Quand tu cherches une chambre d’hôtel que tu ne trouves jamais

 

Parce que même si tu n’es qu’un scribouillard à la petite semaine, un écrivaillon de seconde zone, un bloggerion inutile et ennuyeux, tu considères cependant qu’une fois l’an, durant une semaine, tu as le droit de t’accorder quelques jours de vacances.

Mais comme tu n’as pas de cousin hôtelier, que tu n’oseras jamais franchir la porte d’une agence de voyages, que tu as la flemme de feuilleter les pages d’un quelconque guide touristique, tu demandes à Google de te choisir un hôtel dans la ville où tu as choisi de te reposer.

Ce que tu ne sais pas encore, c’est qu’en agissant de la sorte, tu t’apprêtes à vivre un véritable enfer.

Tu demandes à une centrale de réservation de te montrer les diverses possibilités d’hébergement dont elle dispose au regard des dates de tes congés, et pendant que le site mouline à la recherche de ces précieuses informations, tu te surprends à rêver à une suite princière avec baignoire en marbre et draps de soie.

Quand les résultats s’affichent, tu découvres qu’il existe 253 hôtels, bed and breakfast, logis, fermes, étables où tu pourras tenter de te ressourcer et de recharger tes batteries.

Seulement quand tu rentres la somme dont tu disposes comme budget, tu t’aperçois très vite que le choix n’est pas si exhaustif que cela et que sur les 253 hôtels proposés par le site de voyage, seule une petite cinquantaine répond à tes critères financiers qui, il faut bien l’avouer, demeurent des plus modestes.

Comme tu n’as aucune envie de passer tes journées à compter les avions passant au-dessus de ta tête ou à calculer le nombre de voitures filant sous tes fenêtres ou à roupiller dans une chambre d’hôtel située au beau milieu d’un champ de parpaings, tu demandes au moteur de recherche de te dénicher un hôtel en plein centre-ville.

Et quand ce connard te répond qu’il n’y en a pas, enfin du moins au regard des maigres ressources dont tu disposes, tu commences à penser que finalement tu pourrais tout aussi bien passer ta semaine de congés à flemmarder dans ton propre lit en demandant à ta compagne de jouer à la femme de chambre et de réquisitionner ton chat comme majordome.

Cependant, comme tu es du genre têtu et obstiné, tu consens à augmenter de quelques centimes le prix de base de ta chambre d’hôtel, ce qui te permet de découvrir que finalement trois établissements seraient ravis de t’accueillir.

Tu cliques sur la présentation des hôtels et tu t’aperçois alors, médusé, que dans l’un, la chambre proposée ne possède non pas un seul lit mais deux, deux immenses literies grandes comme des salles d’embarquement et comme tu ne comptes pas emmener tes voisins en vacances avec toi et qu’à priori tu ne prévois pas non plus d’organiser une partouze avec le personnel de l’établissement, tu renonces à séjourner dans une chambre où tu aurais besoin d’un mégaphone pour savoir dans quel lit ta compagne a décidé de dormir.

Dans le deuxième, tu découvres qu’il n’existe pas de parking, ce qui n’est pas sans poser de problème, vu que tu ne comptes pas voyager en bicyclette et que l’hôtel te confirme que l’ascenseur n’est pas assez grand pour que tu puisses gagner ta chambre avec ton véhicule dedans.

Le troisième te convient bien, une chambre normale, un parking, du wifi, un petit-déjeuner mais quand tu commences à lire les témoignages des clients qui se sont aventurés à séjourner dans ce même hôtel, tu déchantes bien vite.

L’un te prévient que tous les soirs, à la nuit tombée, le chien du propriétaire entonne O Sole Mio, un autre te met en garde contre la saleté redoutable planquée derrière le deuxième tiroir de l’armoire de la salle de bains, un troisième te raconte que la piscine s’écaille quand tu plonges dedans, le quatrième que le petit-déjeuner est vraiment petit, le cinquième que la réceptionniste lui a très mal répondu lorsqu’il a demandé où il pouvait trouver une boutique pour réparer le pommeau de la douche qui s’était décroché quand il avait essayé de diriger le jet d’eau vers son bas ventre.

 

Voilà deux heures maintenant que tu es à la recherche de ton hôtel de rêve et tu n’as toujours rien trouvé.

A tout hasard tu regardes dans les bed and breakfast, tu en repères un, très mignon, emplacement parfait, chambre avenante, vue sublime, jardin en floraison, un lieu de villégiature idéal où Bob et Sue seraient ravis de t’accueillir comme ils ont déjà accueillis des pèlerins dans ton genre depuis deux décennies mais évidemment c’est complet.

Et pendant une semaine entière, en jonglant de sites en sites, de moteurs de recherche en moteurs de recherche, de comparateurs de prix en comparateurs de prix, tu vas chercher cet hôtel qui évidemment n’existe pas.

