Jérusalem, un asile à ciel ouvert

 

Je ne suis allé qu’une seule fois à Jérusalem et la seule certitude retirée de ce court séjour fut de me dire que j’étais autant fait pour cette ville que Mère Teresa pour diriger un bordel ou Ribery pour intégrer le Collège de France.

Du peu que je suis resté, quelques jours tout au plus, j’en ai tiré la conclusion que cette ville avait été conçue pour permettre à tous les fous furieux de la terre de s’égayer en liberté dans l’antique forteresse constituée par la Vieille Ville où sur quelques kilomètres carrés cohabitent les reliques des trois grandes religions monothéistes.

Inutile de mentionner qu’avec ma tête de juif errant, je n’ai pu pénétrer sur l’Esplanade des Mosquées.

Pourtant, étant un agnostique enragé et un Juif honteux, je ne portais ni Kippa ni Tallith ni Étoile de David ni bouteille d’huile d’olive en bandoulière mais visiblement mon apparence extérieure et mon physique de Solal a suffi à convaincre les policiers que j’avais la capacité par ma seule présence de déclencher une troisième intisaga.

J’ai essayé à maintes reprises de tromper leur vigilance mais à chaque fois je me suis heurté à un refus qui ne souffrait aucune discussion.

Du coup, avant d’arriver au Mur des Lamentations où j’avais pris rendez-vous avec le Propriétaire des Lieux, j’ai dû marcher dans les pas du Christ et emprunter son chemin de croix accompagné par un troupeau de Polonais en larmes. Comme quoi tout arrive.

Tout en expliquant aux marchands du temple, disposés en rang d’oignons le long de la Via Dolorosa, que non je ne voulais pas acheter une statuette du Christ ni un poster de Jean-Paul II dans sa salle de bains pas plus que des sandales ayant appartenu au Fils de l’Homme et encore moins des tambourins à l’effigie de Bernadette Soubirou.

Autour de moi, les pèlerins se baladaient à genoux en tenant sur leurs frêles épaules des croix blanches et grandes comme des cauchemars de crucifix prêts à vous harponner tout cru avant d’arriver rouges d’effort au Saint Sépulcre où ils tripotaient leurs médaillons de la Sainte Vierge en attendant leur tour d’être présenté au fantôme du Christ.

Là aussi on m’a interdit l’accès mais c’est parce que j’ai demandé au prêtre franciscain ou au pope orthodoxe ou au berger arménien, je les confonds tous avec leurs grandes barbes et leurs collections de bibelots, qui veillait sur le cercueil sanctifié, où se trouvaient donc les toilettes.

Après m’être perdu dans les dédales du souk où j’ai quand même acheté des chaussettes décorées de versets bibliques rédigés en araméen, j’ai fini par déboucher à l’endroit où se tient la plus grande attraction du judaïsme interplanétaire : The Mur des Lamentations.

Là le garde m’a laissé entrer mais j’ai été rattrapé par le collet quand par mégarde je me suis aventuré du côté de l’enclos réservé aux femmes et remisé de force à l’emplacement prévu aux mâles de mon espèce.

J’ai fait comme tout le monde, j’ai embrassé le Mur, le Mur m’a embrassé, il a pris de mes nouvelles, moi des siennes, je lui ai passé le bonjour de toute la famille, il ne m’en pas donné concernant la sienne, dommage, puis j’ai glissé ma liste de vœux entre ses pierres fraîches, être augmenté par Slate, voir Saint-Étienne devenir champion d’Europe, avoir d’autres lectrices de mes romans que les amies de ma mère.

J’attends toujours.

Puis je me suis baladé dans Jérusalem, enfin dans ce que je pensais être Jérusalem parce que je me suis retrouvé en un endroit ressemblant point pour point au shtetl où mon arrière-arrière-grand père était déjà ce schnorrer dont j’ai essayé tout au long de ma vie de ne pas trahir la mémoire.

L’endroit se nomme Méa Shéarim.

C’est rempli de bonhommes habillés comme dans Rabbi Jacob, suivis de femmes vêtues de jupes amples et couvertes de foulard elles-mêmes suivies par leurs tripotées d’enfants occupant tout le trottoir : une cinquantaine de mômes tout dépenaillés déjà affairés à décortiquer, du haut de leurs poussettes, le sens soi-disant caché d’une maxime énoncée dans une page de l’Ancien Testament.

                                                                                                                                                                                                                             Bref, au lieu d’être la ville de tous les conflits, Jérusalem devrait rester une cité internationale placée sous l’égide de l’Organisation des Fous Unis, patronnée par l’Amicale des Anciens de Sainte-Anne et chapeautée par la Fraternité des Doux-Dingues Cosmopolites.

                                                                                                                                                                                                                                                                                    Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Dans le café de la politique perdue

                                                                                                                                                                                                                                                  Si ça se trouve, Fleur Pellerin n’aime simplement pas les romans de Patrick Modiano et, ne voulant se montrer indélicate, elle a préféré affirmer de ne pas l’avoir lu plutôt que d’afficher son désintérêt pour notre tout nouveau Prix Nobel de littérature.

