Avec mon chat, je suis comme une mère juive !


J’ai le cafard.

Je pars en vacances quelques jours et pas moyen d’emmener mon chat avec moi.

J’ai supplié, j’ai menacé, j’ai tempêté, j’ai dit, c’est nous deux ou rien, j’ai dit, sans mon chat, je deviens achatriatre, j’ai dit, sans mon chat, je n’ai plus de chien, plus de goût à rien, je suis un vaurien et je ne vaux plus rien ; en vain. La propriétaire du Airbnb a répondu, c’est à prendre ou à laisser. J’ai pris. Je le regrette déjà.

Dans quelques heures, je l’emmène chez une amie.

Je ne lui ai encore rien dit mais je sens bien qu’il a déjà tout deviné.

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Tout à l’heure, au moment de la sieste, il s’est vautré sur mon dos avec l’énergie du désespoir, il a miaulé, ne me quitte pas, il a soupiré, ne pars pas, je vais être sage dorénavant, il a couiné, je ne me sens pas très bien, je crois que je ne passerai pas la semaine, quand tu rentreras, j’aurai passé la patte à gauche.

Petit salaud.

Je sais bien que je l’ai mal habitué : j’ai à son égard l’attention d’une vrai mère juive. Je m’inquiète pour un rien. Au moindre petit vomi, je convoque un cheptel constitué des vétérinaires les plus en vue de la place de Paris. Quand il refuse de jouer, je l’emmène sans tarder chez le psychiatre. Lorsqu’il laisse une demi-croquette dans sa gamelle, j’imagine le pire, un cancer de la prostate, une tumeur au cerveau, une cirrhose du foie, je compulse le Vidal à la recherche d’une maladie rare qu’il aurait contracté, j’interroge le fond de ses yeux, je scrute ses moustaches, à la synagogue je prie l’Éternel de l’épargner.

Il fut un temps où nous habitions dans un pavillon, il pouvait sortir à sa guise, quand le soir tombé il manquait à l’appel, je devenais comme fou. Fou d’inquiétude. Il lui était forcément arrivé quelque chose. Il avait fait une mauvaise rencontre, il était tombé dans une crevasse, on l’avait dénoncé à la Gestapo, une chatte même pas juive l’avait embobiné avant de le dépouiller aussi sec, il avait trouvé une famille plus accueillante, je ne le reverrais plus, mon chat, mon chat, je t’en prie, reviens moi vite, tu es la chair de ma chair, sans toi je meurs.

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Quand il rentrait sur le coup des trois heures du matin, je n’avais pas le cœur de lui crier dessus. Tout au contraire, je lui servais une double ration de couscous et j’étais aux anges de le voir dévorer la semoule à pleines dents. Mange, mon chat, mange. Je l’obligeais à finir le couscous en entier, il avait le ventre qui raclait le parquet, je l’accompagnais jusqu’à son panier, je le bordais, je lui disais, oh mon chat, plus beau que toi, sur la terre, y a pas. C’est à dire, tu pourrais aligner tous les chats de la terre, que pas un, tu m’entends, pas un ne t’arriverait au museau. Tu es plus beau que beau. Quand je ne serai plus là, tu penseras à moi, hein dis ?

Lorsqu’il s’amourachait d’une demoiselle, je la convoquai sans rien lui dire. Je voulais tout savoir sur elle : si elle était de bonne famille, si elle savait cuisiner le couscous, brosser les poils, lustrer les moustaches, j’exigeais de voir son carnet de santé, je l’examinais sous toutes les coutures, à la fin, je la congédiais et la priais de ne jamais revoir mon chat, il n’était pas fait pour elle.

Je passais mes journées à chercher une fiancée à sa hauteur mais aucune ne trouvait grâce à mes yeux, à la longue, je me fis une raison : il resterait célibataire et ne quitterait jamais le domicile familial, c’était bien mieux ainsi : qui d’autre que son maître pourrait lui fournir la dose d’amour dont il avait besoin, qui d’autre que moi sacrifierait ses nuits pour veiller sur lui quand il tomberait malade, qui d’autre que moi rangerait son panier après qu’il se fut mis en tête qu’une souris imaginaire s’était réfugiée sous son coussin ? Qui je t’en prie ? Qui ?

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Tout à l’heure, quand je le laisserai chez mon amie, j’écraserai une petite larme. Lui, il ne s’en apercevra même pas. Au bout de deux jours il m’aura oublié. Après une semaine, ce sera comme si je n’avais jamais existé. Si jamais il m’arrivait quelque chose, il se mettrait à danser de joie. 


L’ingratitude de mon chat, je n’ai jamais vu cela.


Jamais.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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L’adieu aux anxiolytiques


Je ne sais plus ni quand, ni pourquoi, mais au beau milieu du mois d’avril, j’ai décidé que dorénavant je me passerais d’anxiolytiques.

Ce fut, je dois le dire, une décision des plus surprenantes pour moi qui depuis des décennies ne pouvait concevoir l’existence sans avoir recours à ces pilules de survie.

Elles m’étaient devenues indispensables pour affronter la rudesse de l’existence, attendrir mes angoisses, apaiser les mille et un tourments de ma vie intérieure, tenir à distance ces attaques de panique qui surgissaient du fin fond du néant et me donnaient à chaque fois un avant-goût de la mort.

J’en prenais le matin, à midi, le soir, en toutes circonstances, à chaque âge de ma vie, non pas par poignées entières mais d’une manière calculée et raisonnable, et toujours sous la scrupuleuse surveillance d’un médecin.

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Je savais parfaitement ce que je faisais.

