Foutez la paix à vos chats !

 

Avant l’apparition d’Internet, les chats menaient des vies paisibles.

Ils ronronnaient des jours heureux sur les genoux de leurs maîtres, ils s’offraient de royales siestes à l’ombre d’un canapé douillet, ils promenaient leurs nonchalances toute félines dans des jardins abandonnés à la recherche d’une souris égarée.

Sans le savoir, ils vivaient leur âge d’or.

Cette vie rêvée d’adorable petite boule à poil n’a plus cours.

Désormais pour satisfaire au besoin effréné de son propriétaire de se faire mousser sur le web à travers la diffusion de vidéos où ils jouent les premiers rôles, les voilà condamnés à endosser le costume du pitre de service.

 

On n’hésite plus à les affamer pendant des jours juste pour avoir le plaisir de les filmer en train de convoiter, les yeux exorbités d’envie, une boîte de thon cadenassée à triple tour, on n’hésite pas à les balancer dans sa baignoire histoire de les voir se débattre dans l’eau tourbillonnante, on les oblige à dormir dans des berceaux, on les contraint à s’accrocher à des lustres afin de mieux les voir se ratatiner sur la table basse du salon.

Le chat est devenu un parc d’attraction à lui tout seul.

Pas un jour ne passe sans que ne déboule dans notre boîte mail une tripotée de vidéos tordantes, hilarantes, ébouriffantes, trop drôle, trop top, trop trop trop, mettant en scène un pauvre chat dont on se paye allégrement la tête à travers des clips au goût bien souvent douteux.

Certes le chat est un poète comique et cosmique.

Il n’a pas son pareil pour déclencher le rire par son attitude perpétuellement joueuse, par sa propension à piquer des sprints soudains et furieux à travers l’appartement, à feindre de pourchasser des oisillons qui n’existent que dans son imaginaire exalté, à adopter des mimiques irrésistibles de drôlerie.

Peut-être le fait-il même exprès.

Peut-être a-t-il compris que les humains sont des grands géants angoissés qui ont besoin de rire pour ne pas mourir de chagrin.

Peut-être que Dieu dans sa grande bonté a créé le chat pour se rattraper d’avoir commis l’impair de donner à l’homme la conscience d’exister, et partant, la découverte de son insignifiance et de sa finitude.

Ou peut-être pas.

Alors oui je l’avoue bien volontiers mon chat me procure des moments de félicité comique mais jamais il ne me viendrait à l’idée de le filmer pour ensuite balancer sur une quelconque plateforme le récit de ses irrésistibles clowneries.

Ceci doit rester entre lui et moi.

C’est une affaire de confiance mutuelle.

Un pacte qu’on a tissé au fil des années.

Je veux bien jouer à l’andouille pour te distraire mais que ce carnaval que je t’offre reste entre nous.

D’autant plus que je soupçonne fort les auteurs de ces vidéos de passer leurs journées à emmerder leurs chats afin qu’ils finissent par répondre à leurs attentes en allant chercher des noises à une poupée gonflable qu’ils confondent avec un arbre à chat.

A les piéger en tendant des chausse-trappes invisibles sur des balcons branlants.

 

Que ces couillons restent là à les houspiller, à les titiller, à les provoquer dans le seul but de fanfaronner sur le net et de prouver au monde entier combien ils méritent d’être aimés, complimentés, encouragés.

Je les crois même capables de s’acheter les services d’un pauvre matou au seul motif de se faire mousser sur la toile et d’être tout à fait à même, une fois le but atteint, de ne plus s’en occuper et de se détourner d’eux comme de sales moutards capricieux.

Un jour les chats vont finir par se lasser.

Ils deviendront sérieux comme des bergers allemands et obéissants comme des dogues danois.

Et nous resterons là les bras ballants cherchant sans le trouver un moyen de nous divertir.

 

Post dédié à Vinnie Jonnes, un commentateur régulier et toujours très éloquent de ce blog qui a eu la très mauvaise idée de casser sa pipe sans nous demander notre autorisation.

