Je n’irai pas surfer en Australie

L’Australie est-elle sur le point de devenir le pays industrialisé le plus restrictif de la planète en matière d’Internet? Après avoir entériné une série de mesures coercitives depuis près de 10 ans, la monarchie parlementaire en short a passé la vitesse supérieure. Une semaine avant Noël, le travailliste Stephen Conroy, ministre de l’Economie numérique, a annoncé un plan gouvernemental plein de bonne morale. Son mot d’ordre? “Améliorer la sécurité d’Internet pour les familles”. On moquerait gentiment ce vœu pieux s’il n’était pas destiné à entrer en vigueur à l’automne 2010, après une consultation populaire.

Pour nos amis down under, le web serait d’une simplicité enfantine, un gros tuyau qu’on régule à coups de clé de 12. Pragmatique, le gouvernement fédéral voudrait instaurer un système de classification obligatoire, implémenté dans la plomberie par les fournisseurs d’accès à Internet, et dont le but suprême serait la protection de ses têtes blondes. A y regarder de plus près, je n’ai vu qu’un chiffon rouge agité sous le nez des Australiens: la pédophilie. Au nom de la protection de l’enfance, l’Australie aimerait filtrer les contenus inappropriés. Comme le rappelle Jillian C. York sur OpenNet Initiative, ce tri grossièrement sélectif cause systématiquement des dommages collatéraux. L’année dernière, Wikileaks a publié une liste noire — encore interne à l’administration — de sites à bannir. Parmi eux, celui (professionnel) d’un dentiste du Queensland… Réponse du gouvernement australien? Wikileaks a été blacklisté, tout simplement.

Depuis deux semaines, certains universitaires locaux montent au créneau, tandis que les groupes Facebook se multiplient et que la balise #nocleanfeed (“pas de flux propre”) rassemble les mécontents sur Twitter. Plus éloquent encore, un blackout de protestation est programmé par les internautes pour la fin du mois de janvier, pendant la fête nationale, afin de dénoncer les risques de congestion du réseau. Mais tout ne date pas d’aujourd’hui. Sans atteindre le niveau des “ennemis d’Internet” que sont la Chine ou l’Iran, l’Australie échoue depuis 2008 dans la catégorie des pays “sous surveillance” du classement annuel de Reporters sans Frontières. Après avoir été un havre de liberté numérique en 2006, elle côtoie désormais quelques démocraties variables à la connexion poussive : les Emirats Arabes Unis, l’Érythrée, la Jordanie, le Koweït, la Libye, la Malaisie, le Tadjikistan, la Thaïlande et le Yémen.

Olivier Tesquet

(Photo : CC @flickrsquared)

2 commentaires pour “Je n’irai pas surfer en Australie”

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