12 ans après Persépolis, Une Métamorphose iranienne apporte un nouveau regard intense et kafkaïen sur la société iranienne.
Le 2 mars, dans une petite dizaine de jours, auront lieu les élections législatives en Iran. Alors que l’on se demande si Israël ne va pas lancer un raid aérien contre les sites nucléaires iraniens, le pouvoir apparaît extrêmement divisé entre les partisans de l’ayatollah Khamenei et ceux du président Ahmadinejad. Cette guerre larvée sur fond de crise économique et de chômage entraînera peut-être des manifestations violentes.
Ces crises sont récurrentes en Iran, comme le raconte Mana Neyestani dans Une Métamorphose iranienne, l’une des plus fortes Bds parue depuis le début de l’année 2012. Publiée la semaine dernière par les éditions Arte et Ça et là, cette autofiction raconte le parcours du dessinateur de presse Mana Neyestani, emporté dans un schmilblick ethnico-juridico-politique dramatique. Simple auteur dans les pages pour enfants dans un quotidien pour éviter la censure et les problèmes qui touche la plupart des dessinateurs de presse, il a le malheur, en 2006, de mettre un mot d’origine azéri dans la bouche d’un cafard. Cet expression «Namana» n’a même pas de connotation politique, elle est utilisée quand quelqu’un ne trouve pas ses mots, l’auteur dit même l’utiliser souvent lui-même.
Minorité importante en Iran, les Azéris considèrent souvent qu’ils sont méprisés et malmenés par le pouvoir central. Ce dessin, anodin, est vu par certains comme une provocation. Un peu comme l’affaire des caricatures de Mahomet au Danemark, il va entraîner des manifestations importantes. Le régime réplique violemment accusant les protestataires de volontés séparatistes, il y a des morts et, pour trouver tout de même un bouc émissaire, Mana Neyestani se retrouve en prison. Là, on lui assure que ce n’est pas grave, que tout va bien se passer, qu’on comprend sa position, mais les semaines passent et rien ne bouge.
La banale et stupide machine administrative se met en place. Si l’auteur se compare à Gregor Samsa dans la Métamorphose de Kafka, ayant l’impression d’être lui-même devenu un cafard impuissant, on pense plus en lisant cette BD à l’absurdité du Procès, ou aux conversations entre le prisonnier Roubachof et son geôlier dans le Zéro et l’infini d’Arthur Koestler, récit inspiré des grands procès de Moscou.
A travers son histoire, magistralement retranscrite par des dialogues justes et forts, le plus souvent à huis clos, on découvre la sclérose de la société iranienne, qui ressemble plus à une administration soviétique en fin de règne qu’à des religieux fanatiques. On s’attache aussi à ces dessinateurs artistes, libéraux, qui ont une autre vision de la vie, plus ouverte, qui s’informent à l’extérieur. L’histoire, qui se déroule 15 ans après la fin de Persépolis (dont l’action s’étend de 1979 à 1994), actualise donc notre regard sur l’Iran.
Sentant sa situation inextricable, Mana Neyestani a fui en 2007 en Malaisie, profitant d’une libération conditionnelle. Désormais installé en France, il est devenu un dissident actif et un des symboles de cette population qui aspire à un vrai changement.
Laureline Karaboudjan
Comparer l’histoire des protestations vis à vis d’un dessinateur au problème des caricatures de Mahomet, c’est abjecte. Deux poids deux mesures.
Attention ! Il s’agit de Khaminey, et non Khomeini, ce dernier étant mort en 1989…
@Polo, oups merci c’est corrigé.
@kafka Des dessins de presse qui entraînent des manifestations de grande ampleur, voire des morts, je trouve la situation assez similaire, vous ne trouvez pas?
[…] consacré un post entier à cet album, un ouvrage très fort pour comprendre l’univers kafkaïen dans lequel sont obligés […]