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Doucement sur le Pastis, une pancréatite est vite arrivée

 

Il y a cinq ans jour pour jour je déboulais aux urgences d’un hôpital de province, le ventre vrillé de douleur, les yeux exorbités d’incompréhension, l’esprit en totale déroute cherchant désespérément une raison à ce soudain et abrupt dérèglement.

Après quelques examens de routine, et alors que je me cramponnais à un lit de fortune flanqué dans un des couloirs de l’établissement hospitalier, barbotant dans une mer de confusion, un toubib se pencha vers mon visage et me posa la fatidique question ” Est-ce que vous buvez Monsieur Sagalovitsch ? ”

Stupeur et tremblements.

Tremblements et convulsion d’indignation.

C’est par où la sortie, j’ai oublié d’éteindre le gaz.

Un petit peu bafouillais-je à l’intention de Monsieur le Proviseur déguisé pour l’occasion en un mandarin en blouse blanche.

Vous nous faites une pancréatite aiguë

De quoi ?

Une pancréatite. Une inflammation du pancréas.

De qui ? De quoi ?

On va vous hospitaliser.

De qui ? De quoi ? Hein ? Pancréquoi ? Pancréqui ?

 

C’est ainsi que je commençais un séjour long de trois semaines où j’eus tout le temps d’appréhender les charmes ineffables et les délices insoupçonnés d’un hôpital, sa cadence toute militaire, ses absurdités cacophoniques, ce maelström d’infirmiers, de médecins, d’internes qu’on a vite fait de catégoriser comme gentil, sadique, incompétent.

Buvais-je tant que cela ?

Oui et non.

Oui, trop influencé par Fitzgerald, Lowry et Faulkner, je trouvais un charme tout littéraire à m’accoquiner avec une bouteille de bourbon.

Oui j’aimais l’amertume ensorcelée d’une pinte de Guinness.

Non, je ne résistais pas à l’appel d’une bouteille de Chablis bien frappée.

Mais.

Non, je n’avais jamais été vraiment ivre.

Non, je ne m’étais jamais réveillé dans une chambre d’hôtel en me demandant qui j’étais, où me trouvais-je la veille, avec qui j’avais pu fricoter ?

Non, je ne planquais pas des flasques de Label 5 dans la couscoussière familiale.

Et jusqu’à ce jour j’ignorais totalement ce qu’était un pancréas, à quoi il pouvait bien servir, quel était son rôle dans la fabuleuse ordonnance régissant le corps humain.

On décréta que je devais être mis à la diète complète, seul moyen pour que mon pancréas en berne se régénère.

C’était la fin juillet.

 

Il faisait une chaleur à crever, mon lit gisait tout à côté d’une fenêtre qu’on ne pouvait ouvrir, une malheureuse s’étant défenestrée la semaine précédente, la climatisation n’était pas comprise dans le forfait hospitalier, les murs suintaient de sueur, le plafond brûlait, et je crevais littéralement de soif.

Tous les matins j’envoyais ma compagne piller les rayons de Carrefour afin de me ravitailler en atomiseurs d’eau minérale que je martyrisais afin qu’ils crachotent ses myriades de gouttes d’eau que je lapais comme un lépreux.

Surtout je souffrais comme un damné.

Je découvris la douleur, la vraie, la magnifique, l’atroce douleur, cette chose indicible, imprécise et mystérieuse qui me ramenait à l’état de bête, feulant des sanglots afin qu’on vienne la secourir ou même l’abattre si nécessaire.

A chaque fois que l’infirmière me demandait sur une échelle de 1 à 10, à combien vous évaluez votre douleur, je hurlais un 10, un 100, un 1000, implorant sa grâce pour qu’elle daigne me ravitailler en morphine, mais c’était trop tôt, essayez de dormir plutôt, je repasserai plus tard me répondait cette Mengele d’opérette.

Agonisant, je marmonnais, j’invectivais, je délirais, vous ne connaissez pas la loi Kouchner contre la douleur, mon frère est avocat, je suis écrivain, j’ai mal, bon sang, vous ne voyez pas que je souffre le martyr.

Mais non elle ne voyait rien.

Je n’étais qu’un malade parmi d’autre.

 

Je finis par guérir.

Le corps médical me délivra un bon de sortie en me prévenant que toute consommation d’alcool, ne serait-ce qu’un verre de bière, me vaudrait de gagner un nouveau séjour parmi eux.