Je n’avais aucune honte ou difficulté à admettre que ces pilules m’aidaient à vivre, que j’avais besoin de leur assistance pour ne pas sombrer dans une dépression qui aurait menacé de tout emporter sur son passage, que ma sensibilité exacerbée exigeait le recours à des tranquillisants afin de ne pas transformer ma vie en un perpétuel chemin de croix.

Je n’avais pas l’âme d’un martyr, ni le goût de souffrir pour souffrir.

Ces pilules me maintenaient avec une rare efficacité au-dessus de la ligne de flottaison et je leur en étais infiniment reconnaissant, je le suis toujours et je reste toujours convaincu de leur parfaite efficacité.

Et puis, en avril dernier, j’ai donc décidé qu’il était temps de m’en passer. Ou tout du moins d’essayer. De me soustraire à leur emprise. De voir, si je pouvais, en usant d‘une méthode raisonnée, me débarrasser progressivement de leur présence que je n’estimais plus, à tort ou a raison, indispensable.

Je me sentais prêt.

L’approche de la cinquantaine peut-être, le désir un peu imbécile de me lancer un défi hors-normes, la volonté de m’affranchir d’une contrainte qui, possiblement, avec le temps, pourrait avoir des conséquences funestes sur ma santé même si en la matière, personne ne sait exactement de quoi il en retourne, tant l’étude de la merveilleuse mécanique du cerveau demeure une science des plus hasardeuses.

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J’en parlais avec un docteur spécialisé, il se montra d’accord. Il serait à mes côtés. Il m’épaulerait. Il ne me laisserait pas tomber.

Ce serait un combat difficile, périlleux, une lente désaccoutumance qui risquait de mettre mon corps à l’épreuve, de chambouler ma vie intérieure, de jeter le désordre et le chaos dans mon équilibre mental.

J’allais en baver, mon cerveau n’allait guère apprécier ces nouvelles dispositions et commanderait à mon corps de me faire payer le prix d’une pareille trahison, il se cabrerait, il mobiliserait toutes ses forces pour me rendre la vie impossible et m’amener à renoncer à mon projet.

En l’espace de cinq mois, par la soustraction d’une moitié de pilule toutes les trois semaines, je suis parvenu à réduire ma consommation de plus d’un tiers.

C’est peu et beaucoup à la fois.

Les nuits sont hachées, les humeurs changeantes, la fatigue constante, le corps rétif et cotonneux, les maux d’estomac fréquents, les remises en question permanentes.

Des jours se passent dans le brouillard de pensées éparses et confuses. Des nuits se déroulent dans l’anarchie d’un sommeil incapable de remplir sa fonction de gardien de l’âme, et pas une heure ne file sans que le cerveau ne renâcle, ne rue dans ses neurones, réclame sa dose, manifeste sa désapprobation, exige le retour de l’ancien régime, envoie ses fantassins martyriser mon épiderme, secouer mon cœur, tyranniser mes cellules nerveuses lesquelles se retrouvent nues, à vives, soumises à des tensions extrêmes.

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Et je ne finis pas de m’interroger : pourquoi s’infliger de pareilles souffrances ? Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Qu’ai-je à y gagner ? Ne serait-il pas plus sage d’arrêter maintenant et de revenir à ta consommation antérieure ? Ta victoire, si victoire il y a, si tu parviens à mener à bien ton entreprise, ne sera-t-elle pas vaine et inutile ? Es-tu assuré de devenir un homme plus apaisé, plus serein, moins travaillé par des questions existentielles qui au fond constituent le sel même de ta vie ? As-tu envie de devenir celui-là ? Pourquoi chambouler un mode de vie qui te convenait si bien ? A quoi bon toutes ces simagrées ? Peut-être souffres-tu d’un désordre chimique qui nécessite, qui exige même, le recours à des molécules de substitution…

A toutes ces questions, je n’ai toujours pas de réponses satisfaisantes.


Je sais seulement que la vie demeure une lutte de tous les instants où chacun se débrouille comme il peut.


Avec ou sans pilules.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Vera Kaplan par Sagalovitsch, l’auto-promo


Bon alors il paraît que cet hâbleur de Sagalovitsch sort un nouveau bouquin ? On est content pour lui. Pour les lecteurs un peu moins. Il a eu beau changer d’éditeur, il demeure rigoureusement le même, à savoir un troufion d’écrivaillon, un oisillon de romancier aussi utile à la littérature française que Patrick Bruel à la chanson à texte.

Il écrit toujours comme un rabbin alcoolique, il torche des kyrielles de phrases qui s’allongent comme c’est pas permis juste pour masquer l’incontinence de sa pensée ; quand il joue au comique, on a envie de pleurer, quand il se prend pour un tragédien, on a envie de bâiller, quand il verse dans la tragi-comédie, on en vient à regretter le temps des pogroms.

Dans son dernier roman qui sort aujourd’hui dans toutes les bonnes boucheries casher de France et de Tel-Aviv, il touche le fond. Il s’est pris pour Primo Lévi alors qu’il n’a même pas la faconde de Marc Levy. Évidemment, il nous bassine encore avec ses histoires de lolocaust, c’est une maladie chez lui, une obsession malsaine, il ne peut pas trouver d’autres sujets sur lesquels écrire, non ?

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Il est subventionné par Yad Vashem ou quoi l’ami Stabilovitsch ? Il gagne des miles pour Auschwitz chaque fois qu’il traite de la Shoah ? Il a droit à des petits fours à volonté de chez Pierre Hermé quand il signe un nouveau roman ? C’est quoi son problème au juste ? Il faudrait peut-être lui signaler que tout son bazar d’Holocauste, c’est du réchauffé de chez réchauffé. Du cramé même.

