Le féminisme à toutes les sauces


A force d’assaisonner le féminisme à toutes les sauces, moi j’y perds mon hébreu.

Bon, donc ce matin, je me lève.

Ça m’arrive parfois.

J’essaye de lutter contre cette bien fâcheuse habitude mais pour l’instant sans succès ; mon corps, tel Lazare, se lève tout seul sans que je ne lui aie rien demandé.

Et moi, comme un brave toutou, je le suis.

Bref, nous voilà débarquant dans la cuisine, mon corps et moi.

Café, jus d’oranges, tartines, croquettes pour le chat, sourire à ma voisine, grattage de couilles, internet.

Et là, crack, boume hue, je tombe direct sur la une de Paris Match, avec Filippetti enceinte et son Montebourg affalé comme un Gatsby de pacotille sur un transat.

Je vomis mon café d’indignation.

Et le respect de la vie privée ? Et que sont-ce ces manières de traquer un couple de la sorte et de prendre des photos à la dérobée sur leur lieu de vacances ? Vous n’avez vraiment pas autre chose à foutre de votre vie ? Et qui sont-ce donc tous ces couillons qui vont débourser quelques euros pour acheter ce ramassis de torchon de souillure de magazine ? Et on n’a tout de même pas pris la Bastille pour subir ce genre de vilenies qui bafouent la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Et puis, dans la foulée, déjà bien échauffé, j’enchaîne sur une interview d’Aurélie dans Libération et là, re crack, boume, hue, je lis de mes yeux lus : ” Chaque femme a le droit de disposer de son corps. Ce type de photo est une atteinte à la dignité, toutes les femmes peuvent se sentir atteintes. Imaginez ce que cela fait de se retrouver en maillot de bain à la une d’un magazine. Par ailleurs, je suis une femme politique, députée depuis huit ans. On doit respecter mon mandat, ma fonction. Il y a une lecture féministe et politique de cette une de Match.”

Mais alors, l’eût-on photographiée en bermuda, qu’elle n’eût rien trouver à redire Aurélie?

Mais alors le Président, quand dans un autre torchon, a été photographié en simple slip de bain, c’était aussi une atteinte à la dignité dans la mesure où tous les hommes pouvaient se sentir eux aussi atteints ? (Ce qui fut mon cas, je dois en convenir. D’ailleurs, depuis, je n’ai toujours pas remis les pieds à la piscine municipale. J’ai le fantôme de François en maillot de bain qui me poursuit)

Et puis quel rapport avec le fait qu’elle fut une femme politique politique, une députée ?

Eût-elle été une actrice, une chanteuse, une présentatrice de journal télévisé, une journaliste, une écrivaine, une soprano, que cela n’eût pas prêté tout autant à conséquence ?

Mais de quoi parle-t-elle au juste quand elle évoque une lecture féministe de cette une ?

Serait-elle entrain de suggérer que de la prendre en photo enceinte constitue une circonstance aggravante dans la mesure où, avec tous les efforts du monde, Arnaud, même après avoir avalé une marmite entière de fondue bourguignonne, ne pourrait prétendre à présenter un ventre aussi rebondi et que partant il existerait une différence de traitement qui laisserait supposer que la femme est tout juste bonne à pondre tandis que l’homme a tout le loisir de se relaxer sur un transat pendant que madame supporte tout le poids de la grossesse ?

Ce qui empiriquement est tout à fait exact mais de là en tirer des conséquences sur les supposées visées sexistes d’un hypothétique rédacteur en chef qui, dans la solitude de son bureau, aurait tout comploté afin de de porter préjudice à la gent féminine, tout de même Aurélie, cela ne serait pas un tantinet tiré par les cheveux cette mise en accusation ?

Je m’y perds en conjectures.

On ne peut quand même pas tout ramener au féminisme.

Cette une est abjecte parce que c’est une photo volée qui n’a pas lieu d’être. Enceinte ou pas. En maillot de bain ou en vareuse. En été comme en hiver. Hommes et femmes confondus. Sous toutes les latitudes.  

Point barre.

Du coup, je me suis recouché.

J’en avais trop vu.


Et pour une fois, c’est mon corps qui m’a obéi.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                   Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Pour éviter de finir comme Vincent Lambert, rédigez vos directives anticipées


L’épouvantable affaire Vincent Lambert avec tous ses impossibles rebondissements m’a ouvert les yeux. Je ne veux pas qu’un jour, ma famille se déchire à mon sujet. Je refuse de voir David Pujadas ouvrir son journal de vingt heures par ” Nouvel épisode dans l’affaire Sagalovitsch qui bouleverse la France entière depuis des semaines : sa grand-tante s’oppose à son transfert dans un hôpital israélien. ” Sa place est en France. Il est né en France. S’il doit mourir, que Dieu nous en préserve, il mourra en France a-t-elle déclaré à nos journalistes ”.

Afin d’éviter tous ces tracas, j’ai donc décidé de coucher sur le papier mes désidératas si jamais un jour je devais me retrouver dans le même état que ce pauvre Vincent Lambert.

C’est recommandé paraît-il.

Afin de permettre au médecin de prendre sa décision en toute sérénité puisqu’en dernier ressort, selon les dispositions actuelles de la loi, après avoir écouté toutes les parties concernées, c’est à lui qu’appartiendra la responsabilité de continuer les soins ou pas.

Il suffit d’envoyer une lettre au site de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité qui se fera un plaisir de la transmettre au grand manitou veillant sur votre destinée le jour où….sait-on jamais…un accident est si vite arrivé…allez savoir ce que l’avenir nous réserve…mieux vaut prévenir que guérir…la vraie mort est ailleurs. 