Et cette recherche t’a tellement fatigué, tu es tellement las d’avoir visionné, comparé, examiné des centaines de chambres d’hôtel qui finissent par toutes se ressembler, tellement harassé d’avoir lu des milliers de commentaires qui se contredisent les uns les autres, que tu décides que cette année encore, tu te priveras de vacances.

Tu annonces la bonne nouvelle à ta compagne, elle te dit que cette fois elle te quitte pour de bon, alors tu t’inscris à un site de rencontre en ligne et tu commences à rechercher la femme de tes rêves sachant que tu la veux brune, grande, élancée….

 

P.S : J’ai fini par trouver une chambre ! Je serais de retour le 10. Portez-vous bien et soyez sages.

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Comment ne pas être agnostique ?

 

Qu’il doit être doux et tranquille de croire vraiment en Dieu.

De ne pas s’encombrer l’esprit de tortueuses et inutiles questions sur le devenir de sa propre et misérable personne.

D’être assuré que la mort n’est qu’un aimable interlude, une porte d’entrée vers d’autres cieux qui nous attendraient quelque part dans l’éther de l’éternité sanctifiée.

De décider une bonne fois pour toutes qu’il ne sert à rien de se tourmenter au sujet de questions qui par principe nous dépassent et nous écrasent.

D’accepter l’indéchiffrable complexité du monde en se retranchant derrière la magnificence d’un Dieu omniscient qui l’heure venue apportera ses réponses à nos interrogations inquiètes.

Mais aussi qu’il doit être reposant de penser que le néant conclura en beauté nos vies devenues défuntes.

Qu’il ne sert à rien de jongler avec les tralalas d’une métaphysique de comptoir puisqu’il ne faut s’attendre à rien, puisque la vie n’est qu’une parenthèse qui se refermera en même temps que l’on clouera les planches de notre cercueil.

Que ces deux-là, l’athée et le croyant, font donc la paire !

Chacun intimement persuadé de la pertinence de ses convictions.

Chacun se vantant de connaître l’ultime vérité.

Chacun s’arc-boutant sur l’autel de ses pensées bien arrêtées.

Et ne voulant en rien en démordre.

Le néant contre l’éternité.

Et chacun ne pouvant apporter la preuve de ses certitudes.

Se heurtant à l’insondable mystère de la vie humaine, à l’inexplicable surgissement de la vie, à l’inextricable complexité de l’existence d’un monde qui ne peut dévoiler ni le pourquoi ni le comment de son origine.

Voilà pourquoi je ne pourrai jamais comprendre qu’on puisse prétendre être autre chose qu’un agnostique pur et dur.

Un être perpétuellement rongé par le doute, ne sachant rien de ce qu’il adviendra par-delà sa mort, ne voulant peut-être pas le savoir, tout à la fois fasciné et terrifié par cette vie qui semble parfois si étrange, si déroutante, si magnifiquement inquiétante qu’elle déclenche chez lui des vagues de mélancolie à l’idée de devoir la quitter un jour.

Mais réalisant que c’est cette même douloureuse incertitude qui donne à la vie toute sa saveur, ce charme indicible de l’existence qui égrène des jours parfois moroses, parfois joyeux, toujours teintés d’une réelle étrangeté comme si vivre n’allait pas de soi et exigeait de nous des trésors de patience et de volonté.

N’être jamais sûr de rien.

Ne croire en rien,  en un rien qui ne serait pas définitif mais se présenterait plutôt comme une porte entrouverte sur d’autres possibles somnolant dans une mer d’ignorance et attendant seulement d’être découverts.

Le croyant me fatigue avec sa présomption toujours un peu sotte à entendre de vouloir fraterniser coûte que coûte avec un Dieu qui se complaît dans un silence narcissique et le laisse se débrouiller avec une vie qui ne cesse de se dérober à son entendement.

L’athée m’ennuie avec son nihilisme sauvage qui, croit-il, le rend supérieur aux autres comme si, en se déclarant libre et sans attache, il incarnait une sorte de supériorité morale lui permettant de se moquer de nos atermoiements, de nos hésitations, de nos vertiges.

Au fond, ils se ressemblent tous les deux : ils semblent si terrifiés par l’âpreté de la vie qu’ils préfèrent se réfugier derrière une chapelle de croyances indécrottables afin que cessent une bonne fois pour toute leurs tourments intérieurs et qu’ils puissent continuer à vivre à l’abri de leurs certitudes inébranlables.

En même temps, chacun fait ce qu’il peut.

Avec ses moyens.

Les miens étant limités, vous excuserez d’avance ces niaiseries philosophiques.

