Les critiques de l’alimentation industrielle entraînent une “naturalisation” de l’offre

Nous sommes régulièrement touchés par des scandales alimentaires, ce qui nous pousse à vouloir du vert, du “naturel”, vaste notion aux contours flous…

“Critiques de l’alimentation industrielle et valorisations du naturel: sociologie historique d’une “digestion” difficile (1968-2010)”, c’est le titre de la thèse d’Olivier Lepiller, menée sous la direction de Jean-Pierre Poulain. Le désormais docteur en sociologie est venu présenter son travail lors d’une conférence organisée par le Fonds français Alimentation & Santé.

On parle d’un sujet d’actualité brûlante. Mais depuis déjà près de 15 ans, un contexte très critique cohabite avec “la multiplication des garanties données à la critique”.

Allez, un peu de socio et des typologies qui nous aident à comprendre… Premier constat d’Olivier Lepiller: “il y a un problème de confiance entre les mangeurs nourris et les industriels nourriciers”, autour de thématiques comme les OGM, les additifs, l’huile de palme, les publicités abusives, les tromperies sur la marchandise…

Alors les mangeurs critiquent, sous plusieurs formes selon Olivier Lepiller:

–       La critique toxicologique, avec comme argumentation: l’industrie agroalimentaire néglige la santé, intoxique…

–       La critique politique et morale: l’agroalimentaire exploite, domine injustement, dupe, trompe, dissimule… Cette critique a des sous-catégories, les critiques “consumériste”, “ruraliste”, “tiers-mondiste”, “altermondialiste”, “gastronomique et identitaire”, “animaliste”…

–       La critique écologique: les modes de production industriels polluent, détruisent l’environnement et la biodiversité…

–       La critique diététique: l’industrie appauvrit les aliments, détraque les régulations physiologiques et socioculturelles…

Ces critiques semblent avoir des effets sur la communication, le marketing, les manières de produire ou les formulations. Les acteurs de l’offre veulent démontrer leur vertu, avec du bio, des emballages verts…

Depuis les années 1990 et la crise de la vache folle, on observe ainsi clairement une certaine tendance à la “naturalité”. Une volonté de donner des gages de bonne conduite et de qualité: la lettre scientifique d’Olivier Lepiller précise que “de plus en plus souvent, la nature est convoquée comme une instance morale sanctionnant les actions humaines”.

Là aussi, petite typologie de la contre-attaque agroalilentaire,  le travail de naturalisation (attention mot hyper-polysémique!) des produits industriels:

–       Un travail de naturalisation “inspiré”, avec l’absence d’artificiel et moins d’interventions techniques: la communication sur le “sans colorant ni conservateur”, les céréales complètes, le lien avec le sauvage (“miel de montagne” par exemple), l’absence d’éléments chimiques, la production décrite comme spontanée (“la nature nous offre…”), le “100% vrai”…

–       Un travail de naturalisation domestique, qui “met en avant des modes de production inscrits dans un héritage”: avec comme argument de vente des technique de production naturalisées (“des procédés naturels”…), des méthodes “artisanales” ou “traditionnelles”, la mise en scène du passé (pubs avec la nappe à carreau de mamie)… On pourrait ajouter la proximité et le local mis en avant par les industriels, évoqués ici il y a peu.

–       Un travail de naturalisation écologique, avec la promotion des actions positives sur l’environnement (“actions en faveur de la biodiversité”…), limitation des effets nocifs (économies d’énergie dans la production…), labellisation AB…

–       Un travail de naturalisation industriel, sur des produits en accord avec les recommandations nutritionnelles, avec l’ajout d’une substance recommandée (par exemple “enrichi en Oméga 3”). Une idée appuyée par “des arguments issus de la biologie de la nutrition, qui est une science de la nature”.

Ces types de naturalisation sont chacun plus ou moins reliés avec les différents types de critiques de l’alimentation industrielle identifiées plus haut.