Depuis ce jour, je n’ai plus jamais touché une goutte d’alcool.

Quand bien même le voudrais-je que mon corps se souvenant de la douleur vécue interdirait à mon esprit d’obtempérer à mon injonction.

L’alcool ne me manque pas.

L’hôpital non plus.

L’infirmière encore moins.

Je ne sais pas si je buvais trop ou pas.

Après bien des recherches, je découvris que la pancréatite est une maladie inconstante, une maladie mélancolique qui choisit ses victimes avec le même arbitraire qu’un chef de chantier choisit ses ouvriers pour ses travaux journaliers.

Toi, toi, toi, toi, et toi.

Ce jour-là, ce fut moi.

 

 

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Un bébé royal, ça gonfle énormément

 

A l’heure où, les yeux mouillés, la main tremblante, la queue raide, j’écris ces lignes, on ne sait toujours pas comment va s’appeler le moutard de cette pipe de William.

Aux dernières nouvelles, les parents hésiteraient encore entre James, Phillip, Georges, Mordecai, Simon voire Jacob.

Rectificatif : un messager en forme de pigeon voyageur vient de me délivrer au haut de mon donjon la faramineuse annonce : le chérubin se nommera Georges, Alexander, Louis.

On respire mieux.

 

Ainsi donc après une insupportable attente, c’est lundi que la princesse a enfin daigné écarteler ses cuisses royales et vomir de ses entrailles princières une espèce de tire-bouchon tout fripé qui deviendra un jour ou l’autre le futur roi d’Angleterre.

Si tout se passe bien.

Le taux de mortalité infantile en Grande Bretagne s’élevant tout de même à 4,56 bébés sur 1000 naissances, le risque d’une mort prématurée et ô combien regrettable n’est pas à écarter.

Non pas que l’on puisse le souhaiter.

Il serait tout de même fort franchement bêta que cette allégresse orgasmique que nous avons tous ressenti à l’annonce de l’éclosion du monarque en couche-culotte se finisse par une session de suicide collectif, incapables que nous serions de supporter cette disparition bien trop précoce.

Cependant, restons vigilants, un accident est si vite arrivé.

Un carambolage de carrosse dans les travées de Buckingham, un décrochage de lustre dans la nurserie royale, une étourderie du prince Harry confondant son neveu avec une balle de cricket, une baffe trop appuyée de Charles après que son petit-fils se fut entiché de trop près de ses oreilles décollées et patatras, c’est toute la royauté et nous avec qui devons ressortir en toute urgence nos vêtements de crêpes.

Mais ne nous réjouissons pas trop vite.

Pour l’instant, le trouffion se porte comme un charme.

 

Pour s’assurer de sa bonne constitution et de sa dévotion indéfectible à la couronne, on l’astreint deux fois par jour à une session de succion des mamelles de la reine mère en personne qui imperturbable, toujours affublée d’un chapeau en plumes de faisan ramené d’une chasse à courre disputée dans la forêt de Nottingham, se laisse triturer les nichons tout en sirotant son verre de cherry devant une rediffusion de Benny Hill.

Tandis que pendant tout ce temps le Prince Charles tire une tronche pas possible.

Il crève de jalousie en pensant que cet espèce de tortillard braillard accèdera un jour au trône tant convoité alors que lui, vu la forme pétaradante de sa mère décidément vraiment immortelle, devra se contenter d’un ridicule strapontin dans l’histoire merveilleuse de la famille royale britannique.

Il n’y a pas de destin plus cruel : avoir attendu toute sa vie que la mort décapite sa mère, une attente vaine supplantée désormais par l’exigence impérieuse de se réveiller au milieu de la nuit pour s’en aller chanter une berceuse à son crétin de petit-fils qui prend un malin plaisir à confondre les oreilles de son pépé avec les tétons laiteux de son arrière-mémé.

 

Tandis que le prince Harry, vert de rage que son frère ait pu comprendre avant lui l’art et la finalité de la fornication vaginale, répète avec son tuteur les principes de la reproduction chez les bipèdes, en visionnant en boucle la sex-tape inédite d’Adolf et d’Eva, cadeau de Winston Churchill à la famille royale.

