Comment je me suis disputé avec mon éditeur…ma vie d’écrivain

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         C’est le lot de tout écrivain. Ou presque.

Un jour, après des années de fructueuse collaboration, arrive le moment où entre vous et votre éditeur, la relation tourne au vinaigre.

Il vous a connu tout petit, il vous a materné, il vous a appris à marcher, il vous a vu grandir, il vous a soutenu, encouragé, rassuré.

Vous, vous lui avez été d’une fidélité sans faille.

Vous avez écouté ses conseils, vous avez suivi ses injonctions à la lettre, vous avez obéi à ses quatre volontés, vous avez été d’une certaine manière son exécutant.

Tous deux, vous formiez un couple promis à durer jusqu’à ce que la mort vous sépare.

Vous ne juriez que par lui, il vous tenait en haute estime.

Et puis un jour vous lui avez soumis votre nouveau texte.

Il ne l’a pas aimé.

Il vous a demandé de le retravailler de fond en comble.

Bon gré mal gré, vous vous êtes plié à ses desiderata mais quand quelques mois plus tard vous lui avez envoyé votre manuscrit entièrement remanié, il l’a trouvé tout aussi mauvais.

Vous avez essayé de le convaincre qu’il se trompait ; il vous a assuré que vous vous étiez égaré.

Vous avez échangé une correspondance, des mails, des coups de fil, des télégrammes, des post-it.

Personne n’a voulu céder.

Aux échanges policés se sont succédé des insultes.

Vous l’avez traité d’esprit borné au delà de tout limite, de despote narcissique, de Sarkozyste à la petite semaine, de violeur d’écrivain sans défense, de djihadiste sanguinaire affidé à l’État de la terreur littéraire ; il vous a accusé d’être un branleur d’écrivaillon, un auteur surfait, une contrefaçon de romancier, une midinette toute juste bonne à composer des historiettes aussi fades qu’un velouté Knorr périmé.

Vous avez proposé un duel ; il a refusé, sachant votre passé d’ancien combattant.

Une séance de tirs aux buts ? Il a décliné la proposition, connaissant votre adresse à tromper la vigilance du gardien adverse.

On a tenté de vous réconcilier, des casques bleus se sont interposés entre vous, l’ONU a dépêché un conciliateur, Laurent Fabius a dit qu’il en allait de la survie de l’humanité, que vous étiez redevables pour les générations à venir, qu’il fallait coûte que coûte trouver un accord dussiez-vous y passer des nuits entières.

Obama vous a conjuré de vous montrer raisonnable, François Hollande a proposé une espèce de synthèse sous la forme d’un pacte de littérarité : je changeais le titre du livre, le nom des personnages, la fin de l’intrigue ; en contrepartie mon éditeur s’engageait à publier le texte grâce à une aide de l’État ponctionnée sur le budget piscine des collectivités locales.

En vain.

Les mots d’oiseaux ont volé bas, très bas : espèce de goy sodomite, sale juif pédophile, enculeur de nonnes, violeur de rabbin, petite bite germanopratine,  sans-couilles canadien.

Irréconciliables.

Depuis vous êtes devenu un écrivain sans éditeur fixe.

Vous frappez à toutes les portes, on vous demande votre nom, le temps que vous l’épeliez, S comme Simenon, A comme Aragon, G comme Gombrowicz, A comme… la porte s’est déjà refermée.

Vous repartez avec votre manuscrit sous les bras.

On vous dit ”va voir Bidule de ma part, ma femme joue aux osselets avec la sienne, tu vas voir, c’est un type formidable, il a le bras long, il va pouvoir t’aider.”

Vous y allez.

Il vous reçoit à peine, il est en plein divorce, il liquide sa maison d’édition pour payer les frais d’avocat.

Vous songez au suicide ; un soir vous tentez de vous défenestrer mais comme vous habitez au rez-de-chaussée, vous vous en tirez avec une simple mais pathétique foulure de la cheville, en parfaite adéquation avec la désormais irrémédiable petitesse de votre existence.

Désespéré vous allez voir un marabout : devant vous il dépèce un poulet vivant et dans ses entrailles encore palpitantes de sang frais, il lit que la postérité vous rétablira dans votre honneur bafoué.

Vous voilà pestiféré. Détruit. Abandonné de tous.