La critique est bien “digérée”, par “l’adoption par les acteurs industriels de qualifications marchandes précisément pensées, à l’origine, contre l’industrialisation”. Une sorte de détournement alors…

Et au fait, pourquoi on aime manger des trucs “naturels”? Une piste: ces produits, on les mange, on les incorpore dans nos corps. Et, conclut Olivier Lepiller dans sa lettre scientifique, “l’incorporation met directement en jeu la dimension naturelle des mangeurs à travers leur corps, qui les rattache au domaine du vivant et du naturel”.

Photo: Greens and vegetables at Whole Food Market, London/  ciao_yvon via FlickCC License by

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Comment lire les étiquettes des plats industriels surgelés?

En ces temps d’ «affaire Findus» et d’histoires peu ragoûtantes de lasagnes à la viande de cheval, on s’interroge quelque peu sur la composition de notre assiette remplie de “prêt à manger” surgelé.

Comment lire une étiquette de plat industriel pour comprendre ce qu’il y a vraiment dedans? Voilà quelques petites idées générales, et je vous parlerai très bientôt d’ingrédients bien précis ayant des rôles et des noms très mystérieux…

Bon d’abord, il s’agit de mettre ses lunettes, de s’arrêter deux secondes dans un rayon froid, de prendre le temps d’observer l’emballage et de lire jusqu’au bout même si on est pressé. Et ensuite, de faire attention certaines choses:

De l’importance de l’ordre des ingrédients

Stéphane Gigandet, fondateur d’Open Food Facts, un site d’open data de l’assiette créé justement pour lutter contre le manque de transparence de l’industrie agro-alimentaire (on en parlait ici même en juin dernier), explique que «les ingrédients arrivent par ordre d’importance. On peut en déduire les quantités». La proportion de chaque matière première n’est pas obligatoirement mentionnée. Mais si la graisse (ou le sucre) arrive en 2ème ou 3ème position dans la liste, ce n’est pas bon signe…

Regarder l’origine des produits (si elle est mentionnée…)

Dans les produits industriels préparés, indiquer l’origine des produits n’est pas obligatoire. Aujourd’hui, l’origine des produits doit être précisée seulement pour des produits bruts comme la viande bovine, les fruits et légumes, les produits de la pêche, le miel et l’huile d’olive (une obligation européenne qui sera étendue en décembre 2013 aux viandes de porc, de volaille, de mouton et de chèvre).

Cependant, le gouvernement a déclaré hier vouloir entreprendre une «action volontariste en Europe pour une information obligatoire sur l’origine de la viande entrant dans la composition des plats cuisinés», en rappelant que les règles sont définies au niveau communautaire dans ce domaine.

Le site du ministère de l’Agriculture précise que selon le ministre Stéphane Le Foll, “aujourd’hui, chez le boucher, on sait d’où vient le steak. On doit connaître l’origine des viandes dans les produits transformés. il y a un problème d’étiquetage de ces produits». Nous observerons avec attention comment cette volonté se traduit dans les faits.

Stéphane Gigandet explique que l’origine est mentionnée quand elle est flatteuse: «Par exemple, les lasagnes de Findus en Suisse, qui appartiennent toujours à Nestlé, indiquent officiellement que leur viande est d’origine suisse. Quand l’information a une connotation positive, personne ne se gêne pour la donner !». Dans la même logique, une «huile d’olive vierge extra» est mise en avant dans la liste inscrite sur les étiquettes, alors qu’une huile d’olive basse qualité et donc moins chère, s’appellera juste «huile d’olive», comme vous vous en doutez…

Imaginer le contenu charmant caché derrière le mot «viande»

Le boucher Yves-Marie Le Boudonnec l’expliquait en début de semaine sur le site Atabula: même quand la «viande de bœuf» est bien du bœuf, cette dénomination sans précision sur le morceau signifie que l’on mange du «minerai», autrement dit «un magma de marchandises assez indéfini, dans lequel nous retrouvons du maigre, du gras et du collagène. Cela existe dans tous les abattoirs et avec toutes les espèces de viandes abattues. Ensuite, ce minerai est revendu à qui en veut”.

