Ci-gît l’Europe (1945-2015)


Ah qu’ils avaient donc l’air heureux l’autre soir nos troufions de la politique au sortir de leur marathon européen.

Il fallait les entendre nous expliquer, avec leurs mots mâchonnés par leurs directeurs de communication, que la Grèce était sauvée, que l’argent irait à l’argent, qu’ils venaient de sortir l’Europe d’une ornière qui, sans leur robuste intervention, aurait pu être fatale.

Ils ressemblaient à ces docteurs qui viennent vous voir après une opération délicate effectuée sur l’un de vos proches et vous rassurent que tout s’est bien passé : le patient est hors de danger, il vivra, enfin disons plutôt qu’il vivotera, on a quand même dû l’amputer des deux poumons, pas moyen de faire autrement : c’était çà ou la mort clinique.

Vous êtes des pitres.

Et vous nous prenez pour des jambons.

Rarement ai-je assisté à un spectacle aussi misérable que celui que vous nous avez offert le week-end dernier, une mascarade de démocratie, un jeu de dupes où chacun s’était attribué un rôle avant même le début de la représentation : le bon, la brute et le truand.

Tout au long de ce sommet, vous avez été pitoyables, vous vous êtes montrés sous votre jour le plus laid et le plus repoussant qu’il soit, celui du cynisme érigé en beaux-arts.

Vous avez atteint des sommets de médiocrité, vous avez étalé à la face du monde l’étendue de vos incompétences, vous vous êtes vautrés dans la pire des indigences intellectuelles, vous vous êtes comportés comme des voyous de la haute finance, vous avez appliqué à la lettre votre catéchèse ultra-libérale et vous avez fini par signer un accord qui résonne comme un faire-part de décès.

Ci-gît l’Europe 1945-2015.

Je n’ai rien d’un gauchiste forcené – par nature j’ai horreur de tous les extrêmes – mais par votre rigorisme, par votre duplicité, par votre stupidité, oh oui votre superbe, sublime, somptueuse imbécillité mêlée à une indécrottable arrogance qui n’est rien d’autre que l’expression de votre infini sentiment de supériorité, vous me forcez à adopter un vocabulaire réservé d’habitudes à ces enragés des affaires politiques qui crachotent des insultes au lieu de proposer des solutions.

Sciemment, vous avez humilié un peuple dont le plus grand tort avait été de porter à sa tête un dirigeant dont la seule présence parmi vous vous incommodait.

Vous l’avez traité avec les mêmes égards qu’un plouc débarquant à la soirée de l’ambassadeur.

Tout juste si vous n’avez pas appelé le service de sécurité pour vous débarrasser de ce cul-terreux dont vous n’avez eu cesse de contester la légitimité, de remettre en cause les propositions, de le pousser dans ses derniers retranchements afin qu’il reconnaisse l’étendue de son impuissance.

Ce fut un jeu de massacre où de surenchères en surenchères, de tours de passe-passe  en tours de passe-passe, de combinaisons en combinaisons, vous avez fini par accoucher d’un texte qui n’est rien d’autre qu’une déclaration de guerre déguisée.

Vous n’avez pas eu besoin d’envahir physiquement le Pirée ; vous vous êtes contentés de vous assurer que le malade qui implorait votre clémence ne retrouverait jamais la santé.

Sans être – que Dieu Tout-Puissant m’en préserve – versé dans les sciences économiques, j’ai tout de même deux sous de raison pour réaliser que, rajouter de l’austérité à l’austérité ne finira par déboucher que sur une débandade généralisée, par un soulèvement populaire, par une révolte dont on ne sait jamais comment elle peut finir.

Vous avez consenti à prêter des milliards dans le seul but qu’ils servent à rembourser les intérêts de ceux que vous avez déjà accordés par le passé.


C’est au mieux de la sénilité, au pire du machiavélisme de bas étage. 


Vous êtes les Bouvard et Pécuchet de l’Europe.

Et encore ; au moins nos deux comparses, aussi bornés que vous, étaient-ils animés de bonnes intentions.