Ou alors sa grand-mère a eu une aventure avec Gaston Gallimard qui s’est mal terminée et depuis, dans la famille Pellerin, de génération en génération, on s’est juré de ne jamais lire un auteur publié dans cette vénérable maison d’édition.

Ou alors dans sa petite enfance, à l’heure où se fixent les indéracinables aversions, on l’a forcée à regarder Modiano bégayer des silences chez Pivot, entraînant chez elle un traumatisme si profond que la seule vue d’un livre de l’auteur de La place de l’Étoile lui donne des envies de défenestration.

Ou alors elle n’apprécie pas les romans brefs et inquiets et préfère de loin les grandes chevauchées romanesques longues de plus de 500 pages.

Ou alors, s’étant un jour servie d’un livre de Modiano comme cale-pied à sa table du salon, elle ne s’est jamais remise de la trahison de ce dernier quand, pour une raison inexpliquée, il a failli à sa tâche en laissant le montant de la table vivre sa vie, entraînant la chute de la soupière sur la jupette de celle qui jusqu’à ce repas fatal devenait devenir très bientôt sa belle-mère.

Ou alors…c’est à dire…enfin ce que je veux dire c’est…la littérature…en même temps c’est très…comment dire…comme si vous…mais sans vraiment..oui le rapport au…c’est toujours…parce que le en fait…

Ou alors elle confond Modiano avec Modigliani et Modigliani avec Molinaro et Molinaro avec Morlino.

Ou alors elle ne sait pas lire.

Après tout, elle n’a pas été gâtée par la vie.

Enchaîner l’Essec avec Science Po, avant de conclure par l’Ena a de quoi vous rendre complètement eunuque d’un point de vue intellectuel.

Certes dans ces augustes réservoirs à talent de la République, on vous apprend à disséquer la politique industrielle de la Mongolie inférieure sous le règne de Damdim Sükhabaatar, certes on vous enseigne le fonctionnement des banques centrales et des centrales nucléaires, certes on vous apprend à apprivoiser la technique du réajustement de l’impôt sur le revenu par l’entremise de taxes concurrentielles selon les paradigmes de l’école bostonienne.

Mais ne comptez pas sur ces institutions pour vous initier aux sortilèges de la poésie ou à l’art du roman.

On ne va quand même pas encrasser le cerveau de nos futures élites, de notre prochaine classe dirigeante, par l’étude de textes littéraires décrivant les nunucheries sentimentales d’une gourdasse provinciale crevant d’ennui auprès d’un crétin de mari médecin et rêvant à d’autres vies possibles entre les bras d’amants de fortune.

Ce n’est pas en s’intéressant au bavardage inconsistant d’un Marcel attendant la visite de sa maman pour aller faire dodo qu’on va apprendre à redynamiser notre économie, à endiguer la montée du chômage ou à négocier avec les syndicats.

On forme des dirigeants capables de transformer le paysage industriel de la France et d’anticiper les grands défis de demain, pas des branleurs de seconde zone tout juste bon à s’enthousiasmer d’aventures rocambolesques survenues à je-ne-sais-quel Fabrice Del Dongo de pacotille.

Qu’on se le dise, l’époque est à l’économie pas au romanesque ou aux humanités.

On est pragmatique de nos jours.

On va à l’essentiel.

Droit au but.

En oubliant seulement que le cœur des hommes qui se trouve être souvent celui des citoyens bat et battra toujours au rythme immuable et éternel des passions, des folies et des tourments décrits à longueur de siècles par ces falots de romanciers.

Et que si on se complaît à ignorer ces derniers, on se condamne alors à être de simples perroquets de palais caquetant encore et toujours les mêmes refrains remplis de mots creux et de formules vagues, incapables de nous transcender ou de nous amener à nous rassembler autour d’un vrai projet de société.

                                                                                                                                                                                                                                                                                           Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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La haine du dentiste

 

Depuis que j’ai l’âge de raison, c’est une question qui m’obsède et m’empêche bien souvent de trouver le sommeil.

Comment donc une personne saine de corps et d’esprit, ne souffrant d’aucune pathologie mentale connue, élevée au sein d’une famille aimante, peut décider un jour de consacrer sa vie entière à explorer des cavités buccales, à scruter des mâchoires, à détricoter des caries ? 

Par quelle perversité intellectuelle un cerveau en parfait état de marche en arrive à décréter que son existence le conduira à évoluer dans le décor cireux d’un cabinet dentaire à demander à des patients récalcitrants d’ouvrir grande leur gueule afin de tailler un bout de gras avec des dents au bout du rouleau ?

J’avoue ne pas posséder la réponse.

Certes quelques esprits égrillards auront beau jeu d’avancer qu’il est encore préférable d’inspecter cette béance-là que d’explorer des ouvertures encore plus suspectes.

Je ne suis pas de cet avis.

Le proctologue a du panache à mes yeux.

Il se coltine à une tâche certes ingrate, certes d’apparence peu ragoûtante, certes susceptible de déclencher les moqueries et les quolibets, mais qui possède un je-ne-sais-quoi de chevaleresque ou d’héroïque : il va là où personne d’autre n’ose aller, il s’aventure dans des conduits connus de lui seul, il scrute sans scrupule les sombres parois de notre anatomie la plus secrète.

