L’angoisse, mode d’emploi


La vie d’un angoissé n’est pas de tout repos.

Elle est même épuisante.

Épuisante pour lui-même et pour son entourage.

L’angoisse, cette sorte de picotement intérieur, de fébrilité constante, d’inquiétude jamais tue, de questionnement perpétuel sur soi, sur le monde alentour, sur les mille et uns aléas de l’existence, ne me quitte jamais.

Elle est comme collée à mon âme.

Depuis toujours, elle colonise mon cœur, martyrise mon esprit, transforme chaque jour passé en un véritable chemin de croix.

Elle ne prend jamais de congés : chaque matin à peine l’aube apparue, hiver comme été, telle une amante possessive et jalouse, elle m’attend fidèle au poste : voilà qu’elle s’immisce dans chacune de mes pensées, ne baisse jamais la garde, me sollicite à chaque instant de la journée, revient sans cesse à la charge, provoque, titille, interroge, questionne en un perpétuel et infernal caroussel.

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Si jamais un événement heureux survient, peu importe sa nature, elle est toujours prompte à me montrer l’envers du décor, à me chuchoter de ne point me réjouir trop vite, à me mettre en garde contre les revers de la fortune, à me dire la fragilité de toute chose, à poindre les dangers qui ne manqueront pas de surgir tôt ou tard.

C’est comme une maladie incurable, une interdiction de jouir de la vie pleinement, une obligation de toujours regarder l’existence sous son aspect le plus blafard, de savoir la vanité de toute chose, d’anticiper les morts et les chagrins à venir, d’être constamment sur la brèche, en prise à des conflits intérieurs qui jamais ne s’accordent un moment de répit.

C’est une ombre qui voile la vie d’un drap sombre derrière lequel s’agitent et ricanent fantômes et farfadets, lutins et esprits malins, pantins et spectres qui ne manquent jamais une occasion de se rappeler à votre bon souvenir en déboulant dans votre vie avec fracas et fureur.

Celui qui en souffre ne connaîtra jamais la paix.

Cette démangeaison de l’esprit qui se retourne contre lui-même ne cessera qu’à l’heure de rejoindre le ventre de la terre.

Et cette inquiétude vague, cette incapacité à profiter de l’instant présent, cette propension de l’esprit à toujours anticiper le pire, voilà ce qui peut définir mon angoisse, ce cadeau du ciel et du diable réunis.

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Car si être angoissé est certainement une malédiction et un fardeau c’est aussi une incroyable chance.

L’opportunité de vivre une existence placée sous le joug d’une insatisfaction perpétuelle avec comme conséquence de toujours chercher à atteindre une impossible plénitude, de ne jamais se reposer sur ses lauriers, de se défier constamment afin de se surpasser pour côtoyer l’excellence, de toujours tendre vers la perfection et qu’importe si cette dernière n’existe pas.

Un aiguillon qui transforme chaque seconde de votre existence en une aventure palpitante à mener, l’ineffable bonheur de sentir son esprit palpiter de vie, la certitude de ne jamais s’ennuyer, l’assurance de ne point se laisser griser par les honneurs, les louanges, les flatteries, la capacité de ressentir les choses de la vie avec une intensité décuplée, la chance inouïe de pouvoir comprendre la souffrance de l’autre et d’être toujours à même de lui tendre une main secourable.

L’angoisse c’est avant tout l’apprentissage de la compassion.

Et comme sans compassion il ne peut exister de création, c’est pour celui qui s’aventure sur les sentiers escarpés de la littérature ou des arts en général, la garantie d’une vie honnête passée à consoler les hommes d’être ce qu’ils sont.

De leur dire qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils peuvent compter sur vous en toutes occasions.

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Ainsi va la vie de l’angoissé : passionnante mais éreintante. Epuisante mais exaltante. Terrifiante mais palpitante.

Une célébration constante d’une vie qui serait tout sauf une fête mais dont on mesure à chaque seconde l’effroyable beauté.


Oui la vie dans toute sa sublime démesure.

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J’ai rêvé que le prochain ministre de la défense s’appellerait Mohamed Kamal A.


J’ai fait un rêve.

J’ai rêvé que le prochain ministre de la défense de la République Française s’appellerait Mohamed Kamal A.

Qu’il serait musulman et fier de l’être.

Qu’il serait né en France de parents algériens.

Qu’il aimerait la France comme seul un immigré de la première génération peut l’aimer : entièrement, totalement, indéfectiblement.

Qu’il serait fier de ses origines arabes ou berbères, qu’il porterait haut sa double culture, qu’il n’aurait de cesse de la promouvoir et de s’en réclamer.

Un enfant de la République, élevé au sein de l’école publique, passé par l’Ecole de guerre, promu plus jeune général de France, ayant fait ses preuves sur plusieurs théâtres d’opération avant d’embrasser une carrière politique fructueuse, obsédé de rendre au centuple ce que la nation Française lui aurait permis d’acquérir, obnubilé par l’idée de service public.

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Il serait un Français  presque ordinaire.

Les armées et les corps constitués se mettraient au garde-à-vous devant lui.