A le lire, on a l’impression que Stefanovitsch passe ses journées à prendre des douches à bord de wagons plombés qui filent tout droit vers la Pologne.

Sagalovitsch, si tu m’écoutes, tu ne pourrais pas écrire un jour sur ton boulanger, sur tes contemporains, sur tes voisins, sur le monde actuel, hein, sur tes frasques amoureuses, sur ton chat, sur tes talents d’onaniste qu’on dit illimités, sur le dérèglement climatique, sur la chute de tes cheveux, sur ta cabane au Canada… au lieu de te branlotter sur cette période archi-révolue de l’Histoire ?

Faut vivre avec son temps, Papyrovitsch !

Maintenant ne comptez pas sur moi pour vous dire de quoi parle Vera Kaplan, la dernière prouesse littéraire de Strombovitch, c’est sans intérêt.

C’est encore une histoire de Juifs. Évidemment. Pendant la guerre. Quelle surprise. Tirée plus ou moins d’une histoire vraie. Une Juive allemande qui, pour se sauver, collabore avec la Gestapo en dénonçant d’autres Juifs. Qui se sert de ses charmes pour les attirer dans ses filets. Riche idée soit dit en passant.

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Si vous êtes dépressif, ne l’achetez pas.

Si vous êtes neurasthénique, ne le lisez pas.

Si vous pensez que Sarkozy va sauver la France, ne vous précipitez pas en librairie pour vous le procurer.

Si vous êtes goy, passez votre chemin.

Si vous êtes un goy dépressif et neurasthénique, commandez-le dè

s aujourd’hui et suicidez-vous dans la foulée, cela nous fera des vacances.

Si vous êtes un goy de droite, fichez-moi le camp.

Les autres peuvent le lire mais à leurs risques et périls.

Pour votre information, l’auteur de ce livre indigeste, après avoir fini la rédaction de cet ouvrage, a passé une année en sanatorium : il voyait des nazis partout, il prenait sa concierge pour la maîtresse de Goebbels, il avait peur que son épouse ne le dénonce à la Gestapo et il soupçonnait son chat de verser du Zyklon B dans son café matinal.


On l’a relâché hier.


Depuis il rôde en pyjama rayé autour des librairies.

  • Vera Kaplan, Editions Buchet-Chastel, 13 euros.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Le jeu de massacre de la rentrée littéraire


Nous sommes plus de trois cents à nous aligner sur la ligne de départ. Trois cent soixante-trois pour être exact. Trois cent soixante-trois auteurs ou prétendus tels, moi compris, qui vont prendre le départ du plus grand jeu de massacre jamais organisé depuis la Saint-Barthélemy, j’ai nommé l’incontournable, la sacro-sainte rentrée littéraire dont, il faut bien l’avouer, tout le monde se fout ou presque.

Ce n’est évidemment pas raisonnable. C’est même d’un ridicule achevé. Une farce incongrue. Un miroir aux alouettes où se perpétue la croyance d’un pays marié de toute éternité avec la littérature. Une comédie des apparences qui ne rime à rien si ce n’est à semer la confusion chez un lecteur désorienté, confronté à une avalanche obscène de romans bien souvent insignifiants publiés dans le seul but d’assurer la visibilité de maisons d’éditions avançant leur garnison de romans dans l’espoir quelque peu vain de voir l’un d’entre eux franchir en vainqueur la ligne d’arrivée.

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Imaginer un seul instant qu’il puisse exister trois cent soixante-trois romans qui vaillent la peine d’être achetés et lus relève d’une hallucination collective, d’un dérèglement des sens, d’une mégalomanie galopante, d’une folie furieuse, d’un strabisme divergent, d’une diarrhée éditoriale, d’une incontinence littéraire, d’un phénomène de foire, d’une incapacité à s’autoréguler et à proposer au lecteur lambda un choix raisonnable de romans de qualité.

Ce n’est plus de la littérature de détail mais une sorte de farfouille littéraire où on publie tout et n’importe quoi, où plus personne ne sait qui a écrit quoi, où l’on comptera des livres qui par manque de place ne trouveront même pas leur place en librairie, où la grande majorité des titres proposés se vendront à quelques dizaines d’exemplaires, où des centaines d’auteurs vont tomber en dépression ou battre leur conjoint(e) ou torturer leur chat ou séquestrer leurs beaux-parents ou rejoindre les rangs de Daesh pour se venger de cette humiliation publique.

Pour ce qui me concerne, je me contenterai d’une grève de la faim à qui j’associerai mon malheureux chat qui se prolongera aussi longtemps que je n’aurai pas vendu un million d’exemplaires, chiffre à partir duquel, selon mes calculs, je pourrai prétendre prendre ma retraite et jouir d’une vieillesse passée à l’ombre de cocotiers, sur une île perdue dans l’océan indien où je brûlerai mes journées à converser avec des perroquets bariolés et des dauphins désorientés.

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Loin, très loin de tout ce tintamarre de la rentrée littéraire dont je suis par avance fatigué.

Dès jeudi, jour de parution de mon immortel chef-d’œuvre, il va me falloir me rendre dans toutes les librairies de France, tenter de débusquer un exemplaire de mon roman, et subrepticement, le placer en tête de gondole, juste à côté de la caisse, au vu de tous, afin que sur un malentendu, un lecteur garé en double file, déjà en retard au dîner organisé par la femme de son chef de service – ”une femme qui lit” aura-t-il appris de la bouche du responsable des ressources humaines, familier du couple – se précipite à l’intérieur de la première librairie rencontrée, et là, ne sachant où donner de la tête, rendu confiant par mon patronyme sentant bon la Grande Russie et ses écrivains majestueux, sans réfléchir, s’empare de l’unique exemplaire de mon livre et l’achète.

