moins bien (cf. démonstration calamiteuse devant la Presse en 2010, d’une voiture qui s’encastre dans un camion au lieu de s’arrêter comme par magie), ou nec plus ultra la voiture qu’on a plus besoin de conduire. Vivement celle qu’on a plus besoin d’acheter!
L’émancipation de l’Homme passe-t-elle systématiquement par celle de la machine? Comment peut-on mesurer qu’une idée, à force d’être poussée dans le même sens, devient contre-productive?
“_ Ce n’est pas parce que la technologie peut le faire, qu’il y a de l’intelligence dedans.”
Pour Ivan Illich (penseur Autrichien,1926-2002), la société technique génère la frustration des pauvres et l’insatisfaction des riches, conduit au déracinement culturel et à une homogénéisation de tous. Il dénonce la croissance économique et financière (AVOIR PLUS) comme fin ultime des sociétés industrielles et propose d’y substituer une société conviviale, où le critère central de toute chose est l’humain (BIEN ÊTRE), son développement personnel, social, sa créativité, son imagination, sa liberté, son autonomie. Les outils ne sont pas neutres et modèlent les rapports de l’homme aux autres et au monde. Illich propose donc la notion d’outil convivial. Un outil convivial est un outil avec lequel travailler et non un outil qui travaille à la place de l’homme. A l’inverse l’outil non-convivial le domine et le façonne.

Alors même que Google a brillamment démontré l’intérêt économique d’émanciper les utilisateurs en mettant à leur disposition gratuitement des outils conviviaux et ouverts (moteur de recherches, cartes, logiciels divers), ne voilà-t-il pas dés lors qu’il s’agit d’automobile, qu’ils se mettent à émanciper l’objet. Leur voiture sans conducteur a déjà parcouru 500.000 km sur les autoroutes américaines, sans accidents.
Evidemment, on peut leur accorder que libérer du temps de cerveau disponible dans les embouteillages pour s’instruire, se divertir, se reposer ou travailler va dans le sens de notre émancipation ou de notre sécurité. De même, concevoir les transports en communs des futurs grandes mégalopoles, à base de véhicules individuels au déplacement automatique en grappe plutôt qu’avec des bus à rallonges qui bloquent tous les carrefours, permet de réduire les problèmes de circulations en améliorant l’autonomie des utilisateurs.
Mais ces solutions technologiques qui déresponsabilisent les conducteurs me foutent la trouille à plus d’un titre. Imaginons-nous dans la circulation, au volant d’une voiture sans le tenir? Je sais d’avance que mon cerveau ne sera pas disponible à d’autres tâches que solliciter frénétiquement mes globes oculaires ou déréguler ma transpiration des omoplates. Surtout si il y a d’autres conducteurs dans la même situation autour de moi, et des vélos, et des poussettes, et qu’il pleut, et…
Vous aurez compris que je ne suis pas un adepte du régulateur de vitesse.

Alors oui, réfléchissons à valoriser nos trajets (et il existe de très nombreuses directions pour développer des applications de micro-entertainment, tourisme, santé, travail, social,…) mais sans nous déresponsabiliser au profit de l’objet automobile, car cela n’entraînera que l’augmentation des coûts et le ramollissement de notre cerveau, moteur entre autre de l’économie.

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