 

En 1986, les Smiths sortaient l’album le plus parfait de toute la pop britannique sous le titre, The Queen is Dead.

Force est de reconnaître que sur ce coup-là, au regard des évènements récents, Morrissey aurait mieux fait de fermer sa grande gueule de rosbif à la noix.

 

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Le Vél d’Hiv, l’éternelle repentance

 

Hier se tenait la cérémonie de la commémoration de la rafle du Vel d’hiv.

Histoire de se souvenir qu’il y a 71 ans, de son propre chef, la police française, sûre de son fait et de son bon droit, envoyait à une mort presque certaine plus de 13 000 juifs.

Des femmes, des enfants, des vieillards dont le seul tort était d’exister.

Ce fut, faut-il encore le rappeler, un meurtre métaphysique.

Un meurtre de masse.

Aujourd’hui j’entends un peu partout qu’il suffit de se repentir, qu’il faut savoir tourner la page, qu’on ne va pas passer sa vie à s’excuser pour des faits qui remontent maintenant à plus de 70 ans.

Comme si l’histoire était écrite à l’encre sympathique qu’un simple coup de chiffon suffirait à effacer des tablettes.

 

Et j’entends aussi la même sempiternelle rengaine que, n’étaient-ce des juifs qui furent ainsi déportés, tout le monde s’en moquerait éperdument.

Sous-entendant- putride pensée- que ce sont les juifs eux-mêmes qui par leurs jeux influences, leurs relais médiatiques et leurs manifestations de puissances invisibles œuvrent encore à l’auto-célébration de leur massacre.

Après tout, lis-je dans les commentaires relatifs à cette commémoration, n’est-ce pas le sort de toutes les nations d’avoir trébuché un jour ou l’autre dans le ravin de l’histoire ?

N’est-ce pas consubstantiel à l’idée même de nation ?

Existe-t-il de par le monde une nation qui à un moment ou à un autre de son histoire n’a pas eu, elle aussi, une conduite inappropriée vis-à-vis d’une de ces minorités qu’elle a allégrement massacrée ?

Précisément, non.

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, on a exterminé un peuple, non pas parce qu’il représentait une quelconque menace, non pas parce qu’il occupait une terre qu’on revendiquait pour étendre son domaine d’influence, non pas pour s’emparer de ses richesses supposées, mais juste pour se débarrasser d’eux.

Parce qu’on considérait que de par leur seul présence ils souillaient l’âme d’une nation qu’elle fut allemande ou française.

La seule faute des juifs était d’exister.

On a exterminé les Indiens pour s’emparer de leurs terres, on est parti en croisade pour convertir des peuplades éloignées, on a assassiné des Indigènes parce qu’ils représentaient un obstacle à la colonisation, on a massacré des minorités parce qu’elles refusaient de se plier à l’ordre nouveau ou pour spolier leurs biens.

 

Mais jamais, jusqu’à la solution finale, on ne s’était pris à un peuple dont le seul forfait consistait à souiller la terre de leur présence.

Des gens qui ne demandaient rien, ne revendiquaient rien, n’exigeaient rien si ce n’est d’appartenir à une nation où ils vivaient bien souvent depuis des générations.

Pour laquelle ils s’étaient battus.

Pour laquelle ils avaient été décorés.

Alors oui, aussi exaspérant soit jugé ce rébarbatif devoir de mémoire, aussi dérangeant soit cet exercice de se replonger chaque année dans les ténèbres de l’histoire collective, il faudra jusqu’à la nuit des temps, répéter à travers les siècles que s’est tenue en ces lieux et en d’autres encore, la plus effroyable des tragédies qui a déshonoré à tout jamais le genre humain.

Que ce 16 juillet 1942, ce n’est pas 13152 juifs dont 4115 enfants qu’on a envoyés à la mort.

C’est l’Homme lui-même.

 

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La chaleur, ça rend con

 

C’est une vérité universelle.

La chaleur est l’ennemie de l’intelligence.

Plus les températures cavalent sur le thermomètre et affolent le mercure, plus le cerveau se ramollit, s’atrophie, sombre dans une léthargie profonde avant de baisser pavillon et de s’offrir un remake du désert des tartares.