Attention aux images et aux mots

«Le devant des produits est trompeur. Le plat ne ressemble jamais à la photo quand on ouvre l’opercule !» dit Stéphane Gigandet. La photo du plat surgelé ressemble rarement à la réalité, merci le Photoshop de la bouffe. Des mots nous font aussi déduire des choses fausses. Un produit se vantant d’être «fabriqué en France» ne l’est pas forcément avec des produits français. Ils peut s’agir de produits faits avec des tomates cultivés en Amérique latine, ou avec de la viande roumaine, au hasard, le tout étant assemblé dans une usine on ne peut plus franchouillarde.

Un cassoulet dit toulousain peut très bien avoir été fabriqué dans les environs de Toulouse, mais avec du canard qui n’a jamais vu le Sud-Ouest de son vivant. Sauf que comme la mention de l’origine de la viande n’est pas obligatoire dans les plats préparés, on n’en saura pas plus, même si on lit toutes les petites lignes de l’étiquette.

La CLCV donnait d’autres exemples dans son sondage – prémonitoire – rendu public la semaine dernière: la marque “France Champignons” qui vend des pleurotes venues d’Espagne, “Jardins du Midi” qui vend des oignons on ne peut plus australiens…

“huiles végétale” = huile de palme ?

Quand la nature de l’ «huile végétale» reste floue, c’est assez souvent de l’huile de palme. Il y a toujours un bénéfice du doute, mais généralement les étiquettes le précisent quand il s’agit d’huiles de tournesol ou de colza, beaucoup moins controversées… En 2016, ce flou artistique devrait évoluer avec les changements progressifs des réglementations européennes.

Attention aux «saveurs» et «goûts»…

… Qui sont des arômes et non de vrais ingrédients. Un plat avec une sauce “goût tomate” est surtout parfumé à la tomate (ou alors le goût de vraies tomates peu goûteuses mais bien présentes peut être renforcé par un arôme).

Cet arôme peut être artificiel, ou bien naturel, fabriqué soit à partir du produit concerné («arôme naturel de vanille » dans une crème glacée par exemple) soit non…  Stéphane Gigandet explique qu’on peut par exemple «faire de l’arôme naturel d’amande avec des noyaux d’abricots». Par contre, les industriels peuvent se contenter d’inscrire “arômes”, sans préciser arôme de quoi. Point barre. Dans ce cas-là, impossible d’en savoir plus, sauf si vous êtes un inspecteur de la DGCCRF.

Pour conclure, Stéphane Gigandet pense que «les étiquettes manquent clairement d’informations et de précisions. Du coup, il y a rarement de vrais signaux d’alarme».

Si vous avez toujours rêvé de savoir à quoi servait la dextrose, les émulsifiants et les correcteurs d’acidité, revenez par ici ce week-end, je vous prépare une petite liste très appétissante. Mais en attendant, pourquoi ne pas fabriquer vos propres lasagnes?…

Lucie de la Héronnière

Photo: MorningStar Farms Lasagna with Sausage-Style Crumbles/ theimpulsivebuy via FlickCC License by

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Les Français veulent être mieux informés sur l’origine des aliments

La CLCV (Consommation, Logement et Cadre de Vie), une association de consommateurs, vient de rendre public un sondage (réalisé sur 1040 personnes) sur les attentes des consommateurs en matière d’informations sur l’origine des produits alimentaires.

L’association fait d’abord le constat d’une situation de départ à améliorer:

« Aujourd’hui, l’information des consommateurs sur l’origine des produits alimentaires est déficiente. En effet, cette information n’est obligatoire que pour certaines catégories de produits: les fruits et légumes, la viande bovine, le poisson lorsqu’il n’est pas conditionné ou préparé, le vin, l’huile d’olive, la volaille lorsqu’elle ne vient pas de l’Union européenne, le miel et les œufs. Pour les autres produits, les labels officiels comme l’AOP et l’IGP peuvent bien sûr fournir une information mais les produits ainsi labellisés sont beaucoup plus chers et pas toujours disponibles.»

Marketing

En plus, la CLCV souligne que des origines peuvent être suggérées à travers la pub ou l’image des marques, mais induire les consommateurs en erreur.

