Les “substituts de repas”, ça sert à quoi?

Les crèmes et autres poudres censées jouer le rôle de «substitut de repas» occupent un gros rayon du supermarché, coincées entre le bio et les lardons. Mais à quoi ça sert vraiment, ces aliments «diététiques» supposés remplacer un repas normal pour perdre du poids?

A table!
En pratique, il s’agit de poudres à la vanille ou au chocolat à mélanger à du lait, mais aussi de potages, crèmes dessert, biscuits, barres… Pour tester la chose, j’ai jeté mon dévolu sur un pot de crème censé me nourrir jusqu’au goûter (quatre heures composé d’une barre protéinée bien sûr selon les recommandations de la marque…) et apporter de la «douceur» à mon midi, avec une saveur «vanille-biscuit». Pour plus de 6 euros les 3 pots…

Au programme de ces 200 calories: «Lait écrémé, eau, sucre, protéines de lait (émulsifiant : lécithine de soja), texturants (amidon modifié de maïs, carraghénanes, gomme de guar, agar-agar, pectine), huile de colza, minéraux (citrates de sodium, de potassium et de magnésium, dihydrogéno-phosphate de potassium, pyrophosphate de Fer, sulfates de zinc, de cuivre et de manganèse, sélénite de sodium, hydroxyde de potassium, iodure de potassium), émulsifiants E471, arômes (vanille, biscuit) maltodextrines, vitamines (C, A, E, B1, B2, B8, PP, B9, D, B12, B5, B6), édulcorants (acésulfame de potassium, sucralose), colorant : béta-carotène». Pas très simple tout ça… Le goût est très artificiel, même si pas complètement désagréable, mais l’impression de n’avoir pas assez mangé est assez prenante puisqu’il n’y a rien de “solide”.

Le principe de ces substituts est de contrôler précisément les apports en énergie. Il s’agit de remplacer un ou plusieurs repas par jour par une préparation équilibrée mais pauvre en calorie (pour baisser nettement l’apport journalier et donc perdre du poids) et/ou hyperprotéinée (pour éviter la fonte des muscles pour ne pas avoir faim). Ces préparations sont censées en même temps apporter vitamines et minéraux à l’organisme… D’où les promesses miraculeuses sur les vertus de ces crèmes et autres barres chocolatées.

Tout ça est réglementé par un arrêté français de 1998, qui distingue plusieurs catégories. Pour chacune, il y a des normes précises en terme de nombre de calories, en quantité de sel, protéines, lipides (pas plus de 30%) etc.

En outre, pour les produits remplaçant la totalité d’une ration journalière, une mention doit indiquer qu’il ne faut pas les consommer plus de trois semaines sans avis médical. Les pubs mirobolantes ne sont pas autorisées car «l’étiquetage, la publicité et la présentation des produits concernés ne doivent pas mentionner le rythme ou l’importance de la perte de poids qui peut résulter de leur consommation, ni les pertes d’appétit ou accentuation de la sensation de satiété qui peuvent se manifester».

Un miroir aux alouettes?
Alors ces substituts sont-ils efficaces? Les marques contactées (Milical, Gayelord Hauser, Gerlinéa etc…) n’ont pas souhaité donner suite à mes demandes d’interview… Mais leurs sites web expliquent toute leur argumentation, basée généralement sur un système de phases, pour perdre du poids rapidement puis stabiliser en réintroduisant progressivement des aliments «normaux». Ils insistent généralement aussi sur les efforts faits pour améliorer le goût et varier les plaisirs…

L’étude Nutrinet santé a publié en mai des résultats sur l’efficacité des régimes amaigrissants. Bilan: les moins bonnes performances en terme d’efficacité à long terme sont observées sur les régimes «faits maison» avec des substituts de repas et produits diététiques. Seulement 40,5% des sujets ont conservé leur perte de poids 6 mois après le régime. Pour comparer, 65,9% des gens sondés ayant diminué ou supprimé spécifiquement les sucres ou les graisses ont été satisfaits de l’efficacité à long terme.

En outre, cette étude montre que les sujets ayant suivis un régime avec des substituts de repas sont –avec les adeptes du régime Dukan– parmi ceux qui se sont le plus «compliqué la vie quotidienne» (courses, préparation des repas, repas avec les proches, repas à l’extérieur…). Et c’est aussi le régime le plus ardu à suivre: 46% des personnes ayant utilisé des substituts de repas affirment qu’ils ont eu des difficultés de mise en œuvre… Enfin, concernant la frustration engendré, Dukan et les substituts de repas sont encore les pires, avec respectivement 22 et 24% de gens beaucoup ou énormément frustrés.

Ariane Grumbach, diététicienne, explique que «les personnes qui aiment manger vont ressentir une privation – plus que les personnes ayant une vision fonctionnelle de l’alimentation– et donc craquer… ». En outre, « la densité nutritive des substituts de repas est intéressante, cela peut donc dépanner très ponctuellement pour éviter de sauter un repas quand on n’a pas le temps. Mais cela reste un régime privatif, avec donc un gros risque de reprise de poids et d’effet yoyo. On peut pas manger toute la vie des barres protéinées! Le risque est psychologique, car on peut craquer par frustration, et physiologique, car le corps va s’habituer».

Il est clair que la monotonie du goût des substituts de repas peut donner une furieuse envie de se jeter sur le Nutella. Florence Servas-Taithe, diététicienne aussi, souligne: «les substituts me déplaisent à cause de l’insatisfaction qu’ils créent au niveau des sensations. Les substituts hyperprotéinés à visée amincissante font perdre rapidement beaucoup de poids, parce qu’on diminue le nombre de calories. Mais c’est un miroir aux alouettes. La dimension de plaisir est sacrifiée, ce qui engendre des frustrations et des compensations en grosse quantité par la suite. On dérègle nos sensations alimentaires: le manque de plaisir induit un comportement déviant».

L’utilisation de substituts de repas sur des durées dépassant quelques semaines n’est pas sans conséquence. Florence Servas-Taithe explique qu’à «long terme, il y a des risques sur la santé, par exemple de carences ou des atteintes rénales». Et comme d’autres régimes très restrictifs, l’utilisation de substituts de repas peut entraîner une désocialisation ponctuelle ou durable. Ariane Grumbach souligne qu’ “il y a de plus en plus d’alimentations particulières. On se désocialise par peur de manger mal, et on oublie le plaisir de dîner entre amis, on perd de la convivialité…”.

Alors, comme le prouve l’Etude Nutrinet santé, les régimes basés sur une alimentation équilibrée sont les plus utiles. 76% des personnes ayant suivi “les recommandations nutritionnelles de base” sont satisfaits de l’efficacité de leur régime à long terme. Car une belle salade et un fruit entraînent moins de frustrations et donc moins de compensations qu’un simple petit pot de crème dessert aux arômes artificiels pour tout repas de midi…

Lucie de la Héronnière

Photo: Lose weight now /alancleaver_2000 via Flickr CC License by