Nutrition et surpoids chez les adolescents: Hors de Dukan, le salut?

Il n’y aura pas d’option minceur au bac. Le ministère de l’Education a rejeté l’étrange proposition du nutritionniste Pierre Dukan, qui voulait que les élèves ayant choisi une option «poids d’équilibre» se voient attribuer des points en plus s’ils réussissaient à conserver un IMC (le poids divisé par la taille en cm au carré) entre 18 et 25 de la seconde à la terminale.

La star du régime avait pourtant tout prévu, proposant dans sa Lettre ouverte au futur président de la République six pesées (!) et six heures de formation à la «nutrition opérationnelle, la cuisine et l’activité physique» sur les trois ans du lycée.

Et pour «éviter toute discrimination», «une progression constante vers le poids d’équilibre (100g par trimestre)» permettrait de gagner des points même à ceux qui ne sont pas dans le sacré Graal de l’IMC entre 18 et 25.

Mais discrimination il y a dans la proposition de Dukan, a répondu le ministère de l’Education, qui estime qu’il fait «de la discrimination physique sans le savoir» et conclut:

«Les problèmes de santé des adolescents sont suffisamment graves et préoccupants pour ne pas être pris à la légère. Le bac non plus. C’est un examen des savoirs et des connaissances, pas un examen de santé!»

Halte au terrorisme pondéral

Le ministère de l’Education n’est pas le seul à juger sévèrement les propositions du nutritionniste. Le docteur Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille et à la tête du groupe de travail de l’Anses qui a publié un rapport sévère sur les régimes –dont celui de Pierre Dukan–, qualifie la dernière sortie de Dukan de «terrorisme pondéral» inquiétant:

«Manifestement ça créerait une discrimination, puisque tous les problèmes de poids ne sont pas liés de façon univoque à un manque de volonté de la part des jeunes.»

Le surpoids et l’obésité, qui sont un réel problème de santé publique notamment chez les jeunes, sont influencés par des facteurs génétiques, sociaux, culturels, économiques, psychologiques, explique le médecin; loin de lui l’idée d’écarter la nécessité d’y trouver une solution mais il refuse la solution miraculoso-simpliste de Dukan:

«Avancer qu’il suffirait de pénaliser ou encourager par quelque chose qui donnerait des points en plus à une épreuve scolaire, c’est tout à fait dramatique.»

Pour Jean-Michel Lecerf, c’est là une obsession sur le poids qui est «terrifiante» parce qu’elle sort complètement du rôle du médecin, «encourage l’uniformisation du poids, stigmatise encore un petit peu plus les gros, et considère que l’idéal minceur est un idéal de vie qui justifie toutes les mesures».

Tout n’est pas à jeter dans l’IMC

L’Indice de Masse Corporelle n’est pas sans ses mérites (c’est son utilisation à la hussarde qui pose problème), il reste LA donnée statistique qui permet aux chercheurs de faire des enquêtes épidémiologiques sur les populations, de pouvoir dire si leur corpulence augmente ou diminue, de comparer les pays entre eux, d’avoir une idée de la proportion de gens en surpoids ou obèses, etc.

Les chercheurs ont pu également observer qu’à partir d’un certain seuil, statistiquement, les risques pour la santé augmentaient ou diminuaient.

Simplement, explique le professeur Bernard Guy-Grand, ancien chef du service nutrition de l’Hôtel Dieu, cette donnée n’a «pas de valeur prévisionnelle à un échelon individuel»: avoir un IMC de 30 (début du seuil de l’obésité) ne veut pas dire que vous allez mourir demain. «On a fixé des seuils fondés sur le risque statistique, mais pour un même IMC tout le monde n’a pas le même risque» d’avoir des problèmes de santé (comme le montrait notamment l’exemple du jeune qui fait du sport et pèse lourd à cause de sa masse musculaire, pas sa masse graisseuse).

«C’est une interprétation médicale physiologique et socio-pathologique complexe, conclut Jean-Michel Lecerf, il ne faut pas le mettre en pâture auprès du grand public en disant soyez entre 18 et 25. C’est comme si on disait, il faut que tous les grands soient moins grands et que tous les petits soient plus grands.»

Les obèses aussi ont un «poids d’équilibre»

S’attacher à l’IMC comme l’alpha et l’oméga de la diététique n’est pas la seule erreur de Dukan. Nommer sa proposition l’option «poids d’équilibre» ne fait pas plus de sens: «Le poids d’équilibre est variable avec les individus», explique Bernard Guy-Grand:

«On peut être à son poids d’équilibre en étant obèse ou mince. C’est un poids stable où on ne prend plus et on ne perd plus de kilos.»

