Frais ou “transformés”? Il y a plusieurs manières d’acheter et de cuisiner courgettes, carottes et autres salades vertes. Le Programme national nutrition santé explique d’ailleurs que les “5 fruits et légumes par jour” peuvent être consommés sous des formes différentes.
Des chercheurs en sciences sociales de l’INRA (Institut national de recherche agronomique) se sont penchés sur la consommation de légumes des Français, dans une étude publiée dans l’European Journal of Public health:
“Depuis la fin du XXème siècle, la consommation de légumes frais décroît, même si elle est partiellement compensée par une augmentation de la consommation de légumes transformés”.
L’équipe a alors cherché à identifier les facteurs qui agissent sur la consommation de telle ou telle forme de légumes.
En excluant les pommes de terre et les lentilles, ils ont séparé les légumes frais, les légumes transformés (légumes épluchés et lavés en sachet, conserves, surgelés, légumes en potage, légumes cuisinés, et même les plats préparés contenant une portion de légumes identifiée. Par exemple du colin-petits pois-riz, mais pas des lasagnes…), et les aliments pour bébé comportant au moins une portion de légumes.
Alors, toutes formes confondues, les Français consomment en moyenne 114 kg de légumes par foyer et par an, dont 60% de frais. Plus on prend de l’âge, plus on achète des légumes. Ainsi, “les plus gros consommateurs sont les personnes âgées de plus de 60 ans, qui achètent deux fois plus de légumes que les trentenaires”.
Au rayon frais?
Plus précisément, du frais ou du transformé? “Les consommateurs achètent d’autant plus de légumes frais que leurs revenus sont élevés (14 kg/ an d’écart entre les 15% les plus riches et les 15% les plus pauvres) ou qu’ils sont diplômés”.
Le facteur de l’âge est aussi important, sans doute à cause d’un effet de génération (les plus âgées ont moins été habitués à fréquenter les grandes surfaces et donc les légumes préparés), mais aussi peut-être parce que les retraités ont plus de temps pour cuisiner des produits frais.
Par contre, il y a moins d’inégalités dans l’achat des légumes transformés: “les quantités de légumes transformés achetées sont indépendantes de l’âge et du niveau socio-économique des ménages”, mais varient juste en fonction du nombre d’enfants et d’adultes dans le foyer.
Du coup, les chercheurs pensent qu’il est important de continuer à encourager la consommation de légumes frais, qui reste majoritaire, mais que “les légumes transformés ne doivent cependant pas être négligés: consommés dans toutes les couches sociales, ils représentent une alternative intéressante à la baisse du temps consacré à la préparation culinaire”.
La qualité nutritionnelle pose question, les légumes frais préservant plus les nutriments. Mais Marie Plessz, une des auteurs de l’étude, expliquait ce matin que nous avons “peu d’informations sur la manière dont les gens cuisinent les légumes frais. Ils peuvent aussi être bouillis, ou préparés avec beaucoup de gras”… Donc les légumes achetés frais ne sont au final pas forcément plus nutritifs.
Quid des comparaisons internationales? Elles sont peu aisées, Marie Plessz précise que “la définition de la catégorie légumes n’est pas uniforme. Par exemple la pomme de terre est considérée comme un légume dans les études aux Etats-Unis”. En fait, cette question est toujours délicate, car on peut suivre la défintion potagère (potager ou verger?), culinaire ou nutritionnelle…
L.D.
Photo: Eat Your Vegetables, They’re Good For You!/ the bridge via FlickCC License by
lire le billet«Évitez de manger trop gras, trop salé, trop sucré», «manger, bouger», «au moins cinq fruits et légumes par jour». Nous sommes assaillis d’impératifs portant sur le manger sain/équilibrer, qui vont (trop?) souvent de pair avec le manger frais.
Mais manger des fruits et légumes frais coûte cher. Or, les produits frais sont-ils réellement meilleurs (nutritivement) que les produits en conserve? Pas selon les chercheurs sur la santé et le bien-être de l’agence de communication Ketchum. Cathy Kapica, l’auteure de l’étude, explique:
«Il y a une augmentation des discours autour des aliments frais, spécialement pour les fruits et légumes, comme étant plus nutritifs. Pourtant cette hypothèse n’a jamais été appuyée par des preuves.»
Dans l’étude, les aliments étudiés (le maïs, les épinards, les tomates et le thon) sont sans sel ou sucre ajouté et ont été cuisinés afin de pouvoir faire une comparaison précise. Ainsi, en prenant en compte le prix, le temps de préparation mais également le gaspillage –c’est-à-dire les parties non comestibles d’un aliment– de produits qu’ils soient frais, surgelés, en conserve ou secs, ce sont les aliments en boîte qui l’emportent dans la majorité des cas. Pour arriver au coût total de chaque aliment, le temps passé à nettoyer, préparer et cuisiner a été noté et calculé à un taux de 7,25 dollars (5,50 euros) de l’heure, soit le salaire minimum dans le New Jersey, là où l’étude a eu lieu.
