À la recherche des tomates goûtues perdues

«La Reine déchue des potagers», c’est ainsi que la pauvre tomate est décrite dans un article de M, le magazine du Monde. On parlait déjà de ce terrible constat l’année dernière sur ce blog: les tomates d’aujourd’hui, bien rouges et jouflues, n’ont plus de goût. Les logiques industrielles ont favorisé les tomates fermes et robustes, au détriment des saveurs… «Le goût, c’est d’abord la génétique, ensuite le terroir, l’année climatique, puis, tout au bout, les pratiques culturales», expliquait alors Camille Vindras, chargée de mission à l’ITAB, Institut technique de l’agriculture biologique.

Cet été, le Monde explique de nouveau que «chaque année, c’est la même histoire», «son goût n’est plus ce qu’il était», car «il aurait été égaré, prétend la légende urbaine, dans le laboratoire de quelque ingénieur agronome malfaisant. Ou dans une serre hollandaise, pays champion de la tomate high-tech. Ou encore sur un de ces lits de laine de roche où les tomates hors sol poussent en abondance, quelque part en Bretagne, qui doit être l’autre région du soleil, puisque de là proviennent la grande majorité des tomates consommées en France». S’en suit une explication très intéressante à lire pour tout comprendre.

Mais en attendant, comment faire pour retrouver le goût de la tomate? Quelques solutions plus ou moins bonnes envisagées pour régler cette question cruciale:

1) Trafiquer les gènes des tomates?

Fin juin, des chercheurs américains ont découvert un gène qui pourrait «redonner du goût aux tomates industrielles dont les producteurs favorisent, lors de la sélection des variétés, une mutation génétique qui les fait mûrir uniformément mais au détriment de la saveur», rapporte le Monde.

Car les cultivateurs de tomates sélectionnent souvent des tomates modifiées pour mûrir au même moment, et uniformément. Sauf que ce choix neutralise une protéine donnant de la saveur aux tomates. Alors “cette découverte du gène responsable de la saveur dans des variétés de tomates sauvages et traditionnelles offre la possibilité de retrouver des caractéristiques qui ont été perdues sans le savoir”, explique Ann Powell, une des auteurs.

Mais ce gène, jusqu’alors inactif dans les tomates de supermarché, augmente juste la quantité de sucre. Mathilde Causse, scientifique de l’Inra, déclare son scepticisme à Sciences et Avenir: «Il y a d’autres moyens d’augmenter le taux de sucres dans la tomate sans passer par ce gène qui donne des tomates bicolores, avec un collet vert, pouvant devenir jaunes s’il y a trop de lumière. Et puis le sucre ne suffit pas à faire une bonne tomate, il faut aussi de l’acidité, et des arômes…». Ce n’est donc peut-être pas une solution idéale, puisque tous les composants du goût (la texture, la saveur, les arômes) dépendent de nombreux gènes…

2) Donner du goût à des tomates sans goût?

Comme «ce n’est pas toujours le grand frisson dans l’assiette», les éditions Marabout proposent de «faire ressortir la gourmandise d’une simple assiette de tomates fraîches», autrement dit donner du goût à des tomates qui n’en ont pas beaucoup…

Les conseils: ne pas conserver les tomates au frigo (qui «anesthésie» leur parfum), s’y prendre à l’avance (pour que les tomates apprivoisent «leurs compagnons de salade»), leur faire subir un petit «traitement au sel et au sucre», choisir la bonne découpe qui mettra en valeur la tomate, et ne pas la noyer dans l’assaisonnement. Ce sont des alternatives envisageables dans la préparation des tomates… Mais un peu cache-misère!

3) Manger des tomates tout juste cueillies

Bon, évidemment, ça ne marche que si on a un jardin ou un très grand balcon, et la main verte en prime. Si c’est votre cas, jetez un œil aux bons conseils de Nicolas Toutain, chef jardinier du château de la Bourdaisière, à Montlouis-sur-Loire, qui abrite le Conservatoire national de la tomate.