Sans même se soucier ni de son prix ni de son contenu ni de l’avis du libraire qui pourtant était sur le point de lui confier n’avoir rien entravé à ce roman rédigé par un auteur totalement surestimé qui ne devait sa présence en cette rentrée littéraire qu’à la surabondance de la juiverie israélienne dans les conseils d’administration des maisons d’édition hexagonales.

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Bref ! la rentrée littéraire est comme un vaste autodafé où périront sans gloire des dizaines et des dizaines de romans, brûlés vifs par un trop plein de publications où seuls seront épargnés quelques livres qui, on ne sait trop comment ni pourquoi, auront eu le bonheur d’échapper à ce massacre de masse, à cette éradication de livres morts-nés, à cet holocauste de romans dont le souvenir perdurera jusqu’en décembre date à laquelle il faudra faire place nette pour accueillir la rentrée littéraire de janvier 2017…


D’ici là, faites vos jeux, rien ne va plus.

                                                                                                                                                                                      Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Droit du sol, mon cas personnel


Jusqu’à l’âge de mes dix-huit ans, j’ai été belge. Pourtant, je n’avais jamais foutu les pieds en Belgique : en effet c’est à Montreuil et non point à Molenbeek que je naquis.

Si j’ai dû attendre l’âge de ma majorité pour devenir sujet du Royaume de France, c’est que mes parents, honte à eux, étaient nés hors du territoire national, l’un en Belgique, l’autre en Tunisie. Tu parles d’un pedigree. D’ailleurs à la maison on causait à peine le français, on baragouinait dans un dialecte judéo-belgo-tunisien, ”Comme t’y es beau mon fils adoré, une fois”, on mangeait des frites au couscous, des moules à la harissa, ma mère elle-même parlait si mal la langue de Molière qu’elle passait ses journées à enseigner le latin, le grec parfois même le français, non point à des rejetons malfaisants comme moi, mais à de véritables petits cocardiers de souche.

Si bien que durant toutes ces années, pour la simple et la bonne raison que la loi ne me considérait point comme assez français pour prétendre l’être vraiment, je me trimbalais avec une carte d’identité belge dans mon portefeuille.

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Je n’étais pas français.

Quand on me demandait ”mais t’es quoi toi au juste avec ton nom à boire de la vodka dehors ?” invariablement je répondais ” laisse tomber, c’est compliqué, moi-même je n’ai toujours pas compris ”.

C’est que mes parents avaient beau vivre en France depuis des années et des années, n’avoir d’autre résidence qu’un appartement parisien, travailler l’un pour l’éducation nationale, l’autre pour son propre compte, au nom de la Loi Toute Puissante, cela ne suffisait point : va donc voir à Knokke-le-Zoute si j’y suis.

J’étais un paria, un métèque, une pièce rapportée, un avorton à la nationalité douteuse, une demi-portion de belge pouvant possiblement devenir un jour français.

Si j’étais sage. Si j’étais capable de chanter la Marseille en m’enfonçant une bouteille de Bordeaux dans le cul.

Tu parles d’un accueil.

Point étonnant après toutes ces suspicions, remises en causes, applications obtuses de la loi, que je ne me sois jamais senti vraiment français, que j’ai toujours entretenu avec mon pays de naissance un rapport des plus compliqués, si tortueux et alambiqué, que j’ai décidé un beau jour de le quitter pour ne jamais y revenir.

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On ne dira jamais assez cette sorte d’humiliation consistant à retarder l’octroi de la nationalité pour le seul motif d’être né de parents étrangers : c’est mesquin, c’est petit, c’est tout simplement stupide, et la seule conséquence est de faire naître chez l’adulte en devenir, à l’âge où se construit sa personnalité, une forme de ressentiment, de distance et de méfiance instinctive vis-à-vis de son futur pays.

Comment se sentir pleinement français quand on vous explique que, considérant les circonstances de votre naissance et l’origine de vos parents dont nous ne sommes tout de même pas responsables, la société vous demande d’attendre dix-huit années (treize ou seize aujourd’hui) avant de vous accepter comme membre à part entière de la communauté nationale ? Comment ? Ne voit-on pas qu’avec de telles dispositions, on entretient chez l’enfant un trouble identitaire qui ne disparaîtra jamais vraiment, que ce dernier se sentira toujours étranger dans sa propre patrie ?

Aussi quand j’entends Nicolas Sarkozy, ce français de la première génération, venir nous expliquer qu’il faudrait, au regard de la situation actuelle, rendre encore plus ardue l’accession à la nationalité, j’enrage tant cette proposition est dénuée de tout fondement et n’aura comme seule conséquence de compliquer encore un peu plus l’intégration de gamins dont le seul tort est de n’être pas bien né.

Qu’elle produira même les effets contraires au but recherché : elle éloignera encore un peu plus ce sentiment d’appartenance à la patrie, socle de toute cohésion nationale.

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J’enrage encore plus quand je vois des enfants nés de parents français – il en suffit d’un – qui vivant dans des contrées lointaines, n’ayant jamais mis un pied en France, ne parlant même pas la langue nationale, devenir français au regard de cette incongruité absolue nommée droit du sang.

Un Français imaginaire qui aura des enfants qui à leur tour deviendront français et ainsi de suite, pendant des générations et des générations, sans qu’aucun de ces rejetons n’entretiennent un quelconque lien avec la France, si ce n’est celui d’avoir un vague ancêtre né un jour dans une province gauloise.

Ubuesque paradoxe.