En clair, le poids d’équilibre n’est pas superposable au poids standard d’une population.

Alors que faire pour les jeunes?

Dans son interview au Parisien, Pierre Dukan estimait que sa proposition serait «un bon moyen de sensibiliser les ados à l’équilibre alimentaire» ou d’«éduquer les jeunes à la nutrition».

Si on considère son idée aussi simpliste qu’outrancière, on n’écarte pas pour autant le problème des jeunes obèses ou en surpoids dangereux pour leur santé.

Comme le ministère de l’Education, qui dans sa réponse précisait n’avoir pas attendu le nutritionniste pour «mettre en œuvre un plan santé-bien-être et sport à l’école», Jean-Michel Lecerf note que plusieurs programmes (dont un qui encourage l’activité sportive à l’école, ou les nouvelles directives sur la nourriture à la cantine) sont déjà en œuvre pour tenter d’améliorer la nutrition chez les jeunes.

Son équipe travaille beaucoup sur l’éducation sensorielle (élargir l’horizon alimentaire des enfants, leur donner envie de manger des aliments qu’ils ne connaissent pas…): il a par exemple fait une étude chez des 10-12 ans qui a montré une amélioration dans leur désir de goûter des aliments nouveaux, mais sans modification de leur comportement alimentaire. Il veut désormais refaire l’expérience avec des 8-10 ans, et en y incluant les parents.

Le professeur Bernard-Guy Grand veut quant à lui rappeler que «l’éducation n’est qu’un seul des éléments» pour agir sur le surpoids, et la façon de manger, des Français. «On peut savoir, mais ne pas faire» dit-il, prenant comme exemple le slogan des Cinq fruits et légumes par jour que tout le monde connaît sans l’appliquer.

«Ça ne sert à rien de dire aux gens de manger des légumes si le prix est tel qu’une partie de la population ne peut pas le faire. Ce n’est pas la peine de dire de faire du sport à des gens qui ont trois heures de transport par jour et arrivent épuisés.»

Cécile Dehesdin

Photo: Lose weight now / alancleaver_2000 via FlickCC License by

7 commentaires pour “Nutrition et surpoids chez les adolescents: Hors de Dukan, le salut?”

  1. […] jQuery("#errors*").hide(); window.location= data.themeInternalUrl; } }); } blog.slate.fr (via @ThinHealthy) – Today, 4:44 […]

  2. Bah moi je suis en sous poids je pèse 34-35kg pour 1m55

  3. j’ai 10 ans et 6mois

  4. […] […]

  5. Moi, j’ai acheté un de ses livres parce qu’il était très accrocheur… Et tellement de livres vendus… Eh bien vous savez ou il est passé son livre : au placard… Mais maintenant il peut dire “vous voyez les chiffres sont là”.
    Moi j’ai découvert le livre du docteur Yann Rougier “Voulez vous maigrir avec moi” et son livre de 120 recettes. Ce qui est bien avec lui, c’est qu’il ne parle pas de poids idéal… La nature le trouve de lui même… Avant les amis pensaient “encore un(e) qui fait un complexe sur son poid”. Maintenant ils disent “ouah, tu sais vachement bien cuisiner, en plus c’est top bon”… Et oui cela oblige à cuisiner. Mais c’est tellement facile que cela devient un plaisir. Le seul inconvénient c’est que les recettes sont pour 4. On peut diviser les rations par 2 mais par 4 c’est plus compliqué. La seul solution alors c’est de partager avec un(e) voisin(e) célibataire… Et avec le livre du Dr Yann Rougier, vous risquez de ne plus rester célibataire longtemps… A bon entendeur salut.

  6. Pfff… il s’est offert un coup de pub à bon compte!!!ça ne sert à rien d’analyser la signification profonde d’une provocation…

  7. Cécile, j’ai du mal m’exprimer: je ne pense pas que les messsages du PNNS ne “servent à rien”. Certains peuvent en tirer profit. J’ai voulu dire deux choses: (1) que les classes les moins riches ne pouvaient pas respecter les repères alors qu’il sont plus touchés par l’obésité et (2) que fonder les politiques de prévention sur les seuls aspects “éducatifs” et cognitifs n’était qu’un des aspects des actions possibles ; agir sur l’offre alimentaire ou les possibilités réelles de pratiquer une activité physique sont surement des mesures aussi utiles.
    Il est bien heureux, mais on pouvait s’y attendre , que le gouvernement est taclé Dukan.

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