Ils nomment cela des directives anticipées. Elles sont valables durant trois ans.

Tout un programme.

Hier, à l’heure où ruisselle le Pastis, je me suis enfermé dans mon bureau, j’ai fermé les volets, j’ai mis le Requiem de Mozart à fond les basses et je me suis lancé :

” Cher docteur,

J’aurais aimé faire votre connaissance dans d’autres circonstances mais le destin ne l’a pas voulu ainsi. Quand vous lirez cette lettre, je serai dans un tel état que je crains de ne pas être en mesure de vous saluer. Ne m’en voulez pas pour ce regrettable impair. Ce n’est pas dans mes habitudes.

Si vous êtes à cette heure en train de parcourir cette lettre, c’est que je ne vais pas très fort. Disons même que je dois être aussi vaillant qu’un poisson rouge privé d’oxygène.

Si j’ai bien tout suivi, c’est à vous qu’il appartient de décider si je dois continuer à être alimenté artificiellement, à respirer à l’aide d’une machine, à me maintenir dans un état semi-végétatif ou s’il vaut mieux arrêter les frais ici.

J’imagine que vous avez déjà fait la connaissance de ma femme qui vous aura supplié, telle que je la connais, de me débrancher. Ne l’écoutez pas. Elle m’a épousé en espérant qu’un jour je deviendrais riche. A moins d’un imprévu difficile à concevoir, riche, je ne le serai pas devenu.

Je possède aujourd’hui 2354 euros sur mon livret A, et quand bien même devrais-je vivre encore plusieurs décennies, je crains fort que cette somme ne dépasse jamais la barre des cinq milles euros. Ma femme m’en a toujours gardé rancune. Elle se fera une joie de dépenser ce maigre argent en s’envolant pour Miami avant même le jour de mes funérailles.

N’écoutez pas non plus mes enfants, j’ai le regret de dire que j’ai engendré deux crétins absolus totalement incapables d’ébaucher le début d’une virgule d’un commencement de réflexion. Pour preuve, ils supportent l’Olympique Lyonnais, considèrent Paulo Coelho comme le plus grand écrivain vivant et prétendent que David Guetta est le Mozart de notre époque.

Si ma mère est encore vivante, ne l’écoutez pas non plus. Elle a toujours préféré mon frère aîné et n’a jamais pu accepter que je devienne écrivain au lieu de reprendre le magasin de feu mon père.

N’écoutez pas mon neveu, il vote à droite, il ne jure que par Sarkozy et possède un cœur sec comme un été sans pluie.

Si vous arrivez à joindre mon frère, entre deux avions, ne l’écoutez pas non plus : il prendra conseil auprès de sa secrétaire qui, c’est de notoriété publique, n’a jamais pu m’encadrer depuis le jour où j’ai refusé de coucher avec elle.

N’écoutez pas mes amis pour la simple raison que je n’en ai pas.

Je me suis disputé avec mon ami d’enfance au sujet d’une grille de loto sportif qui aurait dû nous apporter gloire et fortune. Cet imbécile a oublié de la faire tamponner chez le buraliste. Sa femme a retrouvé la grille gagnante quelques jours après dans la poche de son veston venant de subir un lavage/essorage de plus d’une heure.

Depuis ce regrettable incident, j’ai cessé toute fréquentation.

Quant à m’écouter moi, je ne vous le conseille pas non plus.

Concernant tout ce qui touche à la mort, je suis extrêmement pointilleux et peux me montrer des plus susceptibles si on se permet d’évoquer devant moi la possibilité qu’un jour je dois cesser de vivre.

Je vais cependant vous donner une piste, une seule, afin que vous puissiez déterminer mon niveau de conscience :

Si vous allumez le téléviseur et sélectionnez n’importe quel programme diffusé par TF1, je dis bien n’importe lequel, et que vous notiez alors chez moi le moindre début d’une interaction, un frémissement, même infime, au niveau de mes paupières, une quelconque palpitation, aussi minime soit-elle, de mon cortex cérébral, un emballement de mes doigts de pieds,  je vous en supplie, par pitié, j’en appelle à votre compassion, débranchez-moi sur-le-champ.

C’est que j’aurai atteint le fond du fond où il ne peut plus exister aucun espoir de guérison.

Pour le reste, je vous fais confiance.

Ayant étudié la question sous toutes ces coutures, j’en suis arrivé à la conclusion que personne ne savait rien sur rien, la pensée étant par nature une matière impossible à quantifier.

Autant que ce soit vous qui preniez la décision finale que mon boucher casher qui est un véritable escroc. Il vend sa viande quatre fois plus cher quand arrivent les fêtes. Je ne peux pas le blairer.


Bon courage et merci pour tout. “

                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Cachez ces handicapés qu’on ne saurait voir


C’est un scandale.

Un vrai pour une fois.

Qui devrait tous nous interpeller et nous amener à affirmer notre volonté que les choses changent au plus vite.

Là, maintenant, de suite.

Hier, le parlement a encore accordé aux collectivités locales, aux établissements privés, aux salles de spectacles, aux sociétés de transports, un délai supplémentaire pouvant aller jusqu’à neuf ans (!!!) afin de se mettre en conformité avec les dispositions législatives concernant l’accès réservé aux personnes handicapées.

C’est une véritable honte.

A chaque fois qu’il m’arrive de revenir en France, de retourner à Paris, je suis révulsé de voir à quel point, dans la patrie des Droits de l’homme, on se moque ouvertement du sort des handicapés, comment on les condamne à vivre en vase clos, comment rien n’est entrepris pour leur faciliter la vie.