Il n’existe qu’une seule position à adopter vis-à-vis du droit sol : est français toute personne née sur le territoire national. Point barre. Pas d’exception scabreuse. Pas de limite d’âge à atteindre. Pas de à la seule condition que blablablabla.

Rien.

                                                                                                                                                                                   Tu es né en France, tu es français… une fois !

                                                                                                                                                                                                   Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Mon ordinateur se meurt et moi-même je ne me sens pas très bien


A de petits signes qui se répètent à intervalles de plus en plus réguliers, je devine que mon ordinateur est entré dans l’hiver de sa vie.

Il tousse, il gémit, il souffre, parfois il émet comme une longue complainte, un chuintement continu qui va crescendo, monte, monte dans les aigus avant de muer en une sorte de glapissement furieux annonciateur d’une rupture d’anévrisme.

Il se vrille de douleur, il n’en peut plus, quelque fois il refuse même de s’éveiller : il garde le lit, il demeure plongé dans la nuit même de son propre anéantissement, il gît dans les ténèbres désolées de son infinie inactivité et rien ne peut le sortir de sa torpeur mortuaire, ni une batterie de secours, ni une bonne paire de baffes assénée sur son clavier ou sur son écran, encore moins une lecture anticipée du Kaddish. 

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Certains jours pourtant, il semble aller mieux, il affiche une bien meilleure mine, il retrouve l’élan tout relatif de sa jeunesse, il va serein et lumineux sur le chemin de sa résurrection, il rayonne, sa maladie semble l’avoir abandonné, comme si elle n’avait jamais existé, il ressemble à ces hommes qui ont frôlé la mort et, désormais indestructibles, croquent la vie à pleines dents puis, sans crier gare, sans signe avant-coureur, d’une seconde à l’autre, rechutent, foudroyés par une soudaine attaque de tétanie, retombant dès lors dans les profondeurs insondables de leur état catatonique.

Il n’est pas vieux pourtant, à peine deux ans. 

Il faut avouer aussi qu’il n’était pas bien né.

Des parents pauvres et frustres, une éducation sommaire, deux, trois logiciels et puis c’est tout, une constitution au niveau de son stockage des plus faibles, une mémoire altérée, des poumons à la capacité respiratoire limitée, un système immunitaire défectueux, une vitesse de réaction nulle, une tendance chronique à se noyer dans les problèmes, une incapacité à hiérarchiser ses priorités ; chétif, peureux, cossard comme pas un, il n’éveillait en moi qu’une morne pitié.

Après deux mois de vie commune, son disque dur commençait déjà à montrer des signes de faiblesse inquiétants ; le moindre virus le mettait à terre, il regimbait à fournir des efforts prolongés, dès que je le sollicitais de trop, il se mettait à chauffer, de la fumée s’échappait alors de ses grilles d’aération, je devais ralentir le rythme pour lui permettre de reprendre ses esprits.

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Entre lui et moi, cela avait été uniquement un mariage de raison.

Mon ancien compagnon m’avait quitté après une liaison qui avait duré quatre longues et belles années, sa disparition m’avait laissé sur le flanc, je m’y attendais mais son décès m’avait tout de même pris au dépourvu, je n’avais rien prévu pour combler son absence, du jour au lendemain je m’étais retrouvé sans ordi et sans le sou, j’avais opté pour un modèle bas de gamme, une de ces machines sans âme dont on devine au premier coup d’œil que l’histoire tournera court et n’offrira rien d’exaltant, juste la routine d’étreintes minables disputées à la va-vite sur un coin du bureau.

C’était mieux que rien mais j’étais sans illusion.

Notre lune de miel fut d’ailleurs miteuse : au cours d’une partie foot visionnée en streaming, il m’avait planté là, au beau milieu d’une séance de penalty. Un méchant virus il avait prétexté, il n’avait pas su comment l’affronter, il avait paniqué et s’était enfui en rase campagne se refaire une santé. Le traditionnel coup de la panne. Je n’avais rien dit mais j’avais déjà compris que notre vie serait tout sauf une fête foraine perpétuelle. Côté fanfreluches, cotillons et macarons, je repasserai.

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De ce côté-là, il ne m’a pas déçu.

Il s’est montré d’une constante médiocrité, il n’a jamais su élever le niveau de ses prestations, il s’est montré tout au long de ces mois d’une parfaite insignifiance, son seul coup d’éclat fut de me permettre d’écrire un roman et d’alimenter ce blog en chroniques insipides ; c’est peu, je ne le regretterai pas, quand ce sera à mon tour de m’en aller, je n’aurai pour lui aucune pensée émue.


Il s’appelait Toshiba Satellite et je ne le recommanderai à personne.

                                                                                                                                                                             Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Quand le populisme fait rage, il faut mettre la démocratie entre parenthèses


Il paraît que le suffrage universel est souverain. Qu’à partir du moment où la population s’est exprimée lors d’une consultation électorale, il faut respecter le verdict sorti des urnes, quelle que puisse être la nature de ce résultat. C’est le jeu de la démocratie nous dit-on, on ne peut pas aller contre la volonté du peuple, ce serait une grave atteinte aux Lois de la République.

Ah.

Autrement dit, si demain l’autre ahuri de Donald Trump venait à triompher lors des prochaines élections américaines, il faudrait le féliciter, lui dire ”bien joué mon pote, c’est toi le meilleur, rien à redire, le peuple a tranché, installe-toi au bureau ovale, fais comme chez toi, voilà les bons numéros pour déclencher le feu nucléaire.”

Puisque le peuple en a décidé ainsi.