 

Ceci dit, Dieu si tu m’entends, c’est quand tu veux que tu fais signer un vrai avant-centre à Saint-Etienne.

 

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Le jeu de massacre de la rentrée littéraire

 

Il y aura peu de gagnants et beaucoup de perdants.

A côté du cercle très fermé d’heureux élus qui connaîtront les honneurs de la critique, les louanges de la presse institutionnelle, les convoitises de l’intelligentsia parisienne, il existera un cortège d’aimables romanciers dont seul le cercle rapproché, très rapproché – compagne, chat, chien, lointain cousin d’Alaska, concierge à la retraite, boulangère désœuvrée – saura qu’ils viennent de publier un roman.

Un roman qui la plupart du temps ne parviendra même pas à s’afficher en librairie, hormis celle où l’auteur se ravitaille d’habitude en livres divers et variés, condamnant dès lors le malheureux bouquiniste à commander au moins un exemplaire de ses affabulations romanesques, histoire de ne pas se fâcher avec son meilleur client.

Pour se rassurer sur la réalité de la publication de son chef-d’œuvre, l’écrivain en manque de notoriété sera réduit à tapoter son nom sur un moteur de recherche afin de découvrir qu’il est bel et bien répertorié dans les catacombes des catalogues de librairies en ligne, orpheline et chagrine présentation accompagnée d’aucun commentaire élogieux ou même dédaigneux.

Il saura ainsi qu’il existe.

Que lui aussi participe au grand barnum de la rentrée littéraire, cette fête foraine de la littérature qui prend un malin plaisir à désigner ses rois sitôt août achevé, reléguant dans l’ombre des centaines d’écrivains qui passeront les mois prochains à se morfondre et à pester contre le monde entier.

Les cocus de la rentrée littéraire.

Dira-t-on jamais cette souffrance inouïe de l’apprenti romancier qui ne peut se résoudre à ce que d’autres occupent les feux de la rampe alors que son roman dépasse de mille coudées les souffreteux et empruntés récits consacrés par des critiques aphasiques, cette ribambelle de chroniqueurs apathiques se contentant de reproduire les même feulements extatiques que leurs collègues de cocktail.

La rentrée littéraire s’apparente à un véritable jeu de massacre, à un sanglant ball-trap, une sanguinolente chasse à courre qui laissera sur le carreau l’immense majorité de ceux qui se présentent, pleins d’espoirs et gonflés de certitudes, sur la ligne de départ, déjà certains de virer en tête à hauteur du très piégeux carrefour de l’Odéon où se rejoignent les avenues Goncourt, Renaudot et Femina.

Les rendront amers et désillusionnés.

Frustrés et déconcertés.

Désespérés et suicidaires.

Tant d’effort, tant de sacrifices, tant de renoncements pour en arriver à être ce cancre de service qui n’aura comme seul réconfort que l’aimable parole de son éditeur l’assurant “que de toutes les façons les dés étaient pipés d’avance, que les prix ne sont que magouilles et combinaisons et les critiques, des écrivains frustrés à la botte des grandes maisons d’éditions.”

Ainsi va la vie littéraire hexagonale.

S’offrant au sortir de l’été sa petite crise orgasmique, ces petits jappements de critiques hystériques et nombrilistes, bouffis de suffisance, convaincus de détenir la verité, n’hésitant pas à hurler en meute au chef-d’œuvre immortel à la moindre petite oeuvrette que son esprit étriqué parvient à saisir dans toute sa magnifique insignifiance.

 

De ces romans ni bons, ni mauvais, à peine médiocres, dont l’année prochaine on aura déjà oublié l’existence tellement la littérature se montre impitoyable avec ces faussaires, avec ces prétendants qui se prenant au jeu des vanités, s’imaginent déjà des destins d’immortels.

 

Quant à l’écrivain qui cette année, par paresse ou faute de temps, n’a pu prétendre revêtir un quelconque dossard, il contemple cette aimable foire avec circonspection et méfiance : sait-on jamais, il se pourrait in fine que parmi cette bande de tâcherons ineptes émerge un réel talent qui pourrait égaler son auguste et inégalable génie…

 

 

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Le cauchemar d’une France rêvée

 

Moi qui ne sais pas encore ce que je vais bien pouvoir manger ce soir, je trouve très rassurant que nos gouvernants sachent à la virgule près à quoi la France ressemblera en 2025.

Un beau pays où chacun disposera d’un logement décent tout proche de son lieu de travail puisque tout le monde pourra prétendre à occuper un emploi qui lui assurera une vie des plus tranquilles, une vie rêvée passée à cultiver son jardin en respirant un air pur provoquant des ivresses infinies.

Des terrains de jeux à chaque carrefour.

Des industries non polluantes.

Des voitures silencieuses.