Les histoires d’amour entre un éditeur et un auteur finissent toujours mal.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                           Enfin surtout pour l’auteur.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       P.S : Toute personne qui connaîtrait un éditeur prestigieux désireux de débourser un million d’euros pour s’attacher mes services, qu’il prenne contact avec moi. Merci d’avance.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                               Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

6 commentaires pour “Comment je me suis disputé avec mon éditeur…ma vie d’écrivain”

  1. Pour de vrai?

  2. Quand on a compris que la plupart des éditeurs ne sont que des intermédiaires à nourrir, on se débrouille très bien sans…

  3. Malheur, le divorce ! Surtout d’avec son éditeur. C’est pis qu’une explosion conjugale : d’abord, tout baigne ; puis, le vent tourne ; c’est enfin la douche écossaise, ou le grain après la bonace. Votre mentor vous trouve soudain en méforme, vous décidez comme à l’accoutumée de suivre ses conseils de rapetassage, vous vous attelez à noircir des feuillets ou des écrans pour le satisfaire. Patatras ! Il trouve votre texte « tout aussi mauvais ». Le doute, mieux qu’un malfaiteur, vous saisit. Ce n’est pas du dépit, mais de la sidération : est-ce possible ? Mentor, mon cher Mentor, pourquoi m’avez-vous abandonné ? Pourquoi détestez-vous ce que vous adorâtes dans mes proses successives ? Votre inopiné dédain, ô mien Mentor, me troue le prose…

    « Et ça, aimerais-tu, faux-derche ? Sans-couilles, t’oses plus me publier ? T’as trouvé d’autres cracheurs au bassinet, d’autres burnous à faire suer ? On ne veut plus coucher sur la couv’ son nom sous le mien, trop indigne ? C’est ça !? T’as les foies, hein ? Mentor ne voudrait pas que les Germanopratins se paient sa fiole !? Pourquoi tu ne me l’as plus tôt que mes textes ne t’emballaient pas ? Je serais devenu footeux pro, moi ! J’avais les mollets pour, moi. Dans les stades, on m’aurait applaudi, moi ! Le staff m’aurait cajolé, des clubs super friqués auraient largué des millions pour mes pieds et ma tête d’or, hé Ducon ! »

    On ne sait jamais, avec les éditeurs : le vôtre eût peut-être fait moins de chichis si, par exemple, vous lui aviez proposé de passer à l’argot, mieux, aux argots mêlés : verlan, langue verte classique, l’hyper moderne, le potache des jeunes, pour CSP basses, mais aussi CSP + et ++. Quand le tiroir caisse s’ouvre béant à l’oseille, le mercanti est prêt à toutes les prosternations, n’est-ce pas ? Ou bien qui vous dit qu’il n’aurait pas sauté de joie si vous lui aviez dessiné, à grand traits (le pitch), un roman épistolaire new look : par SMS, où un Valmont et une Merteuil de « zones de non-droit », pétard allumé, se fussent gaussés, toujours en SMS, non pas d’oies blanches, mais de bolosses déjà carrossées façon Ferrari, devenues poufs quelques années plus tard : « Là où le Valmont passe, la pouf pousse ! » ? Voire un « roman d’éducation », toujours par SMS, où des mignons – titillés par un Valmont furieusement « tendance », donc « bi- » –, se fussent confié leurs chagrins d’alcôve ? De surcroît, nul besoin d’avocat : vu l’âge des « Liaisons dangereuses », aucun héritier de Choderlos de Laclos, s’il en existe, n’aurait eu le cran de d’affronter le ridicule d’une accusation de plagiat.

    Post-scriptum. – Éditez-vous vous-même ! Cela se fait. Comme au Japon, pratiquez le flux tendu : n’éditez que sur commande expresse, réglée par carte sur le Net. Version papier ou version tablette : tout sera bénéfice pour vous. Allez, courage : pourquoi ne se remettrait-on d’un divorce d’avec son éditeur ? Un de perdu…

  4. Allez voir Pascale Gautier chez Buchet Chastel. Elle aime les dingos.

  5. En même temps si c’est aussi mal écrit que ce post on peut comprendre que l’éditeur se soit barré.

  6. Vous devez connaitre l’histoire de “Seul sur Mars” : Après un premier contact infructueux avec des éditeurs, le roman est mis en ligne par son auteur sur son site internet en 2011. Une version, commercialisée sur le site du marchand en ligne Amazon.com à un prix plancher (99 cents), rencontre un grand succès. Celui-ci attire l’attention des éditeurs et Andy Weir vend les droits à Crown Publishing Group.

    Le roman a obtenu le prix japonais Seiun du meilleur roman de science-fiction étranger pour l’année 2015.

    Le roman fait l’objet d’une adaptation cinématographique, Seul sur Mars. Le film, réalisé par Ridley Scott avec Matt Damon dans le rôle principal, est sorti en octobre 2015.

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