Le secret des régimes hyperprotéinés enfin dévoilé

Tenter de perdre du poids, c’est immanquablement entendre parler des vertus des régimes hyperprotéinés. Celles et ceux qui les ont expérimentés ont le plus souvent découvert des effets rapides suivis, à moyen ou long terme, de succès divers. Dans tous les cas, des questions demeuraient sans réponses précises.

Comment comprendre que le fait d’augmenter la proportion de protéines dans le bol alimentaire permet de perdre du poids? Ou plus précisément comment un repas riche en protéines déclenche-t-il un effet coupe-faim durant plusieurs heures après son absorption?

C’est précisément à cette question que vient de répondre une équipe française de chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l’université Claude-Bernard de Lyon. Dirigée par Gilles Mithieux  (directeur de l’unité Inserm «nutrition et cerveau»), elle publie le fruit de ses travaux dans la revue spécialisée Cell (résumé en anglais).

Ces chercheurs expliquent en substance avoir identifié des récepteurs bien particuliers (dits «mu-opioïdes») situés dans le système nerveux de la veine porte (située entre les organes digestifs et le foie). Ces récepteurs neurologiques communiquent directement avec le cerveau. En pratique, une fois que ces récepteurs sont inhibés par les produits de digestion des protéines, le cerveau déclenche des messages qui ont pour effet de provoquer une synthèse intestinale de glucose qui provoque alors rapidement un effet de satiété bien connu.

C’est le glucose qui joue son rôle de coupe-faim

En 2004, la même équipe de l’Inserm avait déjà démontré qu’un repas riche en protéines induisait une synthèse de glucose par l’intestin. Il restait toutefois encore à découvrir par quel mécanisme les protéines induisent cette «néoglucogenèse» intestinale. Et c’est précisément l’objet de la publication de Cell.

Il faut savoir que dans le tube digestif, les protéines sont naturellement digérées sous forme de petits peptides constitués seulement de deux ou trois acides aminés«Nous avons découvert que ces petits peptides libérés dans le sang sont interceptés par des récepteurs “mu-opioïdes” de la veine porte (les mêmes récepteurs que pour la morphine), avant d’être utilisés par le foie», expliquent les chercheurs.

Ces récepteurs sont inhibés par la présence de ces peptides, ce qui a pour effet de déclencher l’activation du nerf vague (ou nerf pneumogastrique). Ce dernier communique avec le cerveau et son activation induit une réponse en forme d’arc réflexe. La réponse nerveuse induit alors l’expression des gènes qui commandent la «néoglucogenèse» intestinale. Le glucose joue ensuite aussitôt son effet coupe-faim. Au total, cette séquence d’événements dure entre cinq et six heures.

Il faut savoir aussi distinguer le rassasiement de la satiété. Le premier est l’arrêt de la faim au terme du repas du fait de la distension gastrique. La seconde est quant à elle l’absence de faim pour le repas suivant; elle se situe donc bien à distance du dernier repas.

Le danger des régimes hyperprotéinés

L’effet induit par les protéines qui agissent avec un effet retard correspond donc bien à la satiété. Pour Gilles Mithieux, il ne fait aucun doute que le mécanisme mis en évidence par son équipe explique parfaitement la perte de poids induite par les régimes hyperprotéinés. «Toutefois, dans notre expérience, les souris ont reçu une quantité de protéines multipliée par trois, soit 50% de la ration calorique totale. En nourriture humaine, ces taux sont impossibles à atteindre car le repas perdrait toute palatabilité», ajoute-t-il. Par palatabilité entendre agréable au goût.

«De ce point de vue, je suis un fervent adversaire des régimes, poursuit Gilles Mithieux, notamment des régimes très rapides où l’on perd beaucoup de poids. L’organisme et le cerveau s’en défendent et mettent en place des mécanismes de stockage accélérés, ce qui au final favorisent la prise de poids et qui plus est à niveau supérieur. En revanche, je recommande d’augmenter la ration en protéines à la même valeur que celle recommandée par le PNNS soit 20% à 25% de protéines.»

Or le repas français habituel ne compte généralement que de 10% à 15% de protéines. Et un repas qui contiendrait 20% de protéines reste un repas équilibré où l’on conserve le caractère agréable des aliments et une sensation de satiété.

