Oui, je sais, c’est mal de copier sur ses petits camarades. Mais il n’empêche, c’était trop tentant de vous livrer mon top 50 des meilleures BD de la décennie. Évidemment, tout ceci est très subjectif et pas le moins du monde exhaustif, puisque je n’ai (hélas) pas pu lire tout ce qui est sorti ces dix dernières années. Du coup, n’hésitez pas à me livrer en commentaire vos chouchous à vous…
On commence du 50 au 41.
50. Captain America, vol 5, 25 (Ed Brubaker, Steve Epting) – Marvel – 2007
Quand le plus patriote des héros américains meurt assassiné par un sniper, c’est tout l’american dream qui s’effondre. L’album qui contient la mort de Captain America, modèle de la dramaturgie propre aux comics, vient conclure la grande fresque Civil War. Sur une centaine d’albums de différentes séries, les super-héros Marvel s’affrontent en une guerre fratricide. En cause, le Super-Human Registration Act, évocation directe du Patriot Act qui oblige tous les mutants à se faire connaître auprès des autorités américaines. Ceux qui sont favorables à la loi rejoignent Iron Man, ceux qui la refusent parce qu’elle menace les libertés individuelles sont emmenés par un Captain frondeur. Avec Civil War, le monde du comics fait sa remise en cause de l’après 11 septembre. Rassurez-vous: depuis Obama a été élu, Bush est parti et on parle déjà de la résurrection de Captain America. On the road again...
49. Le Goût du Chlore (Bastien Vivès) – Casterman – 2009
La piscine municipale comme théâtre des émois adolescents, ça tient presque du classique. En cinéma, ça peut donner Naissance des pieuvres, en BD c’est le Goût du Chlore. Un jeune homme se voit prescrire de la piscine pour soigner sa scoliose. Il y rencontre une super-nageuse de compétition une fois, deux fois, puis chaque semaine. Peu à peu il tombe amoureux, d’un amour premier où chaque détail compte. Celui qui n’arrive qu’une fois dans la vie. Celui qu’on n’oublie jamais. Couleur turquoise glacé, température moite, comme à la piscine.
48. Le Grand Mort, Larmes d’abeille (Loisel, Jean-Blaise Djian, Vincent Maillé, François Lapierre) – Vent d’Ouest – 2007
Normalement, quand une jeune fille se perd au milieu de la campagne française, loin de tout, elle tombe soit sur Jean-Pierre Treiber, soit sur une maison d’hote qui organise des soirées SM, soit sur des anarchistes tendance TiQQUN qui passent leurs soirées à refaire le monde à défaut de poser des bombes. Sauf que quand Loisel est au pinceau, l’herbe verte bruisse des bruits de la fantasy et les grimoires renferment quelques vérités…. Un jeune homme bourru, le lac, l’espace-temps et voilà le petit peuple. Un autre monde où là, vraiment, vient l’insurrection.
47. Supermurgeman, La menace communiste (Mathieu Sapin) – Dargaud – 2005
Un super-héros en bottes et en slip dont le pouvoir ultime est de vomir de la bière sur ses adversaires. Un île paradisiaque où vit un shérif, des villageois, un sorcier ou encore Etronman, le bien nommé super-vilain nauséabond. Et enfin, une bande de zombies communistes qui s’apprêtent à débarquer dans cet Eden perdu. Supermurgeman, c’est le n’importe quoi érigé en principe, le délire de fanzine étudiant élevé en tant qu’art. Ce sont des dialogues sans queue ni tête, des scénarios qui ne tiennent pas debout et pourtant des histoires qu’on se plait à lire et à relire. Supermurgeman, c’est à la BD ce que Stupeflip est à la musique: un truc stupéfiant, un truc stupide qui tape dans le bide, trop de vin trop de joints et voila le résultat.
46. Canardo, Marée Noire (Sokal) – Casterman- 2004
30 ans maintenant que Canardo traîne ses guêtres de détective désabusé et alcoolique, à un rythme presque annuel depuis 2000. Marée noire, un de plus? Sauf que là, dans une ambiance de révolution et de vacances estivales, la justesse des dialogues touche souvent à la perfection. Le pétrole se déversera-t-il sur les plages françaises ? La saison de la crevette reviendra-t-elle? Le dictateur finira-t-il par mourir? Le petit pays de l’Amerzone retrouvera-t-il la liberté? Le ministre de l’Intérieur qui ressemble à Charles Pasqua cessera-t-il de s’excuser ? Avant de répondre à ces questions, n’oublions pas que le Mojito est excellent.