Lui se tiendrait beau et fier face au drapeau tricolore claquant au vent au son d’une Marseillaise triomphante.

Il s’appellerait Mohamed Kamal A.

Ce rêve n’est pas sorti de nulle part.

Il se trouve qu’au Canada le ministre de la défense actuel se nomme Harjit Singh Sajjan.

Il est né en Inde.

Il est arrivé au Canada à l’âge de cinq ans.

Il est de confession sikh.

Il porte le turban.

Il est canadien.

Il existe vraiment, ce n’est pas un rêve, c’est la réalité.

Oui dans un pays occidental qui appartient au G8, qui est la dixième économie mondiale, qui peut se vanter d’être aussi une véritable puissance militaire présente en de nombreux points du globe, il est tout à fait possible de confier les clés de sa défense nationale à un citoyen qui n’est même pas né sur son sol.

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On nomme cela une intégration réussie.

La tolérance. L’ouverture d’esprit. Le décloisonnement des mentalités.

L’exemple que tout citoyen, quelles que soient ses origines, sa religion, son parcours, peut accéder en toute normalité aux plus hautes responsabilités à partir du moment où il a démontré par la seule force de son travail, de son talent, de son courage, sa parfaite aptitude à remplir la fonction.

Sans se soucier de rien d’autre.

Ni qu’il possède le teint cuivré, ni qu’il se promène avec un turban sur la tête, ni qu’il soit né en des contrées lointaines et que personne, absolument personne, ne s’en émeuve.

Bien au contraire, pensant même que l‘étonnant serait de s’en étonner.

Aussi quand je vois la France avoir peur de son ombre, quand je vois son président inscrire dans la constitution des dispositions visant a établir des différences entre les Français de souche et les Français rapportés, quand je vois avec quelle honteuse pusillanimité il se comporte dans la crise des migrants, quand je vois la blancheur de notre assemblée nationale, quand je me souviens du sort réservé à Madame Taubira, la façon dont on continue encore à jeter la suspicion et l’opprobre sur Najat-Vallaud Belkacem, quand je vois ce triste spectacle d’une république cadenassée malgré quelques avancées ici et là, je me dis que la France a tout faux.

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Qu’elle s’est trompée et se trompe encore.

Qu’au lieu de se replier sur elle-même comme une vieille dame cramponnée à ses maigres économies, jetant un regard suspicieux sur tout ce qui ne lui ressemble pas, elle devrait tout au contraire s’ouvrir au monde, vanter sa diversité, la chérir et la célébrer comme son bien le plus précieux.

Comprendre que l’immigration est toujours, au bout du compte, source d’enrichissement.

Parce que les autres, tous les autres, ne sont pas si différents de nous.

Que leur différence quand elle existe représente un atout plus qu’un obstacle, que si les premiers arrivants ont quelques difficultés à s’intégrer, leurs enfants tout naturellement se fonderont dans l’idéal républicain et le nourriront.

Et que d’avoir comme Ministre de la Défense Monsieur Mohamed Kamal A. devrait être non pas un rêve inaccessible mais le symbole d’une société arrivée à maturité, ayant enfin compris que plus un pays est riche de sa diversité, plus il est fort.


Et surtout plus apaisé.

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Entre la France et Israël, je choisirai toujours…


Ah la question vache !!!

Dis-moi toi, l’écrivaillon en exil, la demi-portion de blogueur, le porte-parole des demi-chauves amoureux de l’Association Sportive de Saint-Étienne et de William Faulkner, si jamais, suite à un improbable concours de circonstances, tu devais choisir entre la France et Israël, dis-moi donc lequel de ces deux pays tu choisirais ?

Je me demande si au fond, cette question, je n’ai jamais cessé de me la poser, si elle ne représente pas la question des questions, la seule digne d’intérêt, la seule à laquelle il est impossible d’apporter une réponse satisfaisante, la seule pourtant qui continue à me hanter et me hantera jusqu’au tombeau.

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La question de cette double identité, de cette double appartenance, de cette double culture, de ce tiraillement perpétuel entre le pays où je suis né, où j’ai grandi, et celui où je n’ai jamais vécu, où je ne vivrai probablement jamais mais qui demeure pourtant mon vrai pays, le seul endroit sur cette planète où un jour je pourrai dire, voilà ici je suis ici chez moi, vraiment chez moi, en une terre où personne ne viendra un beau matin frapper à ma porte pour me conduire dans je-ne-sais quel lieu insalubre afin de procéder à mon expulsion.

Le Juif est un traumatisé de l’Histoire : tout à la fois vieille antienne et vérité éternelle !

Ses racines sont dans les livres, sa mémoire suspendue dans l’éther de drames qui racontent tous la même histoire, celle d’un peuple obstiné, opprimé, indomptable, assez sûr de lui et de son étrangeté pour ne s’être jamais renié et avoir continué, envers et contre tout, à vivre selon ses codes, dans une sorte de sagesse millénaire née de la nécessité de n’avoir à compter que sur soi pour se perpétuer à travers les âges.