L’identification de ces récepteurs ouvre d’autre part des perspectives thérapeutiques: la découverte de molécules capables de les sensibiliser au niveau intestinal (et non cérébral comme certains coupe-faim) ferait qu’elles pourraient jouer le même rôle qu’une ration de 50% de protéines; et ce  sans que l’on ait à les avaler.

J.-Y. N.

Photo: Beef! par Comprock via Flickr CC Licence by

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Pourquoi mangeons-nous trop?

 

On ne mange pas simplement parce qu’on a faim, et on ne s’arrête pas nécessairement de manger lorsqu’on n’a plus d’appétit (sinon la vie serait trop simple et les diététiciens n’auraient plus de travail!).

Au lieu d’écouter notre estomac, nous avons tendance à faire confiance à toutes sortes de facteurs extérieurs, comme la taille de notre assiette et de notre portion (qu’on mangera en entier même si elle fait le double de d’habitude) ou l’appétit des gens qui nous entourent (qu’on suivra pour continuer de manger, ou s’arrêter).

Plusieurs études ont observé de près ce phénomène, et une nouvelle recherche (à paraître en avril 2012 dans le Journal of Consumer Research) s’intéresse plus particulièrement à la question suivante: pourquoi est-ce que les gens optent pour des portions plus grandes –par exemple commander le plus grand café chez Starbucks ou la plus grosse portion de frites au McDo?

Trois psychologues d’HEC Paris et de l’école de management Kellogs ont testé l’hypothèse selon laquelle nous ferions nos choix pour des raisons sociales, rapporte Wired:

«L’acte de choisir une taille de portion spécifique dans un ensemble d’options arrangées hiérarchiquement est une façon pour les individus de signaler à d’autres leur rang relatif dans la hiérarchie sociale. En conséquence, les portions plus grosses seraient sélectionnées par les consommateurs, non pas seulement par faim mais par un désir de signaler leur statut.»

Grâce à plusieurs expériences, les chercheurs ont notamment montré que leurs sujets percevaient les gens avec un plus grand café comme ayant un statut social plus élevé que ceux qui prenaient une taille moyenne ou petite de café (ou de smoothie ou de pizza), même si le prix était le même.

Une autre expérience a montré que ceux à qui l’on demandait de se souvenir d’un moment où ils s’étaient sentis impuissants avaient deux fois plus tendance à prendre la plus grande taille de smoothie (et donc plus du double de calories) que ceux qui se souvenaient d’un moment où ils s’étaient sentis puissants (ces derniers préféraient la plus petite taille de boisson).

Comme l’analyse Wired, cette étude dessine un triste cercle vicieux: un des facteurs qui nous fait trop manger est le manque de statut, puisque nous essayons de grimper l’échelle sociale en consommant des portions plus importantes. Mais cette consommation mène à une prise de poids qui «met en péril l’évolution de son statut vu le stigma social qui accompagne le fait d’être en surpoids», notent les chercheurs.

Petite note d’espoir: quand les psychologues ont dit à leurs sujets que les plus petits hors d’œuvres étaient servis aux réceptions prestigieuses, les participants qui se sentaient impuissants ont mangé 25 calories de moins que ceux qui se sentaient puissants.

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Pourquoi on reprend du poids après un régime

C’est la faute des hormones si l’on reprend du poids après un régime, selon un article du Los Angeles Times.

Le constat est alarmant: 4 personnes sur 5 ayant fait un régime reprennent tout le poids perdu un an ou deux ans après, avec souvent quelques kilos en plus pour compléter le tableau.

Un rapport publié mi-octobre par une équipe de chercheurs dirigés par Joseph Proietto, du département de médecine de l’université de Melbourne, dans la revue New England Journal of Medicine, montre qu’après un régime, les personnes ont encore plus faim, et que leur corps stocke des calories, de la graisse pour compenser.

Selon eux, lors d’une perte de poids, le corps met tout en œuvre pour les reprendre, grâce à une longue liste d’hormones chargées de réguler l’appétit, la sensation de satiété et la dépense d’énergie, qui sont autant de «mécanismes de compensation». Ces hormones «travaillent individuellement et collectivement à lutter contre la perte de poids», selon Barbara E. Corkey, une chercheuse de l’université de Boston spécialisée dans l’obésité.