Le dentiste lui, agit au grand jour.

Il commet ses forfaits sous la lumière aveuglante de son phare de gestapiste braqué sur les yeux de son innocente victime qu’il a pris soin auparavant de séquestrer sur son fauteuil de torture d’où elle ne pourra s’échapper qu’une fois transformée en une épave baveuse à peine capable de marmonner un vocable indéchiffrable avant de rassembler ses dernières forces pour signer un chèque dont le montant extravagant aura raison de ses dernières économies.

Le dentiste est sadique, le dentiste est cruel, le dentiste est vorace.

Le dentiste est allemand.

Il jouit de sa toute puissance à maltraiter notre bouche à l’aide d’outils dont  la seule conception, pointe saillante, coutelas crochu, pince rigide, trahit déjà l’effroyable intention de terroriser le malheureux sur qui va s’abattre le joug de ces authentiques instruments de torture.

Cette fraise tressautante, cette ponceuse stridente, cet excavateur torsadé, cette curette acérée, ce détracteur crochu, cette pince scrutatrice, ce miroir inquisiteur, autant d’éléments qui attestent de la déviance morbide du praticien, planté comme un grand échalas au dessus de nous autres patients rendus à l’état de bêtes molles et ahuries par une piqûre anesthésiante distillée à même nos mâchoires.

Ah qu’il jouit donc cet écorcheur de dents lorsqu’il nous voit ainsi sans défense, tout juste bon à obéir à ses demandes infantilisantes ”ouvrez en grand, un peu plus vers la droite, crachez, buvez, levez le menton, fermez légèrement, mordez mon doigt, rentrez votre langue, détendez-vous.” 

Dentiste, je te hais.

J’éprouve plus de considération envers mon fossoyeur qui un jour s’attellera à creuser ma tombe que pour ta misérable personne.

Si d’aventure je devais finir un jour par croupir dans une infâme prison j’aurai plus de commisération pour mon geôlier que pour ta chagrine personne.

Tu jouis de nos infortunes.

Tu rigoles de nos mines déconfites quand on se traîne dans ta salle d’attente où parmi d’autres comparses à la mine aussi atterrée que la nôtre nous entendons vrombir à travers les murs l’atroce bruit de tes machines grondant leur mauvaise humeur dont bientôt nous serons les impuissantes victimes.

Quand tu te penches vers moi, je vois dans ton regard l’étendue de ton vice, la cruauté de ton âme, la froideur de ton cœur ; de tous les métiers recensés depuis l’aube de l’humanité tu en exerces le pire ; tu as le sang-froid d’un serpent, la voracité d’un vautour, la méchanceté d’une hyène.

Et demain matin, à mon rendez-vous de dix heures, apprends que tu ne me verras pas : par ta faute, j’ai décidé de rejoindre les rangs de l’Etat Islamiste du Levant.

                                                                                                                                                                                                                                                     Ils m’ont promis de décapiter ma dent au sabre.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                     Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

 

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Un diamant gros comme un plug

                                                                                                                                                                                                                                                      Les magasins de sex toys doivent à Paul McCarthy une fière chandelle : grâce à lui, leur carnet de commandes ne va plus désemplir d’ici la fin des fêtes.

Déjà, dans une quelconque province reculée de Chine, des enfants passent des nuits blanches à polir à la chaîne des plugs anaux afin de satisfaire les envies des parisiens désireux d’offrir à leur arrière-train des sensations nouvelles.

Ce sera du dernier chic pour les cadeaux de Noël.

Un plug anal pour Madame, un autre pour Monsieur, un à planter au sommet du sapin, un à disposer dans la crèche, un dans le fion de la dinde ou du chapon et voilà la garantie de passer une nuit de Noël inoubliable.   

Le tout autour de convives découvrant la délicieuse extase de se sentir fouillé par les formes délicates d’un godemichet occupé à défricher des contrées jusqu’ici inexplorées.

Rien que pour la découverte de ce ravissement si singulier et pourtant si peu répandu, il nous faut remercier la salutaire entreprise de Paul McCarthy, d’avoir dépucelé de cette façon si radicale la pourtant si froide et conservatrice Place Vendôme, plus connue pour son palace et ses bijouteries que pour ses extravagances sexuelles.

Exceptés les coffres percés ou les vitrines brisées par les malfaiteurs en quête d’émeraudes, la Place Vendôme n’avait jamais eu l’honneur d’être visitée de cette manière si brutale et si effrontée.

Dans les appartements cossus entourant la fière obélisque, hormis le traditionnel et annuel ramonage de la cheminée, de telles pratiques n’avaient cours excepté quand des domestiques dépravés ramenaient dans leurs chambres de bonne de bien mauvais garçons.

Il a donc fallu un courage inouï à Paul McCarthy pour installer au cœur de Paris son sublime étendard à la beauté si verdoyante.

Quel pied de nez à la bienséance bourgeoise !

Quelle insolence !

Quel panache !

Quelle claque pour l’établissement !

Que chacun en prenne pour son grade.

L’artiste a tous les droits.