Les chercheurs ont ainsi analysé que les tomates en conserve reviennent 60% moins chères que les fraîches, pour le même apport en fibres, étant donné le temps de préparation que demande les tomates fraîches. En ce qui concerne les épinards en conserve, ils sont 85% moins chers que frais, pour les mêmes raisons. Le maïs est quant à lui plus cher en conserve que frais, cependant à cause du temps passé à l’éplucher et des parties non comestibles qu’il faut retirer, les familles économisent en réalité 25% en l’achetant en conserve.
Néanmoins, l’étude étant faite par une agence de communication, dont certains clients font partie du secteur alimentaire, nous avons tenu à vérifier ces résultats avec des nutritionnistes. C’est loin d’être la première étude financée par l’industrie alimentaire et aucune de ces recherches n’a jamais été contestée. Selon Florence Pujol, diététicienne-nutritionniste (auteure du livre Je mange et je suis bien) la majorité des études sont effectivement financées par l’industrie agro-alimentaire, mais restent très utiles pour les nutritionnistes.
Elle souligne néanmoins que les résultats peuvent varier d’une étude à l’autre: la même boîte de conserve n’aura pas la même quantité de nutriments (dans une mesure infime) selon les chercheurs. Il existe toutefois une base à laquelle on peut se référer, la table Ciqual qui est «une moyenne des nutriments de l’ensemble des études», d’après la diététicienne.
Quand on demande à Florence Rossi-Pacini, membre de l’Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN), s’il y a une différence d’apport de nutriments entre les conserves et les produits frais (en ce qui concerne les aliments étudiés par Cathy Kapica), elle répond que cela «dépend des nutriments qu’on évalue». L’étude Ketchum s’est focalisée sur les nutriments qui importaient le plus à son panel, c’est-à-dire les fibres (tomates, épinards, maïs), le potassium (thon, épinards), le magnésium (épinards, maïs), la vitamine A (thon, épinards) et la vitamine C (tomates, épinards). Il n’y a alors aucune différence, selon les diététiciennes, entre les produits frais et en conserve.
«Quand on parle de produits frais, si ce sont ceux dans son jardin et qu’on les mange tout de suite, alors on a toutes les vitamines. Mais si on les laisse tremper longtemps, pour les nettoyer par exemple, on va avoir une perte de vitamines (hydrosolubles, comme les vitamines B ou C, NDLR)», explique Florence Rossi-Pacini. Elle précise encore que la vitamine C «est sensible à l’air, à la température et à la lumière», tout comme la vitamine A. Ce qui fait que même les produits frais ne regorgent pas forcément de ces dernières.
En effet, les légumes achetés sur le marché ont déjà perdu quasiment toutes leurs vitamines en étant sur un étal. De plus, ils sont rarement consommés sur le champ, on va donc les conserver dans son bac à légumes dans le réfrigérateur, leur faisant ainsi perdre les dernières vitamines qu’ils contenaient.
Lors de la mise en conserve, la stérilisation et la pasteurisation mettent également ces vitamines à rude épreuve, étant donné que la température monte à 120°C/130°C ce qui détruit une partie des vitamines. Florence Pujol tempère, on réalise la même opération chez soi, en cuisant ses fruits où légumes. Donc la perte en vitamines est similaire dans les conserves et les produits frais.
La conservation ou la cuisson ne sont pas les seules étapes qui risquent d’endommager les vitamines, la préparation des aliments également. En effet, comme l’explique Le Figaro, «plus les légumes sont coupés finement (râpés) et exposés à l’air, plus ils perdent leurs vitamines».
Les conserves n’altèrent en rien les nutriments comme les protéines, les fibres ou le potassium, par rapport aux produits frais. Et leur cuisson non plus. En ce qui concerne les protéines, explique Florence Pujol, «elles vont simplement changer de forme mais cela ne change rien pour nous». Il en va de même pour le potassium. Pour les fibres, la cuisson agit comme «si on prédigérait les fibres», elles sont donc plus rapidement assimilées par l’organisme et sont moins irritantes.
Il n’y a ainsi aucune différence significative entre les nutriments qu’apportent les aliments frais ou en conserve. La seule chose à laquelle il faille veiller, c’est à l’ajout de sucre ou de sel dans les boîtes de conserve. C’est pourquoi on demande très souvent aux personnes qui suivent des régimes contrôlés en sel de ne pas utiliser de conserve. Florence Pujol précise cependant que l’ajout de sucre ou sel dépend de la marque de la conserve. C’est donc au consommateur de bien lire les étiquettes des produits qu’il consomme. Dans tous les cas, ni le sucre, ni le sel n’ont d’impact sur les vitamines, les protéines ou les fibres présentes dans l’aliment à l’origine.
Florence Rossi-Pacini conclut:
«L’important c’est vraiment de pouvoir varier, d’alterner tous les produits. En faisant attention au sel dans les conserves et au niveau des modalités de préparation des produits frais. Certes il faut les laver mais il faut éviter les trempages.»
Delphine Dyèvre
Photo: nikolaii666/Nicolas Roosen via Flickr CC License by
lire le billet