J’ai honte pour vous.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

11 commentaires pour “Ci-gît l’Europe (1945-2015)”

  1. Alors là monsieur, je dis: Bravo!!!

  2. Merci.

  3. Qu’est-ce qu’ils vous ont fait, Bouvard et Pécuchet ? Leurs intentions étaient pures, eux.

  4. Vous avez tout à fait raison !!! J’ai rajouté une ligne. Merci.

  5. Pourquoi pas plutôt : « Ci-gît l’Europe, 1957-2015 » ? Puisque vous avez « horreur des extrêmes » (vos lectrices et lecteurs assidus apprécieront), il serait parfois agréable – quand l’exagération propre à l’humour ou à la rhétorique n’est pas requise – de vous voir adopter un lexique moins agressif.

    Au-delà du liminaire, l’on ne peut qu’approuver la sentence sonnant dans ce post et sous maintes autres plumes de journalistes, d’économistes, etc., en substance : « Rajouter de l’austérité à l’austérité ne finira par déboucher que sur une débandade généralisée, par un soulèvement populaire, par une révolte dont on ne sait jamais comment elle peut finir ». Et peut-on ajouter : par un naufrage de la nef Union européenne, sous les lames centrifuges des égoïsmes nationaux ? C’est bien ça, n’est-ce pas ? Dans la chaîne du certain, du probable et du possible, à chacun de choisir – avant que la suite des événements l’en dispense, peut-être.

    Véritablement navré – plus d’ailleurs que choqué, car la démocratie, voilà quelques années que l’on n’y croit plus, sauf à se contenter de la portion congrue de quelques scrutins consentis au bon peuple comme les jeux du cirque de la Rome antique –, l’on conclura très provisoirement que des chiffres éhontément pipés, dès 2000 (et même avant) et connus de tous les « experts » et politiques concernés, ne pouvaient que conduire à une grave crise de couple. L’on sait que la séparation, au privé comme en politique, est toujours due à des erreurs des deux parties.

    Même si les « torts partagés » des divorces « à l’amiable » se soldent, la plupart du temps par des injustices et des rancœurs inextinguibles.

  6. bon,cela dit??? nous faisons quoi???il n;est plus question de la dette.mais plutôt^des millards a venir a fond perdu aussi insulter son creancier ne resoud rien,celà me fait souvenir de certaines choses du méme genre. democratie,democratie; foutaise,je n;ai jamais vue un emprunteur dictér sa loi a celui qui prête nous sommes rien face a la politique le reste c;est du bla-bla

  7. Un Grexit aurait été un signe bien plus inquiétant sur le chemin d’une dislocation de l’Union Européenne, et la pierre angulaire d’une domination durable des conservateurs et d’une ligne de fétichisme monétaire.

    Ce fétichisme monétaire n’a qu’un seul objet politique : garantir le montant des pensions, et en priorité des pensions des retraités – la base électorale des conservateurs européens contemporains.

  8. Qu’est-ce qu’il vient faire là Philippe Bouvard ?

  9. debile. Personne ne dit la vérité : l’argent que les grecs nous doivent n’a que peu d’importance. La seule réalité, c’est que si on ne contraint pas le gouvernement grec, tous les cinq ans, ils reviendront nous demander la même somme. Il y a une nation grecque, il n’y a jamais eu d’état grec de toute l’histoire. Des cites dans l’antiquité, un pays occupe ensuite, et de nombreux dictateurs ensuite, à commencer par Metaxas, auteur du célèbre non aux Italiens. Non également célèbre depuis 10 jours.
    Il faut connaître la Grèce, en y ayant travaillé pour comprendre. Les autres sont assis sur leur cul a commenter un pays auquel ils ne comprennent rien.

  10. C’est bien vrai que quand n’importe qui se mêle de parler politique,
    Beaucoup de conneries sont dites.
    Les plus grands experts sont penchés sur une situation extrèmement
    Complexe voire inextricable et des quidams croient détenir la solution en 20 lignes. C’est ridicule.

  11. Après Charlemagne, Charles Quint, Napoléon et Hitler, le rêve de la Grande Europe échoue une fois de plus.

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