Pour sa réouverture, le Palais Galliera* rend hommage au talent d’Azzedine Alaïa avec la première rétrospective en France consacrée au couturier. Orchestrée par Olivier Saillard, directeur du musée, l’exposition des 70 modèles se découvre dans une scénographie signée Martin Szekely.
Créateur majeur depuis les années 80, Azzedine Alaïa a choisi un parcours atypique, oubliant notamment les contraintes d’un calendrier de la mode imposé. Architecte du vêtement, il possède une maîtrise de la coupe hors normes. S’il a modestement débuté, il a su vite trouver une clientèle de fidèles séduites par ses robes parfaites. Louise de Vilmorin ou Greta Garbo furent parmi les premières personnalités à porter ses modèles. Muse, Arletty servit d’inspiration, ainsi l’iconique robe zippée est influencée par une tenue portée par l’actrice dans Hôtel du nord. Le style troubadour de la collection 88-89 s’inspire lui du style des tenues médiévales des Visiteurs du soir.
Couturier majeur des années 80, Alaïa a su imposer un style personnel qui a défié le temps. Perfectionniste, il a développé une maîtrise de la coupe parfaitement construite. Ses matières de prédilection furent le stretch, mais aussi le cuir, particulièrement souple. Le jean, il l’a « moulé comme un bas-relief ». La technologie est aussi un centre d’intérêt pour le couturier avec les découpes au laser, les perforations… « Quand je travaille le vêtement, il faut que ça tourne sur le corps, de profil et de dos » explique-t-il. Ces dernières années, ce sont ses robes de patineuses qui sont devenues une signature sur lesquelles les nouvelles élégantes ont jeté leur dévolu.
Dans l’exposition, 70 modèles remettent en mémoire la force des années 80, l’audace des modèles que portaient les conquérantes de l’époque. Se redécouvre aussi avec bonheur la fantaisie avec l’utilisation de matières comme le raphia ou les imprimés fauve. Se dresse, longiligne la robe à cagoule et laçage sublimement portée par Grace Jones. Une magnifique succession de silhouettes empreintes de majesté hante le décor des salles du Palais Galliera restaurées. L’exposition traverse aussi l’avenue du Président Wilson. Hors les murs, elle ose une incursion au musée d’art moderne de la ville de Paris, juste en face. C’est dans la salle des grands Matisse qu’a lieu une réjouissante confrontation entre art et mode. Le sujet tient à coeur au créateur qui a souvent tissé des liens entre art et mode au fil de rencontres : au CAPC de Bordeaux avec des sculptures de Dan Flavin, avec Julian Schnabel à la Biennale de la mode à Florence… Pour la grande rétrospective au musée Groninger des passerelles étaient proposées avec des oeuvres de Picasso, Basquiat et Kiefer.
Reconnu par ses pairs comme un des « grands » de la mode, Azzedine Alaïa reçut deux oscars de la mode en 1985 lors d’une manifestation organisée à l’instigation du ministre de la culture de l’époque, Jack Lang.
Le très beau catalogue remet en lumière des séries de mode mythiques avec les mannequins des années 80 signées Horst P. Horst, Peter Lindbergh, Arthur Elgort… Croquées par William Klein, les coulisses des défilés découvrent l’envers du décor. Parmi les souvenirs qui s’égrènent au fil des pages : un essayage de la robe bleu blanc rouge portée par Jessye Norman pour chanter la Marseillaise lors du bicentenaire de la révolution française. Des dessins d’Aurore de la Morinerie ajoute une touche de poésie. De nouvelles photos figurent également dans l’ouvrage ainsi une série délicate et magnifique signée Sarah Moon.
Jusqu’au 26 janvier.
C Pierre Antoine