Il n’a de compte à rendre à personne si ce n’est à lui-même et à son auguste génie.

On n’a pas à juger l’art contemporain puisque se situant par essence dans un espace où, à escient, il s’affranchit de tous les canons esthétiques ordinaires, il n’a pas vocation à susciter l’approbation du plus grand nombre.

Inclassable, il percute de plein fouet nos habitudes et bouscule nos certitudes.

Il provoque tout autant qu’il interroge.

Il dérange.

Il ne répond à aucune problématique, il ne prétend à rien, il ne propose rien,  il n’a d’autre visée que de nous interroger sur notre propre rapport à l’Art.

Il n’est ni beau, ni laid.

Il est.

Et en étant ce qu’il est, c’est à dire une incarnation du rien ou du n’importe quoi érigé en œuvre, il s’autorise à être un objet de moquerie dont je suis le premier à ricaner tant je ris de ces prétentions qui ne sont à mes yeux que l’expression d’une pensée tournant à vide.

Un aimable attrape-gogo pour bobos prêts à dépenser des millions pour s’encanailler d’une œuvre signée d’un simulacre d’artiste.

 

Pour autant il fallait bien évidemment laisser la sculpture de McCarthy dans sa place.

On ne répond pas à la provocation par la destruction.

On passe son chemin et on s’en va offrir des roses à sa bien-aimée.                                                                                                                      

                                                                                                                                                                                                                                                         Ou un plug si on est d’humeur canaille.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                          Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Je ne consomme pas donc je suis

                                                                                                                                                                                                                                                  Je souffre d’une étrange maladie dont par ailleurs je ne veux guérir : je ne sais pas consommer.

Je vois bien que c’est là une attitude en tout point contraire à ce que la société exige de moi mais j’ai beau essayer de me plier à son injonction, de m’acharner à me convaincre d’acheter des produits dont je n’ai nul besoin, je n’y parviens pas.

Certaines mauvaises langues diront que je suis atteint de radinerie congénitale, que je suis un Picsou qui s’ignore, un avare de tout premier plan, un de ces êtres si près de leurs sous qu’ils préfèrent engraisser le matelas de leur lit que le ventre de leur bourgeoise.

Je puis vous assurer que c’est faux, votre Honneur.

Ainsi, je suis tout à fait capable de fournir à mon chat une litière si perfectionnée qu’il lui faut apprendre le livret d’explication l’accompagnant pour avoir le privilège de s’en servir et il ne se passe pas un jour sans que j’offre à ma compagne de quoi lui donner envie de poursuivre sa vie enchanteresse auprès de moi.

C’est seulement quand il s’agit de ma pauvre personne que je bloque.

Je le confesse, mon budget ” vêtements de l’année ” ne doit pas dépasser les 200 euros, chaussettes et protèges-tibias compris.

Je n’éprouve absolument aucune sorte de plaisir à me traîner dans un magasin afin de procéder à l’achat d’un pantalon neuf ou d’une chemise sentant encore bon l’amidon d’usine.

Je n’en vois pas l’intérêt.

Un pantalon ne servant qu’à habiller ses jambes, à se protéger du froid, à éviter d’être arrêté le cas échéant par la maréchaussée pour conduite en état de nudité, il m’apparaît comme nul et non avenu de dépouiller mon compte en banque de son maigre pécule en renouvelant chaque année ma collection de jeans.

S’acheter une paire de chaussures dépassant la somme déjà exorbitante d’une vingtaine d’euros me semble relever d’une maladie mentale pire que la nécrophilie ou la zoophilie et méritant un internement de longue durée.

Investir dans un caleçon de marque au lieu d’en acheter trois à la douzaine devrait être punissable d’une peine d’emprisonnement ou d’être forcé à passer un scanner du cerveau afin de déterminer la gravité du mal dont souffre l’impétueux acheteur convaincu que de revêtir un tel apparat lui vaudra des attendrissements féminins parfaitement imaginaires.

C’est dans sa sublime et parfaite nudité que le mâle s’exprime le mieux.

Je vis de peu.

Je ne possède pas d’écran plat mais une antique télévision pourvue d’un splendide arrière-train capable certes de manger toute la surface où elle repose mais affichant néanmoins un état de forme des plus satisfaisants.

Je n’ai ni Ipod, ni Ipad, ni Ijenesais quoi et j’en suis fort ravI.

Il m’arrive de temps à autre d’acheter des livres mais en nombre limité : soit que je suis arrivé à un âge où je préfère relire des romans dont je sais par avance la valeur soit que je les emprunte à la bibliothèque soit encore que je les achète d’occasion soit que je me rabatte sur des œuvres complètes disponibles en un seul volume.

Tout comme les DVD m’évitant ainsi de dépenser des fortunes à voir des films d’une crétinerie sans nom tout juste bons à contenter les attentes d’un adolescent en pleine crise de puberté.

Écoutant la même musique que j’écoutais à vingt ans, convaincu que depuis les Smiths ou Lloyd Cole rien de consistant n’a été produit, mes achats de disques se font de plus en plus rares et doivent culminer à une dizaine par an.

