Les BD du mois de décembre

Une sélection d’albums sortis ces dernières semaines et que je vous recommande

Paradoxalement, malgré (ou plutôt à cause de) Noël, le mois de décembre est plutôt un mois creux en termes de sorties BD. C’est que les éditeurs anticipent généralement et publient leurs albums phares plusieurs semaines avant qu’ils ne se retrouvent sous le sapin, en octobre ou en novembre. Du coup je triche un peu avec ces BD qui sont majoritairement sorties ce mois-ci, ou un peu avant mais dont je n’avais pas encore trouvé l’occasion de vous parler.

  • Ô dingos, ô châteaux, Tardi et Manchette, Futuropolis

Rien à dire. En réadaptant en BD certains des polars du romancier Manchette, Tardi envoie du très lourd. A chaque fois, je me dis, “oui, bon Tardi, c’est toujours un peu la même chose”, mais dès qu’on entre dans la BD, c’est incroyablement efficace et percutant. Ô dingos, ô châteaux met en scène un millionnaire qui engage tout un tas de fous autour de lui et pour s’occuper de son neveu, hériter direct de la fortune familiale. Lequel neveu se fait évidemment kidnapper avec sa nouvelle nourrice, tout droit sortie de l’asile. Il y a donc des enlèvements, des morts et des châteaux baroques, tous les personnages sont plus dingos les uns que les autres, il n’y a pas de morale et c’est bien.

  • Les Melons de la colère, Vivès, Les Humanoïdes Associés

Réadapter l’oeuvre de Steinbeck, Les Raisins de la colère – un livre qui hante encore parfois mes nuits pour sa beauté et sa force destructrice – en BD érotique, il fallait le faire… Bastien Vivès s’y est plutôt joliment attelé, avec le même trait délicat et les tons noir, blanc et gris souris que dans Polina. Mais si vous pouvez offrir cette dernière BD à n’importe qui, Les Melons de la colère ne sont pas à mettre entre toutes les mains. Ce n’est toutefois pas du cul pour du cul et il y a une vraie histoire, une vraie ambiance au-delà des enjeux érotiques. En tous cas, je ne cesse de m’étonner de voir ce jeune auteur arriver à maintenir la qualité face à un rythme de production élevé, qui le rend petit à petit incontournable.

  • Quai d’Orsay, tome 2, Lanzac et Blain, Dargaud

J’en ai déjà parlé début décembre, la suite de Quai d’Orsay est à nouveau un excellent tome qui nous emmène dans les arcanes du ministères des Affaires étrangères lorsque De Villepin était aux manettes lors de la crise irakienne. Cette rencontre improbable entre un grand auteur, Blain, et un scénariste issu des cabinets ministériels, Lanzac, nous a offert une oeuvre inédite dans son rapport à la politique pour la BD française. Reste à savoir qui est vraiment Lanzac: il a toujours joué sur l’anonymat. Dans une interview récente au Monde.fr, il expliquait qu’il s’était reconverti en créateur de jeux de sociétés, mes oreilles ont, elles, entendu dire qu’il était toujours très bien placé au Quai d’Orsay. Le mystère demeure.

  • Reportages, Sacco, Futuropolis

Joe Sacco a donné ses lettres de noblesse à la BD de reportage, magnifiquement suivi ensuite par des auteurs comme Guy Delisle – qui a publié aussi en novembre ses Chroniques de Jerusalem – ou Etienne Davodeau – qui lui vient de sortir Les Ignorants. Comme son nom l’indique, Reportages est une sélection de divers reportages de l’auteur américain à travers le monde, de la Tchétchénie à l’Irak en passant par la Palestine. Si le style et le regard de l’auteur sont toujours là, il manque toutefois l’unité qui aime se déployer dans la durée de ses ouvrages habituels. A voir pour les fans, parce que c’est toujours aussi excellent. Mais si vous n’avez encore jamais lu du Joe Sacco, commencez plutôt par Goradze.

     

  • Sous l’entonnoir, Sybilline et Sicaud, Delcourt

Tiens, encore une BD autobiographique… Si le genre commence vraiment à perdre de son originalité de par la profusion des auteurs qui s’y essaient, des albums continuent à s’y distinguer par la pertinence de leur propos. Des auteurs qui ont des choses à nous dire à travers leur propre histoire. L’an passé était sorti La Parenthèse d’Elodie Durand dans laquelle on découvrait le combat de l’auteur contre une maladie grave à l’aube de ses 20 ans. Sous l’entonnoir m’y fait beaucoup penser: Sybilline raconte ses séjours à l’hôpital psychiatrique de Sainte-Anne dans sa jeunesse. Un album témoignage pas toujours complétement maîtrisé, mais dont on ne ressort pas indemne.

  • Sweet Tooth, Lemire, Vertigo

Je termine en mettant un coup de projecteur sur un comic qui n’est, certes, pas sorti tout récemment, mais que je viens de découvrir. A vrai dire, je ne suis pas si en retard puisqu’il n’est pas encore sorti en version française, mais on peut le trouver en import en anglais. Sweet Tooth raconte l’histoire d’un enfant mutant, mi-homme mi-cerf, traqué pour ce qu’il est dans une Amérique post-apocalyptique. Dit comme ça, ça semble très bizarre, mais c’est diablement prenant et extrêmement efficace. C’est dans la droite lignée de Walking Dead et, surtout, d’Y le dernier homme que j’avais déjà énormément apprécié. Bref, n’hésitez pas à vous jeter sur Sweet Tooth, c’est du tout bon pour démarrer cette nouvelle année!

 

Laureline Karaboudjan

Un commentaire pour “Les BD du mois de décembre”

  1. Merci pour ces idées, je n’ai lu aucune de ces BD !
    Pour ma part, je conseille “Tu mourras moins bête”, de Marion Montaigne, aussi drôle qu’instructif, plutôt que “Habibi”, de Craig Thompson, indigeste au possible !

« »