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Et si demain l’autre effarée de la renaissance nationale sortait vainqueur des présidentielles, il faudrait aussi la féliciter, lui dire ”bien vu ma cocotte, c’est toi la plus forte, le peuple t’a plébiscitée, ramène-toi à l’Élysée et prends tes aises, tu es chez toi ici, le fichier des six millions de Musulmans suspects, c’est dans ce tiroir-là. ”

Puisque le peuple en aura décidé ainsi.

Imparable.

Sauf que pour être élus, Marine ou Donald auront enchaîné bobards sur bobards, éructé des promesses aussi farfelues qu’irréalisables, usé et abusé d’une rhétorique basée sur des peurs irrationnelles, agité des dangers tout sauf réels, assis leurs démonstrations sur des statistiques fantaisistes, se seront évertués, en toute conscience, à dire à l’électeur de base ce que très exactement il voulait entendre, en flattant sa haine de l’autre, son goût pour la violence ou son désir d’auto-défense.

Bref, à trahir l’esprit même de la démocratie.

Il est bien là le nœud du problème : le populiste, par définition, ne joue pas le jeu de la démocratie, il se sert d’elle uniquement pour asseoir son autorité, il la viole pour mieux l’engrosser, il lui fait des enfants illégitimes, à aucun moment il ne la respecte et use de la liberté de parole qu’elle lui accorde pour saper ses fondements même.

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Et une fois installé au pouvoir, quand il aura passé avec succès l’épreuve des urnes, il se retrouvera alors libre d’agir à sa guise : fort de sa légitimité acquise à coups de mensonges et de promesses impossibles à tenir, de slogans rances et d’idéologie fielleuse, à l’aide de mesures autoritaires et de décrets martials, il pourra tranquillement amener son pays au bord du gouffre voire même le précipiter tout droit dans la gueule de l’enfer.

Provoquer cataclysme sur cataclysme, hypothéquer l’avenir de ses concitoyens sur des décennies, menacer l’équilibre même du monde.

Et le plus souvent, confisquer la démocratie qui aura permis son avènement.

Le peuple se sentira trahi, il regrettera, il dira sa déception d’avoir cru à des chimères, il confessera sa légèreté, son inconséquence, sa folie passagère mais ce sera trop tard, beaucoup trop tard : le mal aura été commis et seul le passage du temps permettra (ou pas) de revenir un jour à des époques plus apaisées.

Autant dire que je préfère nettement qu’en pareille circonstance – quand le populisme se joue des peurs de nos concitoyens, quand le peuple ne parvient plus à raisonner et se laisse aller à ses pires instincts, quand la folie rôde et menace d’emporter tout sur son passage – la démocratie soit mise entre parenthèse.

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Que le processus électoral soit gelé. Le bon déroulement des institutions mis de côté. Le pouvoir confié à des gens de bonne volonté issus de formations réellement démocratiques. Que l’on fasse fi du peuple et de son vote. Qu’on lui retire ses prérogatives de choisir ses représentants.

Le temps nécessaire.

Le temps pour lui de redescendre de son ivresse électoraliste, de rassembler ses esprits, d’abandonner ses douces chimères et d’affronter la réalité telle qu’elle se présente et non point telle qu’il la fantasme. De s’offrir une petite cure de désintoxication et de revenir à des dispositions dictées non plus par la seule satisfaction de ses instincts primaires mais par le simple bon sens.

Agir de la sorte n’est peut-être pas très démocratique, c’est assurément bafouer d’une certaine manière l’idéal républicain, c’est évidemment aller à l’encontre du peuple, c’est possiblement prendre le risque d’instaurer une sorte de dictature technocratique, mais si de pareilles décisions destinées à rester temporaires peuvent empêcher les hommes de succomber à leurs pires tentations et préserver de la sorte le futur de l’humanité, c’est un risque que je veux bien courir.

                                                                                                                                                                            Entre deux maux…

                                                                                                                                                                              Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Voir ou revoir Elephant Man, une exigence morale


Je serais bien incapable de donner la définition d’un grand film mais intuitivement je sais que Elephant Man en est un : il possède cette vertu de traverser les époques sans se trouver abîmé par le passage du temps, il parvient à chaque fois à vous emmener dans les profondeurs d’un voyage crépusculaire d’où il est impossible de revenir indemne.

Je l’ai revu hier soir dans un cinéma de quartier, et à nouveau, j’ai éprouvé ce même sentiment d’étrangeté, cette identique impression d’être confronté à un long métrage absolument parfait où tout semble être à sa place, histoire, acteurs, lumière, musique, atmosphère, décor, tissant la toile d’une œuvre intemporelle qui continue trente-six ans après sa sortie en salle à sonder le cœur des hommes, à le sommer de s’interroger sur sa capacité à fraterniser avec son prochain, à lui demander s’il se comporte avec la même égale humanité quand il s’agit de s’intéresser au sort de personnes si différentes de lui.

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Car c’est de cela qu’il s’agit dans Elephant Man, de cela et de rien d’autre.

Du regard porté sur des gens qui, par leur condition sociale, leur apparence physique, leur orientation sexuelle, leurs croyances, nous apparaissent parfois comme des monstres dont la seule vue nous révulse, nous effraie, nous heurte d’une manière si radicale qu’elle nous amène à les chasser loin, très loin, le plus loin possible, à la périphérie de nos vies quotidiennes.

Le monstre, c’est l’autre, notre voisin, l’immigré, le réfugié, le clandestin, celui dont la présence nous met mal à l’aise et nous oblige à repenser notre rapport à l’étranger dans une confrontation si brutale que la plupart du temps nous tâchons de l’esquiver afin de continuer à vivre dans le confort douillet de notre existence routinière où, croyons-nous, rien de grave ne peut nous arriver.

