Végétariens, oubliez le tofu et passez au gluten!

Le gluten du blé est plus sain, plus savoureux et permet des utilisations plus variées que le tofu. Les végétariens devraient sérieusement s’y mettre.

Les végétariens entretiennent une relation compliquée avec le tofu, qui est de loin l’alternative à la viande la plus populaire aux États-Unis. On ne peut que se réjouir que nous autres herbivores puissions sans souci demander ce produit fiable et bon marché à base de soja à la place de la viande dans la plupart des restaurants.

Mais imaginez que les restaurants ne servent qu’un seul type de viande, et qu’il s’agisse en plus d’une masse fade, pâteuse et rectangulaire qui disparaîtrait sous la sauce dans laquelle elle tremperait. Les carnivores seraient outrés.

Le plus curieux, c’est qu’il existe un bien meilleur substitut à la viande: le gluten, qui est la protéine qu’il vous reste quand vous débarrassez le blé de son amidon et du son. Je sais que vous êtes en train de penser «Gluten, gluten… ce n’est pas ce truc qui tue d’innocents enfants atteints de maladie cœliaque, qui gâche notre digestion et est en train de détruire l’Amérique à lui tout seul?»

D’accord, le gluten contenu dans le blé est dangereux pour certains, et c’est aussi la bête noire des nombreuses, bien plus nombreuses personnes qui se croient atteintes d’intolérance au gluten. Les ventes de produits sans gluten continuent d’augmenter, forçant les experts de l’industrie alimentaire à revoir à la hausse leurs projections même les plus optimistes.

Le gluten est délicieux

Alors pourquoi emprunter cette voie quand le pays entier prend une autre direction? À l’instar de nombre d’aliments que l’on vous recommande généralement de ne surtout pas manger, le gluten est délicieux. Sa texture se situe quelque part entre le tofu et la viande —résistante sans être dure. Grillé ou cuit au four, il peut constituer le plat de résistance.

En sauce, il ne se planquera pas dans le décor comme ce Zelig culinaire qu’est le tofu. Honorez le sacrifice des victimes de maladies cœliaques en célébrant votre propre robuste santé digestive avec une énorme assiette de gluten bien accommodé.

Le tofu, star historique des végétariens

Pourquoi le gluten demeure-t-il le cousin éloigné peu connu du tofu, mascotte nationale des végétariens, malgré son évidente supériorité? Pour toute une variété de raisons historiques et culturelles, dont aucune n’a rien à voir avec son goût ou ses propriétés allergènes supposées.

Quand les hippies et leurs sympathisants ont voulu réduire ou supprimer leur consommation de viande à la fin des années 1960, le tofu était en bonne position pour s’emparer du marché.

Elément de base de la cuisine asiatique, il était arrivé en Amérique avec les immigrants. Au 19ème siècle, quasiment toutes les communautés asiatiques de Californie, d’Oregon et de l’état de Washington avaient leurs propres fabricants.

Les États-Unis comptaient 528 producteurs de tofu entre 1925 et 1975, selon William Shurtleff, expert en cuisine japonaise végétarienne devenu le grand défenseur du tofu lorsqu’il publia son Book of Tofu en 1975. Un article du magazine People qui fait le portrait de Shurtleff cite Doris Day, Cheryl Tiegs, Bill Walton et Gloria Swanson parmi le nombre croissant de célébrités tofuphiles.

Le gluten, boudé des livres de cuisine jusqu’à récemment

Le gluten n’a pas la longue histoire du tofu. C’est un ingrédient qui apparaissait rarement dans les livres de cuisine de tous les jours en Asie avant les années 1970; jusqu’à cette époque, il était à peu près cantonné à la cuisine Shojin Ryori (PDF) pratiquée par des moines bouddhistes végétaliens.

Aux États-Unis, le gluten de blé était encore moins populaire, à l’exception d’un engouement temporaire chez les colons mormons du 19ème siècle qui avaient besoin d’une source de protéines bon marché lors de leurs pérégrinations vers l’ouest en direction de l’Utah.

Pas connu parce que pas facile

La complexité de sa production explique aussi le faible succès du gluten, alors même que le marché des alternatives à la viande est en pleine expansion (PDF). La farine de blé compte environ 14% de protéines. Presque tout le reste est de l’amidon.

