mutualisation

L’avez-vous remarqué? On mutualise beaucoup ces temps-ci. Hors la mutualisation, point de salut. Qu’est-ce qu’on mutualise? Tout, mais, d’abord, les risques et les ressources.
Comme on ne se refuse rien, on mondialise – ah, le charme discret de la mondialisation… – afin, nous dit-on, de mieux mutualiser. L’inverse, semble-t-il, n’est pas vrai. On ne mutualise guère afin de mieux mondialiser, encore que cette proposition pourrait être infirmée par les fusions, réalisées ou en cours, de grandes compagnies aériennes qui, sans trop l’avouer, serait-ce au nom de la rationalisation, mutualisent dans le but de prendre des parts supplémentaires du marché planétaire.
Bref et d’un mot, tout responsable politique, tout chef d’entreprise, tout intellectuel même (nous ne manquerons pas, au passage, de déplorer la disparition du Grand Intellectuel Français, avec trois majuscules, type humain, de Péguy et Barrès à Foucault et Derrida, dominant la pensée durant un siècle), qui négligerait de parler de mutualisation dans un discours, une intervention, une interview, un essai ou un article, voire un propos de table (on aimerait réhabiliter cette appellation ancienne de la “petite phrase”), dérogerait à son statut. Il ferait illico très petit genre. Alors que la mondialisation, elle, n’apparaît déjà plus comme un discriminant social. On laissera désormais son emploi aux journalistes débutants qui ont à maîtriser l’art subtil du cliché, aux étudiants de deuxième année (qui disent par nature n’importe quoi, foi d’étudiant de troisième année) et aux gouvernants en mal de justification: la crise, c’est pas moi, m’sieur, c’est la faute à la mondialisation. Il va de soi que vous avez renoncé depuis très longtemps à délocaliser – sauf si vous vous appelez François Chérèque ou Bernard Thibaut.
Vous voici prévenus. Mutualisez tant qu’il vous plaira, mais, par grâce, sachez d’urgence ne plus mondialiser. À moins que vous ne maîtrisiez assez l’anglais pour pouvoir gloser à loisir sur la globalization, nettement plus chic. Auquel cas, snob jusqu’au bout, vous défendrez des arguments puisés à bonne source: dans la Lex column du Financial Times, s’entend.
Et puisque nous en sommes au global, notons en passant que le global warming – c’est à dire le réchauffement climatique – a pas mal de plomb dans l’aile ces jours-ci. Entre l’échec de la conférence de Copenhague – qui a jeté un froid, soit dit en plaisantant à peine – et les chutes de neige, voici l’Europe ramenée à sa condition de péninsule à peine tempérée. Ça serait-y pas le Gulf Stream qui ferait des siennes, par hasard, ma bonne dame? En fait de réchauffement, n’entrerions-nous pas dans une nouvelle glaciation? Quitte à passer pour climato-sceptique – haro! -, nous chérissons cette hypothèse. Elle nous rappellerait la dureté des hivers de notre jeunesse. Qui n’a pas connu le grand frimas de 1956 n’a rien connu.
À propos, contre le froid, ne serait-il pas de nécessité publique de mutualiser les gants et les manteaux comme l’eût prôné saint Martin? Ce serait toujours plus amusant, comme le disait Georges Charpak, que de mutualiser les idées reçues.

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