Et d’avoir eu à subir siècles après siècles, humiliations et déportations, moqueries et exactions, pogroms et mises à l’écart, l’a renforcé dans sa conviction de savoir sa condition toujours précaire, de se méfier de tout, des mirages de l’assimilation et du réveil toujours possible de la bête immonde, de se tenir toujours sur ses gardes, sa valise cachée sous son lit, au cas où.

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Au cas où le cauchemar recommencerait.

Où le grand gong de l’Histoire viendrait encore à résonner à ses oreilles et le sommerait de déguerpir, de reprendre la route de l’errance, de cheminer le long de sentiers incertains où à chaque tournant le pire pourrait de nouveau surgir.

L’affection que tout Juif porte à Israël est évidemment un attachement métaphysique, quelque chose qui résonne dans son âme comme un appel irraisonné pour une terre que des générations et des générations avant lui ont si ardemment désirée, rêvée, imaginée que de s’en détourner serait comme de les tuer une deuxième fois.

L’incongruité d’avoir un pays à soi est telle qu’un Juif comme moi n’envisage même pas de l’habiter ; il se contente de garder toujours un œil attendri sur lui, il y habite par la pensée, il l’aime de cet amour éperdu que porte un orphelin à ses parents jamais connus.

Il lui parle, il l’écoute ; de temps en temps il prend de ses nouvelles, parfois il le visite même mais il ne reste pas, la volonté lui manque, il n’arrive pas à se convaincre que ce pays c’est aussi le sien, il repart et aussitôt reparti le voilà qui lui manque déjà.

Et si on s’en prend à lui, il pleure et se tient à ses côtés.

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Le pays où il vit que ce soit la France, le Canada ou n’importe quelle autre contrée sur cette terre n’est pas vraiment le sien, il l’emprunte juste, il adopte ses codes et ses coutumes, ses lois et ses principes, il s’y conforme même avec un dévouement sans faille, parfois même avec une dévotion irraisonnable tout en sachant, au plus profond de lui-même, que ce ne sont là qu’accommodements raisonnables et principes de précaution à même de voler en éclats à la première éclaboussure nationaliste.

Il est à la fois Juif et Français, Français et Juif, il le restera tant qu’on ne lui demandera pas de choisir entre la France et Israël, tant qu’on respectera cette si singulière double appartenance, tant qu’on acceptera et tolérera sa double condition d’exilé.


Un exilé de l’intérieur et de l’extérieur.

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La souffrance du chat à l’heure du détartrage


Lors de la dernière visite chez le vétérinaire, ce dernier, un grand chauve au regard d’acier, m’avait averti : votre chat pue de la gueule, ses dents sont lépreuses, ses gencives croulent sous les dettes, va falloir procéder à un détartrage, votre  pauvre bête doit souffrir le martyr.

Je m’étais montré fort surpris.

Je n’avais rien remarqué, je trouvais même que malgré son grand âge mon chat et particulièrement ses dents éclaboussaient de santé ; d’ailleurs c’était bien simple, il souriait tout le temps ; s’il souffrait, je l’aurais vu : lui et moi ne nous cachions rien.

Vous n’y êtes pas m’avait dit le véto, les chats, malgré leur domesticité apparente, ont conservé au plus profond d’eux-mêmes des réflexes archaïques : ils n’affichent jamais leur vulnérabilité de peur d’attirer l’attention de prédateurs sanguinaires. Ils inté-rio-ri-sent leurs douleurs avait-il rajouté en décortiquant les syllables comme s’il découpait le gâteau d’anniversaire de sa belle-mère. Même si votre chat souffrait le martyr, il n’en laisserait rien paraître.

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Je restais songeur.

C’était quoi cette histoire à dormir debout de souffrance intériorisée ? Ça puait l’arnaque à pleines dents sa théorie à la Darwin d’opérette. Est-ce qu’avec ma  tête de Juif errant à moitié chauve, j’avais l’allure d’un guépard prêt à bondir sur mon chat sitôt que je décèlerais chez lui le moindre signe d’affaiblissement ? Ou l’apparence d’une hyène planquée derrière un buisson, prompte à passer à l’attaque à la première occasion ?

Je vivais à ses côtés depuis une quinzaine d’années, et jamais, jamais je ne m’en étais pris à son intégrité physique. Pas même le jour où il avait griffé ma Pléiade de Rimbaud.

Sitôt rentré chez moi, je l’ai convoqué dans mon bureau.

Tu souffres ?

Il n’a pas moufté.

Tu sais que tu peux tout me dire. Je pense qu’après toutes ces années de vie commune, tu peux raisonnablement avoir confiance en moi. Je te promets que je ne profiterai en rien de ta faiblesse passagère, tu as ma parole. Alors tu souffres ou pas ?

Il est resté de marbre.

Imperturbable, il a continué à me fixer de son regard habituel, ses prunelles couleur de miel pleines d’un flegme mystérieux et placide.

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J’ai eu l’impression que se tenait devant moi le fantôme de Jean Moulin, obtus dans sa volonté de ne rien céder à ses bourreaux.

J’étais bien embêté.

