Grande dame de la mode et très belle personne, Maria Luisa n’est plus. Pendant plus de vingt ans, elle a défendu les créateurs, les vrais et les a soutenus. Son prénom est devenu un nom synonyme de mode.
À la fin des années 80 j’ai poussé la porte de la boutique Maria Luisa et je l’ai rencontrée. Passionnée par son métier, elle aurait pu convertir les plus récalcitrants à la mode. Belle et dotée d’un sourire lumineux, elle fut d’une gentillesse extraordinaire. Je revins à la boutique régulièrement quand j’étais de passage à Paris et j’y discutais pendant des heures.
J’y découvris, au fil du temps, les créations de Jean Colonna, Helmut Lang, Jean Paul Gaultier, Martin Margiela, Philipe Ben, Mariot Chanet, John Galliano, Véronique Leroy, Alexander Mac Queen, Clements Ribeiro, Bernard Willhelm, Lutz, A.F. Vandevorst, Olivier Theyskens, Gaspard Yurkievich, Rick Owens, Balenciaga, Charles Anastase, Peter Pilotto, Manish Arora…
Sa fille Eugénie (dite Poum) l’accompagnait parfois dans les défilés, ce qui me permit de photographier Martin Margiela, un grand souvenir de mode.
Un jour Maria Luisa m’offrit une paire de chaussures de John Galliano (à ses débuts) dont elle venait de vendre le total look. D’improbables petites mules à semelle en drapeau anglais, houpette de plumes cocotte, dentelle de papier et talon argent. J’eus l’impression de recevoir un trésor.
J’étais toujours dans ses petits papiers pour profiter des soldes et de ses mythiques braderies.
Généreuse, Maria Luisa me permit de l’accompagner dans ses séances d’achat et je pus saisir la complexité de son métier. Et j’eus ainsi la possibilité d’acquérir des pièces extraordinaires chez Jean Paul Gaultier (la robe cube, un maxi trench très « couture »…), chez Martin Margiela (le gilet en affiches décollées, en morceaux d’assiettes, un autre en gants de cuir…), chez Mariot Chanet (un magnifique manteau doudoune à « boudins » de velours) et aussi Ann Demeulemeester.
À Londres, elle me confia amicalement la mission pendant quelques saisons d’acheter pour sa boutique des vêtements d’Hussein Chalayan dont nous venions de découvrir l’apparition sur la scène de la mode. Ensuite elle vint à Londres et passa quelques jours à la maison avec Daniel, son époux.
Je me souviens d’elle à Hyères à une époque où le festival était encore « petit ».
Je me souviens d’une vente pour une créatrice dont les vêtements aux teintures artisanales et à la construction en patchwork étaient très chers et la décision qu’elle avait prise de vendre pratiquement au prix de départ pour lui donner une chance de trouver des clientes.
J’ai aussi parfois joué à la vendeuse dans sa boutique avec quelques mémorables souvenirs.
J’aimais son enthousiasme, sa passion, son oeil toujours aux aguets pour découvrir de nouvelles choses, soutenir de nouveaux noms.
Si la mode a perdu une grande dame, j’ai perdu une de mes plus belles rencontres de mode, je lui dois beaucoup.