Des fonctionnaires aimables, des postiers affables, des commerçants bienveillants, des caissières souriantes, des policiers polis, des trottoirs propres, des voisins se parlant, des universités flamboyantes, le portrait idyllique d’une France en paix avec elle-même, regardant l’avenir avec la certitude que le meilleur reste encore à venir.

 

Ce serait le bonheur à la française.

Le monde entier nous regarderait avec envie.

On louerait le modèle français, ce pays qui a su se jouer des pièges de la mondialisation tout en restant fidèle à ses valeurs : l’égalité des chances, le savoir pour tous, la liberté partout.

Plus de repentance, plus de culpabilité mal assumée, plus de rancœurs.

L’esprit de concorde.

Un arabe au ministère de l’économie, un juif aux anciens combattants, un noir à la culture.

Une France métissée et fière de ses multitudes.

Une France où l’on n’opérerait plus la fielleuse différence entre les Français d’origine et les vrais Français.

Une France s’acceptant telle qu’elle est.

Une puissance moyenne, ne revendiquant plus d’être considérée comme le centre de l’univers mais tout à son aise d’être ce pays où il fait bon vivre, s’enorgueillissant de la richesse de ses terroirs, de sa géographie variée, de son art de vivre, de son aptitude à mêler les plaisirs de la chair avec ceux de l’esprit.

 

Des banlieues riantes et verdoyantes.

Sans dealers, sans trafiquants, sans violence.

Des immeubles avec des ascenseurs fonctionnant, des cages d’escaliers propres, des jeunes gens courtois, des seniors sereins, des cadres accomplis, des ouvriers tout sauf amers.

Des écoles et des lycées accueillants, des classes qui se finissent à trois heures, des terrains de sports, des cours où l’on apprendrait à apprendre, des enseignants heureux, des enfants épanouis, des parents ravis.

 

Une France de rêve où l’on s’emmerderait comme jamais.

 

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Vive l’aspartame !

 

J’ai appris hier que j’allais mourir plus tôt que prévu.

C’est que j’ai développé depuis quelques années une addiction des plus affolantes : l’infâme coca zéro, ce succédané de vrai coca saturé de ce maléfique colorant nommé aspartame.

Or, l’aspartame, selon l’honorable confrérie des Diafoirus et autres experts médicaux du monde entier, ce n’est pas bien.

Pas bien du tout.

Ce serait même potentiellement cancérigène.

A long terme.

En même temps ce n’est pas non plus avéré à cent pour cent considérant que son apparition est trop récente pour découvrir avec exactitude les ravages potentiels occasionnés par l’absorption massive de ce perfide édulcorant.

Mais dans le doute, les autorités compétentes, que grâces leurs soient rendues, préfèrent prévenir et alerter la population qu’il se pourrait fort bien, éventuellement, probablement, possiblement que l’aspartame soit susceptible de déclencher dans les temps futurs des cancers irréversibles et donc des morts par millions.

 

En même temps, revenir au bon vieux coca des familles n’est pas non plus recommandé, l’excès de sucre favorisant l’obésité laquelle provoquerait des cancers du côlon et autres petites réjouissances mortuaires.

Etant donné que je ne bois plus d’alcool, je suis quelque peu embarrassé.

J’ai un cerveau tellement paresseux que sans excitant rapporté de l’extérieur il se rendort de lui-même et s’assoupit sans que je ne  m’en aperçoive.

Sans coca zéro, ma puissance intellectuelle avoisine celle de Mireille Mathieu au sommet de sa forme que l’on situe généralement entre midi et quart et midi vingt-trois, heure à laquelle elle s’en va promener son toutou avant de donner à manger à son poisson rouge.

Sans caféine tambourinant dans mes veines, je redeviens un individu des plus banals, une larve mollassonne capable de trouver un certain charme au dernier roman de n’importe quel plumitif en tête des meilleures ventes de la semaine.

Et éprouvant des élans de compassion et d’admiration envers celui qui parvient à se passionner pour les championnats du monde d’athlétisme.

Bref, je sombre dans une connerie si abyssale qu’il me faut l’intervention d’un tiers m’alertant sur la stupidité de mes derniers écrits pour que je prenne la pleine conscience de la médiocrité dans laquelle je barbotte.

Je pourrais certes me passer de coca zéro sauf que je porte un goût des plus modérés au café.

Ce qui représente en soi une chance puisqu’une consommation excessive de cet envoûtant et ténébreux liquide accroît les chances d’un emballement inopiné du muscle cardiaque pouvant se solder par un infarctus retentissant.

Et comme mon chat maîtrise encore mal les balbutiements du massage cardiaque – il arrive à s’appuyer sur ma poitrine mais ne parvient pas encore à enchaîner avec un saut de cabri capable de provoquer un sursaut salvateur – cet infarctus pourrait m’être fatal.