Ainsi, «Findus met en avant le fait que ses produits Croustibat sont fabriqués à Boulogne‐sur‐Mer mais l’origine du poisson est plus lointaine: Pacifique ou Alaska suivant les espèces». L’origine des matières premières n’est pas la même chose que le lieu d’élaboration…

Autres exemples donnés par la CLCV, la marque «France Champignons» qui vend des pleurotes venues d’Espagne, ou «Jardins du Midi», qui vend des oignons australiens… Ou encore le jambon de la marque «Aoste», produit fabriqué en Isère… Et non en Italie comme le «Jambon d’Aoste»,  qui bénéficie quant à lui d’une appellation d’origine protégée.

Viande tracée

Alors, 99% des sondés considèrent qu’il est important d’être informé de l’origine du contenu de nos assiettes, que ce soit pour contribuer au développement économique d’une région ou d’un pays (71%), ou pour des motifs d’ordre environnemental (66%), social (63%) ou concernant la sécurité des produits (62%).

79% des gens aimeraient avoir des infos plus précises sur l’origine de leur viande: lieux de naissance, d’élevage et d’abattage des bêtes. Pour une confiture, 92% des sondés souhaiteraient avoir des infos sur le lieu de production des fruits ET le lieu de fabrication du produit.

La CLCV profite de ces résultats pour tenter d’influer sur l’évolution progressive de la réglementation européenne sur l’étiquetage, qui prévoit plus de transparence.

Elle souhaiterait notamment rendre obligatoire la mention de l’origine sur les produits composés d’un seul ingrédient comme l’huile ou la farine. Et voudrait qu’on donne aux consommateurs des infos sur l’origine des principaux ingrédients (50%) dans les produits élaborés.

Enfin, l’asso demande aussi que l’origine des ingrédients corresponde au lieu de production de la matière première… Et non de sa transformation.

Photo: supermarket/ xophe_g via FlickCC License by

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L’Union européenne fait le ménage dans les allégations de santé

Beaucoup de yaourts, biscuits ou encore boissons sont vendus avec des arguments marketing faisant appel aux bénéfices sur la santé. Ces produits sont censés renforcer les défenses naturelles de l’organisme, retarder le vieillissement de la peau ou favoriser le transit… Le Monde.fr explique que la Commission européenne a adopté une liste d’allégations de santé autorisées et interdites. De quoi y voir plus clair dans le bombardement de messages  parfois trompeurs?

A la demande d’associations de consommateurs, la Commission a donc passé au crible étiquettes, emballages et publicités présentant des messages pouvant prêter à confusion, pour répertorier les allégations «sur la base d’avis scientifiques solides». Ce processus a été lancé en 2008. Les Etats membres ont soumis une liste de 44 000 allégations, que la Commission a réduit à 4600. Toutes n’ont pas encore été examinées, l’examen se poursuit pour  plus de 2000 messages.

Au final, la liste comprend pour l’instant 222 allégations de santé qui seront autorisées dans les 27 pays de l’Union Européenne. Parallèlement, 1600 allégations ont été interdites.

Le site Quoi.info précise par exemple que Kinder va devoir changer l’argument de vente de ses barres chocolatées qui étaient censées aider les enfants à grandir… Pareil pour la boisson aux cranberries Ocean Spray, qui ne pourra plus se vanter de prévenir les infections urinaires.

Autre exemple, les professionnels de la filière laitière utilisent souvent l’argument selon lequel manger 3 produits laitiers par jour aide les enfants et les ados à rester minces. Pour les autorités européennes, l’expression «produits laitiers» est trop large pour que la formule soit recevable. Pareil pour l’Actimel de Danone, composé d’un ferment actif supposé protéger l’organisme. Les preuves de ce bienfait sont jugées pour l’instant insuffisantes.

Les fabricants utilisant des allégations interdites ont maintenant 6 mois pour changer les étiquettes et les pubs. Selon le Monde.fr, la Commission a précisé qu’ “à partir du début du mois de décembre, toutes les allégations qui ne sont pas autorisées ou à l’examen seront interdites”. Dans les pays membres, les autorités chargées de faire respecter la législation «pourront désormais s’appuyer sur une liste unique d’allégations, assorties des conditions de leur utilisation».

Photo: 果汁 超市/ Ben XU via FlickCC License by

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