Comment une cité aussi réputée que Paris, prétendument moderne, bien ancrée dans son siècle, destination phare des touristes du monde entier, peut-elle se comporter de la sorte avec des citoyens ordinaires dont le seul tort est d’être amoindri physiquement ou mentalement ?

Comment est-il encore possible de laisser des bouches de métro sans ascenseur, de posséder des bus incapables d’abaisser le niveau de leur porte d’accès pour  permettre aux fauteuils roulants de pénétrer à l’intérieur, de laisser fleurir des trottoirs dépourvus de ”bateaux” aménagés qui rendent impossibles ou cauchemardesques tout déplacement pour des personnes à mobilité réduite ?

Comment peut-on prétendre organiser des Jeux Olympiques alors qu’on n’est même pas fichu de rendre accessibles des lieux de vie à des personnes éprouvant des difficultés à se mouvoir ?

Comment nous autres bien portants ou supposés tels puissions admettre qu’une telle ségrégation, qu’un tel apartheid aussi monstrueux s’opère sous nos yeux sans provoquer autre chose qu’une morne résignation ?

Serait-ce parce que précisément à force de les ostraciser, de leur rendre la vie impossible, de les confiner dans leur appartement, ces personnes-là sont devenues à un tel point invisibles, exclues de nos trottoirs et de nos salles de spectacles, que leur sort nous  indiffère au plus haut point ?

Tout entreprendre afin que les handicapés, peu importe la nature de leur handicap, soient à même de circuler de la manière la moins pénible possible, d’aller où bon leur semble, de soulager le poids de leur invalidité, devrait être le credo, l’obsession suprême de nos gouvernants.

Il est vrai qu’au contraire d’autres groupes parfaitement organisés, il est plus difficile aux handicapés de bloquer des péages afin de se faire entendre des pouvoirs publics.

Et qu’on ne vienne pas me parler du coût que représenteraient ces dépenses d’aménagement !

Lorsqu’il s’agit de la dignité de millions de personnes, d’hommes et de femmes, souffrant déjà dans leur chair d’être affublé d’un handicap, la question de l’argent, quand il s’agit de sociétés occidentales repues et prospères comme la nôtre, ne devrait jamais être prise en compte.

Ou alors c’est entériner le choix de vivre dans une société à deux vitesses où, sur l’autel de nos égoïsmes particuliers, nous sacrifierons une part de notre humanité pour conserver nos acquis.

Ou pour ne pas déranger nos petites habitudes.

C’est un choix de civilisation.

Sommes-nous devenus si insensibles au sort de l’autre que de telles pratiques d’exclusion nous paraissent si peu dignes d’intérêt et ne déclenchent chez nous ni révolte ni cris de fureur ?

Une société moderne se juge à l’aune de la façon dont elle traite ses êtres les plus démunis, les plus faibles ou les moins à même de se débrouiller dans leurs vies quotidiennes.

Ni plus, ni moins.

Qu’on se le dise, les personnes handicapées ne sont ni des citoyens de seconde zone, ni des poids morts condamnés à vivre dans le huis-clos de leur habitation.


C’est à nous, à notre mode de vie, à s’adapter à elles et non pas le contraire.


Nous sommes tous des handicapés en puissance.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                            Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Quatre ans de bloguitude


Bon.

Puisque personne n’a jugé pertinent de souhaiter un bon anniversaire à mon blog à la con et à son auteur tout aussi con voire plus – bande d’ingrats que vous êtes – je me vois donc contraint de me prendre dans mes bras et de me féliciter d’appartenir toujours à la blogosphère.

A dire vrai, je ne sais toujours pas ce que je fous là.

Aucune idée.

J’étais juste venu pour prendre un verre, le tenancier m’a offert le gîte, j’ai pris la chambre du sous-sol, et depuis ce jour-là je ne suis plus reparti.

Quatre ans que cela dure et à dire vrai je prolongerais bien mon bail de quelques années supplémentaires.

Je ne m’explique pas bien la raison de cette longévité, je pensais sincèrement m’offrir un petit tour sous les projecteurs, accomplir mon numéro de mariole à la petite semaine, prendre quelques coups, crachoter mes quatre vérités, puis retourner à mon anonymat.

Pourtant, force est de constater que je suis toujours là.

A pondre dix fois par mois, douze mois par an, des papiers qui plaisent ou déplaisent, des chroniques, des articles, des billets où je me prends à témoin afin d’écrire des choses me tenant à cœur.

Sur l’actualité, sur la vie en général, sur moi, sur vous, sur ce monde qui me dépasse et me déborde.

Essayer de fixer des vertiges, tenter de mettre de l’ordre dans mes pensées, porter haut l’étendard de mes goûts et dégoûts, dire que vous n’êtes pas tout seuls, essayer de m’aider en vous aidant, tâcher de vous arracher un rire, un sourire, une émotion, une indignation, une insulte, n’importe quoi à même de vous prouver que vous n’êtes pas encore morts.

Être vivant avec tout ce que cette assertion peut supposer en arrière-plan : se persuader d’adhérer à la marche du monde alors qu’on serait plutôt enclin à penser que toute cette sombre farce ne rime à rien.

Pourtant dépasser ce simple constat et se prêter tout de même au jeu.

C’est peut-être cela ce blog.

Une tentative d’être au monde.

Un cri qu’on envoie du fond de sa solitude afin de sentir précisément un peu moins seul.