Le thé serait parfait me dit-on comme remède à mon engourdissement cérébral.

Sauf qu’une consommation excessive de ce breuvage occasionne des visites trop fréquentes chez Madame Pipi et que par ailleurs il augmente d’une manière significative le risque du cancer de la prostate, sans qu’on sache vraiment si les deux se retrouvent liés.

Retour à la case départ et à mon coca zéro que j’ingurgite, je l’avoue bien volontiers, par tonneaux entiers.

Au risque de me pourrir les os, de me dissoudre dans un océan de décalcification, de me noyer dans une mer nauséeuse de globules rouges à l’agonie.

J’assume.

C’est que très tôt, malgré les dénégations répétées de mes parents, j’ai su que j’étais mortel.

Depuis je ne vais pas très bien.

 

Et à chaque fois que l’on me met en garde contre les dangers mortels d’un produit que je consomme avec frénésie, je sens monter en moi des flots d’angoisse que je ne parviens à calmer qu’à coups de psychotropes avalés à la louche.

En espérant que le risque précoce d’Alzheimer avancé par les chercheurs concernant leur consommation exagérée s’avère exact puisqu’en toute logique j’en viendrais à oublier même la possibilité de ma propre mort…

Quand à celui qui achèverait la lecture de ce billet en se demandant où diable cet énergumène va chercher son inspiration, je me contenterais de lui rappeler que durant le temps de la rédaction de cet article, j’ai dû ingurgiter une tripotée de canettes de coca zéro, et ce au risque de raccourcir mon espérance de vie de quelques années.

Ce sont les risques du métier.

 

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Le charme très relatif de la dépression passagère

 

On a tous un jour connu cela.

Cette légère déprime qui, pour une raison inconnue, s’accoquine dès potron minet avec votre âme ou ce qu’il en reste.

Cette pesanteur des sentiments qui engourdit l’esprit et le rend incapable de la moindre initiative.

Ce cœur qui bat par habitude plus que par envie.

Cette langueur qui s’abat sur vous et ne vous quitte pas de la journée.

Ce soleil ironique qui  vous nargue et finit par vous agacer.

Cette lumière  aveuglante qui ne cesse de vous harceler et finit par vous irriter.

Ces rires outrecuidants qui  se moquent de vous et vous insupportent.

Cette aspiration à l’obscurité, au repli sur soi, à l’attendrissement sur sa pauvre petite personne ballotée entre deux pathétiques crises d’angoisse.

 

L’envie subite de lire des grands textes.

De se consoler en écoutant de la grande musique.

De se perdre dans la contemplation d’un chef d’œuvre.

Ce besoin de savoir que d’autres que vous ont souffert du même mal.

Sont passés par les mêmes épreuves.

Ont partagé ce même accablement infini qui vous ronge et vous laisse sans force.

La vie qui continue pourtant.

L’obligation de se montrer sous son meilleur jour.

De ne rien laisser paraître de cet écœurement qui vous saisit à la gorge et vous donne envie de pleurer sans raison.

La nécessité de se laver, de se nourrir, de se forcer à travailler.

La certitude de l’échec.

Le regard échangé dans la glace, cette envie de s’administrer une bonne paire de claques, ces yeux chagrins qui contemplent le portrait d’un homme revenu de tout et n’attendant plus rien de l’existence.

Ces longs soupirs où se font entendre les mugissements d’une âme qui pleure de rage de devoir cohabiter avec un être si terne, si inutile, si misérable.

Cette supplique adressée à vous-même pour tenter de se ressaisir, de s’extirper de cette torpeur glacée et d’aller de l’avant.

 

Ce renoncement à se battre, à s’affronter, à s’essayer à devenir un homme un peu meilleur.

Cette application à tout déconsidérer, à tout dénigrer, à tout critiquer, à commencer par soi-même.

Cette fatigue de soi.

Et plus encore, cette incapacité à rire de sa propre infortune.

Cette odieuse grandiloquence à se penser comme malade, comme maudit, comme victime d’un mal si grandiose qu’il fait de vous un être hors-norme.

Cette connivence avec la mort qui ne vous effraie même plus.

Ce constant apitoiement sur soi, cette manie de tout ramener à soi, cette incapacité à communiquer, à dire, à confier sa détresse, certain qu’on ne vous comprendrait pas.

Alors le refuge dans l’alcool, dans le sommeil, ce réconfort factice trouvé auprès de ses tranquillisants.

Cette incompréhension à comprendre comment les autres font pour ne pas se rendre compte de l’absurdité de toute chose.

La vanité bête de se croire supérieur à eux.

Les heures passées à se répéter, je suis fatigué, je suis si fatigué, fatigué, fatigué.

La pesanteur de l’air, la difficulté à se déplacer, la sensation du vide.