Je ne suis pas assez fou pour m’enticher d’une voiture dont la première réparation correspondra à mes émoluments annuels, je préfère en louer, aller à vélo, marcher, ou encore mieux rester dans ma chambre.

C’est encore là le meilleur endroit pour vivre sa vie.

Au fond, je reste convaincu d’une chose : tout le malheur des gens vient de la frustration de ne pas parvenir à posséder des objets dont ils n’ont nul besoin.

                                                                                                                                                                                                                                               Car comme disait le proverbe chinois bien connu : qui sait la vérité des choses n’a pas besoin de caleçon pour regarder la lune.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                           Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Hervé Mariton, un Français de souche…sépharade !

                                                                                                                                                                                                                                                                                                            J’en suis encore tout chamboulé.

Avant-hier, alors que je moulinais sur mon vélo d’appartement histoire de fatiguer mes mollets tout en regardant une rediffusion de “C dans l’air” consacrée à la manifestation du week-end dernier, j’ai appris une nouvelle si extraordinaire que j’ai failli basculer la tête la première au-dessus de mon guéridon.

En toute fin d’émission, le rédacteur en chef du Figaro Magazine, afin de démontrer la diversité des personnes soutenant la démarche des participants à la Manif pour tous, a cru bon d’asséner comme preuve ultime de son assertion,  qu’Hervé Mariton était d’origine juive.

J’ai d’abord cru à une mauvaise blague.

Quoi, Mariton, ce héraut de la Manif pour tous, ce pourfendeur du mariage gay, ce prétendant à la présidence de l’UMP, ce binoclard à la tête d’instituteur de province, ce fieffé politique à la langue acérée, ce défenseur de la famille en danger, cet étendard du conservatisme à la française sentant bon la naphtaline, ce député de la Drôme, cet ancien vice-président de la commission pour la trufficulture, était juif ?

Encore tout chancelant, le cœur palpitant d’une angoisse indescriptible, l’esprit aux abois, j’ai filé tout droit me renseigner sur Wikipédia.

J’ai bien cru m’évanouir de surprise.

Car non seulement il s’avérait bel et bien que le sbire du Figaro Magazine n’avait pas énoncé une bêtise, ce qui déjà constituait une surprise en soi, à savoir que le Mariton, juif, il l’était bel et bien, qu’il ne s’en cachait d’ailleurs nullement, mais que de surcroît sa mère était une Pied-noir répondant au doux nom de Yolaine Benkemoune.

Martinon était un fils Benkemoune.

J’avoue n’en être toujours pas revenu.

Passe encore qu’il fut, suite à un drôle concours de circonstances – mariage arrangé, alliance entre familles antagonistes, adoption contrariée – un travesti d’ashkénaze, un juif putatif née d’une mère versée dans l’art de cuire la carpe farcie, mais un séfarade pur jus, un fils Benkemoune, un Hervé Benkemoune en puissance, voilà qui m’apparaissait tout aussi incongru que si je venais d’apprendre la nomination de Dieudonné à la tête du CRIF.

Ou que Jean-Marie Le Pen s’adonnasse tout les soirs à une séance de danse du ventre sur des chansons d’Oum Kalsoum, en hululant toutes les cinq minutes des youyous à même de fendre son service à couscous.

En farfouillant peu à peu dans son arbre généalogique, plus à une surprise près désormais, bien décidé à tirer au clair toute cette sombre affaire, je finis par découvrir que son grand-père se prénommait Chalom Benkemoune et sa grand-mère Lucienne Ackrich.

Mes papillotes se détricotèrent d’elles même.

Hervé Chalom Benkemoune dit Hervé Mariton.

Et pourquoi pas Hervé Shlomo Schoukroun ?

Certes, pour sa défense, il a tout de même pris la précaution d’épouser une catholique pratiquante qui lui  a donné quatre beaux enfants, élevés tient-il à préciser, dans la même religion que sa femme.

L’honneur est sauf mais tout de même.

Du coup je me suis mis à écouter d’un peu plus près ces discours et force est de reconnaître que le Benkemoune a de quoi séduire ; une intelligence pénétrante, un sens de la répartie inimitable, un humour ravageur, une bonhomie plus qu’appréciable, un rire chaleureux, autant de qualités qui auraient dû m’avertir que derrière sa froide carapace de français de souche se cachait un redoutable bouffeur de merguez.

Tout à fait capable d’apparaître dans la Vérité si je mens, opus 4, et de se glisser dans la peau d’un vendeur de caleçon établi rue d’Aboukir.

Désormais je ne sais plus pour qui voter concernant la présidence de l’UMP.  

Je pensais qu’après Copé, la droite en avait fini avec la racaille juive et voilà que déboulent d’un côté un Sarkozy aux origines toujours aussi douteuses et un Benkemoune transformé en Mariton.

Reste Bruno le Maire dont j’hésite désormais à consulter la fiche biographique.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                   Si ça se trouve, c’est un fils Boutboul !

                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Patrick Modiano, le romancier somnambule

                                                                                                                                                                                                                                                                                         Patrick Modiano ne méritait pas ça.

Se voir décerner le Prix Nobel de littérature avec tout le corollaire de festivités que cela implique doit lui apparaître comme une malédiction dont il se serait bien volontiers passé.