Si les producteurs de gluten ne trouvent pas d’acheteur pour ce dérivé, ils doivent trouver un moyen de se débarrasser de ce puissant épaississant. Selon Shurtleff, les producteurs de gluten japonais qui ont évacué leurs écoulements d’amidon dans les canalisations se sont retrouvés avec des amendes salées pour avoir bousillé les égouts municipaux. Peu d’entreprises américaines ont envie de gérer ces problèmes.

On peut acheter du gluten de blé dans n’importe quelle épicerie vaguement gauchisante, mais les variétés vendues dans le commerce n’ont jamais vraiment la bonne texture. Soit elles sont fragiles et s’émiettent facilement, soit elles sont trop élastiques et ont une texture qui rappelle les balles de racquetball.

Recette pour faire son propre gluten

Si une assiette fumante de douceur gluante vous tente, il vous faudra la faire vous-même. Vous n’aurez besoin que de 12 heures, de bras musclés et d’un iPod.

La bonne nouvelle est qu’il ne vous faut que trois ingrédients: de la farine complète, de la farine ordinaire et du bouillon de légumes. Versez la même quantité de chaque farine dans un saladier (j’utilise en général 500g de chaque, pour environ huit personnes). Ajoutez assez d’eau pour former une pâte, déposez-la sur votre plan de travail et préparez-vous à pétrir.

C’est là que l’iPod entre en scène.

Les amateurs de pain maison aiment à se livrer à des envolées lyriques sur la beauté du pétrissage. En ce qui me concerne, maltraiter une boulette de farine n’a rien d’une expérience mystique. Mon robot ménager n’est malheureusement pas apte à gérer une boule de pâte aussi raide et lourde, et capitule bien avant que le gluten ne soit complètement développé. Donc je dois faire le sale boulot moi-même —pendant 20 minutes, pour commencer— en écoutant des podcasts pour me distraire.

Après ce premier pétrissage agressif, plongez votre pâte dans l’eau et placez-la au réfrigérateur toute la nuit. Le lendemain matin, il faut s’y remettre. Formez des pâtons de la taille d’une balle de tennis, remplissez l’évier d’eau et pétrissez chaque pâton sous l’eau. L’eau va devenir blanche à mesure que l’amidon sortira de la pâte. Les pâtons vont perdre plus de la moitié de leur volume et devenir élastiques. Videz et remplissez l’évier régulièrement. Quand vous pouvez pétrir les pâtons sans que l’eau ne blanchisse —il faut compter en général 10 minutes et deux remplissages d’évier pour chaque boulette— placez-les dans une casserole remplie de bouillon de légumes en ébullition. Laissez mijoter deux heures, et regardez-les gonfler.

Que faire avec son gluten?

La préparation est terminée. Maintenant vous pouvez en faire tout ce que vous feriez avec de la viande. Le gluten est une merveille lorsqu’il est mariné dans un liquide salé (associé à de la sauce soja, à la façon des moines bouddhistes, il devient du seitan).

Il est très bon grillé, ce qui résout le problème classique de ce que l’on peut servir aux végétariens pendant un barbecue. On peut aussi émincer ou hacher le gluten pour en farcir des tacos ou faire de la bolognaise. La meilleure source de recettes est The Candle Cafe Cookbook.

Vous pouvez garder votre gluten au réfrigérateur dans son bouillon pendant une semaine sans presque rien y perdre en qualité, ou l’égoutter et le congeler (le processus de congélation-décongélation en changera un peu la texture mais comme avec le tofu, certaines personnes le préfèrent ainsi).

Est-ce que cela vaut vraiment tout ce temps et ce travail? À ce niveau-là, la question semble presque absurde. Il y a des gens qui passent des après-midis entières à préparer des gâteaux étouffe-chrétiens recouverts d’un abominable glaçage pour qu’il ressemble au Chrysler building. Ou font des marbrés qui sont tout aussi bons chez le pâtissier du coin.

Si on s’en tient à ces critères, fabriquer son propre gluten en vaut plus que la chandelle. Votre produit fini sera largement supérieur à tout ce que vous pourrez acheter en magasin, et pour infiniment moins cher.