 

Mais aussi cette conviction que ce n’est qu’une mauvaise passe.

Déjà les palpitations d’une âme qui ne demande qu’à renaître.

Bientôt le sang qui se remet à circuler, le cœur de tambouriner, l’esprit de s’animer.

Les premiers fourmillements, le premier sourire, la première parole aimable qu’on s’adresse.

La tape dans le dos  qui réconforte.

Lève-toi et marche.

La tendre beauté d’un coucher de soleil.

La vie qui reprend ses droits et chasse l’intrus qui vous cadenassait le cœur.

Le sentiment de renaître, d’être à nouveau d’attaque, la certitude que tout va bien se passer désormais.

 

Et la rédaction de ce billet pour se souvenir qu’un jour dans sa vie on a été, fatigué, fatigué, fatigué….

 

 

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Y’en a marre des polars

 

J’aime à lire des polars.

Mon premier émoi littéraire se nommait James Hadley Chase.

Et je serai le premier à me précipiter chez mon libraire pour acheter le dernier Michael Connelly, Jo Nesbo ou Dennis Lehane.

Seulement, à cette occasion, je sais très exactement ce que j’achète.

A savoir un roman assez roublard dans le déroulé de son intrigue pour que le temps de sa lecture je me mette à croire pour de vrai à l’histoire dans laquelle je me retrouve plongé.

C’est la raison pour laquelle les polars qui se lisent d’une seule traite sont souvent les meilleurs.

Il faut, afin que l’on adhère pleinement à l’histoire racontée, que notre habilité à raisonner, à analyser, à juger soit comme confisquée, réduite à néant, tant il est vrai que bien souvent l’intrigue proposée, si on prend le temps de l’analyser, ne s’avère être qu’un tissu d’inepties abracadantesques.

Un tour de passe-passe rendu possible par l’endormissement de nos capacités réflexives.

 

J’aime donc les polars.

De temps en temps.

Avec parcimonie.

Mais je ne les prends pas pour ce qu’ils ne sont pas.

A savoir des romans éblouissants de maîtrise, écrits dans une langue d’une virtuosité folle, servis par un style ensorcelé, me donnant à connaître le fonctionnement des tréfonds de l’âme humaine.

Et c’est bien là tout le problème.

De plus en plus, en lisant la pléthore d’articles consacrés aux auteurs de romans policiers, par exemple toute cette ribambelle de rigolards venus du Grand Nord, déferlant à bord de leurs drakkars romanesques sur l’hexagone conquis, l’impression domine qu’on se retrouve face à des géants incontournables de la littérature.

A des génies absolus.

Se retrouvant bombardés fils putatifs de Dostoïevski et de Faulkner, au seul motif que Crime et Châtiment et Sanctuaire constitueraient la pierre angulaire du roman policier.

Oubliant seulement que la force de ces romans repose avant tout sur leur dimension métaphysique et sur la force vertigineuse se dégageant de ces pages enténébrées, au parfum de souffre.

Que c’est leur style, leur façon unique de transcender les mots, de les incarner à travers des phrases incandescentes, de sublimer la réalité en infligeant au vocabulaire un traitement de choc, de posséder cette capacité à réinventer au détour de chaque page un nouveau langage, une nouvelle manière d’agencer les mots entre eux, qui contribuent à que ces romans trônent tout en haut du panthéon de la littérature mondiale.

 

Les romans policiers ne sont pas écrits.

Ils sont malins, ils sont parfois audacieux dans leur architecture romanesque, ils proposent des rebondissements imprévisibles, ils nous surprennent et nous ravissent par le surgissement d’une vérité insoupçonnable, ils déclinent de savoureuses histoires qui nous étonnent par leurs conclusions inattendues.

Mais jamais ô grand jamais ils ne produisent cet étrange et troublant phénomène propre aux grands romans, cette perturbation de l’âme qui fait que la personne que l’on était avant de commencer l’ouvrage n’est plus vraiment la même une fois le roman achevé.

Qu’il a bouleversé en profondeur notre monde intérieur.

Que notre appréhension du réel a soudainement changé.

Que nous ne regardons plus jamais le monde alentour de la même manière.

Que nous avons changé.

Que nous avons avancé de quelques longueurs dans la compréhension de nous-même et des autres.

Autant de phénomènes que la lecture de romans policiers, aussi divertissante et plaisante soit-elle, ne permet pas.

 

Le roman policier divertit, il n’enrichit pas.

Il ressemble à ces amourettes d’été qui nous procurent un délicieux plaisir le temps qu’elles durent mais dont on sait qu’elles sont sans importance, que septembre arrivé, nous les aurons déjà oubliées.

Qu’elles ne comptent pas vraiment.

Nous les traversons sans être vraiment là, sans nous investir et sans qu’elles nous bouleversent fondamentalement.