On imagine déjà la perplexité inquiète qui doit être la sienne en songeant au discours qu’il va devoir livrer dans quelques semaines devant le Tout-Stockholm, lui qui plus que quiconque écrit ses romans dans la clandestinité d’une vie marquée du sceau de la discrétion, de la retenue et d’une infinie pudeur.

Il faut le dire : on ne sait pas bien ce qui se passe dans les romans de Patrick Modiano mais on devine que ce qui s’y passe est tragique.

Des personnages marchent dans des rues désertes, le long d’avenues solitaires seulement éclairées par des lampadaires qui viennent rythmer leurs déambulations inquiètes. Ils sont à la recherche de quelque chose qui leur échappe. Ils ne sont pas de leur époque.

Ils évoluent dans un inconfort perpétuel, perdus entre un passé trouble et un présent incertain, gravitant dans l’incertitude de vies qui vont s’effilochant. 

Ils rencontrent dans des cafés ou des bars d’hôtels d’autres personnages tout aussi mystérieux qu’eux.

Des exilés de tout bord, des contrebandiers douteux, des marchands véreux dont on ne sait jamais vraiment à quelles activités ils se livrent.

A la marge de la grande et de la petite histoire.

De page en page, les destins s’entremêlent, se répondent, s’interrogent.

On consulte des bottins pour ressusciter des mémoires. On retourne sur les lieux de son enfance afin de tenter de comprendre l’origine de son trouble à exister. Des bribes de souvenirs se détachent et flottent évanescents dans le brouillard de l’esprit. On les suit. On ne sait pas bien où on va mais ne sachant quoi faire d’autre on s’abandonne à leur mystère.

Modiano est un écrivain du traumatisme.

De cette incapacité à définir avec exactitude les contours de sa propre identité. Cette incertitude à exister si ce n’est à se résigner à  devenir un somnambule de l’Histoire qui interroge sans relâche sa propre histoire intérieure, fouille les souterrains de sa mémoire, explore les failles de sa mythologie personnelle.

Tout apparaît si flou, si incertain, si mystérieux. Si ténébreux.

Des voix s’interpellent à travers l’écheveau du temps.

La vérité de l’existence se dérobe à soi. Les fantômes de sa jeunesse perdue nous poursuivent dans le corridor du temps. Les après-midi sont nonchalantes, les nuits troubles, les matins incertains. Les femmes tourbillonnent autour de soi avant de disparaître au détour d’une rue, laissant les amours suspendus dans l’éther du temps.

On cherche à les revoir mais elles sont déjà ailleurs. A l’étranger. Hors du monde. Dans les bras d’hommes interlopes. Alors voilà qu’on reste seul face à ses questions sans réponse.

On évoque la période de l’occupation, de la collaboration, de toutes ces pâles figures  qui un jour ou l’autre ont interagi sur nos destinées.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Et, voyageur du temps, on remonte dans le train mélancolique de nos souvenirs qui nous emportent au loin, dans le vestibule de notre mémoire à jamais égarée.    

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Pour suivre l’actualité de ce blog, c’est par ici : https://www.facebook.com/pages/Un-juif-en-cavale-Laurent-Sagalovitsch/373236056096087?skip_nax_wizard=true

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Ma vie n’a plus de sens, mon ordinateur est mort

J’aurais dû m’en douter.

On ne peut se gausser impunément du Seigneur et de ses sbires sans en subir un jour ou l’autre les funestes conséquences.

J’ai voulu jouer au petit mariole dans mon dernier post en osant pourfendre l’attitude de quelques catholiques simplement épris du désir de protéger la famille que j’ai pourtant cru malin d’affubler de quelques épithètes désobligeants et il m’en a coûté.

Lundi matin, le jour donc suivant la rédaction de mon billet considéré ignominieux par le plus grand nombre, salvateur pour un ( Jean-Pierre T. je crois me souvenir ), fidèle à mes habitudes, dès l’aube apparue, je m’en suis allé saluer mon ordinateur bien-aimé.

 

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Il avait mauvaise mine.

Il arborait une vilaine barbe de trois jours, il avait les traits tirés, son écran était plongé dans une nuit perpétuelle, son disque dur ronronnait une musique souffreteuse ; je me suis essayé à lui redonner des forces en le redémarrant, il l’a très mal pris et s’est mis en grève illimitée.

J’ai eu beau tenter de le raisonner, lui expliquer que ce n’était vraiment pas le moment de flancher, que nous avions encore un roman à terminer, juste l’affaire de quelques pages, après quoi la gloire nous attendait et qu’il me fallait de surcroît absolument lire l’avalanche de commentaires élégiaques consécutif à la parution de mon article, il n’a rien voulu savoir.

Affolé j’ai appelé le Samu qui, conscient de la gravité de la situation, m’a redirigé vers un service d’urgence où sans attendre j’ai apporté cette petite canaille d’ordinateur à qui j’ai promis quand il reviendrait de sa petite session de remise en forme une sévère cure de streamings sauvages et de téléchargements interdits.

Puis j’ai attendu.

