Incandescente violette dans son flacon rouge sombre, Fahrenheit enveloppe de son envoûtant sillage cuiré.
Le lancement de Fahrenheit a été un des premiers événements auquel j’ai assisté en tant que journaliste. Dans la suite d’un grand hôtel à Tokyo, la sobre présentation Dior fut éclipsée par la rencontre avec un parfum que j’allais porter plusieurs années.
Annoncé masculin, Fahrenheit se révélait furieusement floral et composé de notes qui allaient me toucher ainsi la violette et le « cuir ».
L’audace de ce parfum atypique, très floral pour un masculin (même si déjà Grey Flannel surfait sur une même vague) était signée Jean-Louis Sieuzac. Composition magnifique, elle est aussi due au choix de Maurice Roger qui a marqué de son empreinte l’histoire des parfums Christian Dior. À l’origine, un accord floral vert de jasmin et de chèvrefeuille et une violette puissante (fausse discrète !) surdosée (au départ via l’octylcarbonate de méthyle), le tout s’épanouissant sur un fond boisé (patchouli) et cuiré.
La phrase d’accroche en communication se révéla efficace et participa à la légende : L’homme infiniment. Dans le film de Ridley Scott : un ponton, un homme, une marche vers la mer, l’océan et, en bout de course (marche), tout s’inverse, l’homme se retrouve vers l’étendue de sable… Magnifique. La musique de Pat Metheny et Lyle Mays accompagne en fragments le film. Dans As Falls Wichita, So Falls Wichita Falls, un morceau de 20 minutes, s’égrènent des nombres, succession énigmatique : thirty-eight, forty-two et surtout fifty-five et three repris dans le film.
David Lynch, quelques années plus tard, partit en voyage avec Fahrenheit, un ascenseur mystérieux, des chiffres qui annoncent la montée et ces fameux fifty-five et three qui, ici, pourrait s’écrire free dans le sens de liberté avec le passager découvrant, en lieu de ciel, une étendue de nuages rougeoyants à perte d’océan. Récemment, c’est un paysage volcanique de terres éruptives, de falaises et de mer qui servit d’écrin à cet homme infiniment et à la nouvelle Aqua Fahrenheit.
Rouge sombre incandescent, le flacon brûle de couleurs incendiaires. Il serait peut-être inspiré d’une oeuvre de James Rosenquist, Fahrenheit 1982 degrees (datant de 1982 et aujourd’hui au Whitney Museum). Tableau haut en couleurs vives, rougeoyantes, il est résolument pop et très cosmétique avec rouges à lèvres au raisin en fusion et ongle en forme de plume de stylo laqué d’un vinyle carmin.
Succès colossal à l’époque de son lancement (plus d’un million de flacons vendus en trois mois), Fahrenheit est aujourd’hui entouré de deux variantes, une Aqua, plus fraîche, plus estivale avec une note pamplemousse d’Italie. L’Absolute se révèle plus intense avec des notes de fond accentuées : myrrhe, encens et bois de oud. Des compositions de François Demachy, parfumeur maison, qui souligne la signature florale des masculins chez Dior.
Le nom s’inspire du physicien allemand qui a créé une échelle de température qu’utilisent encore quelques pays dont les Etats-Unis. À 32° l’eau se glace et à 212° elle bout. Fahrenheit renvoie aussi au film de Truffaut inspiré de la nouvelle de Ray Bradbury. À 451°, température où le papier brûle, se profile un univers où les livres sont condamnés à disparaître ; mais là, il s’agit d’un sombre futur…
Fahrenheit, le parfum, demeure à la bonne température et incarne un des grands piliers de la parfumerie masculine.
Naissance ; 1988
Papa : Jean–Louis Sieuzac
Famille : Boisé floral cuiré
Genre : Masculin
Désormais le parfum de Pascal A.
Le 5 décembre