4) Savoir raison garder

L’article de M sur la Reine déchue nous interroge… Est-ce que l’histoire du «vrai goût» ne relève pas du fantasme? Le chef avignonnais Christian Etienne déclare qu’ «on cherche aussi le bon pain d’avant et il y a toujours eu du bon et du moins bon pain, comme il y a toujours eu des bonnes et des mauvaises tomates». De plus, comme l’explique le magazine du Monde, «le goût est chose extrêmement subtile – celui de la tomate met en jeu 300 à 500 molécules (sucre, mais aussi tanins, terpène, flavonoïdes, acides aminés…) – et très personnelle».

5) Soutenir ceux qui se démènent pour les variétés malmenées

Des producteurs et des institutions font tout pour faire revivre des «variétés malmenées par la recherche», souligne M. Les fêtes de la tomates, le développement des variétés anciennes, les producteurs qui sélectionnent des bonnes espèces et les font pousser avec amour, les chefs qui mettent la tomate goûtue à l’honneur… Voilà de quoi manger de la tomate pas dégueu et même délicieuse. En gardant bien en tête que “le goût de la tomate” est une notion très subjective…

Photo: Tomates du panier/ marlenedd via Flickr CC License by

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Carrot City: des villes à manger

Des vieilles chaussures, des sacs de courses, des petits coins de toits ou des aéroports désaffectés: tout est bon pour cultiver en ville. C’est ce que démontre l’exposition-phénomène Carrot City, qui, après Paris cet été, continuera sa route vers Strasbourg et Lyon.

Quelques carottes géantes et trois ou quatre dizaines de panneaux didactiques. Le visiteur non informé a toutes les chances de passer à côté de l’une des expositions pourtant les plus emblématiques du moment: Carrot City qui s’est invitée dans les jardins du parc de Bercy jusqu’à fin septembre, avant de déménager pour Strasbourg et Lyon, en fin d’année.

Car Carrot City est bien plus qu’une exposition. C’est une expérience lancée un peu par hasard en 2009 à Toronto (Canada) et qui prend désormais une ampleur mondiale tout à fait inattendue. Au point d’en devenir (presque) un phénomène de société.

«Au départ, nous avions conçu une exposition pour la publier sur Internet, raconte Jo Nasr, docteur à l’université canadienne de Ryerson. Son succès nous a dépassés. Le site web contient désormais plus d’une centaine de panneaux, l’exposition a déjà circulé dans 15 villes et trois continents et Carrot city est devenu un véritable lieu d’échanges et d’idées sur l’agriculture urbaine.»

Qu’on se le dise: faire pousser des carottes (pommes de terre, fraises, salades…) sur les balcons (toits, cours d’immeubles, terrains désaffectés…) est désormais extrêmement tendance. Voire indispensable: quand plus de la moitié de la population mondiale est urbaine, le lien avec l’agriculture se distend dangereusement, constate Fabienne Giboudeaux, adjointe au maire de Paris chargée des espaces verts.

Si, il y a encore 20 ans, chacun avait encore, via ses parents ou grands-parents, accès à un jardin potager, voire à une ferme, cet héritage vert est en train de disparaître. Et rares sont les petits citadins à savoir encore à quoi ressemble un plant de pomme de terre, ou des haricots verts.

Or comment savoir si l’on mange «bien» lorsque certaines connaissances de base ont disparu? «Nous ne pouvons pas non plus ignorer que toute une frange de la population n’a plus accès à une alimentation saine et de qualité», renchérit l’adjointe au maire.

Des cultures à déménager vite à la valorisation des bidonvilles

Si acheter fruits et légumes devient trop cher, les faire pousser chez soi devient alors une alternative.

De toutes façons, l’approvisionnement des métropoles à l’heure où les transports faciles et bon marché semblent condamnés à se raréfier devient une véritable question. Même si, bien entendu, personne ne rêve –ni même ne préconise– à une réelle autarcie.