Le devis présenté par cet escroc de vétérinaire atteignait une véritable petite fortune ; quand il me l’avait présenté, j’avais cru qu’il avait confondu la dentition de mon chat avec celle d’un crocodile, ce n’était vraiment pas le moment de se lancer dans des dépenses inutiles, de plus il aurait à subir une anesthésie générale ; à son grand âge, c’était tout de même risqué.

En même temps, s’il souffrait…

Le mois suivant, je l’ai suivi à la trace.

Je le réveillais au beau milieu de la nuit, je braquais sur lui ma lampe de poche et à brûle-pourpoint, je le sommais de me dire s’il avait mal.

J’interrompais ses siestes, je lui envoyais des sms inquiets, je l’interpellais au sortir de sa litière, je le privais de croquettes, je me déguisais en prêtre pour l’amener à se confesser, je le surprenais en pleine toilette, j’essayais l’hypnose, l’acupuncture, la méditation transcendantale  : en vain.

Il ne laissa rien paraître.

Je n’en dormais plus.

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Je me voyais comme un Klaus Barbie vouant son existence à torturer un chat sans défense, à le laisser en toute conscience agoniser, à feindre une criminelle indifférence alors qu’il se mourrait sous mes yeux.

Je me souvenais de la scène de Marathon Man quand Lawrence Olivier se met à jouer à la roulette avec les dents de Dustin Hoffmann.

Je voyais danser devant moi le souvenir de Mengele collectionnant les bridges en or de ses cobayes.


Hier matin, à bout, j’ai fini par l’amener chez le vétérinaire.


Depuis ce sont mes finances qui souffrent.

Prudent, j’ai décidé de n’en rien dire à mon chat.


Des fois qu’il lui prendrait l’envie d’en profiter pour me soutirer mes derniers centimes…

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Il est impossible de vivre sans Dieu ou sans l’idée de Dieu


Je ne suis pas bien intelligent, je n’entends rien à la philosophie ni aux grands concepts qui l’accompagnent, je ne possède ni la rigueur ni la profondeur nécessaire à l’élaboration d’une pensée capable d’analyser le rapport de l’homme à la morale, au désir, au travail ou à la mort mais malgré cette ignorance crasse ou à cause d’elle, je suis capable d’affirmer que l’homme ne peut pas vivre sans Dieu ou sans l’idée de Dieu.

Ou du moins sans la croyance en une perpétuation de sa propre essence au-delà de sa simple existence humaine.

Ce n’est pas possible.

C’est trop lui demander.

C’est exiger de lui une force mentale que seul un esprit détaché des contingences de la condition humaine peut supporter.

L’homme a besoin de croire en la possibilité d’une vie qui se prolongerait d’une manière ou d’une autre par-delà sa propre mort, un ailleurs où son âme, sa conscience et son esprit continueraient d’exister sous une forme que son intelligence ne saurait déterminer mais qui pourtant constitue une espérance à même de donner un sens à son existence terrestre.

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L’idée d’une vie qui commencerait avec soi et s’achèverait avec soi, dans une sorte de radicalité excluant toute trace de spiritualité ou de religiosité, toute possibilité de reconstituer un lien post mortem avec des êtres qui nous sont chers par-delà toute éternité, cette idée-là a quelque chose d’infiniment désespérant, de glaçant et de terrifiant qui constituerait une sorte de scandale métaphysique.

Je ne prétends pas qu’il existe forcément quelque chose, je dis simplement que vivre hors du champ de cette possibilité, dans la certitude d’une vie se résumant à elle-seule, en un splendide isolement où la mort signifierait l’arrêt brutal et définitif de toute existence, ne saurait être quelque chose d’admissible pour le commun des mortels.

Ce n’est pas tant une affaire de religion que de spiritualité, cette croyance que d’une manière ou d’une autre, sous une forme qu’il appartient à chacun d’appréhender, la mort ne serait qu’une étape, un passage, une ouverture vers un autre monde, qu’il fut minéral, spectral ou animal.

Cette aspiration à survivre à sa propre mort, à renaître en un au-delà par ailleurs impossible à déterminer, constitue le ressort même de notre humaine condition, le socle sur lequel asseoir notre présence sur cette terre aussi étrange qu’étrangère, le pacte que nous passons avec nous-même afin d’endurer le flot d’innommables tragédies qui surviendront tout au long de notre existence et tenter de leur apporter un sens.

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Il se peut qu’il n’y ait rien, que le néant soit notre seul avenir, que la mort triomphe de toute espérance, c’est même  l’hypothèse la plus probable, à laquelle pourtant il est bien difficile de se résoudre.

Ainsi je n’existerais plus.

Ainsi je ne reverrais plus jamais cette mère qui m’a donné la vie, cet ami que j’aimais tant, cette femme que je chérissais avec une telle ferveur.

Ainsi je ne serais plus rien qu’un corps sans âme réduit à servir d’apéritifs à des asticots.

Vivre hors de l’idée de Dieu, dans son acception la plus large, exige un courage et une intransigeance de géants.

Ou comme le dit plus prosaïquement Michel Houllebecq lorsqu’on l’interroge sur la mort de son ami Bernard Maris, assassiné lors de la tuerie de Charlie Hebdo : il est moins facile de rester athée quand on perd un être proche.


