“Ma cantine en ville”, un voyage au coeur de la la street food mondiale

Inde, Préparation et distribution de Lassi, © Arnaud Sarteur

Brochettes de viande à Tunis, ananas en tranches en Antananarivo, riz soufflé aux épices au Bengladesh, patates douces à la vapeur au Japon, bananes séchées et grillées à Phnom Penh… La street food est déclinable à l’infini dans chaque pays, tout comme les manières de la préparer et de la vendre: foyer au sol au Mali, homme-sandwich à Berlin, baraque à frites dans le nord de la France, mobylette avec vitrine en Indonésie, et de nombreux autres dispositifs plus ou moins bricolés.

Partout dans le monde, le phénomène de cuisine de rue s’amplifie en même temps que l’urbanisation. «Ma cantine en ville», une exposition présentée dans la galerie Via, à Paris, propose un panorama très large de ce que le monde produit comme street food.

Fiona Meadow et Michel Bouisson, commissaires de l’expo, expliquent dans le livret «Ma cantine en ville» que le développement rapide de la street food témoigne «tout à la fois de l’ampleur de la précarité économique, de l’attachement à des coutumes et à des valeurs culturelles menacées, de l’aspiration à un renouveau de l’espace public, voire de l’affranchissement des individus vis à vis des normes collectives». La street food brasse donc pas mal d’enjeux importants…

Chaque pays, chaque continent, a ses spécificités. On peut donc observer des dizaines de pratiques différentes sur des photos installées sur de grandes tables, à la manière d’un carnet de voyage de la cuisine de rue. Tout cela témoigne de «la diversité des contextes et des usages liés à cette activité, ainsi que de la capacité d’adaptation des individus à leur environnement». La street food est déclinée à l’infini, et c’est cela qui est passionnant.

Des croquis expliquent simplement comment les restaurateurs de rue d’organisent, se fournissent, cuisinent, valorisent leurs plats… Faire de la street food nécessite souvent beaucoup d’imagination! Les tenanciers d’échoppes de rue doivent s’adapter au climat (et fabriquer des auvents par exemple), trouver des enseignes attractives, un véhicule qui se faufile dans les rues, des plats qui plaisent à la population locale…

Partout dans le monde, un «dispositif de cuisine de rue» doit être bien pensé pour assurer ses fonctions de déplacement, de préparation, de conservation des aliments, de cuisson, de présentation, voire de consommation (une poignée de tables et chaise en plein air). Il faut donc mêler tous ces paramètres pour réussir une bonne cuisine de rue, à Bangkok, à La Paz ou à Tunis.

La grande diversité de ces situations de street food montre aussi «l’inégalité des conditions selon les zones géographiques», liée à l’expansion des villes et des occupations différentes de l’espace social urbain. Il y a par exemple bien entendu beaucoup de différences entre le food truck californien ultra moderne et le vendeur de brochettes sur un chariot de supermarché aménagé au Pérou.

Au final, une phrase de l’expo résume bien ce beau panorama photographique: «La street food est l’équivalent du restaurant, dispersé en fragments. Ce n’est pas un restaurant dans lequel on rentre, mais un restaurant que l’on parcourt».

France – Bordeaux, Crêperie mobile, © Nous sommes

Grande-Bretagne – Londres, Vendeur de hot-dogs, © Fiona Meadows

Etats-Unis – Los Angeles, Camion de restauration indienne, © Atelier Barda

Pérou – Surquillo, Restaurant / bar mobile, © Boris Lefevre

Jusqu’au 18 novembre 2012 à la Galerie Via, 29 avenue Daumesnil 75012 Paris, Entrée libre.

Lucie de la Héronnière

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Le Chili, un royaume de la street food


Photo: El Rey del Mote con Huesillo/ Paul Lowry via Flickr CC License by

Au Chili, la foule des rues piétonnes grignote sans cesse. Glaces même en hiver, Mote con huesillos, sandwichs en tous genre et à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit… Petite revue non exhaustive du meilleur de la street food chilienne.

La vraie street food des fins de soirée
Si on prend la street food au sens strict de nourriture cuisinée dans la rue, pour être mangée dans la rue, les Chiliens sont forts, surtout… la nuit. La vraie cuisine de rue sort sur les trottoirs en soirée, pour nourrir les affamés sortant ou allant dans les bars et les boîtes. D’excellentes grillades, souvent de bœuf, sont cuites sur des chariots bricolés en barbecues. Autre exemple, quand tombe la nuit on peut manger des Sopaipillas, galettes épaisses de farine de blé (avec parfois de la courge), frites dans une bonne dose d’huile, puis réchauffées directement dans la rue. On y ajoute généralement de la moutarde, du ketchup ou du pebre, une sauce piquante. Elle peut aussi être mangée sucrée, avec de la cannelle… Jour et nuit, on peut aussi boire un jus d’orange pressé sous nos yeux sur une table en plastique, ou grignoter un petit paquet de «mani»: des cacahouètes fraîchement caramélisées dans une échoppe ambulante, qui embaument délicieusement les alentours…