Bien plus qu’un réceptacle des différentes expériences en cours, Carrot City est donc devenu un prétexte pour les multiplier. Aucune idée n’est a priori tabou, ni les fermes urbaines en forme d’immeubles, ni les traditionnels jardins partagés.

Quelques-unes sont particulièrement rigolotes: les Ecobox, à Paris, par exemple. Ici, les cultures sont en pots, ou en paniers, dans des carrés de bois ou même dans de vieilles baskets trouées. Mais le tout repose sur des palettes «car il faut pouvoir les déménager vite», explique l’un de ses initiateurs. Il est vrai que le mouvement, parfois, investit des lieux pas encore autorisés, comme les toits de parkings désaffectés.

D’autres sont tout simplement réalistes: telles celles menées par le «minimum cost housing group» à Rosario (Argentine) et Colombo (Sri Lanka) où l’on implante des cultures vivrières sous toutes les formes possibles au milieu de bidonvilles.

Quelques projets futuristes intéressants aussi: celui des «ravine city» où l’on regroupe culture et habitat, les déchets de l’un approvisionnant l’autre, et vice-versa.

En région parisienne aussi, les expérimentations commencent à se multiplier y compris à Paris qui a fait de 2012 l’année de l’agriculture urbaine. Montreuil, ville dirigée par la verte Dominique Voynet depuis 2008, a elle aussi présenté les multiples initiatives (dont la réhabilitation des «murs à pêches») prises pour rendre cette banlieue… un peu plus comestible!

Catherine Bernard

Photo: le toit de l’immeuble accueillant la conférence de Durban sur le changement climatique, en 2011, aménagé en jardin. REUTERS/Rogan Ward

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Bien manger en Birmanie: un Eden nommé Inle

Deuxième épisode du tour du monde du bien manger de Maud Descamps

C’est dans l’un des pays les plus fermés au monde que l’on découvre un jardin d’Eden où aubergines, tomates, choux et autres délices poussent loin de la terre, bercés par les eaux du lac Inle.

Ce n’est pas pour sa gastronomie que l’on se rend en Birmanie. Et c’est bien dommage! Chaque année, de plus en plus de touristes en quête de contrées encore intouchées parcourent le Myanmar en minibus privatisés à la découverte de sites historiques et naturels absolument magnifiques. Une raison qui justifie pleinement le déplacement –certes– dans ce pays marqué par plus cinquante années de dictature militaire, mais il existe un voyage parallèle tout aussi authentique. Et celui-ci s’apprécie avec les yeux et le palais.

Bien manger oui, mais en dehors des sentiers battus

Attablés aux restaurant des hôtels gouvernementaux, les vacanciers sont bien loin de soupçonner l’existence d’un monde où les saveurs et le vrai goût abondent. Car sans vraiment chercher, il est dur, en Birmanie, de bien manger.

Notre assiette calibrée par quelque chef pour occidentaux, en quête de saveurs venues d’ailleurs, nous emmène bien souvent chez les voisins indiens ou chinois plutôt que dans les contrées Shan ou Karen, pourtant réputées pour leur cuisine savoureuse.

Les années passées sous la coupe de la junte militaire n’ont sûrement pas aidée à «exporter» l’image d’un pays où il fait bon manger. Pourtant, l’assiette birmane mérite que l’on y plonge sa fourchette –ou ses baguettes– avec gourmandise. Il y a d’abord ces mets incontournables que sont le Mohinga, un plat préparé à base de pâte de poisson et de vermicelles ou encore le Yuzana, un poisson grillé aux légumes.

Le potager de la Birmanie

Et puis il y a ce petit coin de paradis, ce jardin d’Eden pour nos palais en quête de produits frais et au goût d’antan. Pour s’y rendre, il faut quitter la poussiéreuse Rangoon et monter au centre-est du pays, à sept heures de bus.

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