Com 1 – Démocratie 0

L’avez-vous remarqué? Nous avons pu assister, en direct, jeudi soir, à la naissance d’un mot, fait suffisamment rare pour que nous nous en félicitions, quels qu’en soient, par ailleurs, le contexte et les conséquences.
Donc, grâce à Vincent Peillon, nous avons suivi, en temps réel, l’apparition de la peillonnade, sur le modèle de la populaire mais efficace couillonnade, bien entendu. Ce vocable désignera désormais une figure de style de la vie politique française – et, très bientôt, on en prend ici le pari, de la vie économique, de la vie sociale et, à coup sûr, de la vie culturelle. Tant il est vrai que nombre de gens brûlent de se rendre aussi médiatiquement notoires que Maurice Clavel, sans discerner qu’il n’est pas donné à tout le monde d’imaginer, puis de lancer, en prenant le pays entier à témoin, le “Messieurs les censeurs, bonsoir!” qui les fera entrer, d’un coup, dans l’immortalité.
Qu’est-ce que la peillonnade, au fait? On suggère ici de la définir, en première approximation, comme un action de communication dérivée de la conciliation des contraires (notion banale en philosophie depuis les penseurs allemands du XIXe siècle, à commencer par Hegel, et, de son état, Vincent Peillon est philosophe) qui vise à s’assurer plus de présence virtuelle – dans les médias et sur Internet – grâce à une absence réelle. De manière plus triviale, on pourrait dire que c’est mettre la dialectique au service de la Com.
La peillonnade, en effet, de l’aveu même de son créateur, se donne pour finalité de créer le scandale – entendons le buzz: “Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose sur le Web” écrirait Beaumarchais aujourd’hui. En bref, pour la faire courte ainsi qu’on a tort de le répéter dans une luxuriance de vulgarité dépassée seulement par l’innommable “rien que du bonheur”, peu m’importe que vous disiez du mal de moi, puisque c’est de moi que vous parlez. Guy Béart, naguère, le chansonnait: “Parlez-moi de moi, y a que ça qui m’intéresse”. Ce qui nous amène à relever que l’égocentrisme apparaît comme l’un des composants essentiels de la peillonnade. Tel qui se voudrait François (Mitterrand) n’est au fond que Ségolène (Royal).
Soyons justes. Il est clair, d’ores et déjà, que la peillonnade n’est pas l’apanage de la Gauche. Ou, plus exactement, que la Droite, depuis peu, en possède l’équivalent sous la forme, mille fois ressassée, jusqu’à la saturation, de la lefèbvrerie qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Peillon et Lefèbvre même combat!
On ne se hasardera pas à prédire l’avenir de la peillonnade et de la lefèbvrerie. Mais on est convaincu qu’elles n’apportent rien au débat: Com 1 – Démocratie 0.

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