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La maison ne m’était jamais apparue aussi vide.

Toute la journée, j’ai traîné dans l’appartement, désœuvré, désorienté, déprimé comme jamais.

J’avais l’impression qu’on venait de m’amputer d’une partie de moi.

Sans mon ordinateur, je n’étais plus qu’une coquille vide en proie à un sentiment de dépossession si violent, à une sensation de perte si profonde qu’il me rappelait l’époque lointaine où  ma vie ressemblait à un bateau ivre s’en allant cogner les récifs d’une dépression sans fond.

J’étais perdu, vraiment perdu comme un chat sans moustache.

Je me cognais aux murs de ma propre inutilité.

Je n’étais plus bon à rien, j’avais épousé avec une telle avidité la modernité de mon époque en me fiançant corps et âme avec cette machine, que je ne savais plus vivre sans elle.

Encore un peu et je me serais mis à sangloter.

J’ai fini par m’administrer quelques kilos de valium, j’ai tiré les rideaux, j’ai appelé l’AFP pour leur communiquer que j’étais rentré officiellement en récession, je me suis vautré dans mon lit, et j’ai dit adieu au monde.

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Le lendemain, le réparateur m’a appelé.

Il m’a annoncé que ma mère avait cramé.

Je lui ai répondu que ce n’était pas possible, que ma mère étant déjà passée de vie à trépas voilà quelques années et reposant depuis au Cimetière du Montparnasse, elle ne pouvait d’aucune manière être cramée d’autant plus qu’elle avait refusé d’être incinérée.

Votre carte mère a t-il tenu à préciser.

Ah. Et c’est grave ?

Ça l’était.

Mon ordinateur était officiellement mort.

Il s’en est allé comme ça, sans me prévenir, sans m’avertir que ses forces s’épuisaient, sans prendre le soin de me ménager afin que je prenne mes dispositions.

La veille encore, il pétaradait de forme, il vagabondait de site en site, il ouvrait document sur document, il réussissait avec brio des parties de solitaire, il diffusait de la musique tout en écrivant sous ma dictée des phrases d’une beauté inouïe, il jonglait avec les fenêtres ouvertes, il dévorait à pleines RAM l’existence.

Le petit matin arrivé, il n’était plus.

Il est mort d’un coup.

Rien ne laissait présager une fin aussi brutale.

Depuis je suis en deuil.

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Je repense aux bons moments que nous avons passé ensemble : ces deux romans que nous avions écrit de concert, ce blog où sans jamais montrer le moindre signe de faiblesse, il s’était toujours montré d’une disponibilité sans égale, les milliers de mails composés main dans la main, les millions d’articles que nous avions lus, réunis dans une complicité sans pareille.

J’étais lui, il était moi.

Jusqu’au dernier billet, il m’aura soutenu.

Je réalise maintenant quelle folie c’était de s’en prendre de la sorte au Dieu des Chrétiens et à ses affidés.

J’ai pêché par orgueil et gourmandise.

J’ai voulu me moquer d’eux et j’ai été puni de la plus cruelle des manières.

Repose en paix camarade. Bientôt je viendrai de te réciter le Kaddish.  

 

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La France des rassis

 

Au fond peu importe qu’ils fussent cinq cent mille, soixante-dix mille, huit millions ou quelques centaines.

C’est déjà trop. Beaucoup trop.

Quel spectacle affligeant d’une nation passéiste, moisie, assise, a-t-on vu défiler dans les rues de la capitale au nom de valeurs sentant bon la nostalgie fétide de notre brave Maréchal appelant au sursaut de la France éternelle par le rétablissement de valeurs surannées.

Cette France de la bourgeoisie grasse de bêtise, la France bien blanche, bien chrétienne, bien comme il faut, élevée aux mamelles de l’école privée, trimballant ses tripotées de moutards sur le pavé parisien en glapissant des slogans si décalés avec la réalité qu’ils en deviennent risibles.

Qui s’imagine que des hordes de sodomites œuvrent dans l’ombre de la République et s’apprêtent à déferler dans les cours de récréation pour pervertir l’innocence immaculée d’une jeunesse que l’Etat ne protège plus de rien.

Qui s’invente des peurs en tout point imaginaires, dénuées du moindre début de fondement, dans le seul but de dénoncer ces pédérastes pervertis, ces grands pécheurs devant l’éternel – comme l’a si bien dit Monsieur le curé, entre deux tripotages d’enfants de chœur – qui demain, si on n’y prend garde, viendront se servir dans nos maternités et repartiront un bambin sous le bras.

Soutenus par des députés effarés venus défendre la sarko-sainte famille un père, une mère, sept enfants, une bonne à demeure, catéchisme le mercredi, cours de maintien le samedi, après-midi au jockey club le dimanche, une figure du Christ au-dessus du lit conjugal où tous les premiers jeudi du mois, Madame un peu pompette de s’être resservie du vin de messe se risque à tutoyer le joli oiseau de Monsieur.

Avec à leur tête, Laurent Wauquiez, le benêt oui-oui de la droite, cheveu sur la langue et graine de couscous dans le cerveau, sauveur auto-désigné des classes moyennes que l’infâme pouvoir socialiste essaye par tous les moyens d’éradiquer, notre dernier intellectuel capable de désigner comme son livre de chevet Les Aventures du Lieutenant Blueberry.