De jouer cartes sur tables.

D’être d’une impudique pudeur. Ou d’une impudeur pudique.

Quelque chose qui tiendrait à la fois de l’exercice littéraire, de la gymnastique intellectuelle, du simple entretien des neurones, du contrôle technique, de la confession, de l’abjuration, de la condamnation.

Du dépouillement de soi.

La nécessité de faire entendre sa petite voix chétive afin qu’elle vous attendrisse, vous réconforte, vous insupporte, vous dérange, vous horripile, vous amuse.

Oser se mettre en avant, et dans le même mouvement, en ressentir aussitôt une honte profonde et sincère, comme si on mesurait la parfaite vanité de l’exercice, cette outrageuse et dégoûtante arrogance qu’il faut avoir pour  donner ainsi son avis sur n’importe quel sujet passant sous ses fenêtres alors que personne, au fond, ne vous le demande, si insignifiant vous êtes.

Si insignifiant nous sommes. Tous. Oui toi aussi. Surtout toi d’ailleurs !

J’ignore combien vous êtes à me lire.

Je n’ai jamais voulu le savoir.

Ne seriez-vous qu’un seul que ce serait déjà beaucoup.

Voyez, j’étais parti pour écrire un billet léger, et en cours de route, sans me prévenir, il a pris la tangente et m’a forcé à adopter un ton bien plus sentencieux que prévu voire atrocement pompeux.

Comme quoi, j’ai encore du travail à accomplir pour plier ce ” blog à la con ” à ma seule volonté.

Rendez-vous à l’année prochaine donc.


Sans faute.


P.S : Pour marquer le coup, je vais essayer de changer l’illustre photo apparaissant sur la droite du blog. Histoire de constater que mes cheveux n’ont toujours pas repoussé.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                         Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Sept ans d’abstinence


Il y a sept ans, suite à un petit problème technique localisé au niveau du ventre, à mi-chemin entre la vésicule biliaire et le gros intestin, la sentence tomba, nette, inflexible, irrévocable : Sagalovitsch, tu ne boiras plus une seule goutte d’alcool jusqu’à ce que ton nom soit effacé de la surface de la terre.

Ô rage, Ô désespoir, Ô lamentation infinie.

Mais comment voulez-vous que je continue à vivre si je n’ai même plus l’alcool pour m’étourdir, comment voulez-vous que j’aille sur le sentier de ma vie si je ne peux même plus compter sur l’alcool pour atténuer cette douleur d’exister que j’éprouve depuis ma naissance ?

M’en fous, débrouille-toi.

Ne bois pas et le ciel t’aidera. Ou pas.

Avant cet incident fatidique, je buvais.

Un peu, pas mal, de temps à autre, à intervalles plus ou moins réguliers, sans jamais dépasser les doses prescrites, avec assiduité, du vin, de la bière, du calvados, du bourbon, du malt, du pur malt, jamais en même temps, seul, en société, en été comme en hiver, à l’occasion, par ennui, par envie, par goût.

Un buveur comme il en doit exister des milliards de par le vaste monde.

Un buveur sans envergure.

Un buveur anonyme.

Et évidemment, il a fallu que ce soit sur moi que s’abatte ce décret présidentiel, me sommant d’arrêter sur-le-champ toute consommation d’alcool.

Depuis, je ne suis plus le même.

J’ai perdu de mon brio ; aux soirées de l’ambassadeur, je ressemble à l’ombre de mon chat, je me traîne de salles en salles,  je me saoule au Perrier ; quand je suis en forme, je réclame à tue-tête de la San Pellegrino, on me la refuse jugeant que j’ai bu assez d’eau comme ça, je tempête, je vocifère, je menace ; je finis au commissariat en cellule de débullement.

Sitôt relâché, je file dans le premier bistrot et m’enfile un double coca cul-sec.

J’ai cessé de m’alimenter.

Je ne supportais plus de déguster un crottin de Chavignol avec un concentré de jus de pamplemousses, de régler son compte à un gigot d’agneau assisté d’une grenadine, de défier une tranche de foie gras à l’aide d’une canette de Canada Dry.

Avaler des huîtres en me rinçant le gosier avec du Fanta me semblait relever de la pornographie culinaire.

Du jour au lendemain, j’ai perdu le goût de vivre.

Je suis devenu mutique.

Moi qui était bavard comme Jean d’Ormesson, sociable comme un présentateur de jeu de variétés, volubile comme un marchand de tapis, je me suis surpris à passer des dîners entiers à converser avec ma fourchette, à prendre des nouvelles de la nappe, à demander à mes chaussures si elles ne manquaient de rien.

Avec les femmes, c’est encore pire.

Moi qui étais capable d’aborder n’importe quelle damoiselle en lui récitant du Rimbaud, d’embobiner ma concierge en lui parlant du beau temps, de séduire ma voisine en l’entretenant de mes hémorroïdes, je n’arrive plus à rien, d’ailleurs je n’essaye même plus ; je me contente de leur demander de me passer le sel.

Et encore.

Boire ne vaut rien mais rien ne vaut de boire.

J’en ai conçu une amertume certaine vis-à-vis des buveurs.

Je guette le jour où ils tomberont au champ d’honneur de leur innommable ivrognerie.

Parfois, nous nous réunissons, nous autres pestiférés du genre humain.

Nous buvons de l’eau plate jusqu’à l’aube, nous glougloutons jusqu’à plus soif des boissons sublimement minérales, nous titubons du salon à la salle à manger ; à partir de minuit, nous colonisons les toilettes, c’est à celui qui pissera le plus longtemps.