C’est comme de jouer au Loto en ayant la certitude de ne jamais rien gagner.


Atrocement désespérant.

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Un sondage pour Auschwitz

 

Alors là, j’avoue, mon prépuce en est resté bouche bée.

Je ne sais pas ce qu’ils prennent au Parisien pour en arriver à avoir de telles idées, mais ce doit être de la bonne.

De la colombienne cent pour cent pur souche.

Donc au Parisien,  journal populaire mais de qualité paraît-il, pour fêter dans la joie et la bonne humeur le dixième anniversaire de l’enlèvement d’Ilan Halimi, ils ont décidé de s’offrir un petit sondage histoire de voir si l’antisémitisme a toujours la cote.

C’est l’Ifop qui s’est chargé de poser les questions avec un sens de la répartie absolument édifiant.

A côté des traditionnels et lénifiants, est-ce que les Juifs ont plus de pognon que les autres (oui, tous sauf moi), est-ce qu’ils contrôlent les médias (non, aucun, sauf Slate), est-ce qu’ils contrôlent les banques (oui, toutes, sauf le Crédit Agricole, les vaches n’aiment pas les Juifs), ils en ont inventé une qui vaut son pesant de Zyklon B :

”Êtes vous d’accord ou pas avec l’affirmation suivante : Les Juifs utilisent aujourd’hui dans leur propre intérêt leur statut de victimes du génocide nazi pendant la Seconde Guerre mondiale ”.

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Chapeau bas.

La grande classe.

La marque des grands.

Depuis hier matin, je me la récite à haute voix et à tue-tête : EST-CE QUE LES JUIFS UTILISENT AUJOURD’HUI DANS LEUR PROPRE INTERET LEUR STATUT DE VICTIMES DU GENOCIDE NAZI PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE ?”.

Ils ont engagé le coiffeur de Goebbels pour rédiger un tel chef d’œuvre ?

Du coup, intrigué, j’ai fini par me poser la question : je me suis posté devant mon miroir et je me suis dit, toi, Sagalovitsch, Juif entre les Juifs, les yeux dans les yeux, est-ce que par hasard tu n’utiliserais pas dans ton propre intérêt ton statut de victime du génocide nazi pendant la seconde guerre mondiale ? Hein, dis-moi un peu, sale youpin que tu es, avec ton nez crochu, tes lèvres lippues et tes papillotes toutes frippées, tu n’aurais pas tendance de temps à autre à user du souvenir de la Shoah pour remporter des parts de marché, gagner aux courses ou piquer la place de ton voisin ?

J’ai dû reconnaître que si.

Holocaust

Ainsi combien de fois ai-je dit à la femme du boulanger, ”dites-moi, ce pain au chocolat, vous ne pourriez pas me le vendre à moitié prix, c’est que je suis fauché en ce moment, je reviens d’Auschwitz, je suis allé visité le crématoire numéro deux, celui où ils ont cuit Papy et ça m’a encore coûté un bras.”

Et avec les femmes, combien de fois me suis-je attiré leurs faveurs en leur murmurant à l’oreille, ”c’est fou comme tu ressembles à ma grand-mère, tu sais celle qui est partie en fumée, tu es son portrait craché. ”

La minute suivante, elle était dans mon lit.

Imparable.

En boîte de nuit pareil.

Si jamais à l’entrée, le videur trouve que ma calvitie risquerait de faire fuir la clientèle et m’enjoint de passer mon chemin, je sors mon étoile jaune et paf le voilà qui se met à genoux, me demande pardon, et m’offre même une douche gratuite.

Le pire dans toute cette histoire, c’est qu’il y a tout de même 32% de personnes interrogées qui ont répondu oui.

Je savais Dieudonné populaire parmi la population française mais 32% c’est tout de même un peu, beaucoup.

Codes et barres

Reprenons, il y a donc un brave Français sur trois qui pense, qui pense vraiment que le Juif de service se sert de la Shoah pour garnir encore un peu plus son compte en banque.

.

heu

comment dire…


Pour le Vel d’Hiv, je ne me souviens plus, il faut descendre à Bir-Hakeim ou à Duplex ?

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Making a Murderer : un cauchemar américain, entre Twin Peaks et Fargo


C’était l’autre soir.

L’ambiance dans la maison était studieuse : madame travaillait, le chat pour la deux-cent-cinquantième fois de la journée procédait à sa minutieuse toilette, les voisins jouaient au scrabble, la lune lisait son horoscope et moi, trop fatigué pour lire, je bavardais avec le plafond.

Comme il était trop tôt pour aller se coucher, j’ai convoqué l’ordinateur, j’ai joué deux parties d’échecs (perdues), j’ai consulté la météo du lendemain (pluie), j’ai tapé sur un moteur de recherche ”combien de temps un chat passe à se nettoyer par jour” (beaucoup) ; à court d’idées, désœuvré comme une souris morte, j’ai fini par atterrir sur Netflix que d’ordinaire je ne regarde jamais.

