Les feuilles tombent, il pleut et il fait froid. Heureusement, il y a plein de bonnes à lire sous la couette.
Après Toxic, Charles Burns revient et nous offre une suite. Toujours cette ambiance de Tintin passé à l’acide de Tchernobyl, ce monde accablé de chaleur et notre héros à la houpette qui a trouvé un boulot. On ne sait jamais ce qui est de l’ordre du rêve ou de la réalité, on ne comprend pas ce qui se passe, les personnages de la BD eux-mêmes ne comprennent rien, tout le monde s’insulte et se méprise. L’une des plus étranges et belles séries de ces dernières années.
Le grand oeuvre de Manu Larcenet se poursuit avec la sortie du troisième tome de Blast. Dans cet avant dernier opus (la série doit à terme être une tétralogie), les choses se font un peu plus précises. Le puzzle de la narration commence à se reconstituer et on entrevoit le bout du tunnel. Mais avant la lumière, la pénombre n’a jamais été aussi forte. Ce troisième tome est véritablement crépusculaire alors que le sublime et le sordide continuent de se mélanger avec magie (noire). Si vous n’avez toujours pas entamé la lecture de Blast, c’est le moment!
Un petit western, encore, vous connaissez mes goûts. L’américain Rich Tommaso s’amuse avec les codes du genre et l’histoire tourne autour de Sam Hill, un jeune mec un peu déboussolé. Dans l’hôtel ouvert par son père, ancien shériff et alcoolique fini, il est un peu le garçon à tout faire. Amour, sexe, poker, sous fonds d’industrialisation et d’or noir, ce récit un peu désabusé marque au final la rupture de Sam Hill avec son univers familial, avant une suite plus portée sans doute sur le voyage et la découverte de nouveaux espaces.
J’ai consacré un post entier à l’excellent ouvrage de Chester Brown. Pendant plus d’une dizaine d’années, cet auteur a fréquenté des travailleuses du sexe. Il est devenu un ardent défenseur de ce type de rapports sexuels et expose avec un style clair, en noir et blanc, patiemment ses arguments.
Publié pour la première fois en 2009 aux Etats-Unis, Far Arden fait penser à One Piece aux premiers arbords. Une ambiance de pirate où les autorités sont pourries et un lieu inconnu, mystérieux et magnifique à trouver: Far Arden. L’ambiance, les bastons notamment, rappellent l’univers du manga. Mais la comparaison s’arrête là. Pas de Luffy chapeau de paille pour être toujours motivé et naif, plutôt des personnages désabusés et tristes, cherchant plus qu’une île: un sens à leur vie. Surtout, cela ne dure pas 3000 épisodes comme les séries japonaises, et à la fin, personne ne gagne.
Le deuxième tome d’Aâma de Frédérik Peeters, l’un des mes auteurs préférés grâce à sa série Lupus, est paru. Si dans le premier tome, on ne savait pas trop s’il fallait se concentrer sur la ville destructrice où la nature inconnue, ce deuxième opus insiste plus sur le voyage. Un peu à la manière d’un album de Léo (Beltegeuse, Alderaban), les personnages vont affronter une nature de plus en plus extraordinaire et hostile. Sauf qu’ici la nature a perdu la tête à cause d’un robot devenu hors de contrôle des humains et Frédérik Peeters affirme une nouvelle fois sa fascination pour la science-fiction mêlée à un scepticisme certain du tout technologique.
Je le notais récemment au détour d’un papier: la série B a le vent en poupe en ce moment. Le dernier album de Joann Sfar, Tokyo, s’inscrit dans cette veine délirante et quelque peu régressive. Sur une île radioactive, on trouve des bikeuses sexys et tatouées, des lions et des tigres rockeurs bardés de cicatrices, des seins, des tentacules, du cul et de la violence. L’hommage à l’univers des nanards cinématographiques n’est pas dur à déceler dans cet album déroutant, à la narration complètement décousue, mais finalement très prenant. Peut-être parce que graphiquement, le travail mêlant dessins et photos est aussi psychédélique qu’hypnotisant.
J’avais été un peu déçue par Apocalypse Texas, le précédent tome de Jour J, cette série d’uchronies qui habituellement me ravit. Heureusement, la dernière livraison redresse la barre avec une histoire qui nous plonge en 1947 dans une Amérique alternative où les Etats sont désunis. Et pour cause: le continent se partage entre un nord anglo-saxon et un sud francophone, qui a la Nouvelle Orléans pour capitale depuis la guerre d’Indépendance. Ah oui, Hitler est toujours au pouvoir et les Kennedy essaient de passer de l’alcool de contrebande. Ca part dans tous les sens tout en restant cohérent: le signe d’une uchronie réussie.
Laureline Karaboudjan
Illustration de une extraite de Far Arden par Kevin Cannon, DR.
Très belle liste à laquelle je rajouterais cette BD magnifique :
http://www.lagrume.org/collections/litterature/dora/