Désormais j’attends le jour où, vieillard parmi les vieillards, le médecin viendra m’annoncer que le jour du Grand Départ arrive ; ce jour-là, et seulement ce jour-là, je deviendrai enfin cet ivrogne que, hélas, je n’ai pas eu le temps de devenir.


Je mourrai alcoolique.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Ci-gît l’Europe (1945-2015)


Ah qu’ils avaient donc l’air heureux l’autre soir nos troufions de la politique au sortir de leur marathon européen.

Il fallait les entendre nous expliquer, avec leurs mots mâchonnés par leurs directeurs de communication, que la Grèce était sauvée, que l’argent irait à l’argent, qu’ils venaient de sortir l’Europe d’une ornière qui, sans leur robuste intervention, aurait pu être fatale.

Ils ressemblaient à ces docteurs qui viennent vous voir après une opération délicate effectuée sur l’un de vos proches et vous rassurent que tout s’est bien passé : le patient est hors de danger, il vivra, enfin disons plutôt qu’il vivotera, on a quand même dû l’amputer des deux poumons, pas moyen de faire autrement : c’était çà ou la mort clinique.

Vous êtes des pitres.

Et vous nous prenez pour des jambons.

Rarement ai-je assisté à un spectacle aussi misérable que celui que vous nous avez offert le week-end dernier, une mascarade de démocratie, un jeu de dupes où chacun s’était attribué un rôle avant même le début de la représentation : le bon, la brute et le truand.

Tout au long de ce sommet, vous avez été pitoyables, vous vous êtes montrés sous votre jour le plus laid et le plus repoussant qu’il soit, celui du cynisme érigé en beaux-arts.

Vous avez atteint des sommets de médiocrité, vous avez étalé à la face du monde l’étendue de vos incompétences, vous vous êtes vautrés dans la pire des indigences intellectuelles, vous vous êtes comportés comme des voyous de la haute finance, vous avez appliqué à la lettre votre catéchèse ultra-libérale et vous avez fini par signer un accord qui résonne comme un faire-part de décès.

Ci-gît l’Europe 1945-2015.

Je n’ai rien d’un gauchiste forcené – par nature j’ai horreur de tous les extrêmes – mais par votre rigorisme, par votre duplicité, par votre stupidité, oh oui votre superbe, sublime, somptueuse imbécillité mêlée à une indécrottable arrogance qui n’est rien d’autre que l’expression de votre infini sentiment de supériorité, vous me forcez à adopter un vocabulaire réservé d’habitudes à ces enragés des affaires politiques qui crachotent des insultes au lieu de proposer des solutions.

Sciemment, vous avez humilié un peuple dont le plus grand tort avait été de porter à sa tête un dirigeant dont la seule présence parmi vous vous incommodait.

Vous l’avez traité avec les mêmes égards qu’un plouc débarquant à la soirée de l’ambassadeur.

Tout juste si vous n’avez pas appelé le service de sécurité pour vous débarrasser de ce cul-terreux dont vous n’avez eu cesse de contester la légitimité, de remettre en cause les propositions, de le pousser dans ses derniers retranchements afin qu’il reconnaisse l’étendue de son impuissance.

Ce fut un jeu de massacre où de surenchères en surenchères, de tours de passe-passe  en tours de passe-passe, de combinaisons en combinaisons, vous avez fini par accoucher d’un texte qui n’est rien d’autre qu’une déclaration de guerre déguisée.

Vous n’avez pas eu besoin d’envahir physiquement le Pirée ; vous vous êtes contentés de vous assurer que le malade qui implorait votre clémence ne retrouverait jamais la santé.

Sans être – que Dieu Tout-Puissant m’en préserve – versé dans les sciences économiques, j’ai tout de même deux sous de raison pour réaliser que, rajouter de l’austérité à l’austérité ne finira par déboucher que sur une débandade généralisée, par un soulèvement populaire, par une révolte dont on ne sait jamais comment elle peut finir.

Vous avez consenti à prêter des milliards dans le seul but qu’ils servent à rembourser les intérêts de ceux que vous avez déjà accordés par le passé.


C’est au mieux de la sénilité, au pire du machiavélisme de bas étage. 


Vous êtes les Bouvard et Pécuchet de l’Europe.

Et encore ; au moins nos deux comparses, aussi bornés que vous, étaient-ils animés de bonnes intentions.


J’ai honte pour vous.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Mon père a quatre-vingts ans, il continue de baiser : c’est dégoûtant !


Parfois je voudrais ne jamais être né.

Surtout les jours où votre paternel vous appelle pour vous demander d’apporter du pain lors de votre visite dominicale et d’en profiter pour passer à la pharmacie de garde lui retirer sa boîte de viagra.

La pharmacienne est au courant. T’as rien à payer. 

Ta boîte de quoi ?

De Viagra ?

De Viaquoi ?!!!

De Viagra.

Mais pourquoi faire, papa ?

Comment ça pourquoi faire ? Tu crois peut-être que j’en ai besoin pour nourrir mon poisson rouge ?

Mais papa enfin, tu as quatre-vingt-deux ans.

Et alors, ça veut dire que je n’ai plus le droit de baiser ? Tu me prends pour l’Abbé Pierre ou quoi ? Que ça te plaise ou non, je ne suis pas encore mort. Je t’attends à une heure. Ne sois pas en retard.

Et il a raccroché.

On ne dira jamais assez le traumatisme que représente la vision de son père, deux fois quarantenaire, occupé à lutiner sa dame de compagnie, en train de s’envoyer en l’air avec la voisine du dessus ou de conter fleurette à l’entrejambe de la concierge de l’immeuble.

