Banonnonramama

 

Décidément DSK et Tristane Banon forment un bien joli couple. Entre Dominique qui revient, tout sauf en catimini à Paris, avec ce sourire extatique et indéchiffrable, qu’on voit d’habitude, chez ceux qui carburent, dès l’aurore apparue, aux antidépresseurs de quatrième génération, promenant leur mélancolie maladive, le long de couloirs aseptisés de haute sécurité d’un hôpital psychiatrique de province, et Tristane, plus écervelée et imprévisible que jamais, qui n’en manque pas une pour nous rattraper par la manche, en nous postillonnant et moi, et moi, et moi, moi aussi j’ai des émois qu’on ne parle pas assez de moi, on peut dire que les deux font la paire.

Tristane crevant de jalousie rentrée de voir Dominique plastronner en jubilant devant les caméras du monde entier, à deux point de se prendre pour Gene Killy et de taper des claquettes avec sa promise devant le parterre humide de sa mansarde parisienne, et Dominique, dans la solitude dorée de sa bibliothèque, dégorgeant de pléiades platinées collectionnées mais si peu ouvertes, s’entretenant avec le fantôme de Victor Hugo rôdant encore et toujours autour de la plage des Vosges, pour lui demander, comment s’amender sans avoir l’air de se déballonner

Tristane, elle, ne sourit plus. Elle souriait du temps où, toute guillerette et un peu pompette, elle s’en allait dîner du côté de chez Ardisson, raconter fleurette au sujet de ses aventures pas vraiment guillerettes avec Dominique la bête. Désormais, Tristane rejoue les Canons de Navaronne en nous balançant, entre les dents, un appel. Pas du 18 juin mais du 24 septembre. Mais quelle différence ? C’est toujours la même litanie : la patrie est en danger, les loups sont entrés dans Paris, la justice a été confisquée par les riches et les puissants ; dans les rues de Paris, les mâles en rut peuvent palucher à leur guise la première passante rencontrée, sans que personne ne s’en émeuve ou ne s’en offusque, le tout sous la bienveillance outrancière de la maréechaussée qui assiste à ce spectacle somme toute bien bonhomme sans moufter de la matraque.

 

Des colonies de retraités priapiques draguent en toute impunité des jeunes filles à la sortie des cours de récréations, encouragés dans leurs travers pervers par une justice rendue aveugle et complice par une classe politique en passe de socialiser, à coups de jeux d’influence à peine dissimulés, les sous-sols encombrés du Palais de Justice.

La France se meurt, les femmes agonisent, Versailles se tait, le Palais se terre, l’Assemblée Nationale s’enivre de puissance et de gloire, le Sénat se morfond d’indifférence, la canaille plastronne dans les avenues de la capitale, la race inférieure à tout envahi, les canons grondent, et comme toujours, le peuple ronronne en attendant des jours meilleurs.

On ne sait plus quoi faire avec toi, Tristane. Tu as l’air tellement perdue dans l’arrière-cour de tes pensées filandreuses, tellement égarée dans le dédale de tes sentiments contrastés, qu’on a comme une envie, tout naturelle, de t’épauler, de te prendre dans nos bras et de te consoler, en te serrant très fort, contre notre cœur attendri. Même si on ne sait plus très bien pourquoi tu pleures.

Et puis, dans le même mouvement, en parcourant ta prose d’écolière outragée, cette prose boursouflée et toute pataude de lycéenne contrariée, on éprouve comme une gêne indicible mais néanmoins bien réelle, à se retrouver confronté à cette écriture d’une platitude infinie, d’une paresse sans nom, d’une insignifiance avérée comme si, à force de twitter les mots et de triturer des messages lapidaires sur ta page Facebook, tu ne savais même plus ce qu’écrire voulait dire, que tu avais perdu la confiance des mots, comme si ceux-ci, à force d’être maltraités, banalisés, martyrisés, s’étaient révoltés et t’avaient abandonnée, te laissant, seule et désemparée, sur le trottoir endormi de tes rêves évanouis.

Peut-être aussi, n’as-tu jamais su comment te les approprier ces mots, quand bien même ta fiche d’état civil te décrirait comme écrivain. Peut-être que ta posture d’écrivaine n’est qu’une imposture. Je ne sais.

Voilà Tristane où on en est avec toi. On ne sait pas ce qui se passe dans ta vie mais on devine que ce qui s’y passe est tragique. Et rien que pour cela, alors que c’était notre première intention, on n’a pas envie d’en rajouter, ni de faire le mariole avec la carriole des malheurs qui t’accablent. Qu’ils soient imaginaires ou inventés.

Du moins, pas cette fois.

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