Moins grasse, moins sucrée. Plus fraîche, plus intéressante au goût. Même si la bonne street food n’est pas encore complètement entrée dans les mœurs françaises, on dirait bien qu’une «cuisine nomade» précise, saine et gourmande émerge doucement, pour s’éloigner de plus en plus de la junk food grassouillette des grandes chaînes de restauration rapide.
Qu’est-ce donc que cette cuisine des rues ou street food? Alexandre Cammas, fondateur du guide gastronomique du Fooding, donne sa définition: «C’est de la cuisine faite dans la rue, dans des conditions sommaires (petit espaces, préparations rapides…). Ou bien de la cuisine faite pour la rue, pour être appréciée quand on est en mouvement, mangeable facilement, souvent sans couverts. Ou les deux.»
La street food existe depuis des lustres dans les rues françaises, avec les jambon-beurre ou les crêperies au coin des cafés. Mais il s’agit d’une street food bien différente de celle que l’on trouve aux Etats-Unis ou en Asie, préparée directement dans la rue.
Pour Cyril Musy, rédacteur en chef du M.I.A.M., «magazine épicurien, gratuit et urbain», «la vraie street food, cuisinée dans la rue, n’existe en fait pas en France, à part avec les camions à pizzas ou les baraques à frites dans le nord.» Chez nous, on trouve donc pour l’instant essentiellement des échoppes ou petits magasins ayant pignon sur rue.
Parmi ces boutiques en tous genres, on assiste à l’apparition croissante d’une nouvelle génération de cuisine de rue: sandwicheries, saladeries, bars à soupe, bars à smoothies. Du beau, du bon, du frais, parfois bio, parfois classe. En tous cas du moderne.
Léa Fleuriot tient la sandwicherie «Du bout des doigts» à Paris, à deux pas des grands boulevards:
«La street food est devenue un besoin pour les gens. On a une clientèle de bureau qui veut manger vite mais bien, équilibré. Mais on a aussi de plus en plus de plaisir à grignoter sur le pouce le soir ou le week-end. Maintenant que tout ça n’est plus synonyme de malbouffe, l’intérêt est grandissant.»
Place alors aux bons produits, frais et choisis, pour des sandwichs à 5 euros et des poussières. Léa Fleuriot utilise par exemple dans ses sandwichs de la moutarde de Meaux, du poulet fermier, du beurre de Noirmoutier.
Les chaînes ne sont pas absentes du prêt à emporter «sain», comme par exemple Cojean et ses sandwichs diététiquement corrects ou Exki, au positionnement «natural, fresh & ready» (4,10 euros le sandwich à emporter au pain bio et saumon fumé).
Ceci dit, tout le monde part à la recherche de bons produits, même MacDo… Dans la lignée du Big Mac au pain complet, du Mac Cantal et du «Charolais» garanti origine France, la chaîne de fast-food prévoit de lancer en 2012 un sandwich à base de baguette, après avoir déjà introduit le pain français au menu des petits déjeuners.
Paul Fédèle, rédacteur en chef du magazine professionnel France Snacking, explique que «depuis quelques années, les gens recherchent plus d’équilibre alimentaire, tout en diminuant les temps de pause. Donc la street food s’adapte aux demandes de la clientèle, de nouveaux concepts se développent, comme les bars à salades ou à pâtes».
D’ailleurs, une étude sur la pause déjeuner menée par Food Service vision pour le salon Success food montre qu’en 2011, le deuxième critère dans choix du lieu pour déjeuner à l’extérieur ou acheter un repas à emporter est «la qualité des produits» et le troisième «l’assurance d’avoir des produits frais» (le premier critère étant «la propreté du point de vente»).
Mais il ne faut pas non plus s’emballer quant à l’évolution qualitative de la street food. Pour Alexandre Cammas du Fooding, «ça va à la fois mieux, avec les snacks et cantines pratiquant l’art du take away avec beaucoup d’exigence, et moins bien avec la multiplication des restos de type Subway. Quand la street food est un jeu, c’est souvent très bon, les sandwichs par exemple sont anoblis. Mais quand ce n’est plus un jeu, quand l’objectif est de servir et de nourrir, c’est souvent assez dégueu et ça ne va pas en s’arrangeant…». Gardons en tête que le succès français de Mac Donald’s ne se dément pas, avec un chiffre d’affaires en hausse de 8% et l’ouverture de 37 restaurants en 2010…
Un bocadillo à Barcelone, une empanada au Chili, des harengs frais à Amsterdam… Beaucoup de nos voisins plus ou moins proches sont bien plus au point dans ce domaine.
Manger équilibré sur un bout de trottoir est bien plus facile à Bangkok ou à Marrakech qu’à Paris. Alors la cuisine nomade des rues françaises s’améliore aussi souvent grâce aux influences étrangères. Manger des falafels égyptiens ou libanais (pain, boulettes de pois chiches ou de fèves, légumes grillés, salade verte), des bagels américains (pain, garniture selon la créativité du chef, mais souvent fraîche et variée) ou des bobun vietnamiens (vermicelles, soja, bœuf sauté, concombre ou salade verte, menthe, cacahouètes concassées…), c’est bien souvent la garantie d’équilibre, de fait maison, loin de l’assemblage industriel.