Vision d’horreur absolue, digne de figurer dans le Livre de l’Apocalypse ! 

J’eusse préféré apprendre son prochain passage sur le billard pour enlever une tumeur grossissante que de réaliser que malgré son âge canonique, il continuait à pratiquer le sport en chambre avec des mamies vacillantes sur leurs talons aiguilles, des grand-mères en porte-jarretelles tenant à grand-peine sur leurs cuisses décharnées ou des petites vieilles édentées à la bouche pourtant toujours aussi vorace.

Encore adolescent, l’idée même que mes parents puissent se servir de leur lit conjugal pour entreprendre des parades amoureuses similaires à celles pratiquées dans mes revues pornographiques cachées sous mon lit, suffisaient à interrompre sur-le-champ mes séances d’onanisme forcenées.

Arrivé aux abords de l’âge adulte, je n’arrivais toujours pas à réaliser ou à imaginer que mes propres pratiques sexuelles puissent ressembler d’une quelconque manière à celles se déroulant dans l’intimité de leur chambre à coucher.

Comment concevoir un seul instant mon père secouant ma mère comme un poirier, lui claquer plus ou moins rudement le postérieur, jouer à saute-mouton avec elle, dans un concert de feulements, d’encouragements, de recommandations allant crescendo jusqu’à la venue tant espérée de l’orgasme ?

A mes yeux, mes parents s’étaient donné l’un à l’autre juste dans l’unique but de me concevoir, et depuis respectaient une chasteté ne souffrant d’aucune exception.

Aussi de réaliser que votre propre père, à l’âge où il devrait collectionner des boutons de manchette, se passionner pour l’art floral ou s’intéresser à la mythologie égyptienne, continue de s’adonner au plaisir de la chair, vous laisse tout aussi songeur que si vous veniez d’apprendre la prédisposition naturelle de votre chat à utiliser des concombres à des fins toutes sauf alimentaires.

Je ne me souviens pas de Brel chantant,

Les vieux ne baisent plus

Ou alors seulement du bout de la queue

Même aphasiques ils sont lubriques et n’ont qu’un cul pour deux.

Chez eux, ça sent le foutre, le stupre et la chatte d’antan.

Non, sottement, j’imaginais que, parvenu à cet âge crépusculaire où l’ombre de la mort ne vous quitte plus, l’esprit aurait enfin remporté sa bataille sur le corps, que le désir s’en serait allé, laissant place à une existence passée dans la lente déclinaison des saisons, en un face-à-face avec soi-même, excluant toute inclinaison à la débauche ou à la simple consommation de plaisirs charnels.

D’évidence, je me trompais.

J’ai acheté du pain, je suis entré dans la pharmacie, j’ai dit qui j’étais, la pharmacienne m’a souri, s’en est allée chercher la précieuse boîte, me l’a tendue comme s’il s’agissait d’un médicament pour soigner un rhume des foins.

Sur le chemin du retour, je me suis arrêté sur un banc, j’ai ouvert la boîte de Viagra et j’ai soutiré deux pilules du contenu.    


On ne sait jamais.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                  (Texte non autobiographique ! Quoique…)

                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

 

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L’insupportable arrogance allemande


Je n’éprouve aucune sorte de tendresse vis-à-vis des Allemands pris dans leur ensemble.

C’est mon droit.

Je ne les ai jamais aimés ; il me sera difficile de les aimer un jour.

C’est idiot mais c’est ainsi.

Ils me sont aussi sympathiques que ma voisine quand elle se met à revisiter les œuvres complètes de Nana Mouskouri en tâchant de rivaliser avec elle.

Ou quand elle se met à suspendre son linge entre deux poteaux carrés.

C’est dire.

Même Claudia Schiffer m’insupporte.

C’est sans espoir.

Alors quand je vois les dirigeants allemands oser venir donner des leçons de bonne conduite au peuple grec, quand je les entends proclamer leur farouche opposition à tout effacement de la dette, quand je les écoute pérorer que la Grèce n’a que ce qu’elle mérite, je ressens comme une furieuse envie de les renvoyer dans leurs pénates, de les inviter à revisiter leur propre histoire, de se souvenir d’où ils viennent. 

Voici donc une nation qui a ensanglanté l’Europe comme jamais elle ne le fut, qui a jeté l’humanité dans les fosses communes de la barbarie la plus échevelée, qui a commis des crimes si monstrueux qu’il est impossible de les décrire sans les pervertir, venir nous expliquer, avec toute l’arrogance requise en pareille circonstance, que mieux vaut laisser choir l’indolente Grèce que de continuer à la soutenir.

Ben voyons.

Il est vrai qu’un peuple qui a inventé et les chambres à gaz et les fours crématoires peut se targuer d’avoir contribué à l’essor de la civilisation européenne d’une manière bien plus déterminante que ces jean-foutre de Grecs qui, hormis quelques vaseux concepts philosophiques érigés dans des temps reculés, furent aussi utiles à l’Europe que les Juifs à la marche du monde.

Que pèsent donc Socrate, Platon, Sophocle comparés à Goebbels, Göring, Himmler ? 

