PAR HENRY MICHEL, A CANNES
– Et Sandra ?
– Sandra, je ne sais pas ce qu’elle a fait. En tout cas elle n’est pas rentrée à l’hôtel cette nuit.
– Problème de type grec, sans doute.
Les deux journalistes s’esclaffent.
Logée à quelques pas de la salle des conférences, c’est la salle de presse lounge du palais. Elle est sponsorisée par deux partenaires spécialisés dans les deux ressources indispensables au journaliste: du wifi gratuit, et du café en cartouches, servi par des hôtesses cannoises un peu désoeuvrées, qui se font draguer mollement à chaque gobelet servi, et composent des SMS quand la clientèle se fait rare.
C’est la plus grande rédaction du monde, en open space. Je m’y sens un peu intrus à chaque fois, et je dois être le seul blogueur qui s’y rend quotidiennement. La plupart de mes congénères de la wordpress family couvrant le festival dorment le jour suspendus par les pieds dans des grottes, des bateaux et des chambres d’hôtels que les femmes de ménage ont renoncé à nettoyer. La nuit tombée, ils écument les soirées du festival, testent les drinks, parlent à des célébrités, et finissent au Baron. Avant que le jour ne se lève, ils écrivent sur les drinks testés, les célébrités rencontrées, et leur soirée au Baron, puis retournent à leur sommeil. Et le pire, c’est que ce qu’ils écrivent est bon. Mais quand j’entame ma journée alors que le soleil se lève, point de blogueurs.
A 11heures du matin, quand la projection presse de 8h30 est habituellement achevée et que les journalistes se calent dans le lounge de presse wifi pour écrire leurs papiers, de durs souvenirs de mes D.S.T de lycée me reviennent en mémoire. Les badges bleu presse s’installent, ouvrent leur ordis, l’allument, sortent un carnet, et tapent immédiatement. Ma voisine d’à côté, journalite islandaise, a retiré ses tongs pour sentir la moquette du lounge sous ses pieds nus. Cet acte de sensualité insolent ne choque que moi, et tandis qu’elle pianote sur son clavier à la vitesse du Dieu eyjafjoll, je tente de lorgner son écran pour vérifier qu’elle ne fait pas tout simplement semblant de taper – cette éventualité m’aurait grandement rassuré.
Autre distraction, la clameur des photo-calls, à quelques mètres de nos fenêtres, qui déversent ensuite dans la salle les barbares de la salle de presse : les photographes. Une grande majorité de Français, qui à la manière des familles gitanes des collines de Grasse (les Lafleur et les Dubois), n’ont que deux noms: kiki ou fifi. Le lounge de presse devient alors le bar des amis, et sous leur gouaille potache et rigolarde, on s’énerve d’abord, on se marre ensuite. «C’est quoi son nom à la nénette à coté du réalisateur?» «J’en sais rien kiki» «Bon ben elle sera pas sur le site, j’ai pas le temps. J’ai autre chose à foutre.». Ils s’attellent ensuite avec une rapidité et une certaine aisance technique qui détone avec leur allure de camionneur, à uploader 1Go de photos par tête et accaparer tout le wifi de la salle. On se croirait dans «Manon des Sources», quand la fontaine cesse de couler. Le village panique, une journaliste chinoise est à deux doigts de pleurer.
J’avais une vision plus romantique de cet endroit. De débats passionnés autour de l’hôtesse à café sur le film Ukrainien de la veille, d’échanges d’infos clandestines et honteuses sur le jury, de pronostics enflammés sur la Palme. Mais au-delà de ma naïveté d’apprenti, c’est également du à un consensus plutôt général sur le manque d’intérêt de cette 63e édition que les feedbacks se font rares.
Pas d’énormes coups de cœur, pas de navets notables. Peu de soufre, et peu de rock’n roll. Par un savant travail statistique que j’ai réalisé sur les retours en sortie de projection et les twits émis pendant le festival, que je vous épargnerai cette fois-ci, le Mike Leigh semble avoir recueilli le plus de suffrages de la presse. Il est talonné par «Des hommes et des dieux» de Xavier Beauvois. Pour l’interprétation, Binoche pour le Kiarostami, et Lambert Wilson pour le Beauvois (et par la même occasion le film de Tavernier). Javier Bardem a, quant à lui, attiré des positions plus contrastées et moins unanimes pour son rôle dans «Biutiful» de Alejandro Inarritu.
Le seul microdébat en salle de presse auquel j’ai assisté a été au sujet de l’énigmatique «problème de type grec» évoqué par Jean-Luc Godard dans son communiqué envoyé à Thierry Frémaux pour justifier son absence du festival. Ça ressemble quand même davantage aux «Grosses Têtes» qu’au «Masque et la Plume». Tout y passe dans les conjectures et dans les blagues. Version populaire: on évoque les sandwichs grecs pas frais servis dans les baraques de la croisette. Version people : une vague querelle entre Jean-Luc et Nikos Aliagas. Version éco: un choix politique pour Godard, refusant de boire des coupettes en pleine crise de l’Euro.
Alors que j’attendais que mon hôtesse me serve un café allongé, j’ai osé exposer ma version sombre de la phrase de Godard. Le mythe grec de Prométhée, au foie dévoré par les aigles. Guy Montagné himself n’aurait pu rattraper l’ambiance.
H.M.
Ambience parfaite! Bravo, meme s’il me manque quelque chose comme par exemple le savoir faire exquis du personnel à la porte capable de te renvoyer parce que ton smoking dernièr cris ne leur plait pas, ou ta belle robe d’un trés cher styliste japonais leur parait decosue et donc pas à la hauteur du Festival….”ces nenettes minables seulement parce qu’elles font les journalistes croient que nous ne comprennon rien!” Puis ils sont capables de te faire des gentillesses inattendues juste quand le Festival parait “te tomber sur la tete”! Car il y toujours le moment que ça arrive, après trop de party renommés où il n’y a que de cacahuettes à manger et du coca; aprés un jour perdu à faire Km sur la Croisette, courant derrière les bureaux de presse hysterique, l’acteur ivre de soi meme, pour lui demander les betises à la mode que la redaction attend comme si c’était le 8è secret de Fatima! Me manque l’odeur de frites qui se melange avec celui des croissant et de la mer le matin sur la Croisette, les dernièrs mètres avant d’arriver au Palais, très, très tot, quand tu sais pas encore si tu es au lit en train de rever de faire la queu pour la première projection, ou si tu es vraiment la, un peu frileux, le gout de cafè aux lèvres, la mer dans les yeux, etrangement content d’aller au cinema! Souvenirs de free-lance italienne que la crise des la presse a retenue à la maison……….
Bon Festival!