Créative, ludique, mathématique et écologique, la proposition de collection « 132 5 Issey Miyake » imagine surtout un vêtement pour aujourd’hui ou demain, sans vision passéiste.
Si les années 60 avaient une vision claire du futur imaginé par le cinéma de l’odyssée de Kubrick (2001), la mode créait alors également le vêtement de demain. Courrèges mettait sur orbite de futuristes mini robes ou des bottines pour alunir. Paco Rabanne (métallurgiste pour Coco Chanel) découpait en métal et rhodoïd les silhouettes des années yéyé. Pierre Cardin travaillait la géométrie selon un axe visionnaire… Et puis plus rien de vraiment novateur, la mode se mit à (se) recycler et à s’inspirer du passé (même si parfois de façon très créative).
Parmi les rares créateurs qui tentent l’accord avec leur époque figure Issey Miyake qui ajoute, en tant que Japonais, un pont entre l’Orient et l’Occident avec déjà ses créations figurant dans East meets West. En 1988 il réinvente le plissé qu’avait imaginé Fortuny, mais de façon pratique et fonctionnelle. Un plissé permanent s’inscrit dans le tissu et, après lavage, la matière reprend sa forme plissée initiale. Pleats Please devient un succès planétaire et le quasi uniforme (choisi volontairement) des designers, gens de la mode, bureaux de tendance … qui voyagent fréquemment.
Dix ans plus tard, avec A-POC Issey Miyake va plus loin en reprenant un terme très simple qui déjà qualifiait ses créations du début : A piece of clothe. Avec pour complice Dai Fujiwara est imaginé un tube de tissu contenant des vêtements pré-découpés que la cliente pourra créer avec une simple paire de ciseaux. Une magnifique idée (un final de défilé extraordinaire de mannequins attachés en chenille), mais peut-être pas si simple à envisager pour de traditionnels consommateurs.
Aujourd’hui Issey Miyake poursuit sa recherche avec le Reality lab (constitué en 2007 avec notamment Manabu Kikuchi, ingénieur textile et Sachiko Yamamoto, ingénieur et modéliste…) et présente « 132 5 Issey Miyake ». Le créateur explique que les mots-clés de ce projet sont « recyclage » et « régénération » autour d’un concept né d’une approche mathématiques. Déjà le défilé de l’automne-hiver 2010 signé Dai Fujiwara flirtait avec les mathématiques et le travail de William Thurston autour de « huit géométries en tant que métaphores de l’univers ». Au premier rang des invités figuraient des chercheurs dont Cédric Villani récompensé en août par la prestigieuse médaille Fields.
« 132 5 Issey Miyake » est un nouveau projet où l’objet passe des deux dimensions au volume en 3D. S’il fait un peu songer au pliage traditionnel japonais des origami par sa dimension poétique, il s’agit davantage d’un travail de mathématiques. En 2008 Reality Lab a rencontré Jun Mitani, un professeur qui travaille sur « la modélisation des formes géométriques assistées par ordinateur ». Le logiciel développé permet de passer d’une feuille de papier à un objet en trois D par pliage et dépliage. Appliqué au vêtement, celui-ci devient sculpture avec des angles, des triangles… Dix patrons de base ont été mis au point comprenant lignes de pliure et lignes de coupe. A l’esprit mathématique s’ajoute une dimension esthétique évidente.
Le nom 132.5 a une portée symbolique. 1 reprend la notion d’une pièce de tissu. 3 qualifie le résultat final en 3D. 2 parce que la pièce est pliée de façon bidimensionnelle. Et enfin le 5, après un espace, pour symboliser la métamorphose quand le vêtement est finalement porté vers de nouvelles dimensions. Plié, le vêtement est posé à plat, pris en main, soulevé, il se transforme pour devenir robe.
Pour être au plus proche du respect de la planète ont été utilisés des tissus de polyester recyclés. La firme Teijin Limited a composé, à partir de produits chimiques recyclés, de nouvelles fibres régénérées. D’où le programme Eco-Circle dont fait partie le développement de « 132 5 Issey Miyake ».
Le Reality Lab travaille également à d’autres projets dont In’Ei signifiant l’ombre, un mot présent dans « L’éloge de l’ombre », remarquable petit texte de Junichiro Tanizaki datant de 1933 (In’Ei raisan) et qui donne aujourd’hui encore aujourd’hui des clefs quant à la compréhension des fondements de l’esthétique japonaise. Mais le travail sur l’ombre est pour le futur…
Aujourd’hui 123 soleil et 132 5 à découvrir à partir de fin octobre.