Quand vers la fin du film, tout le parterre de la meilleure société londonienne venue assister à un ballet se lève pour saluer la présence parmi eux de John Merrick, l’homme éléphant, nous ne savons pas vraiment qui ou quoi ils applaudissent de la sorte.

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Est-ce la résilience et le courage de cet homme qui parvient à surmonter son handicap de naissance et ose se confronter au regard des autres, malgré sa laideur, sa difformité, sa monstruosité ? Est-ce leur façon de l’accepter et de le saluer comme l’un des leurs, un homme parmi d’autres hommes, ou plutôt n’est-ce pas eux-mêmes que ces braves gens applaudissent, heureux de se découvrir moins laids qu’ils ne le sont, reconnaissants à l’homme éléphant de leur tendre un miroir où ils peuvent pour une fois se regarder sans avoir honte d’eux-mêmes ?

Dans Elephant Man, le monstre ce n’est évidemment pas John Merrick, cet homme dont la mère a été piétinée par un troupeau d’éléphants lorsqu’elle le portait dans son ventre.

Non les vrais monstres, ce sont les autres, le petit peuple de Londres qui vient s’encanailler en lui rendant visite, le gardien qui s’affranchit de toute morale et tente de monnayer sa proximité avec lui, le propriétaire, alcoolique au dernier degré, fou de douleur de se voir privé de sa raison de vivre en la personne de John Merrick, toute cette vaste humanité qui se livre à ses plus bas instincts et, se déshonorant, déshonore par là-même le genre humain.

Voir ou revoir Elephant Man est une leçon de vie.

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Sur nous-mêmes, sur les autres, sur notre capacité à sublimer nos différences pour accepter une bonne fois pour toutes que les hommes, tous les hommes, naissent égaux et libres, qu’ils sont tous nos frères d’armes et que d’en laisser un, un seul sur le bord de la route, c’est déjà renoncer à vivre debout, c’est accepter l’inacceptable, c’est admettre la parfaite médiocrité d’une existence où notre égoïsme finira par nous étrangler.

Elephant Man est tout simplement un grand film parce que, sans artifice, avec une sobriété rare, dans un noir et blanc qui semble épouser le gris du ciel, il essaye de nous rendre meilleur, plus humain, plus sensible au sort des ”mal nés.”

En ces temps où le monde semble vaciller et menace à tout instant de rompre, où repli identitaire et fantasme d’une société épurée de ses vilains petits canards s’invitent dans nos consciences, visionner Elephant Man est une exigence.


Et une urgence.

                                                                                                                                                                                                              Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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La natation aux JO, plus con tu coules


Je déteste nager, je déteste les piscines et leur odeur de chlore qui vous grignote le cerveau, la promiscuité des vestiaires où il faut cohabiter avec des éphèbes ventripotents qui puent des pieds, le bruit des flips flops qui claquettent sur le carrelage comme en d’autres lieux des dames de petite vertu battent le pavé, je déteste enfiler un bonnet alors que je suis déjà à moitié chauve.  

Je déteste les lignes d’eaux érigées comme des Murs de Berlin où il ne faut pas dévier de sa trajectoire sans quoi une mémé grabataire vous assène un coup de planche sur la tronche, je déteste les maîtres nageurs, petits caporaux imbus d’autorité, plantés sur leurs miradors comme des gardes-chiourmes dans une crèche, prompts à jouer du sifflet à la moindre incartade repérée.

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Si Dieu dans sa sagesse immémoriale avait voulu que nous autres humains fréquentions des piscines et autres espaces aquatiques, Il nous aurait affublé de nageoires, de branchies et d’écailles. Et de queue en forme de cerf-volant.

Or j’ai bien cherché, de tout cela, je n’ai rien, j’ai simplement deux jambes pour fouler la terre ferme, pas pour battre la cadence dans des piscines municipales à l’odeur de pisse.

Aussi quand tous les quatre ans, lors des Jeux Olympiques, je regarde ces champions à la mords moi-le-slip-de-bain évoluer en basses eaux, j’ai comme des hoquets d’indignation et je songe à saisir la Cour européenne des droits de l’homme pour que cessent ces pitreries en tout point contraire à l’esprit de la Révolution qui voulait rétablir chaque homme dans son honneur.

Il faut les voir ces starlettes imberbes avec leur corps maniaquement épilé, leurs pectoraux rebondis, leurs tétons démesurés, leurs avant-bras gros comme des saucissons auvergnats, leur taille de géant, leurs sourires en émail de contrebande, leurs lunettes de martien, leurs bonnets ras le crâne… ils ressemblent aux statuettes d’un Dieu aquatique versé dans je ne sais quelle cosmogonie marine.

Et quand ils se mettent à glouglouter dans leur bassin, c’est bien pire.

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Vous les avez vu aligner les longueurs quand ils s’adonnent à la brasse, la plus hideuse des nages, à coup sûr le spectacle le plus dégradant de l’histoire de l’humanité après l’accouplement de deux pigeons aphones ? on dirait des hérons bâtis sur ressorts qui tous les trois mètres piqueraient du bec pour cueillir des poissons fantômes, des crapauds en pleine crise de delirium tremens, des grenouilles atteintes de diphtérie cherchant à rejoindre la terre pour déposer leur tas de chiures, des têtards affolés pris d’une soudaine envie de pisser, des morpions fuyant une attaque de spermicide.

