Génération XFGT

Pour ma part, et en ce qui me concerne, selon moi, à vue de nez, au regard de mon année de naissance, j’appartiens de plain-pied à la génération X, celle décrite avec brio par Douglas Coupland, esprit très éclairé par principe puisque élevé au bon air de Vancouver, dans son roman éponyme où, si je me souviens bien, il racontait la non-histoire de jeunes gens désillusionnés qui glandouillaient au bord d’une piscine en sirotant des cocktails tout en se cherchant une raison d’exister. Ou du moins quelque chose d’approchant.

Après, en toute logique, il a dû donc y avoir la génération Y et maintenant la génération Z. Ou le contraire ? Je m’y perds. Typiquement le genre de papiers qui pullulent dans les pages sociétales des hebdos et que je ne lis par principe jamais. Avec des interviews fadasses de sociologues à la petite semaine qui décortiquent les comportements des nouvelles générations, aidés en cela par une batterie de psychiatres dévoyés qui en rajoutent toujours une couche sur ” le retour du meurtre originel du père opéré par la transformation radicale de la femme en tant que matrice générationnelle du comportement déviant de la société du paraître qui caractérise la jeunesse défragmentaire.” Ou du moins quelque chose d’approchant.

 

Je me propose donc d’inventer à mon tour une nouvelle génération et de la baptiser génération XFGT (choix intuitif de mon clavier envers qui je fais toujours montre d’une confiance absolue) et dans la foulée de cette découverte décisive, je déclare ici, en ce jour du 20 février de l’an 12 d’après le changement de millénaire, qu’appartient à cette génération toute personne ayant connu le monde d’avant internet et celui d’après.

A savoir tous les garçons et les filles de mon âge qui un jour se sont servis d’un téléphone avec un cadran pour souhaiter bon anniversaire à tata Raymonde ou pour demander à Véronique si elle voulait bien sortir avec moi (Non). Qui ont dû s’engoncer un écouteur en fil jaunâtre au creux de l’oreille venant se brancher sur le cul de la radio pour écouter les commentaires hallucinés d’Eugene Saccomano en direct de Marcel Saupin. Qui ont connu les premiers jeux vidéos sous la forme de deux barrettes blanches qui inlassablement se renvoyaient une balle carrée sur l’écran noir et blanc de leur téléviseur. Ou quelque chose d’approchant.

Et qui du jour ou lendemain ou presque ont dû s’adapter à des bidules révolutionnaires permettant de converser en temps réel avec des chinois éveillés. Vendre leur encyclopédie Universalis en 21 volumes pour se fournir sans débourser un franc chez Wikipédia. Découvrir, ahuris de stupéfaction jalouse, des vidéos de quadruple pénétration anales. Apprendre un nouveau langage pour demander à Véronique tu ve sortir avé mwa ? (toujours non). Rassembler toute sa collection de vinyles des 45 tours des Smiths dans une barrette grande et seyante comme un mini-carambar. Ou quelque chose d’approchant.

Depuis l’avènement de l’électricité, et encore, jamais bipède à forme humaine n’avait eu à changer d’une manière si radicale son mode de vie, sa façon de communiquer, d’échanger, d’être. Son rapport au monde, à la sexualité, à l’autre, à Dieu, à l’absence de Dieu. A soi. A trouver l’équilibre entre la relecture du bruit et la fureur et la nécessité impérieuse de savoir de quoi est morte Whitney Houston. De tenter de s’accrocher à ces anciennes croyances en un monde où le temps prenait son temps pour se raconter à une époque où le temps n’a plus le temps pour perdre son temps à temporiser. De composer avec une structure mentale façonnée par l’écrit et d’essayer de l’adapter à un univers où l’image prédomine. De continuer à essayer de réfléchir au sens de sa propre vie tout en se sentant perpétuellement dépassé et écrasé par une société qui n’a plus le temps de se formaliser avec ce genre de pensées.  Ou quelque chose d’approchant.    

Dans une saison en Enfer, Rimbo écrivait :  “La science, la nouvelle noblesse ! Le progrès. Le  monde marche ! Pourquoi ne tournerait-il pas.”  En effet, pourquoi pas ?

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