Et là, allez savoir pourquoi, peut-être trônait-il en tête de gondole, peut-être avais-je lu un article à son sujet, peut-être la main de Dieu m’a guidé, mais j’ai cliqué sur Making a Murderer, ce documentaire qui divise l’Amérique, et je me suis retrouvé embarqué dans une histoire impossible, celle de Steven Avery qui, je vous mets en garde de suite, n’entretient aucune parenté avec Tex Avery.

Quoique.

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Donc Steve Avery. 

Arrêté en 1985 pour viol. Passe dix-huit années en prison avant d’être innocenté par une analyse ADN. Sort de geôle. Revit. Se reconstruit. Intente un procès contre la police du comté. Le gagne. Va toucher le gros lot. Quand…

Avant de poursuivre, il me faut ajouter que cette histoire absolument authentique se déroule à Manitowoc, une petite ville de trente mille âmes, perdue au fin fond du Wisconsin, en bordure du Lac Michigan, dans le trou du cul d’une Amérique plus que profonde où l’on se doute que la lecture des œuvres complètes de Faulkner ou de Melville ne soit pas la première des priorités.

Et que dans cette charmante bourgade, les Avery, on ne les aime pas trop.

Ils traînent des gueules pas possibles, ils vivent entre eux comme des hors-la-loi dégénérés, ils s’occupent d’une casse de voitures qui s’étend sur des hectares, juste à la lisière de la ville, ils ont mauvaise réputation, ils dérangent dans le paysage : sont pas comme nous ces gens-là, m’étonnerait point qu’ils forniquent entre eux et sodomisent leurs chiens avec des manches à balai.

Les parents à la tête de la tribu affichent une trombine qui serait celle des Bidochon mais en pire.

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C’est pour cela que le Steve Avery, on l’a coffré pour cette histoire de viol.

Parce qu’il avait la tête de l’emploi. Parce qu’un Avery derrière les barreaux, c’est toujours cela de pris. Parce que de toutes les façons, un jour ou l’autre, il aurait mal tourné.

Sauf que le bougre est vraiment innocent.

Et qu’on apprécie moyen que ce trouduc obtienne du tribunal des dommages et intérêts qui pourraient se monter à des millions de dollars.

Aussi, quand peu après une jeune journaliste répondant au nom de Teresa Halbach disparaît et qu’on s’aperçoit que la dernière personne l’ayant vue vivante, c’est, je vous le donne en mille, ce cher Steve, l’occasion est trop belle pour la laisser passer.

Et voilà qu’en trois coups de cuillères à pot, après une enquête rondement menée mais truffée d’approximations, de chausse-trappes, de coups tordus et d’incohérences, on reconduit Steve là d’où il n’aurait jamais dû sortir, à savoir la jolie prison du comté.

Commence alors une bataille judiciaire assez addictive à suivre pour vous donner envie de passer un coup de fil à votre patron afin de le prévenir de ne pas compter sur vous demain, vu que votre chat a attrapé le virus Zika.

Car dans cette affaire, rien n’est clair.

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Comme je suis bonne pomme, je n’en dirai pas plus mais sachez tout de même qu’après avoir regardé l’intégralité du documentaire, à savoir une dizaine d’épisodes d’une heure qui tournent principalement autour du procès de Steve Avery, vous vous surprenez à vous réveiller au milieu de la nuit en vous triturant le cerveau quant à l’innocence ou la culpabilité de ce dernier.


Making a murderer est une virée dans une Amérique crépusculaire et arriérée, à mi-chemin entre Fargo et Twin Peaks, le récit d’une faillite d’un système judiciaire à bout de souffle, mais surtout une plongée radicale dans un monde interlope, peuplé d’individus tragiquement ordinaires, de personnages abominablement humains, capables du meilleur comme du pire, pris au piège de leurs propres contradictions, convoqués au chevet d’une tragédie où se joue le sort d’un homme à la destinée hors du commun.

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Ouvrez, ouvrez la cage aux partis


Avec un peu de chance, en 2017, si nous sommes bien sages, nous aurons droit au même bal des prétendants que lors de la dernière élection présidentielle : François, Nicolas, Marine, Jean-Luc, François (de Pau et de sa région) et quelques autres trublions qui le temps d’une campagne brilleront au firmament de leurs espérances électorales avant de disparaître dans la grande nuit de l’entre-deux tours.

C’est dire à quel point on a hâte d’y être.

Autant dire que le système politique français n’est point sclérosé mais qu’il est juste mort.

Figé dans une posture d’éternité que rien ne semble pouvoir ébranler.

Incapable de se renouveler, inepte à se réinventer, écrasé par des années d’immobilisme, il meurt chaque jour un peu plus d’inanition.

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Les partis, verrouillés à triple tour, ressemblent à des hospices où pour prétendre se retrouver à la manœuvre, il faut montrer sa carte vermeil, être bien établi dans sa carrière d’émeutier politique, jouir d’une certaine respectabilité, avoir tissé un réseau d’influence assez puissant pour que le jour-dit, il vous propulse en haut de l’affiche.

