Si le prix du meilleur Album en déçoit certains, dont moi, la presse globalement salue la cohérence du palmarès du dernier festival d’Angoulême.
Angoulême a refermé ses portes. Je me suis permis quelques jours de digestion avant de donner mon avis sur le palmarès.
Le Fauve d’Or, qui récompense le meilleur album de l’année, est revenu au Pascal Brutal de Riad Sattouf. Je dois vous avouer que mes premières ambitions furent “Pourquoi pas, non, oui, non, bon, ok”. Cette indécision traduit bien mon ambivalence vis-à-vis de cette bande-dessinée.
J’aime Riad Sattouf et j’apprécie sa série sur Pascal Brutal. Et surtout, je l’apprécie de plus en plus. Le personnage principal prend au fil des épisodes de l’épaisseur et de l’ambiguïté et, à ce titre, le dernier album est sans doute le meilleur. Mais de là à le mettre meilleur album de l’année… C’est certain ça rentre dans la catégorie idéale: à la fois mainstream grâce à la popularité de l’auteur, jeune cinéaste, et en même temps accepté par la nouvelle vague des dessinateurs car il est l’un des leurs. Après, il y a tout une ribambelle d’albums que j’ai préféré cette année, notamment Blast de Larcenet. Je ne reviens pas sur les qualités de cet opus, j’en ai déjà abondamment parlé ici.
Cela dit, malgré certaines polémiques de couloirs et des chiffres de fréquentation inférieurs à l’édition précédente, la presse en général semblent plutôt satisfaite de cette cuvée angoumoise. Ainsi pour Olivier Delcroix du Figaro, Angoulême 2010 est un “bon bilan”. Il se réjouit surtout du grand prix du jury pour Baru qui “aura surtout marqué toute une génération de lecteurs grâce à son album L’Autoroute du soleil (Casterman)”. Il cite notamment Benoit Mouchard, directeur artistique du festival, qui juge que “C’est l’un de mes artistes préférés, conclut Benoît Mouchart. Son dessin est vif expressif et son écriture est pleined’intelligence; C’est logique qu’il soit récompensé de la sorte. C’est un auteur à la maîtrise exceptionnelle.
Le site BoDoi trouve lui aussi le bilan “positif” et le palmares “cohérent”. Il se réjouit surtout de la victoire de Pascal Brutal. “En récompensant du prix du meilleur album Pascal Brutal #3, le jury a fait un choix fort. Nommé à l’unanimité des sept membres du jury (dont Pierre Christin, Frédéric Poincelet et Blutch), le livre de Riad Sattouf représente à la fois une bande dessinée populaire (Pascal Brutal est sans aucun doute une des séries les plus drôles du moment) et politique, car elle parle de la France d’aujourd’hui, de la politique ultra-libérale en cours depuis des années, de l’uniformisation de l’offre culturelle, de l’angoisse sécuritaire et de la mollesse des médias”.
Pour Didier Pasamonik sur Actua BD, ce palmarès ” scelle la réconciliation des anciens et des modernes ” et salue un “vote intelligent et fédérateur”. Pour le site spécialisé: “Dans le palmarès officiel issu des votes du jury constitué par Blutch, on retrouve cette tendance : Jérôme K Jérôme Bloche d’Alain Dodier, série classique s’il en est, côtoie un Pascal Brutal de Sattouf formaté 48cc, les atypiques Dungeon Quest de Joe Daly (L’Association) ou Alpha… Directions de Jens Harder voisinant avec les très classiques Matthieu Bonhomme & Gwenn de Bonneval qui cherchent à renouer avec la magie de Peyo et dont la titre est d’ailleurs révélateur :L’esprit perdu.” Et de conclure, d’un point de vue que je partage: “Du point de vue de la créativité, nous vivons un âge d’or, tous les amateurs vous le diront. Un effet bénéfique de la surproduction ?” (Si vous avez le courage et une heure à occupée, je vous conseille d’aller lire sur Actua BD toutes les bisbilles autour de l’organisation du festival et entre la ville d’Angoulême, certains auteurs, les journalistes et l’Association: trop long à expliquer)
Mais pour le site belge Le Vif, au contraire, “ce palmarès est à oublier rapidement”. “Quelle mouche a donc piqué le jury pour attribuer le Fauve d’Or du meilleur album à Pascal Brutal de Riad Sattouf ?, se demande-t-il ? Si le personnage aux pectoraux sculptés à la gonflette est attachant par bien des points, il n’a pas la carrure pour porter un tel prix.”
Un constat que l’on retrouve souvent dans les commentaires sous les différents articles. A noter que Bodoï et Le Vif regrettent comme moi l’absence de récompense pour Blast et peut-être pour Delcourt en général.
Le palmarès officiel d’Angoulême 2010 :
– Grand Prix : Baru
– Prix du Meilleur Album (Fauve d’Or ) : Pascal Brutal T3 : Plus fort que les plus forts de Riad Sattouf (Fluide Glacial).
– Prix spécial du Jury (Fauve d’Angoulême) : Dungeon Quest T1 de Joe Daly (L’Association).
