«La guerre du sucre est déclarée: chronique d’une défaite annoncée», c’est le titre de la chronique de Jean-Didier Vincent publiée dans l’Express de mercredi dernier. Le professeur Vincent admet que le sucre est une bénédiction, une source d’énergie peu chère pour le corps, mais aussi une malédiction.
Parce que la culture de la canne à sucre a été associée à l’esclavage et aux spéculateurs de tous poils mais aussi parce que «le sucre tue»: «l’excès de sucre dans l’alimentation est directement responsable des maladies constituant le syndrome métabolique. Celui-ci est composé d’un diabète résistant à l’insuline, d’une hypertension et de problèmes cardiovasculaires, ainsi que de taux élevés de graisses dans le sang et de stéatose hépatique».
Le chroniqueur précise que l’obésité, touchant plus de 300 millions d’individus, accompagne l’excès de sucre. «Malade de son alimentation, l’Occident exporte sous des emballages rutilants son diabète et ses maladies cardiovasculaires dans les pays en développement» ajoute-t-il. Et de citer un rapporteur de l’ONU sur le droit à l’alimentation dans la revue Nature de février 2012: «la nourriture inadéquate provoquerait 2,8 millions de décès, un nombre supérieur à celui des victimes de la faim. Contrairement à l’idée reçue, le véritable responsable de cette hécatombe est non pas tant l’excès de mauvaises graisses que le sucre».
Jean-Didier Vincent met donc le sucre dans le trio de tête des dangers pour la santé publique, au même titre que l’alcool et le tabac. Jugeant la prévention à l’école peu efficace, il préconise alors de limiter la vente de “boissons et aliments riches en additifs contenant du fructose comme les sodas et les barres chocolatées” aux mineurs. Sans hésiter à employer les grands moyens, comme une augmentation des taxes, l’interdiction pour les enfants d’accéder aux distributeurs ou l’interdiction de la pub pour des produits «considérés à tort comme inoffensifs»…
Et Jean-Didier Vincent conclut en disant que “la malbouffe ne saurait être un remède au mal-être” et que les milliers de morts dues aux excès de sucre ne pèsent pas lourd face “au lobby du sucre et à l’omniprésence des fast-foods”.
Justement, le CEDUS (Centre d’Etudes et de Documation du Sucre, “organisme interprofessionnel pour assurer l’information et la documentation sur un produit agro-alimentaire essentiel, le sucre”) répond à cette chronique via le site agro-média et appelle à plus de mesure sur cette question: «l’alimentation n’est ni une drogue, ni un poison, fût-elle sucrée». Le CEDUS entend rassurer les français en affirmant que nos consommations en sucre sont stables depuis plus de 40 ans. Mais aussi que le glucose n’est pas addictif, puisqu’un besoin nutritionnel n’est pas la même chose qu’une addiction, qui se manifeste par un syndrome de manque et nécessite un sevrage…
En bref, le CEDUS ne veut pas que l’on réduise la question des conséquences de l’alimentation sur la santé publique à la simple consommation du sucre. Car selon ces producteurs de sucre, contrairement aux Etats-Unis «notre modèle alimentaire repose sur une alimentation diversifiée et des repas à table, structurés et réguliers. Un modèle dans lequel les produits sucrés ont toute leur place, pâtisseries (faites maison ou artisanales), confitures, biscuits, bonbons, desserts… C’est dans ce contexte que le repas gastronomique des Français a été inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco». La guerre du sucre est loin d’être terminée.
Photo: Sugar/ Uwe Hermann via Flickr CC License by