Avoir passé sa jeunesse à fanfaronner sur le banc de grandes écoles où l’on vous aura appris tout sauf l’expérience de la vraie vie et ses déraillements perpétuels, la confrontation avec le monde réel et ses innombrables emmerdements, la rencontre avec les hommes et les femmes que vous serez censé représenter mais que vous oublierez bien vite une fois aux responsabilités, obnubilé que vous serez alors par votre réélection de dans cinq ans.

Les partis fonctionnent comme une sorte de club fermé où on ne procède jamais à une quelconque expulsion, où quelle que puisse être la gravité de vos échecs, la grandeur de votre imbécillité, la parfaite inanité de votre agilité intellectuelle, on vous gardera toujours une place au chaud, vous offrant même la possibilité de revenir en deuxième semaine tant on aura toujours besoin de votre incompétence certifiée conforme par des années d’exercice du pouvoir.

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Bien sûr vous aurez beau jeu de dire que vous avez changé, que vous n’êtes plus celui que vous étiez hier encore, que vous avez réalisé à quel point vous vous étiez trompé lors de votre précédente mandature, que vous avez réfléchi, mûri, compris les attentes de la population et les réponses à lui apporter.

Vous irez même jusqu’à torcher un livre que quelques âmes incrédules prendront pour les Nouvelles Evangiles.

Sauf qu’on n’échappe point à sa vraie nature ; elle finit toujours par vous rattraper.

Des années de pratique d’une langue de bois forcenée, d’inculture soigneusement entretenue, d’incapacité à s’ouvrir à la société civile, à élargir le champ de vos connaissances, vous auront transformé en une sorte de perroquet des plus bavards, de ceux qui n’aiment rien tant que de bavasser les mêmes sempiternelles ritournelles, les mêmes formules décaties, les mêmes mesures programmatiques que par ailleurs, par prudence ou par pusillanimité, vous n’appliquerez jamais lorsque que vous serez confronté à l’exercice du pouvoir.

Bref, vous serez aussi passionnant à écouter que des mères maquerelles en charge d’un bordel composé uniquement d’eunuques.

Et pourtant vous serez bien là fidèle au poste, ne comprenant même pas qu’on puisse s’interroger sur le bien-fondé de votre présence tant on vous aura inculqué depuis votre tendre enfance que la République Française chérit ses hommes politiques jusqu’à ce que mort s’ensuive et parfois même au-delà.

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Quant aux petits pioupious qui auraient l’outrecuidance de vouloir exister par-eux mêmes, vous les calmerez d’un maroquin ministériel qui saura tempérer leurs juvéniles ardeurs.

Ainsi va la politique française, de croques morts en croques morts, de figures de cire en figures de cire, de petits chefs en petits chefs, de résurrection en résurrection, en une procession parfaitement ordonnée qui vitrifie l’espérance et anéantit toute possibilité de vrai changement.

Et vlan !

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Existe-t-il encore de grands romans ?

                                                                                                      

La question m’a toujours turlupiné.

Se pourrait-il que le roman ait atteint son âge d’or, qu’on circonscrira à la première moitié du siècle dernier et que depuis, il se contente de vivoter, de tenter d’exister, plongé dans des limbes que seules les secousses de l’histoire encore à venir parviendront à arracher à sa douce torpeur ?

Ou autrement dit, se pourrait-il qu’écrire par temps de paix, dans le confort de sociétés globalement apaisées, à l’abri des grandes et innommables tragédies qui traversèrent les siècles passés, anéantisse toute possibilité au roman de s’émanciper et d’atteindre à une réelle grandeur ?

S’il y a un siècle sont apparus Proust, Joyce, Kafka, Faulkner, Woolf, Fitzgerald, Céline, Lowry, Musil, Broch, Mann, Conrad… c’est évidement tout sauf un hasard.

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Ces auteurs ont eu à se confronter avec un réel qui n’a eu cesse de trébucher, de se dérober sous eux, de creuser sa tombe à l’ombre de guerres mondiales qui plongèrent le cœur des hommes dans de telles ténèbres qu’elles condamnaient les écrivains à composer des romans mettant en jeu la question même de la survie de l’espèce humaine, à s’interroger sans relâche sur le sens de toute destinée, à domestiquer la folie d’un monde occupé à se suicider, à tordre et à compresser la langue d’une telle manière qu’elle puisse refléter le catafalque du temps.

L’époque les sommait d’interroger la nature humaine dans tout ce qu’elle a de plus sombre, de plus complexe, de plus extrême, de plus grandiose aussi, parmi le chaos d’une civilisation crépusculaire se trucidant dans les tranchées, s’étripant lors de conflits ravageurs, au beau milieu d’une pluie de cendres se répandant aux quatre coins de l’Europe.

Ces temps-là furent hantés par la mort, la mort partout, la mort qui s’annonçait, la mort qui fauchait par millions, la mort qui se retirait pour mieux réapparaître deux décennies plus tard, quand la folie nazie enténébra l’espérance humaine d’une manière si monstrueuse que jamais elle ne put vraiment ressusciter.

Bien sûr il serait parfaitement sot de prétendre ou d’affirmer que les œuvres publiées lors de la seconde moitié du vingtième siècle et depuis le début de celui-ci ont toutes été vaines, inconséquentes, mièvres, inutiles ou absconses.

