Sans pareil dans l’histoire de la mode, Jean Paul Gaultier en a bousculé les codes en y introduisant une sacrée dose d’humour. Détournement d’objets, imaginaire débridé, métissage d’influences ethniques, stylistiques, le créateur multiplie les fantaisies dans ses collections. L’exposition qui lui est aujourd’hui consacrée au Grand Palais est un feu d’artifice. Tour du monde de l’Inde aux Esquimaux en passant par la Parisienne, la ronde est menée tambour battant. Du prêt-à-porter lancé en 1976 à aujourd’hui en passant par la haute couture initiée en 1997 se parcourent presque 40 ans de mode et se dessine une vraie puissance de création.
L’odyssée du début s’esquisse avec l’ours Nana, muse et martyr, sur lequel Jean Paul Gaultier fit ses premiers essais de maquillage et de seins coniques. Source d’inspiration et de vocation, Falbalas, le film de Jacques Becker avec Micheline Presle passe en boucle dans un vieux téléviseur. Spectaculaire, l’exposition met en scène toute l’originalité, l’inventivité, mais aussi et surtout la perfection avec laquelle les modèles les plus élaborés sont réalisés (plumes, broderies…).
Le boudoir se dévoile. Les dessous sont dessus, dehors, apparents (le souvenir des combinaisons de la grand-mère avant d’habiller Madonna). Les seins obus, coniques, proéminents, se dressent fièrement. Les robes corsets se lacent et se délacent jusqu’à l’effeuillage et le fétichisme revisité.
À fleur de peau, des références en trompe-l’oeil, des effets visuels, une allure de tatouage pour nouvelles tribus en résille.
Masculin féminin, le souvenir d’une garde-robe pour deux, un imperméable pour deux, singing in the rain. Le pantalon pour elle, le kilt ou la demi jupe pour lui.
Vers un ailleurs s’affirme un métissage multi-culturel. Au loin les Esquimaux, l’Inde, mais aussi les Indiennes à plumes du Far West, Pocahontas, les Rabbins chics (1993),…
L’art s’invite avec les constructivistes et la Russie (1986), Frida Kahlo et le Mexique, Vasarely et les effets optiques, Richard Lindner…
Complice du créateur, Odile Gilbert (auteur des coiffures des défilés) a imaginé les perruques des mannequins de l’exposition. Dans la recomposition d’un « front row » se reconnaissent quelques personnalités de la mode : Suzy Menkes et sa houpe, Grace Coddington et sa rousse crinière, Franca Sozzani et sa blondeur gauffrée…
Autour du cinéma, le souvenir de collaborations avec Peter Greenaway, Pedro Almodovar, Luc Besson…
Autour de la danse, le défilé concocté avec et pour Régine Chopinot, mais aussi Angelin Preljocaj.
Autour de la musique : l’emblématique Yvette Horner, les Rita Mitsuko, Madonna (Blonde Ambition Tour), Kylie Minogue…
Des photos de Miles Aldridge, David LaChapelle, Paolo Roversi, Pierre et Gilles, Jean-Paul Goude,Cindy Sherman ajoutent une autre lecture de la mise en scène des modèles.
Parmi les temps forts : le défilé Les Parisiennes, en mouvement avec bande son descriptive lue par Catherine Deneuve.
Des mannequins au visage animé, avec un Jean Paul Gaultier plus vrai que nature invitant à l’exposition (un travail mis au point par UBU, compagnie théâtrale montréalaise avec un système de « Spitting Image Puppet »).
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So french, cocorico avec la marinière (immortalisée dans un premier portrait de Pierre et Gilles). Signature, part de l’uniforme JPG, la marinière est parfois assortie d’un kilt, période Eurotrash (l‘un est l’autre en Albion). Piste aux étoiles pour l’affiche avec un Jean Paul Gaultier affublé d’une houpe ; sous le tuxedo un gilet reprend les codes de la marinière élevée au rang d’objet fétiche.
Une magnifique exposition. De quoi rendre nostalgique d’un temps où la mode était création.
Jusqu’au 3 août.
Photos Paolo Roversi, Jean Paul Goude, E. Larsson