Brian Palmer

Traduit par Bérengère Viennot

Photo: baked gluten balls/ jdickert via Flickr CC License By

12 commentaires pour “Végétariens, oubliez le tofu et passez au gluten!”

  1. Totalement d’accord. Les rares fois où j’ai pu manger du seitan/gluten, je l’ai trouvé vraiment délicieux. C’est infiniment plus proche de la viande (au goût comme à la texture) que ne l’est le soja.
    Dommage que le marché ne se soit pas développé…

  2. Avec de l’eau de pluie filtrée alors, parceque 50l pour un steak ça tue le romantisme du DIY.

    J’imagine que les végétariens ont une concience ecologique, il ne se prive pas de viande uniquement parce que les bébés mammifère sont top mignons.

    Sinon, trouvé sur l”article wikipedia du Seitan : “il se prépare en lavant une pâte crue de farine de blé (blé complet dans le cas du seitan) enfermée dans un sac de tissu jusqu’à ce que tout l’amidon soit parti et qu’il ne reste plus que le gluten”

  3. “Selon Shurtleff, les producteurs de gluten japonais qui ont évacué leurs écoulements d’amidon dans les canalisations se sont retrouvés avec des amendes salées pour avoir bousillé les égouts municipaux.”

    Et ça ne poserait absolument aucun problème à la tuyauterie humaine? Je trouve ça assez caucasse!

  4. Il me semble que beaucoup de personnes sont allergiques au gluten, non? (en tout cas il y a des étiquetages “sans gluten” comme il y a des étiquetages “sans arachide”)
    Ca explique peut être en partie pourquoi le gluten n’est pas aussi populaire que le tofu.

  5. Très, très intéressant la technique… Merci

  6. Je suis assez surpris de voir ce genre d’article faisant l’apologie d’un produit connu et prouvé (et non “supposé” comme lu dans l’article) comme étant à l’origine de nombreuses allergies et intolérances.
    Et lorsqu’il est dit “On peut acheter du gluten de blé dans n’importe quelle épicerie (…) mais les variétés vendues dans le commerce n’ont jamais vraiment la bonne texture. Soit elles sont fragiles et s’émiettent facilement, soit elles sont trop élastiques et ont une texture qui rappelle les balles de racquetball.” (belle traduction ici soit dit en passant), sachez qu’un bon tofu ne se trouve pas non plus en supermarché sous vide, sous la forme d’une éponge et avec une texture et un gout bien peu enviables. Et s’il faut 48h pour preparer trois “patons” de bon gluten, il vous prendra beaucoup moins de temps pour faire trois carrés de bon tofu.
    Enfin, et cela vaut pour tout, abuser d’un type d’aliment sera toujours nocif (soja inclus bien sur). Varions notre alimentation, notre palais et notre corps nous remercieront.
    C., omnivore averti.

  7. Personnellement j’achète la farine de gluten toute faite, je suis feignante. Sur internet on en trouve en grande quantité, mais je n’ai pas encore tenté.
    Du coup je mets farine/sauce soja/épices, cuisson dans l’eau et grillé à la poelle. Miam!

  8. Il y a en effet quelque chose d’assez cynique à parler des “personnes qui se croient intolérante au gluten”, ce qui correspond tout bonnement au déni de leurs expériences et vécus, pour celles qui savent.

    De même, il des des mentalités paternalistes qui se croient “très intelligente”, manifestement, à dire des choses de ce genre, sur la base de rien de sérieux, encore moins de scientifique, pour étayer leur saillies humiliantes de ceux qui ont aussi des expériences concluantes, méritant respect et écoute, lorsqu’ils éliminent “totalement” (ou presque) le gluten de leur alimentation.

    Pour avoir personnellement testé durant plus d’un an une alimentation (presque) intégralement sans gluten, (contre la fibromyalgie qui m’affecte) et avoir vu ma santé s’améliorer, tout autant que mon (sur)poids diminuer sérieusement, (sans diminuer mon “coup de fourchette”) je sais par la preuve, par le vécu, à quel point le gluten n’est pas bon pour ma santé.

    Il ne s’agit pourtant pas “d’allergie”, ni même “d’intolérance”, tout bonnement il s’agit d’un aliment qui m’est totalement inutile, à tel point que lorsque je le supprime radicalement de mon alimentation, j’en retire un véritable bénéfice.