Pour l’étude, 50 hommes et femmes obèses sans problèmes majeurs de santé ont été mis à un régime draconien pendant 8 semaines. Les chercheurs ont ensuite analysé leur teneur en certaines hormones qui affectent l’appétit et le métabolisme, deux semaines après la fin du régime puis an plus tard. Ils les ont aussi interrogés sur leur sensation de faim. Les résultats sont alarmants. Sur les 50 personnes, 34 ont tenu le régime jusqu’au bout. Celles-là ont perdu en moyenne 13,5 kg au bout de 10 semaines. Un an plus tard, ils ont repris en moyenne 5 kg, et se sont tous plaints d’une sensation de faim beaucoup plus forte qu’avant le régime.

Mais pourquoi le corps réagit-il ainsi? Dans un article de Newsnet 5, le docteur Rudolph Leibel, expert en obésité à l’université de Columbia à New York, explique que le métabolisme met en place une stratégie de compensation, selon un principe de conservation naturelle, pour assurer la survie et les capacités de reproduction de la personne. Il explique:

«Les personnes ayant perdu du poids, non seulement ont des sensations de faim beaucoup plus fortes, mais brûlent en plus moins de calories que les autres.»

Le résultat de ces recherches pourraient permettre de créer de nouveaux médicaments qui visent à aider les personnes ayant fait un régime, afin qu’elles ne reprennent pas de poids après, selon Los Angeles Times.

Photo: yoyo. encaso via Flickr CC Licence By

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Comment la pomme de terre a changé le monde

La patate, cinquième plus importante culture dans le monde après le blé, le maïs, le riz et le sucre de canne, pourrait symboliser la mondialisation.

Originaire des Andes péruviennes, elle est importée en Europe par les Espagnols au début du XVIe siècle et connaît des records de consommation aux Etats-Unis, qu’elle soit frite, cuite ou en purée. Comme la mondialisation, la pomme de terre, qui appartient à la famille des solanacées, est l’objet de critiques: crainte par les Français pour les flatulences que sa consommation provoquerait ou redoutée par les Britanniques qui y voient une importation du catholiscisme romain («Pas de pommes de terre, pas de papauté» était un slogan politique en 1765).

Pire, sa contamination par le mildiou, un champignon parasite, provoque une pénurie alimentaire à grande échelle entre 1845 et 1848 en Irlande où la tubercule de pomme de terre constituait la nourriture de base des paysans irlandais. Par conséquence, on doit à la pomme de terre l’émigration massive de survivants irlandais aux Etats-Unis au XIXe siècle, raconte le Smithsonian Magazine qui retrace l’histoire de la pomme de terre. Un aliment qui avait déjà été mis sur un piédestal lors de l’année internationale de la pomme de terre en 2008.

La Grande Famile irlandaise va servir a posteriori d’accélérateur de perfectionnement des techniques agricoles européennes et de sa démographie en raison des qualités nutritives des pommes de terre cultivées, entre autre, par les paysans allemands.

Dans l’article sur la pomme de terre de l’Encyclopédie, le philosophe français Denis Diderot estime que la pomme de terre «ne peut être regardée comme un aliment appétissant, mais il procure une quantité abondante d’une nourriture raisonnablement bonne pour des hommes qui veulent avant tout du consistant». Pour l’historien William H. McNeill, la pomme de terre a contribué à l’édification de vastes empires coloniaux européens:

«En nourrissant des populations qui croissent rapidement, elle a permis de garantir la prédominance d’une poignée de nations européennes sur le monde entre 1750 et 1950.»

En France, la culture de la pomme de terre s’est amplifiée grâce aux efforts du scientifique Antoine-Augustin Parmentier pour l’introduire dans l’alimentation du roi Louis XVI, dont le pouvoir été menacé par la hausse continue du prix du pain, pour montrer que la pomme de terre était une alternative tout aussi nutritive.

J.C

Photo: Des quartiers de pommes de terre avec des oignons RBerteig via Flickr CC License by

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