Et le dos crawlé ?! Qu’est-ce donc que cette manière de nager à l’envers, à rebours, de remonter le bassin à contre-courant, a-t-on déjà vu comportement plus stupide, plus incohérent, plus incongru ? Et que je donne des baffes bien senties à l’eau qui pourtant ne leur a rien fait, et que je mouline mes bras comme un fou furieux de pantomime déréglé, et que je recrache des jets d’eau à faire pâlir d’envie les fontaines du Trocadéro.

Imagine-t-on un seul instant un humain courir de la sorte, à reculons, au mépris de tout bon sens, dans une sorte de reculade perpétuelle  ?

Et quand ils se mettent en tête de nager le papillon, ils s’apparentent à des monstres marins qui viendraient d’être piqués par un banc d’oursins et, l’épiderme tuméfié, la peau à vif, le corps perclus de douleurs, s’essaieraient à s’extirper du bassin, leurs pattes monstrueuses s’ébattant alors comme des tourniquets grossiers appelant à l’aide avant de retomber lourdement dans l’eau martyrisée.

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Trop c’est trop.

Je milite pour l’interdiction définitive des compétitions de natation. Nous ne sommes pas sortis de l’Age de pierre pour s’infliger de pareils spectacles.

Quand je veux voir des créatures glisser sur l’eau, je vais à la pêche ou à l’aquarium.


C’est ouvert toute l’année, c’est beau à contempler et quand les poissons finissent premier de leur course, ils ne sont pas là à brandir leurs médailles comme des otaries qui viendraient de découvrir le trésor de Rackham le Rouge.

                                                                                                                                                                                Sur ce, il fait une chaleur à crever, je vous laisse : je vais me baigner.

                                                                                                                                                                                Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Fil dentaire ou pas, un enjeu de civilisation


La nouvelle est tombée, hier, nette, drue, sans appel : l’utilisation du fil dentaire serait sans effet ou presque sur la santé de nos dents. Le coup est rude. La pilule dure à avaler. Sonné, je me demande bien où je vais trouver les forces morales pour surseoir à cette terrible désillusion.

C’est que j’y croyais dur comme fer à mon fil dentaire.

J’en avais fait ma tête de pont pour lutter contre l’affadissement de ma mâchoire, je l’avais consacré comme l’arme absolue afin d’empêcher mes dents de tomber de caries en Scylla, j’avais entreposé des kilomètres de ce fil si précieux sous mon lavabo, certain qu’avec lui je triompherais des infortunes liées à ma condition de ruminant.

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Tous les soirs, avant de me coucher, après mes ablutions, mes génuflexions et l’inspection de mes fosses nasales, je sortais du placard mon fil de satin et entamais alors une bataille acharnée avec l’intérieur de ma cavité buccale.

Ma gueule grande ouverte, la corde tirée à son maximum, la langue recourbée, face au miroir, concentré, décidé, résolu, j’insérais le fragment du fil entre mes canines et, dans un mouvement allant du bas vers le haut, en rythme, j’enlevais une à une les milliards d’immondices recueillies tout au long de la journée : les scories du petit-déjeuner, les miettes du sandwich du midi, les graines de couscous du repas du soir, ces résidus de nourriture ayant juré la mort de mes pauvres dents.

J’astiquais, je récurais, je ponçais, je me montrais intraitable, j’inspectais chaque interstice afin de le délivrer du poids de ses péchés, je scrutais l’intervalle de mes dents à la recherche du moindre fauteur de trouble, je battais le rappel des troupes, je raclais, j’époussetais, je dépoussiérais, je rendais à ma dentition sa propreté, son innocence originelle.

Rien ne m’arrêtait : soir après soir, je livrais d’homériques batailles, je n’en manquais pas une, je triomphais, j’engrangeais succès sur succès, je connaissais l’ivresse des victoires à répétition : j’étais maître en mon palais.

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Tous les six mois, je rendais visite à la dentiste en chef, elle inspectait ma bouche de fond en comble, elle se lançait dans des grands travaux de rénovation, je devais rester des plombes à subir ses assauts, je n’en menais pas large mais ne disais mot.

Pendant qu’elle me triturait les gencives, je me demandais tout de même à quoi avait servi mes séances de détartrage nocturne ; la séance achevée, je l’interrogeais, elle me disait de persévérer dans cette voie, je l’aidais à garder mes dents saines, je lui étais même indispensable, tous les deux nous formions un tandem redoutable, un duo invincible.

Pour m’encourager, elle m’offrait un échantillon de son fil dentaire préféré, parfois même une brosse à dents, je ressortais de son cabinet conquis.

Quand l’échantillon se finissait, je courais au supermarché m’approvisionner, j’adoptais la même marque, je rentrais chez moi fier de ma nouvelle acquisition.

J’avais foi en mon fil dentaire et en sa mission de rendre mes gencives indestructibles.

Seulement, je ne me rendais pas compte que je n’étais qu’un pigeon de l’industrie dentaire, que, par ma naïveté, je contribuais à l’enrichissement de quelques margoulins trop heureux d’encaisser les dividendes de mes décapages dentaires ; au fond, j’avais été abusé par des générations de dentistes, je les avais crus sur parole, je m’étais montré d’une docilité coupable.

Ça m’apprendra.

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A partir d’aujourd’hui, je laisse mes dents se débrouiller toutes seules.

Je pratique l’autogestion dentaire, le laissez-aller buccal, la désinvolture canine.

Quant à ce qu’il me reste de fil dentaire, je le réserve à ma dentiste : la prochaine fois qu’elle se penchera pour inspecter ma bouche, couic, je le sors de ma poche, et couic couic, cette fois c’est son cou que je m’en vais détartrer, ça lui fera les dents.

                                                                                                                                                                                  Non mais.

                                                                                                                                                                              Pour suivre  l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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