    Mon épouse a fait la même expérience et les mêmes constatations, en même temps que moi avec autant de bénéfices. Constat partagées par bien des gens qui ne méritent en rien le mépris de ce Brian Palmer, auteur de l’article. Du coup, on se demande surtout quels intérêts il défend ? Pour quels lobbys de l’industrie du blé, qui rapporte tant de blé, par exemple ? Ceci demandant éventuellement des recherches approfondies sur le net pour ne pas avoir à s’avaler le gluten de Palmer et les couleuvres avec …

    Mon propos est donc de dire que le gluten n’est pas obligatoirement utile à l’alimentation, (pas plus que l’alcool) dans la mesure où l’on en connaît les dangers et où son absence permet de se sentir bien mieux, pour de nombreuses personnes qui ont expérimenté sa suppression de l’alimentation et qui méritent aussi le respect. Propos basé sur une expérience vécue, volontaire, consciente et probante.

    Voila qui demanderait surtout des études épidémiologique sérieuses, permettant d’éviter le mépris ordinaire contre ceux qui savent, en s’en servant comme faire valoir de leur pseudo-science pour défendre des intérêts dont on se doute qu’ils peuvent aussi être économique, bien avant d’être ceux des personnes humaines, de leur papilles et de leur santé.

    Le goût du gluten est peut-être “fantastique.”. (celui du tofu ne l’est pas spécialement) mais le goût de l’aveuglement entretenu par les paternalismes qui s’ignorent dans la société, peut se transformer en d’amère déceptions. Nous sommes individuellement responsable de notre santé, nous ne sommes donc pas obligé d’avaler n’importe quoi, non plus, sous prétexte que “c’est écrit dans Slate”.

  9. Pour connaitre des gens “intolérants” au gluten, et les problèmes qu’occasionne sa surconsommation au travers des produits alimentaires “classiques” je suis assez surpris aussi par cet article. Ce n’est pas tant le fait de dire qu’on peut en manger, que c’est bon, etc. chacun est libre de choisir son alimentation, mais de là à dire qu’il faudrait mieux l’utiliser vis-à-vis du tofu (je suis végétarien et j’en mange max deux fois par semaine, il existe encore d’autres sources de protéines… le tofu n’est pas non plus omniprésent) qui me paraît étrange. Signaler l’existence du gluten, son goût particulier, des recettes et tout ok… le privilégier je sais pas. Enfin à chacun de tester.

  10. Quoiqu’on pense du gluten ou du tofu, la recette que vous proposez consiste essentiellement à expédier dans les égouts 85% des nutriments contenu dans le blé. Promouvoir ce genre de préparation est intolérable.

    DomDomDom, t’a intérêt à bien la stériliser ton eau de pluie, parce une nuit au frigo avec de la bouffe, ça fait un sacré bouillon de culture…

  11. Le tofu, “fade, rectangulaire et pâteux”, c’est un peu restrictif, je croirais entendre mes amis viandivores qui n’ont mangé du tofu que dans les soupes miso.

    On trouve du tofu fumé d’excellente fabrication, avec énormément de goût (le plateau d’amuses-gueules au tofu fumé a été le premier à partir à Noël, bien avant celui au saumon ou au foie gras), des steaks de tofu semblables à des steaks hachés, du tofu haché pour les bolognese (j’ai réussi à faire croire que c’était du boeuf tellement ça y ressemblait)… donc dire que le tofu c’est fade, c’est manquer clairement d’expérience !

    Personnellement, j’essaie d’éviter d’abuser de blé, lorsque je tiens des semaines sans en manger je me sens bien mieux, plus fine, et lorsque j’en abuse (pain, pâtes…) je gonfle très vite.

    Donc plutôt que de donner des recettes pour faire son gluten en 2jours, pourquoi pas encourager les restos à proposer des plats végétariens autre que des salades ? (quand on a de la chance de trouver des salades sans jambon ni lardons)…

  12. Bon, beaucoup de boulot pour une blanquette caoutchouteuse… C’est le chien qui l’a mangé, ce seitan (on a mangé le riz et les légumes)…

    J’ai encore de quoi faire un plat, je vais tenter de la hacher dans une bolognaise…

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