Pas grand chose, en effet. (Oui je sais, Beethoven, Goethe, Schiller…mais aujourd’hui ils sont remplaçants, ils ont séché l’entraînement hier)

Helmudt Schmidt, fervent européen et ancien chancelier allemand de 1974 à 1982, l’a fort bien expliqué : ”Les Allemands sont exclus de leadership en Europe pour les prochains siècles, car ce sont eux qui sont responsables de la Seconde Guerre mondiale. Et pour la Première, ils y ont largement contribué. Nous sommes responsables, et uniquement nous, de la mort de plus de six millions de Juifs, dont la plus grande partie des Juifs polonais. Et tous les gens, même ceux qui sont nés aujourd’hui, portent cette responsabilité que cette histoire allemande horrible ne se répète jamais”.

Si jamais nous devions aujourd’hui recommencer le procès de Nuremberg avec le supplétif d’informations que les historiens nous ont apporté ces dernières décennies, le degré avéré d’adhésion au national-socialisme présent dans toutes les couches de la société, ce n’est pas à vingt ans, pas à cent ans, mais à des millions d’années de travaux forcés que la nation allemande serait condamnée.

Et je n’évoque même pas ici la question de l’effacement de la dette qui, en d’autres temps, combla d’aise nos très chers cousins germains.

Non, je ne parle ici qu’au nom de la morale élémentaire.

Quand on s’est compromis à ce point, quand on a pensé, organisé, mis à exécution la plus immonde tragédie jamais perpétrée sur terre, quand on a assassiné l’idée même d’humanité, la moindre chose serait de remercier ad vitam æternam les bienfaitrices nations qui décidèrent de leur laisser la vie sauve, et leur permirent de réintégrer, à moindre frais, la communauté internationale.

Ou autrement dit, en des termes moins policés, de fermer sa grande gueule, de filer doux et de se montrer, en toutes circonstances, sous un jour des plus affables.

Et si, de toute évidence, les hommes et femmes qui dirigent de nos jours la grande nation allemande ne sont en rien coupables des monstrueux forfaits commis par leurs aînés, le simple fait qu’ils se soient produits à l’intérieur de leurs propres frontières devrait les amener à agir avec la plus grande mansuétude quand il s’agit de décider de l’avenir d’un pays voisin.

Pas de leur aboyer dessus pour leur demander de déguerpir.


Question de décence.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                     Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Vous avez tout gâché


Et dire qu’il y eût un temps où l’Europe faisait rêver.

C’était notre dernier grand rêve qu’il nous restait à nous autres, nés dans les années soixante ou après, élevés au biberon des grandes crises pétrolières, éduqués dans l’orthodoxie d’une crise qui ne devait durer qu’un temps, encerclés par ces fléaux nommés Sida et chômage.

Oui, l’Europe ce devait être notre ultime frontière à nous autres, naufragés de la Grande Histoire, celle figurant dans nos manuels scolaires, qui avait épuisé tout son lot de larmes, de conflits, d’innommables tragédies sur les champs de bataille des deux guerres mondiales, éreinté les idéologies de tout bord, éteint les derniers grands feux de l’utopie.

Oui l’Europe, ce devait être notre horizon, notre raison d’exister, notre inaccessible étoile vers laquelle nos vies devaient tendre afin de s’incarner dans un idéal qui nous dépasserait et nous permettrait de nous sublimer.

Notre Amérique à nous.

Notre Terre promise.

Quand nous reprenions encore en chœur ces vibrantes paroles scandées par les trémolos mouillés d’émotion d’Arno ” Putain, putain c’est vachement bien, nous sommes quand même tous des européens ”.

Oui ce devait être vachement bien l’Europe.

Les nations, ces fabriques de populisme et de chauvinisme, disparaîtraient au profit de simples régions, pour se fondre dans une vraie fédération où, différents mais animés du même désir de vivre ensemble, nous aurions communié dans la même ferveur collective, assoiffés de nous affranchir de nos mesquines politiques nationales pour se sentir porter par le vent de nos espérances communes, cette volonté d’aller au devant de peuples qui étaient comme des frères perdus de vue dont il nous tardait de refaire connaissance.

Une année à Budapest, la suivante à Milan, la prochaine à Barcelone.

Citoyens aux semelles de vent, nous aurions frayé sur les grandes plaines d’Europe, libres et sans attaches, posant nos valises où bon nous semblait sans nous préoccuper de la nature du logis.

Et puis.

Et puis, comme d’habitude, il a fallu que vous vous en mêliez, vous les politiciens mercantiles, les technocrates verbeux, les fonctionnaires zélés de la doxa administrative, les petits marquis des maquis réglementaires, les grands pontes de l’aphasie littéraire, les eunuques du cœur, les énarques à la triste figure, les détricoteurs de rêves, les pragmatiques au cœur de pierre.

Au lieu d’enflammer nos imaginaires, de parler à nos cœurs, d’illuminer nos âmes, vous nous avez servi une soupe indigeste, une bouillabaisse infâme de règlements abscons, de décrets tue-l’amour, d’admonestations sévères.

Vous nous avez écœurés avec votre obsession de l’économie : du jour au matin, inlassable prosopopée désincarnée,  vous nous avez entretenus de déficits, de dettes, de PIB, de PNB, de taux d’intérêts, de taux d’emprunts, de taux de remboursements, de taux de prélèvements, d’écart différentiel, d’inflation, de déflation, de tout ce jargon qui a eu raison de nos engouements les plus vifs.

Vous êtes restés perchés dans la certitude de vos tours Bruxelloises comme autant de professeurs bornés distribuant bons et mauvais points à des pays qu’il fallait mettre au pas ou alors féliciter d’avoir marché dans les clous.

Vous avez voulu asservir les citoyens à l’économie alors que nous escomptions l’inverse.