Mote con huesillos, l’ovni chilien
On peut dire qu’il s’agit de LA street food chileno-chilienne. On trouve des échoppes ambulantes de Mote con huesillos à chaque coin de rue des grandes villes ou au bord des routes à la campagne. Beaucoup de ces stands s’appellent d’ailleurs «El Rey del Mote con Huesillos» (le roi du Mote con huesillos)! Cette étrange boisson-aliment, peu appétissante au premier abord, n’existe nulle part ailleurs. Difficile d’en deviner le contenu sans connaître… En fait, il s’agit d’un jus caramélisé, dans lequel flotte un “huesillo” (une pêche séchée, qui a trempé une nuit dans l’eau) et une bonne louche de «mote de trigo» (blé cuit). Ce qui donne un gobelet en plastique, rempli d’un liquide sombre, dans lequel flottent des aliments un peu bizarres: pourtant, je vous assure que le Mote con huesillos, quand il est bien préparé, est délicieux et très rafraîchissant! C’est un parfait en-cas pour l’après-midi, fruits et glucides inclus… Alors quand vient l’été, les Chiliens marchent nonchalamment dans les rues avec leur verre et leur cuillère en plastoc. On dit d’ailleurs qu’on ne peut pas faire más chileno que el mote con huesillos (plus chilien que le mote con huesillos)!…

Completo, le hot-dog à la chilienne
Le completo (littéralement “le complet”) est sans doute le sandwich le plus populaire du Chili. La base, c’est un pain à hot-dog et une saucisse. Ensuite, on ajoute généreusement des morceaux de tomate, de la moutarde, de la choucroute, des oignons, du ketchup ou de l’aji (piment très utilisé au Chili)… Parmi les 1000 combinaisons possibles, l’ «italiano» (au couleurs du drapeau…) remporte la mise avec ses tomates, sa couche de mayo insensée et ses avocats écrasés…  La légende raconte qu’en 1920, Eduardo Bahamondes, un restaurateur de la Plaza de Armas, a ramené le concept du hot-dog des Etats-Unis, pour l’adapter à la sauce chilienne.

Le completo a le mérite d’être très bon marché et… extrêmement nourrissant. Le completo, généralement bon car bien relevé, contient du pain, de la viande et des légumes: c’est un sandwich assez complet. Mais pas vraiment léger quand on réfléchit au flot de mayonnaise très souvent ajouté…

Il est soit préparé directement dans la rue, sur des chariots, soit vendu dans des échoppes ou des chaînes de fast-food comme Doggis. Par contre, pour avaler la chose, c’est tout une affaire, que dis-je un savoir-faire qui s’apprend sur le terrain. Une expérience unique et intimidante, vu les dimensions du completo. Il faut l’attaquer du bon côté et avec toute une technique chilienne pour ne pas finir avec la tête et les habits pleins de mayonnaise, ketchup ou avocat. En pleine rue, en marchant, c’est une mission encore plus périlleuse, mais les chiliens sont très talentueux dans la pratique de cet art!

Photo: #Coluna Seu Guevara- 29/03/12/ Fora do Eixo via Flickr CC License by

Empanada, mi amor
Ces petits chaussons fourrés avec des farces salées ne sont pas typiquement chiliens, puisqu’on les trouve aussi en Argentine. Mais typiquement latinos, oui! La plus consommée dans les rues chiliennes et l’empanada de “pino”, qui contient du bœuf en fines lamelles, des oignons, des raisins secs, un quart d’œuf dur et une unique olive. D’autres sont au fromage, à la sauce napolitaine, aux légumes… Et aux fruits de mer dans les petits ports de pêche. On l’achète caliente (réchauffée au micro-onde…), et on la croque rageusement dans la rue, mais aussi dans les repas de famille.

Douceurs au Manjar
Cette douce crème caramélisée, à base de lait, de sucre et de vanille s’appelle confiture de lait en France, et dulce de leche en Argentine. Ici, c’est du MANJAR et rien d’autres. Les Chiliens vous diront que leur version est bien meilleure que celle des Argentins… Le Manjar est présent partout, au petit déj’ et au goûter, mais aussi dans les douceurs de rue. Mention spéciale à la glace au Manjar! Et je ne peux terminer sans évoquer  l’alfajor, petit gâteau sud-américain: deux galettes fourrées avec une large couche de manjar. Parfois roulé dans de la noix de coco, ou du chocolat… On le trouve dans toutes les pâtisseries, mais aussi en version industrielle dans les kiosques à sucreries et à journaux. De quoi terminer notre repas dans la rue: la street food chilienne n’est pas toujours légère, mais très souvent “rica” (délicieuse)!

Lucie de la Héronnière

Photo Mote con Huesillo: Chichichi Lelele! – Mote con huesillos/ andremarmota via Flickr CC License by
Photo completo: Italiano/ magical-world via Flickr CC License by
Photo alfajor: san antonio bakery alfajor/ scaredy_kat via Flickr CC License by


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