London Burning

Finalement, comme le souhaitait d’une manière tout à fait putassiere et opportuniste, les filous organisateurs des JO de Londres qui, sur ce coup là, ont senti d’où le vent soufflait, l’appel sanglant des Clash a bien été entendu. Comme l’expectorait tout en l’espérant Joe Strummer dans ses versets apocalyptiques de la mythique chanson ( voir post ci dessous), les jeunes se sont enfin réveillés, ont piqué les boots de leurs ainés, et ressorti les blousons cloutés de derrière la collection des vieux vinyls encrassés de poussière de leur paternel rassis, assis dans leurs canapés à attendre le clap de fin.

Les loups sont entrés dans la ville. Certes plus pour se procurer la dernière paire estampillée Nike ou Adidas que pour réciter des chapelets à la gloire de John Lénine. Mais enfin c’est déjà un bon début. Ça va bien à l’Angleterre d’être ainsi à feu et à sang. C’est l’Angleterre qu’on a aimé. Celle en noir et blanc. De la classe ouvrière, dents cassés, yeux vitreux, teint couperosé, entassée bien au chaud, dans le ventre des tribunes d’Anfield ou d’Old Trafford voir d’Ellan Road, le stade coupe gorge de Leeds et de sa racaille de joueurs et de supporters.

De la pluie qui pisse des sots de rots et de la boue bien grasse encrassée dans les surfaces de destruction. Celle des mods et des skins. Des Who et des Stones. Des Buzzcoks et des Jam. Des bastons et des matraques.
Des batailles toutes chevaleresques entre des bobbys imperturbables campés sur leurs chevaux impeccables de droiture, et des hordes de hooligans défoncés à la bière à 18 degrés, s’arrêtant, entre deux largages de pierres, pour aller pisser un bon coup contre des murs de brique rouge. Celle de la révolte sans but et des buts pas très clairs.

Celle là même que chantait et espérait Morrissey, le chanteur préferé de David Cameron tout de même, dans l’une des plus cinglantes et parfaites chansons des Smiths, Panic : Panic on the streets of London/ Panic on the streets of Birmingham/I wonder to Myself/ Could Life ever be sane again/So you run down to the safety of the town/ But there’s panic on the streets of Carlisle/Dublin Dundee/ Humberside.


Certes Morrissey voulait juste qu’on aille pendre le salaud de de DJ qui persistait à passer de la soupe de musique qui ne lui parlait pas de sa vie et ne l’aidait pas à comprendre comment cheminer sur les sentiers tortueux de l’existence. Pas qu’on aille fracasser les boutiques de grandes enseignes de magasin de sports juste pour avoir le plaisir de se mirer devant la glace, histoire de voir si le dernier blouson que portait Jude Law en faisant son repassage et qu’on a maté l’autre jour dans les pages graisseuses du défunt News of the World, est si seyant que cela.

On a les révolutions qu’on peut. Désormais, au lieu de se lamenter sur le démantèlement des usines ou sur la misère d’habitats laissés à l’abandon par les pouvoirs publics, on désespère de ne pas posséder la même paire de souliers que Thierry Henry ou que de David Beckham. On enrage de continuer à bouffer des match de foot sur des écrans mesquins et rétrécis alors que les gens bien nés ont le droit d’avoir Wayne Rooney et Gareth Bale quasiment dans leur salon.

Les temps changent. Les idéologies ont désertés les cerveaux. Les idées ont emprunté des raccourcis inquiétants. Les cerveaux s’intoxiquent de jeux vidéos débilitants et de vies virtuelles anesthésiantes. C’est la fin du vieux monde. De la bonne vieille Europe. On attend plus que les fossoyeurs pour tourner de bon cette page d’histoire qui nous tient en haleine depuis deux siècles maintenant. Une éternité.

Il est grand temps d’engager un nouveau metteur en scène, de nouveaux acteurs, de nouveaux scénaristes. La page est blanche, l’avenir incertain, les repères vacillants. Ou comme le chantait notre Miossec national dans On était tellement de gauche:
Et quand vous apprenez un jour par la poste/Que de vous on ne veut plus/Vous repensez alors Cocktail Molotov/ Ça ne serait pas arrivé si on s’était battu/ Mais c’est trop tard pour que l’on rechausse/ Les vieilles idées que l’on croyait perdues/ C’est désormais bon pour les gosses /Allez les enfants, foutez le raffut.



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