45. Okko, Le Cycle de l’eau 1 (Hub) – Delcourt – 2005
A première vue, un album comme il en sort des dizaines chaque année. De l’heroic-fantasy saupoudrée d’Asie et roulez jeunesse. Quinze jours dans les rayons et on en parle plus. Pourtant, au bout de seulement quelques pages, on comprend que l’on achètera le tome suivant. Parce que l’association entre le rônin, le jeune pécheur, le moine et le géant fonctionne. Parce que le graphisme est léché. Parce que les femmes sont belles et cruelles et que les têtes sautent. Parce que l’on sait qu’un jour on finira par trouver nous aussi ces îles où de vieux temples hindous renferment des fantômes et autres démons. Le bien? Le mal? L’aventure!
44. Blake et Mortimer, L’étrange Rendez-vous (Jean Van Hamme, Ted Benoît) – Ed. Blake et Mortimer – 2001
Que serait un top sans un album de ces deux vieux patriarches? Si Mortimer n’aura sûrement pas d’enfants, en raison de ses relations ambiguës avec Blake, cela ne l’empêche pas d’avoir une lignée riche en ancêtres plus ou moins glorieux. Sauf que normalement ils sont morts et ne ressurgissent pas un jour sans prévenir. Remarquez, le Major Lachlan Macquarrie, officier britannique disparu le 17 octobre 1777, ne manque pas de charme, malgré son côté Willie le Jardinier. L’album marque le retour de l’empereur jaune, il y a les grands espaces américains, la course à l’armement et des martiens. Le scénario est totalement abracadabrant, comme le sont si souvent les aventures de Blake et Mortimer mais, au moins, il y a une tentative d’originalité. Pas comme le dernier album, vague mélange entre Indiana Jones et le Da Vinci Code. Heavens!
43. Aberzen, Commencer par mourir (Marc N’Guessan, Christophe Gibelin) – Soleil – 2001
Tout commence avec un ours qui se nomme Hotis. Il s’occupe des montes-charges dans une mine. C’est bon, vous avez souri en lisant cette blague? Parce que la page d’après, il meurt. Ainsi, il peut tenter de sauver son monde. Le scénario est un peu compliqué, voire confus. Pendant les trois premiers tomes, on ne comprend à peu près rien. On se laisse guider et l’on découvre avec le héros pas à pas toutes les ramifications. Cela pourrait en rebuter certains, je trouve que c’est très agréable. Le titre de la série, Aberzen, et les noms de chaque album sont une douce poésie. Tout le monde trahit tout le monde, tout le monde meurt et revit, mais les paysages sont si beaux. Un beautiful day morbide interminable. Un temps par dessus l’autre, au delà des mers sèches, il faut commencer par mourir en égrenant plusieurs noms pour le bleu.
42. Pourquoi j’ai tué Pierre (Olivier Ka, Alfred) – Delcourt – 2006
Enfant, l’auteur allait souvent en colonies de vacances avec Pierre, un gros bonhomme jovial et barbu. Oui, mais le prêtre s’est rapproché de plus en plus du petit garçon. Il lui a d’abord demandé de le masser puis un soir l’a poussé à dormir avec lui… La pédophilie en BD, qui plus est sur le mode autobiographique, c’est forcément chargé en émotions. Voire pesant. Pas ici. Sans pathos on compatit, sans lourdeurs on comprend. Et avec l’auteur on règle une bonne fois pour toutes son compte à Pierre.
41. Aya de Yopougon volume 1 (Marguerite Abouet, Clément Oubrerie) – Gallimard – 2005
Le quartier de Yopougon, à Abidjan, c’est l’Afrique en Technicolor. C’est là, au milieu des souriantes 70’s ivoiriennes, que vivent Aya et ses amis, à qui il arrive mille et unes histoires. Et parce qu’on est en Afrique, la moindre amourette devient un conte de griot, récité avec le langage fleuri qui sied. Aya, c’est le goût du manioc dans la bouche, le coupé-décalé dans les oreilles et des couleurs plein les yeux. Quitte à être un peu cliché, comme toute bonne carte postale.
Laureline Karaboudjan
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