Un chapeau (souvent micro) vissé sur la tête, des cheveux ondulés colorés de mauve ou de bleu ; un maquillage aux pommettes rehaussées de rose, à l’oeil ourlé de noir… Anna Piaggi incarnait parfaitement l’excentricité, mais sauce italienne. Avec élégance et originalité, elle s’approchait parfois d’un petit air de clown de Fellini. Elle disparaît aujourd’hui à l’âge de 81 ans.
Rédactrice pour le Vogue de son pays, elle y mijota ses Doppie Pagine, des doubles pages fantasques réalisées avec des collages, des assemblages d’éléments, des confrontations qui sortaient la mode de son contexte, l’associaient à l’art, au graphisme, à la photo… Air du temps, fantaisie débridée, ces pages furent rassemblées et éditées (sans se soucier de la chronologie des dates de parution) en 1998 sous le titre d’Algèbre de la mode.
Dans la préface, Franca Sozzani explique ce qu’elle souhaitait pour le Vogue en 1988 : « Vogue devait être comme une vidéo sur papier, thermomètre des changements dans les moeurs. Il y fallait quelque chose d’inattendu, la fameuse « variable affolée » qui devait surprendre dans chaque numéro et déjouer toute attente. C’est ainsi que sont nées les doubles pages d’Anna Piagggi. » Pour la conceptrice : « J’ai pensé à un suc d’idées, à un concentré d’images et de stimuli visuels, à un Vogue juice vitaminé. Et surtout j’ai pensé à la simplicité radicale, au naturel de ces pages étalées, ouvertes. Deux à deux. Indivisibles. Doubles. D.P. Doubles Pages. »
En 2006, le Victoria & Albert Museum lui rendit hommage avec « Anna Piaggi, Fashion-ology ».
Elle portait les chapeaux de Stephen Jones, avait l’amitié de Karl Lagerfeld, de Dolce & Gabbana, elle suivait les jeunes (et les moins jeunes) créateurs, elle a osé des mélanges inattendus, elle s’est amusée du vintage, elle portait des tenues de J-C de Castelbajac…
Au premier rang des défilés, elle va manquer.