– Prix de la Série (Fauve d’Angoulême) : Jérome K. Jérome Bloche T21 : Déni de fuite d’Alain Dodier (Dupuis).
– Prix Révélation (Fauve d’Angoulême) : Rosalie Blum T3 : Au hasard Balthazar ! de Camille Jourdy (Actes Sud).
– Prix Regards sur le monde (Fauve d’Angoulême) : Rébétiko, La Mauvaise Herbe par David Prudhomme (Futuropolis)
– Prix de l’Audace (Fauve d’Angoulême) : Alpha… Directions de Jens Harder (Actes Sud).
– Prix Intergénérations (Fauve d’Angoulême) : Messire Guillaume – L’esprit Perdu : Intégrale de Matthieu Bonhomme & Gwen de Bonneval (Dupuis).
– Prix du Jury (Fauve Fnac-SNCF) : Paul T6 : Paul à Québec de Michel Rabagliati (La Pastèque)
– Prix jeunesse (Fauve d’Angoulême) : Lou T5 : Laser Ninja de Julien Neel (Glénat).
– Prix du patrimoine (Fauve d’Angoulême) : Paracuellos : L’Intégrale de Carlos Gimenez (Fluide Glacial)
– Prix de la bande dessinée alternative (Fauve d’Angoulême) : Special Comix N°3, Publié à Nanjing (Chine)
effectivement, un “fauve d’or” pour r. sattouf, jeune auteur talentueux de ces dernières années (rappelons un autre album,”les jolis pieds de florence”) paraît un peu décalé, tant la production nous aura offert de vraies pépites!! Il y a comme un air de copinage dans le jury!
ce n’est pas franchement le reflet ni de la tendance actuelle, ni de la diversité auquelle nous a habituer la bd francophone!
Hello,
“…j’en ai déjà abondamment parlé ici (METTRE LE LIEN)”
*ahem*… 🙂
Sinon, je suis plutot d’accord avec ton billet. Larcenet meritait qque chose pour Blast.
Mais bien content aussi de voir le meilleur album aller a Fluide!
J’aime vraiment beaucoup R. Sattouf mais je pense également que la BD nous a offert cette année assez de merveilles et de créativité pour trouver plus d’un meilleur album.
Mais le reproche fait chaque année au festival de priviligier une BD élitiste trouve ici une réponse éclatante : on peut avoir du succès, faire du 48cc et se situer (en partie, car R. Sattouf, ce n’est pas que P. Brutal) dans le mainstream, et être primé à Angoulème. D’ailleurs, Baru aussi est un auteur que l’on peut qualifier de populaire.
Finalement, le palmares dans son ensemble est très équilibré : bravo, le jury, et vivement l’année prochaine.
PS : je trouve curieux ces râleries sur la couverture de la BD par la presse une fois par an “seulement” à l’occasion du festival. Sans cette popularité, beaucoup d’album de grande qualité ne bénéficieraient d’aucune critique et ne pourraient rencontrer le “grand public”. Et personnellement, je me réjouis d’aller acheter tous les ans le jour de l’ouverture du festival le numéro spécial de Libé, que je dévore avec toujours beaucoup de plaisir.
[…] BoDoï, ici et là. Les commentaires sur le net sont souvent positifs, comme le remarque le blog Des bulles carrées, qui reste toutefois dubitatif – comme pas mal de lecteurs – sur la pertinence du choix […]
Entièrement d’accord pour Blast ! Mais Larcenet est bien content pour Baru : http://www.manularcenet.com/blog/articles/2610/la-grande-classe-2
Merci d’avoir fait ce billet, qui était bien attendu !
Vous avez dû le comprendre, je partage votre perplexité devant le fauve d’or. J’avais bien aimé le premier, bien moins le second, et doute sérieusement que le 3e (je viens de le lire), certes un album sympa, mais sans plus, mérite un quelconque prix… D’autant qu’à côté il y avait Blast (un scandale !), Rebetico ou Magasin général (qui n’a toujours pas eu de prix ! Loisel, trop classique pour la bande à Blutch ?).
Baru, au contraire, c’est un vrai grand prix : c’est à dire, quelqu’un qui a marqué sa génération, qui a inventé quelque chose de nouveau, dans le graphisme, la narration, le sujet… Par exemple, je préfère un Monsieur Jean de Dupuy et Berberian à n’importe quel Baru, mais je ne crois pas qu’ils aient autant innové et marqué le monde de la BD que lui. Là, j’applaudis.
Et ravi pour Neel, au passage. C’est un auteur enfant de très grande qualité; ma nièce à tous ses albums et ne s’en lasse pas (moi non plus !)
Assez d’accord avec toi Laureline, j’aime bien Pascal Brutal, mais de la à en faire le meilleur album de l’année (ils ont pas du lire Blast) …
D’un autre côté, avec une sélection aussi pourave et réductrice, que pouvait on esperer. C’est pas en essayant de copier le Festival de Cannes que celui d’Angoulême gagnera en légitimité et en reconnaissance. Pasque la question se pose, connaissez vous des lecteurs de BD qui se reconnaissent dans le festival ? perso, j’en connais pas beaucoup.