Étonnante créatrice de mode depuis la fin des années vingt, Elsa Schiaparelli a laissé l’empreinte de son imagination à un monde fantasque, original et souvent proche de la mouvance surréaliste. L’actualité est particulièrement riche autour de son nom en ce mois de janvier. Chez Christie’s, l’exposition de sa collection personnelle (propriété de Marisa Berenson, sa petite fille) sera suivie d’une vente le 23 janvier.
Au programme de la vente : 180 lots avec des oeuvres d’art, des robes, créations d’Elsa ou sa collection de vêtements ethniques qui lui servirent d’inspiration. Des modèles de robes Hammamet où elle se fit construire une maison, des caftans, mais aussi des robes orientales, chinoises et kimonos.
Un lot est particulièrement remarquable, il s’agit de patrons de robes (la créatrice ne dessinait pas, travaillait directement les matériaux qui étaient ensuite modélisés), 40 toiles de calicot roulées précieusement. Ce témoignage devrait fasciner les spécialistes. Vivant dans un entourage d’artistes, Schiaparelli collectionnait objets, peintures… ainsi un lampadaire de Giacometti, à motif de tête de jeune fille, un paravent de Marcel Vertès, du mobilier, des pièces d’argenterie originales,…
Parmi les modèles signés Schiaparelli : un chemisier de soie de la collection astrologie (1939), estimé 25.000€, un gilet brodé de la collection Cirque (1938), un petit boléro en paille tressée et son chapeau avec des motifs d’abeille. Se redécouvre la fantaisie de Schiaparelli dans les détails ainsi un modèle de robe à l’allure orientale, fermée d’un zip tout le long et agrémenté d’une doublure en zibeline.
Lors de la conférence de presse, Marisa Berenson raconta sa grand-mère, égrèna les souvenirs qui ont tissé la légende d’Elsa ainsi celle de la petite fille qui, ne se trouvant pas belle, avait mis des graines dans ses narines et oreilles pour qu’y poussent des fleurs ! La fantasque Elsa choisit l’excentricité et fut, à de nombreuses reprises, sublimement photographiée par Horst P. Horst et Man Ray. Une dizaine de ces portraits de Man Ray figurent dans la vente ainsi l’étude solarisée d’Elsa qui servit de couverture à ses mémoires : A Shocking Life. Pour Marisa Berenson, cette collection a fait partie de son existence, mais : « La vie évolue et il y a des moments où il faut accepter la séparation. Je suis convaincue que les objets personnels de ma grand-mère vont inspirer les générations futures, c’est un héritage extraordinaire et fascinant ».
Grande dame de la mode, Elsa Schiaparelli a joué la carte de la fantaisie, mettant sur la tête des élégantes des côtelettes, des chaussures, ou encore des cerveaux (velours innervé de circonvolutions et semé de perles). Les colliers osèrent des insectes en décolleté. Le sportswear fut aussi un fer de lance des débuts avec notamment des pulls en trompe-l’oeil à l’image de celui porté par Marisa Berenson, marinière blanche à rayures bleues et noeud rouge. De l’humour, de la fantaisie, mais aussi des innovations comme l’utilisation de grands zips posés de façon visible.
Les parfums furent particulièrement originaux et audacieux, Shocking (comme le nom donné au rose) dans un flacon bustier de femme inspiré des courbes voluptueuses de Mae West dont une sculpture en plâtre figure dans la vente. Entouré d’un minuscule mètre ruban, le flacon était couronné de fleurs signées Leonor Fini. Zut (deux versions dans la vente) mettait en scène une paire de jambes sur lesquelles un jupon était tombé (à l’image des jambes de Mistinguett). Pour Snuff, une forme de pipe, pour Sleeping, un bougeoir… Parfums incroyables, noms provocateurs, la créativité de Schiaparelli a marqué la parfumerie.
Si Schiaparelli a cessé ses activités de mode en 1954, son nom a été racheté par Diego Della Valle en 2006. Après une collection capsule signée Christian Lacroix, l’été dernier, la maison fait son retour pendant la haute couture en tant que membre invité. Marco Zanini, qui signait la mode de Rochas et est passé par Versace, va présenter son travail sous le nom de Schiaparelli le 20 janvier. Si la belle endormie se réveille, sera-ce avec la fantaisie et l’originalité de la créatrice qui lui a donné son nom ?
Exposition du 18 au 22 janvier chez Christie’s et vente le 23.
Portrait de Horst P. Horst