Vous avez eu des yeux de Chimène pour les marchés financiers, ces nouveaux Dieux des temps modernes qui décident de la tournure de nos vies comme jadis les prophètes de l’Ancien Testament désignaient ceux qui devaient mourir ou vivre, vous vous êtes enfermés dans des dérives suicidaires, dans des délires chronophages tournant encore et toujours autour du sacro-saint argent, votre Veau d’Or adoré. 

Vous avez tout gâché.

Vous vous êtes perdus, et vous perdant, vous nous avez perdus.

Vous avez oublié que les peuples sont des êtres constitués de chair et de sang, les citoyens des individus possédant un cœur et une âme, non pas des robots ou des numéros qu’on manipule selon ses humeurs, à qui on donne la becquée pour qu’ils se tiennent tranquilles, à qui on administre des potions amères afin de les ramener à la raison.

Par l’accumulation de discours tronqués, de mesures autocratiques, de paroles désincarnées, vides de tout espèce de sentiment, exsangue de toute humanité,  vous avez livré l’Europe à tous les populismes.

Vous nous avez fait bouffer de l’économie, encore de l’économie, toujours de l’économie.

D’un vivier de nations désireuses d’entremêler leurs destins, vous avez fait un grand cimetière sous la lune.

Aujourd’hui encore vous continuez à creuser nos tombes.

Vous êtes à tout jamais responsables et coupables.


Vous êtes les cancres de l’Histoire.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Les Guignols sont sauvés, la France peut reprendre le cours de son Histoire


Bon c’est quoi tout ce barouf autour des Guignols ?!

Vous avez pas d’autre sujet plus important à traiter que le devenir de marionnettes désarticulées qui depuis belle lurette ne font plus rire personne hormis eux-même et encore ?

Et la canicule, ce ne serait pas plus important des fois, tous ces vieux qui se liquéfient dans l’atmosphère saturée de chaleur de leur mouroir, ces demoiselles qui doivent tartiner leurs jolies gambettes de crèmes solaires  UV 5000 pour demeurer les plus belles pour aller danser, ces messieurs qui ne peuvent plus se bourrer la gueule tranquilles tellement ouvrir ne serait-ce qu’une canette de bière exige d’eux des efforts surhumains, ces chiens qui raclent le parquet pour se dégotter un seul coin d’ombre, ces chats qui hibernent dans le congélateur familial à compter combien de poissons carrés cohabitent dans une boite de fish and chips ?

Et le chassé-croisé sur les routes, hein, vous y avez songé à tous ces malheureux vacanciers qui vont devoir se taper des kilomètres de bouchon sous un cagnard pas possible avec le chien qui hurle à la mort, les deux moutards qui se crêpent le chignon à propos de savoir qui a le plus envie d’aller pisser, madame qui monte le son de la radio pour écouter à fond la caisse Les lacs du Connemara sur Nostalgie, le connard de devant qui ne s’est pas aperçu que la file a recommencé à avancer et qui met trois plombes pour remettre le contact ?

Et le Tour de France qui repart pour un tour, vous y avez pensé à tous ces forçats de la roue, condamnés à rouler sur des départementales suintantes de goudron fondu, à éviter tous ces demeurés de spectateurs alignés en rang d’oignon au bord de la route, guettant leurs apparitions comme d’autres attendent la venue du Messie, et qui vont se mettre à courir comme des dératés à leurs côtés, le bras bien tendu devant eux afin qu’ils parviennent à  prendre un selfie où figureront réunies sur le même cliché et leurs têtes d’empaffés et celle du coureur en train de valdinguer au-dessus de son guidon ?

Mais non, tout ceci ne compte pour rien eu égard à la rumeur d’une possibilité de l’éventualité d’un hypothétique retrait de l’antenne de quelques poupées en latex occupées à articuler des répliques qui ont cessé de déclencher le moindre début de rire depuis des lustres.

Diantre, toute cette semaine, on eût cru que c’était Mozart qu’on assassinait.

Ou qu’on eût décidé de retirer du jour au lendemain les poupées Barbie de la circulation.

Une émotion ressentie à travers tout le pays, comme si on venait d’annoncer qu’à partir de demain il serait illégal de consommer du pinard à table si un enfant de moins de douze ans s’y trouvait ou que, par décret présidentiel, on avait notifié à la population que désormais les crèmes hémorroïdaires cessaient d’être remboursées par la Sécu, plongeant dans un désarroi ineffable des millions de français condamnés à soulager leurs excroissances culières à coups de bains d’eau froide – comment cela c’est déjà le cas, les crèmes hémorroïdaires ne sont point remboursées par la Sécu ? Mais alors on m’aurait menti à l’insu de mon plein gré ?

Ben pourquoi ?

Parce que le monsieur te demande si les crèmes hémorroïdaires sont remboursées par la Sécu ?

Ah que non c’est seulement pour les femmes enceintes, ispisse di counasse

Mais quel pays de merde, on ne rembourse même pas les crèmes hémorroïdaires !

Tout ceci pour dire que les Guignols, c’est un peu comme le vieux buffet qui se trimballe de génération en génération dans une famille : il n’a plus rien pour lui, il ne brille plus comme au premier jour, il se fissure de partout, c’est à peine si on ose l’utiliser mais on sait que si jamais on venait à s’en séparer, à le mettre au rebut, à le désosser, notre vie ne serait plus jamais la même.

Il manquerait quelque chose.

Mieux vaut le laisser là, même dans un recoin, même tout au fond de la pièce, même recouvert par un drap mortuaire.


Après tout ce vieux buffet, si on y songe, il ne dérange personne. 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                     Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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