 

Ceci posé, mon premier roman, Dade City, publié en 1996, est paraît-il, selon les dires de certains, un polar.

Rien de plus faux.

C’est juste un chef d’œuvre absolu !

 

 

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La presse féminine ou l’insulte faite aux femmes

 

Des amis qui viennent vous rendre visite et vous laissent comme témoignage de leur venue une pile de magazines achetés pour rendre le voyage en avion un peu moins pénible.

De ces magazines qu’on achète juste avant d’embarquer en espérant qu’ils parviendront à atténuer l’ennui d’un vol transatlantique et qu’on lit machinalement, le cerveau engourdi, dans l’espoir de grappiller quelques minutes à ces heures qui n’en finissent pas d’en finir.

Des revues automobiles pour monsieur, des magazines féminins pour madame.

Qui s’empresse de les refiler, un peu honteuse mais affectant un air enjoué, à sa bonne copine exilée au bout du monde et que son compagnon se dépêche de feuilleter afin de mieux comprendre le mystère de l’éternel féminin.

Et qui à la place découvre, ahuri mais amusé, étonné mais ravi, déconcerté mais jubilant tout de même, l’effroyable crétinerie de ces magasines réservés à la gent féminine.

 

Des micros-articles écrits dans une langue surjouée où des adjectifs hypertrophiés rivalisent d’outrance avec des verbes extatiques, le tout n’excédant pas quelques mots comme pour éviter l’asphyxie du cerveau des lectrices.

Des sujets ineptes, d’une vulgarité invraisemblable, où l’on s’interroge comment pratiquer la fellation sans abîmer sa dentition, comment savoir du premier coup d’œil ” si le mec rencontré sur la plage va assurer grave ou pas au pieu parce que les vacances c’est pas le moment de jouer à la pilote d’essai mais de rentabiliser au max ses jours de liberté.”

D’ailleurs du cul à un peu près toutes les lignes.

Des reportages bidon sur des destinations de rêves, improbables lagunes, atolls exotiques, îlots mirifiques, accompagnés de photos criardes et de légendes d’une mièvrerie consternante.

Des horoscopes pour savoir quel jour se lancer dans la grande aventure de la sodomie.

Des photos d’éphèbes, corps imberbe, pectoraux saillants, regard de velours à qui on attribue des notes pour jauger de son potentiel érotique en y mettant un bémol ” parce que mon coco, avec des mollets atrophiés comme ça, on a quand même du mal à croire que ton jeu de jambes puisse supporter des étreintes à répétition, donc plutôt à éviter ou alors seulement pour tirer un coup vite fait, entre les dunes, pendant que papa joue au château de sable avec la marmaille. ”

 

Des notes un peu partout d’ailleurs.

Des notes sur les jupettes de starlettes lors de leurs bals de promotion.

Des notes sur les robes d’actrices le jour de la présentation de leurs films.

Des notes sur les tatouages de vedettes de la télé réalité prises le jour de leurs remises de diplômes.

Des notes sur les livres, les films, les expos, les pièces de théâtre à voir ” parce que sinon on va encore passer pour la gourde de service lors du dîner chez le patron de son chéri, parce que Ryan Gosling est quand même vachement sexy, parce que c’est pas tous les jours qu’on peut lire un roman qui prend pas le temps de s’essouffler et vous instruit sans vous ennuyer.”

Des sujets de société d’une importance capitale.

Peut-on confier ses enfants à une baby-sitter quand elle est blonde, mince, et bien foutue sachant que monsieur devra la raccompagner chez elle et qu’une voiture, on le sait depuis Madame Bovary, c’est pas fait que pour rouler.

Avec un astérisque au-dessus de la Bovary pour rappeler que c’est Flaubert l’auteur de ce chef d’oeuvvvvvvvvvvvvvvre immortel.

 

Fumer un joint, ça craint ou pas ?

Belle Maman s’incruste pour les vacances : comment je fais pour la supporter ?

Des conseils en pagaille : comment bronzer du dos en restant face au soleil, comment se soulager dans l’océan sans se faire remarquer, comment réussir ses brochettes au barbecue en tongs et en bikini ?

On achève la lecture de Biba, de Cosmo, de Grazzia, de Glamour,  un peu embarrassé par ce déluge d’inepties déclinées à toutes les sauces.

On regarde sa partenaire sous un nouveau jour.

Se pourrait-il que je me sois trompé à ce point-là sur ses capacités mentales ?

Devrais-je vraiment confier l’éducation de mon chat à une écervellée pareille ?

D’un coup, on comprend mieux pourquoi elle a autant de mal à comprendre la subtilité du hors-jeu de position.