Les pensées, sous l’effet de la chaleur, peinent à comprendre les contrepèteries involontaires formulées par Franck Ribery, elles flottent dans une mer d’immobilisme, étales, vides, exsangues, ne sortant de leur torpeur que pour s’extasier devant la beauté magnifiée d’un océan de glaçons barbotant dans un verre de Vittel.

 

Les paupières se font lourdes, le sang a du mal à assurer la liaison cœur-cerveau, les yeux papillonnent de fatigue, la bouche s’assèche, le palais n’a plus goût à rien et le corps tout entier se meut comme un éléphant de mer échoué sur une plage de sable.

Il fait chaud, on se fiance avec son ventilateur, on joue à l’éventail avec le dernier roman de Sagalovitsch auquel on trouve soudain un intérêt qui auparavant ne sautait pas aux yeux, on se surprend à congeler ses draps pour s’assurer des nuits paisibles, on s’amourache de son congélateur et on trouve un charme fou à l’abstinence sexuelle.

L’été venu, l’homme renonce à se différencier de l’animal.

Il n’obéit plus qu’à des instincts primaires : dormir, manger, boire, se plaindre, maugréer, se vautrer sur le canapé, s’assoupir, mater d’un œil torve un écran de télévision ruisselant de rediffusions rances, bouffer des olives à la louche, consulter la météo et se dire “putain, ils avaient raison ces cons, le climat se réchauffe vraiment.”

Les peuplades du sud sont sûrement les plus ineptes de la planète.

Ce n’est quand même pas pour rien qu’on glorifie à tour de bras le modèle suédois ou danois alors qu’on morigène à tire larigot sur ces branleurs de grecs qui passent leurs journées à boire de l’ouzo en s’empiffrant de tarama ou sur ces espagnols mollassons tout juste bons à s’enfiler des gardiannes de taureau une fois dix heures du soir passées.

Tandis que le froid, lui, ragaillardit, sonne la révolte de la pensée, oblige l’homme à ruser avec les rigueurs de l’hiver afin de ne pas dépérir, sollicite l’intelligence en lui intimant de trouver des solutions pour que la vie ne reste pas figée dans les étendues glacées d’un lac saisi par un vent polaire.

Le froid rétablit l’homme dans toute sa grandeur immémoriale.

Le froid rend hommage au pouvoir créateur et rédempteur de l’homme, à sa capacité à se surpasser, à son appétence pour la lutte et la survie dans un monde hostile, là où la chaleur consacre la propension de l’homme à se comporter comme un mollusque, à se laisser aller à mener une vie oisive, paresseuse, inutile.

 

Ce qui expliquerait la sottise sans nom de ce billet rédigé par 28 degrés dans la moiteur d’un bureau confiné.

 

 

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Francois Hollande ou les sortilèges du voyant

 

François Hollande est un voyant.

On se souvient de la fameuse formule de Rimbaud explicitant à son professeur, Georges Izambard, son intention de devenir voyant: ” Il s’agit d’arriver à l’inconnu par le dérèglement de tous les sens “.

François Hollande, lui, a dépassé l’inconnu depuis belle lurette.

Il a débarqué en Terra Incognito.

Là où personne ne s’était encore aventuré.

De son voyage dans le futur, il est revenu avec quelques fulgurances qu’il distille avec un art consommé de la prophétie : la reprise arrive, le chômage va reculer, les lendemains seront souriants.

 

Pourtant l’économiste, juché sur ses échasses, a beau scruter les paysages alentours, sortir son télescope, consulter sa boule de cristal, dépecer des vaches sacrées, galoper en haut de l’Everest, il ne voit rien venir.

La mer est étale, le pays désespérément plat, les rivières à sec.

Peu importe : François Hollande signe et persiste. Ça va aller.

Cela ressemble à la tactique bien connue du cancre de service qui pour s’offrir quelques mois de tranquillité, rassure ses parents affligés par la lecture d’un bulletin épouvantable, en leur affirmant que “de toutes les façons, il ne sert à rien de s’affoler, à la fin de l’année, je passerai dans la classe supérieure les doigts dans le nez.