Chacun d’entre-nous sera à même de citer un ou plusieurs auteurs lui apparaissant comme des écrivains de tout premier plan, s’inscrivant dans la droite lignée de leurs prestigieux aînés : de Milan Kundera à Peter Handke, de Thomas Bernhard à Cormac McCarthy, de Norman Mailer à Patrick Modiano, de Richard Ford à Garcia Marquez, de Martin Amis à Javier Marias, de Roberto Bolaño à David Foster Wallace, et d’une multitude d’autres encore, le roman a su parfaitement combler nos attentes de lecteurs, satisfaire nos appétits carnassiers et nous permettre d’explorer des univers littéraires d’une portée considérable.

Mais serait-ce leur faire injure à tous ces auteurs que de dire que pris dans leur globalité ils ne pèsent pas bien lourd comparés aux maîtres du début du siècle ?

Comme si ces derniers avaient déjà tout dit, tout écrit, tout pensé, refondé le roman d’une manière si définitive, si tranchée, si radicale, que toutes les tentatives entreprises depuis lors étaient vouées, sinon à l’échec, du moins à secouer nos imaginaires avec infiniment moins de puissance ?

C’est probable.

Il est difficile d’écrire le ventre plein et avec la certitude que demain ressemblera à aujourd’hui.

Quand les sociétés ronronnent, quand pour le plus grand bonheur des hommes, l’Histoire est à l’apaisement et à la réconciliation entre les peuples, quand ”les problèmes du cœur humain en conflit avec lui-même” selon la formule de Faulkner tendent à disparaître, alors le romancier en est réduit à chuchoter des récits parfois aussi insignifiants que l’époque où il vit.

Ce n’est pas un regret.

Juste un constat.

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L’adieu au football

                                                                                                                                                                                                                        Inutile de tourner autour du ballon mais mon intérêt pour le football s’émousse de plus en plus.

Parfois même il arrive à me dégoûter.

Voilà que moi, qui ai vécu à travers ce sport, qui l’ai aimé parfois d’un amour déraisonnable, qui l’ai chéri comme je continue de chérir la littérature, j’en viens à le trouver laid, obscène, clinquant, vulgaire, sans âme.

Désincarné.

Ce n’est pas de niveau de jeu que je parle mais bien plus de cette chose indéfinissable, de ce mélange inouï de beauté, de poésie, d’adolescence, de transcendance et d’élégance que le football d’hier incarnait.

Aujourd’hui il a trahi ses idéaux, il ne ressemble plus au monde de mon enfance, il ne possède plus rien d’enchanteur, il se vautre dans une opulence rebutante, il empeste le pouvoir de l’argent, de cet argent facile, trouble, opaque, sans limite, qui corrompt, rend fou, dégrade et salit tout ce qu’il touche.

Désormais on ne parle plus que de fric quand on s’entretient de football, de transferts mirobolants, de primes sonnantes et trébuchantes, de salaires vertigineux, de revenus nets, de droits à l’image.

Les joueurs sont devenus de simples marchandises qu’on s’échange entre clubs comme de vulgaires actions sur une place financière, on brasse des millions avec une désinvolture écœurante, on aligne des billets pour composer des équipes qui ne ressemblent plus à grand-chose, si ce n’est à un empilement de joueurs n’ayant rien en commun hormis l’appât du gain.

D’ailleurs ce ne sont même plus des joueurs mais de simples catins qui attendent de leur carrière, non plus la gloire, non plus la joie toute enfantine de soulever des trophées, non plus la possibilité de se dépasser et se bonifier en tant que personne, mais plutôt des retours sur investissement, des transferts juteux, des lingots d’or qu’ils entassent avec la régularité et l’avidité d’un banquier afin de satisfaire leurs besoins aussi puérils que mercantiles d’empiler voitures de luxes, châteaux en Espagne, jets privés, fontaines de champagne, nounous pour leurs pitbulls et autres coiffeurs à domicile…

Ils sont les victimes consentantes de leur époque, de cette sorte de décadence occidentale qui juge la valeur des hommes aux profits qu’ils sont susceptibles de rapporter, à leurs poids d’argent, à leur rentabilité.

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Les meilleurs d’entre eux comme les plus médiocres ne sont plus là pour servir le football, pour illuminer nos existences, pour colorer la vie de nos gamins, non ils jouent seulement pour satisfaire leurs propres appétits, pour espérer taper dans l’œil d’un recruteur ou d’un agent qui saura au mieux capitaliser leur talent, leur permettre de quitter au plus vite leur club formateur afin de démultiplier leur salaire et s’offrir enfin un mode de vie qui ressemble plus à leurs attentes.

Aujourd’hui dans un club, demain dans un autre, après-demain encore ailleurs, ils sont des mercenaires sans foi ni loi, préférant parfois cirer le banc d’une équipe riche à en crever que de vivre leur passion au sein d’une formation plus modeste.

Le football était un art, il ressemble de plus en plus à une vente aux enchères.

                                                                                                                                                                                                                                        Sans moi.

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