 

Et on conclut en se disant que les féministes au lieu de sortir les ongles à chaque fois qu’un mâle mal dégrossi se permet une plaisanterie douteuse, seraient plus inspirées de décréter un embargo total sur ces magazines qui les déshonorent en les rabaissant à tour de page.

 

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Les vieux nazis se cachent encore pour mourir

 

Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Le centre Simon Wiesenthal a lancé le deuxième volet de son opération “dernière chance” visant à présenter devant la justice les quelques derniers gardiens de camp et anciens membres des groupes de la mort qui continueraient à hanter les villes et les campagnes allemandes.

Ça commence fort à ressembler à de l’acharnement toute cette affaire.

On ne pourrait pas leur foutre la paix à tous ces papys mougeots teutons qui n’ont plus que quelques années voire que quelques semaines à roucouler dans leurs retraites bavaroises ?

On ne pourrait pas leur laisser vivre des jours tranquilles à ces pauvres vieillards dont au final le seul tort a consisté à être enrôlés à leur corps défendant dans l’épouvantable machine de destruction que fut le nazisme ?

Non, précisément, on ne peut pas.

On ne doit pas.

 

Ne serait-ce que parce que, par principe, les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles.

Il ne peut exister de repos pour celui qui dans les camps de concentration veillait au bon déroulement de l’extermination des vermines juives, tziganes et autres homosexuelles.

En conscience, il nous est interdit de nous attendrir sur le sort d’un vieil homme qui, au prétexte qu’il souffrirait d’un cancer de la prostate ou d’une forme avancée de dégénérescence mentale, mériterait qu’on le laisse s’éteindre en paix.

Les vieillards, aussi décharnés et squelettiques fussent-ils, qui se présentaient à la porte des chambres à gaz n’ont eu droit, il me semble, à aucun traitement de faveur.

On ne les a pas épargnés au motif qu’ils présentaient un âge avancé.

Pas plus qu’on a éprouvé le moindre remords a envoyer à la mort des millions d’enfants ou de nouveau-nés.

Les nazis ont rendu le mot de pitié ou de pardon caduc.

On ne peut pas pardonner l’impardonnable.

On ne peut pas.

 

Il n’y a pas de raison de s’émouvoir de ce qu’on aille traquer, là où il se trouve, maison de retraite ou villa balnéaire, un vieil homme, aussi décati soit-il, aussi malade peut-il être, aussi décharné et fatigué que se présente son corps.

Tous les déportés, tout ceux qui ont fini leurs vies dans des camps d’extermination ou de concentration, exigent de nous que, par-delà leur mort et sans relâche, nous continuions à poursuivre ceux qui ont œuvré à commettre l’innommable.

Il n’est même pas ici question de revanche.

Il n’est question que de justice.

Que de rendre des comptes.

Que de se présenter devant un jury et, à défaut de demander un pardon irrecevable, de tenter d’expliquer pourquoi s’être compromis dans l’abjection la plus échevelée.

Bien sûr, on pourra toujours se demander mais à quoi bon ?

A quoi cela rime-t-il d’aller pourchasser des hommes près de 70 ans après la perpétration leurs forfaits ?

Qu’il y a-t-il à attendre de vieillards incontinents qui n’ont peut-être plus leur tête pour expliquer leurs infâmes agissements ?

A tenter le diable en ce que les coupables d’hier puissent devenir les victimes d’aujourd’hui ?

C’est tout simplement qu’il ne doit jamais exister de repos pour les bourreaux.

Qu’il est de notre devoir à nous autres, juifs ou pas juifs, tziganes ou pas tziganes, homosexuels ou pas, de continuer à œuvrer à la chasse des criminels nazis afin d’honorer la mémoire des disparus.

Afin de leur dire, à travers les limbes flottantes de l’éternité, que nous avons tout tenté afin que leur mort ne reste pas impunie.

Il n’est jamais trop tard quand il s’agit de poursuivre jusqu’à leur dernier souffle ceux qui en toute conscience – qu’il fut un petit fonctionnaire zélé veillant à l’efficacité de la solution finale ou bien un tortionnaire démoniaque dépositaire de l’autorité dans un camp de concentration – ont, sans sourciller, œuvré à la plus funeste entreprise d’extermination de l’histoire de l’humanité.

Que ces criminels aient pu continuer à vivre pendant des décennies une vie des plus normales, entourés de l’affection des leurs, dans le confort tranquille de leur appartement, au milieu de leurs camarades, constitue déjà en soi une infamie.

Une honte que seul un passage par la case prison pourra atténuer.

Et quand bien même cette impossible recherche n’aboutirait pas, rien que de savoir que ces gens-là vont passer leurs dernières années à redouter la visite in extremis d’un officier de justice devrait suffire à apaiser notre saine et juste colère qu’ils aient pu échapper à une quelconque condamnation.

 

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