Ah qu’elle est bien laide et rance cette France.

Qu’elle ressemble donc à celle qui, une fois remise de l’humiliation de la défaite, trouvait au fond les Allemands très polis, toujours bien mis, d’une élégance folle et surtout si prompts à intervenir quand rue Lauriston on envoyait par paquets ses lettres de dénonciations afin de dire où se cachait la vermine juive.

Elle ne veut pas mourir cette France-là.

Elle tremble de passer à la moulinette de l’histoire et de la modernité.

Elle vacille quand elle voit à la tête du Ministère de l’Education, une femme sans particules, née sur l’autre rive de la Méditerranée, engendrée, horreurs des horreurs, par des maghrébins basanés qui continuent, génération après génération, à souillonner l’âme du Royaume de France.

Elle n’aime plus personne cette France-là.

Elle se méfie de tout.

Elle bigote des âneries.

Elle pissote des contre-vérités.

Elle ne veut pas grandir et encore moins s’agrandir.

 

Et elle a les deux pieds enfoncés dans le crottin d’une nostalgie si féroce que bientôt elle ira confier la clé de ses églises à Sainte Marine afin de remettre le pays dans le droit chemin : celui de l’ordre et de la morale.

 

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Kippour, saison 5775

 

C’est triste à dire mais arrivé à mon grand âge je ne sais toujours pas si je crois en Dieu ou pas.

A dire vrai la question ne me passionne guère.

Etant dans l’impossibilité, faute de preuve tangible, de trancher entre ces deux redoutables hypothèses, je préfère exercer mon droit de réserve et remettre à plus tard aux autorités concernées le délibéré de mon verdict.

Pour autant, chaque année, quand le jour tant redouté de Kippour survient, voilà que je me surprends à respecter les commandements édictés par l’autre empoté supposé veiller sur le salut de nos âmes.

N’étant pas non plus complètement gâteux, possédant encore deux sous de raison, je me contente de suivre, en toute hypocrisie, ses deux principales recommandations, toi pas manger, toi pas boire, laissant aux autres juifs plus méritants que moi d’appliquer à la lettre la longue liste des réjouissances prévues en ce jour sacré.

Ce qui concrètement signifie passer sa journée à traîner sa migraine du lit au canapé, du canapé au lit, priver son chat de croquettes, supplier sa pendule de se dépêcher, soudoyer les aiguilles de se mouvoir un peu plus vite, somnoler la plupart du temps dans un état semi-comateux, la gorge sèche, le palais en berne, les yeux affamés.

Contempler les heures se traîner, lentes, molles, interminables.

Assister à l’agonie de minutes qui radotent des litanies de secondes figées dans l’éternité du temps qui ne passe pas.

Surtout ne pas aller à la synagogue afin d’éviter les remontrances prévisibles et méritées du rabbin qui, du haut de son autel, vous foudroie du regard parce que votre kippa, après avoir hiberné toute une année dans votre coffre à jouet, est toute froissée.

Et que vous tenez votre livre de prières à l’envers en dodelinant la tête de gauche à droite tout en murmurant un dialecte connu de vous seul à la grande honte de vos voisins de prières qui s’en vont se plaindre au service de sécurité.

Ce qui n’empêche nullement de se livrer à domicile à un exercice d’introspection d’une férocité extrême en traquant les innombrables et innommables fautes commises pendant l’année écoulée : le jour où on a jeté un regard concupiscent sur la caissière du supermarché, le jour où on s’est garé sur une place réservée aux handicapés, le jour où par inadvertance on a réglé son compte à un saucisson, le jour où on a oublié de prendre des nouvelles de sa mère.

Sans oublier les autres impairs d’une gravité bien plus extrême qui relèvent tous du tribunal de grande instance : cette vie pécheresse à laquelle on s’est adonné jour après jour avec la plus grande des voluptés, notre culte de l’oisiveté et de la paresse, notre appétence à lire des œuvres impies, notre application à marcher en dehors des clous, notre obstination à remettre en doute l’existence même de celui qui nous a créé, nos mille et une entorses à son code de la route.

Kippour.

Le jour où se demande comment on peut continuer à être juif tout en restant d’une méfiance extrême vis-à-vis de son Excellence, fidèle malgré tout à ce judaïsme chancelant qui nous définit et nous nourrit, à cette mémoire que nous continuons à honorer envers et contre tout, à ce respect des traditions que nous transmettons à notre tour à nos enfants afin que perdure, à travers la nuit des temps, cette étincelle de notre précieuse singularité.

Kippour.

Le jour le plus long de l’année.

Où l’on songe à une impossible conversion.

Où des dix heures du matin, on pense déjà au sanglier qui nous servira d’amuse-gueule au repas du soir.

Où on se morfond d’ennui à regarder l’intégralité d’une série télévisée à laquelle, au bout de deux épisodes, on ne comprend plus rien.

 

Et où, une fois l’épreuve passée, on continue à douter de tout, même de la nature de notre doute.

 

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