La censure chinoise fait le break

Y ont-ils vraiment cru? Dans la nuit de lundi, certains internautes chinois ont pu accéder à Twitter et Facebook, Youtube et Blogger. Pendant quelques heures, le Great Firewall, ce redoutable pare-feu mis en place par le pouvoir central, a semblé s’effriter. Cité par le Los Angeles Times, l’activiste Michael Anti s’est cru «dans un rêve». Bien vu. A peine Nicholas Kristof, sommité du New York Times, avait-il eu le temps de s’enquérir de cette brèche que la chape de plomb qui écrase le web chinois depuis 2003 était de nouveau opérationnelle.

A tous ceux qui espèrent une détente dans la censure, Pékin a en réalité adressé un message clair : cette ouverture momentanée des vannes n’était due qu’à une opération de maintenance d’Unicom, le principal fournisseur d’accès à Internet du pays. Le but? Cimenter les dernières failles de ce formidable outil répressif.

Très franchement, pour quelle obscure raison la Chine abandonnerait-elle la stratégie de la terreur vis-à-vis de ses citoyens numériques? Après le relâchement des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, les traqueurs du gouvernement ont pris en chasse les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête. Et les résultats sont là. Tandis que le pays compte près de 300 millions d’internautes, ils n’étaient plus que 14.000 sur Facebook au mois d’octobre (contre un million au mois de juillet). Souvenez-vous, lors de sa visite au mois de novembre, Barack Obama a mollement défendu la liberté d’expression, arguant pour un «Internet ouvert» tout en insistant sur «les traditions de chaque pays». Sans grande surprise, son plaidoyer est reparti illico presto dans la soute d’Air Force One. Début décembre, dans un écho ironique, la Chine a banni Yeeyan, la plus large communauté de traducteurs friands de presse internationale. Plus que jamais, le Pare-Feu majuscule est difficile à contourner. Il suffit d’observer le schéma ci-dessous, que s’échangent les internautes chinois, pour mesurer la taille du verrou.

Depuis les troubles ethniques au Xinjiang, en juillet dernier, les autorités ont appris à s’adapter aux nouvelles manifestations des réseaux. Comme je le relevais à l’époque pour Lexpress.fr, les censeurs avaient réagi aux émeutes en coupant les vannes dans la région, au lieu d’une réponse ciblée. Dans les colonnes du New York Times, Xiao Qiang, professeur associé à l’Université de Berkeley, dressait un constat similaire : “[les méthodes] deviennent plus sophistiquées. Les dirigeants tirent des leçons de leurs erreurs”. Et on ne peut pas dire que le blackout soit conjoncturel. Depuis quelques jours, seuls deux sites sont accessibles depuis la région à majorité ouïghoure. Vous voulez savoir lesquels? Il s’agit de l’Agence Chine Nouvelle (Xinhua) et du Quotidien du Peuple, deux organes de presse directement rattachés au Parti. La Grande Muraille de Chine n’est peut-être pas visible depuis la lune, mais on distingue bien le Great Firewall d’ici.

Olivier Tesquet

(Photos : CC@absentmindedprof & Fenng(dbanotes))

3 commentaires pour “La censure chinoise fait le break”

  1. Social comments and analytics for this post…

    This post was mentioned on Twitter by johanhufnagel: Un break dans la grande muraile https://blog.slate.fr/declassifies/2010/01/05/la-censure-chinoise-fait-le-break/

  2. Le Vietnam imite la Chine en censurant le net. Depuis peu, Facebook est bloqué. Je vous invite à lire la traduction française de l’article “Facebookers blame Vietnam for blocking site” de CNN (http://www.viettan.org/spip.php?article9376).
    Je suis triste que nos gouvernants aient décidé de privilégier l’économie au détriment de la liberté d’expression.

  3. Ce qui est important pour ce pouvoir, c’est de tenir la vanne du robinet. Ce pouvoir-là ne partage pas. Ce qui est donc amusant, c’est la course poursuite gendarme/voleur qui découle de ce positionnement psycho-rigide. Ce qui est pathétique, c’est que la course au proxy des jeunes chinois suffit à les faire se sentir dissidents, rebelles – une rébellion à 140 caractères pour finalement se satisfaire d’avoir contourné la grande muraille, transformé l’harmonie (he xie) en crabe de rivière (he xie) ou autre détournement de caractère… Pour info, une VPN coûte moins cher qu’une paire de Nike ou d’Adidas… Et j’en vois plein courir vers là où le pouvoir veut les emmener…

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