Dans ces lointaines contrées que sont les montagnes d’Auvergne, on sait depuis longtemps interpréter les signes et séduire les augures. Si pour le pneu cela a plutôt bien marché, pour le rugby, c’était un échec. Dix finales de championnat pour l’AS Montferrand, dix défaites pour Clermont! Jusqu’à la victoire, enfin, contre Perpignan samedi soir. Un signe, parmi d’autres, laissait présager cette victoire et les Clermontois l’avaient bien remarqué. Un des épisodes d’Astérix et Obélix se déroule en Auvergne, le Bouclier Arverne, un de mes préférés d’ailleurs. Les Arvernes, auvergnats de l’époque, triomphent des Romains à la fin, mais surtout, cet épisode est le onzième de la série comme la finale est la onzième de l’histoire.
Cette coïncidence a bien évidemment été relevée par deux auvergnats bédéphiles, ainsi que le rapporte le journal local La Montagne. Grégoire Dief et Matthieu Maye, habitant à Beaumont et à Clermont-Ferrand, ont créé un groupe Facebook sur le sujet, qui compte plus de 5000 membres. A noter aussi qu’une association de supporters de l’ASM, créée en 2000, a pris pour nom “Le Bouclier Arverne“. Et tant qu’à rester dans la Rome Antique, son président s’appelle Alain Néron. Bref, vous l’aurez compris, pour les Clermontois, du bouclier Arverne, qui a appartenu à Vercingétorix dans l’histoire de Goscinny et d’Uderzo, au bouclier de Brennus, il n’y avait donc qu’un pas qui a été joyeusement franchi samedi soir.
Un autre signe qui ne trompe pas est présent dans le seul album d’Astérix où il est fait référence à la balle ovale, à savoir Astérix chez les Bretons. Au milieu de l’album, Astérix et Obélix assistent à une partie de rugby qui oppose deux équipes : Camulodunum et Durovernum. Dans l’album, la première joue en bleu et blanc et la deuxième joue en jaune et noir. Mais sur la couverture, elles sont figurées en bleu foncé pour la première et en rayures jaunes et rouge pour la seconde. Comme l’ASM et l’USAP, les deux finalistes de samedi soir! Je vous laisse deviner laquelle des deux équipes a récupéré un tonneau de potion magique et l’emporte finalement DCCCIV à III (804 à 3)…
Au-delà de l’anecdote, ces coïncidences sont l’occasion de souligner à quel point les œuvres d’Astérix, époque Goscinny, restent populaires, notamment auprès du “public” qu’elles caricaturent. Les Corses adorent Astérix en Corse, les Anglais sont hilares n’est-ce-pas en lisant Astérix chez les Bretons et les Auvergnats ont beaucoup d’affection pour le Bouclier Arverne. Car tout le génie de Goscinny et d’Uderzo, j’avais déjà eu l’occasion de le dire, c’est d’arriver à utiliser des clichés de façon à la fois drôle et attendrissante. Ainsi, l’Auvergnat dépeint dans le Bouclier Arverne est sympathique et courageux, malgré chon acchent chenchiblement chuitant. Tous les clichés sur l’Auvergne y passent : les Arvernes vendent tous du vin et du charbon, tels les bougnats auvergnats installés à Paris au XIXème siècle. A Nemesos (Clermont-Ferrand), Astérix et Obélix rencontrent Coquelus, un Romain directeur d’une fabrique de roues, référence évidente aux usines Michelin. Et on parle aussi du bleu d’Arverne, de la potée ou de la bourrée, autant de spécialités locales.
Ainsi, si la nouvelle fierté du pays des volcans, depuis samedi soir, c’est le bouclier de Brennus, nul doute que le Bouclier Arverne fait l’objet du même attachement dans le cœur des Auvergnats.
Laureline Karaboudjan
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