Pour le chef Thierry Marx, la street food est même, loin de la junk food, un moyen d’intégration grâce à un artisanat culinaire de qualité. Il écrit dans son livre Comment je suis devenu… chef étoilé:
«Quand j’ai commencé à m’intéresser à la cuisine de rue, je n’en voyais que l’aspect commercial. En réfléchissant, j’ai compris qu’elle représentait le plus beau moteur d’intégration pour les communautés. (…) Le voyage avec les saveurs demeure le moyen le plus universel pour aller vers les autres. Repérer les meilleurs plats de rue, les installer chez nous, ou ailleurs, avec le savoir-faire de l’artisanat, me semble essentiel.»
En plus des influences voyageuses, les grands chefs réhabilitent la street food. Pour Alexandre Cammas du Fooding, la street food est «un terrain d’inspiration. Des chefs comme Jean-François Piège, Thierry Marx, Yves Camdeborde, Guy Martin, s’y frottent ou s’y sont frottés avec plus ou moins de talent, en version street fast ou en version gastro-ludique et gentiment snob. La preuve que ce n’est pas encore complètement dans la culture française.».
Thierry Marx a même créé un atelier de formation à la cuisine nomade à Blanquefort, en répétant qu’il s’agissait de créer une alternative à la malbouffe. Des demandeurs d’emploi porteurs de projets professionnels apprennent à monter un bar à soupe ou un camion à pizzas. Peu à peu l’idée d’une bonne street food à la française fait son chemin vers les programmes des écoles hôtelières.
On est bien à des années lumières de la junk food quand les chefs inventent un fast-food à la hauteur de leur image: le snacking devient carrément classe, comme chez Cozna Vera («la cuisine vraie» en patois savoyard), le fast-food bio de Marc Veyrat.
Le burger bio et frites bio est à 9,80 euros, la soupe à 5,80. Citons la «boulangerie-épicerie» («Be») d’Alain Ducasse et Eric Kayser qui propose des casse-croûte (autour de 4,80 euros) avec la crème du pain parisien, ou encore Ouest-express, le resto rapide lyonnais de Paul Bocuse. Là aussi, on est loin du 3 étoiles, les sandwichs coûtent entre 5 et 6 euros, les salades 6,90. Plus luxueux, Fauchon propose même un sandwich foie gras-figues à 15 euros… Tout cela correspond au concept de «fast good», rapide et bon, créé par le chef espagnol Ferran Adria.
Le M.I.A.M. propose régulièrement des soirées street food pendant lesquelles des chefs travaillent loin de leurs cuisines connues et équipées, dans des conditions de rue, souvent avec une plancha, une friteuse et basta.
Sans complexes ni chichis. Une contrainte qui permet d’innover ou de revisiter des standards. Car selon Cyril Musy, fondateur et rédacteur en chef du M.I.A.M., «un fish and chips ou un burger mal fait, c’est de la junk food. Quand c’est bien fait, avec des bons produits, c’est de la bonne cuisine de rue!».
Enfin, certains chefs détournent la cuisine de rue pour en faire des plats chics bien installés dans des assiettes, à déguster confortablement assis dans de grands restaurants. Un exemple symbolique, le sandwich à la truffe de Michel Rostang, qui frôle les 100 euros.
Thierry Marx, quand il était chef du prestigieux Château Cordeillan-Bages, à Pauillac, proposait une fois par mois un menu street food, sans fourchette ni couteau: une street food réinterprétée ou déstructurée. Là, on est bien à des années lumières de la junk food, mais les plats n’ont de street food que l’appellation.
Cyril Musy de M.I.A.M, qui explique que la nourriture cuisinée dans la rue n’existe pas vraiment en France, note que «les food trucks américains («camions culinaires» ndlr), de petites cuisines mobiles qui proposent des plats de qualité, vont sûrement arriver en France d’ici l’été. Ce sont des petites cuisines mobiles, qui ont vraiment une approche culinaire, et proposent deux ou trois plats de qualité ».
Des food trucks à la française pourraient même apparaître avant l’été, puisque Strategie rapporte que Monoprix devrait lancer dans les mois qui viennent «Monop’Street», une roulotte destinée «à la vente de produits de petite restauration dans les rues de Paris» (pas sûr qu’on y cuisine sur place, comme dans les food trucks américains, ces roulottes pourraient simplement être des versions mobiles des Daily Monop)
En tous cas, en cet automne 2011, le «sandwich day» a attiré les foules au concept store Colette. Au même moment, le Festival de la photo culinaire s’est focalisé sur les images d’une street food belle et internationale. On est bien loin du sandwich cartonné ou du burger dégueu.
Lucie de la Héronnière
Photo: Crêpe making at Quasimodo café / Serge Melki via Flickr CC License By
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A Tahiti existe depuis des lustres les “roulottes” qui sont des camionnettes aménagées en resto ambulant. En place à partir de 17h au bord des routes, vous y mangez toutes sortes de plats depuis les poissons, grillades de viande, veau en broche, sashimi, crèpes, pizza etc. C’est dans la rue, préparé sur place, peu cher et souvent excellent…
bref rien de neuf sous le soleil…
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