Suffit de me faire confiance et de me laisser travailler à mon rythme. ”

De lui foutre une paix royale.

Si bien que les parents, ahuris par l’aplomb du gamin, déconcertés par ses dires, déstabilisés par cette vantardise assumée, finissent par la lui accorder.

Et quand arrive l’annonce inéluctable du redoublement, il est trop tard pour réagir ou pour sévir.

 

Pourtant François Hollande n’a rien d’un cancre.

Au contraire, il respire l’excellence du lycéen croulant sous les félicitations émises lors de conseils de classe successifs où ses professeurs rivalisent de louanges, vantant en chœur son application, sa capacité de travail et son excellence à briller dans toutes les matières.

Non François Hollande est seulement un être habité.

A l’écouter asséner ses perspectives d’un avenir radieux, on jurerait qu’il revient effectivement d’un voyage dans le futur, d’un long périple dans l’avenir où il aura pu consulter à son aise la Une effarée du Figaro datée du 25 décembre 2013 annonçant le miracle de l’effondrement de la courbe du chômage et la reprise foudroyante de l’activité économique.

D’où son embarras lorsqu’on lui demande ce qui lui permet d’être si catégorique dans ses affirmations futuristes.

Il ne peut quand même pas confier à l’oreille de la nation qu’il a eu la chance de s’embarquer dans une croisière au long cours avec Madame Soleil comme copilote et Raël comme chef d’équipage.

D’ailleurs, on ne le croirait pas et on l’embastillerait sur le champ.

C’est le problème des voyages dans le temps.

On reste prisonnier de ses connaissances qu’on ne peut partager avec personne.

 

Si seulement on le poussait dans ses retranchements, il serait tout à fait capable de nous délivrer quelques autres vérités toutes aussi déconcertantes : Saint-Etienne sera champion de France en 2014, Yves Calvi deviendra mon prochain premier ministre, Oiseau Bariolé gagnera dans la quatrième à Longchamp le troisième dimanche de mars, le 23 avril à 14h23 Christine Boutin épousera sa sœur, l’été sera beau, DSK fera vœu de chasteté, Saddam Hussein est vivant, Bacher el-Assad se convertira au judaïsme, les Smiths se reformeront lors d’un concert géant donné à Clermont-Ferrand.

Le voyant est toujours seul contre tous.

Il vit dans une atroce solitude, il se surveille constamment afin de ne pas révéler l’origine de ses visions, il enrage de vivre au milieu d’ignorants alors que lui a accès à des mondes supérieurs où il assiste au triomphe de la Vérité Magnifiée.

Les autres le regardent agir avec une circonspection polie mêlée d’une sorte de frayeur métaphysique.

On se dit cet homme est fou de croire à de telles chimères ou alors il entretient des relations conflictuelles avec le principe de réalité ou encore il se paye notre tête, et dans le même temps, une voix en nous ne peut s’empêcher de nous susurrer ” et si après tout il avait raison ?”.

 

C’est le syndrome de Don Quichotte.

On ne sait jamais si c’est un sage ou un fou.

En attendant de le savoir,  François Hollande peut dormir sur ses deux oreilles.

On ne dérange jamais un homme qui rêve.

 

 

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Depuis que je suis né, le monde est en crise

 

Un an à peine après mon auguste naissance, la France célébrait déjà mon premier anniversaire en se balançant des parpaings à la figure, Cohn-Bendit commençait à emmerder tout son monde, et le Général confiait à Tata Yvonne, dépité, que la France partait en couilles.

Cinq ans plus tard, les pays arabes, toujours pas remis de leur mémorable raclée enregistrée lors de la guerre des six jours, s’essayaient à une nouvelle expédition en terre promise ; encore ratée.

Suite à cette déconvenue, les prix de l’or noir flambaient, les trente glorieuses tiraient définitivement leur révérence, la France commençait à tirer la langue, les chômeurs déboulaient dans les agences pour l’emploi ; c’était le début de la crise.

Elle ne devait être que passagère, elle n’a jamais cessé.

 

J’ai parfois l’impression que ce vocable de  ”crise” a bercé toute mon adolescence et depuis n’a jamais cessé de murmurer son lancinant refrain à mes oreilles fatiguées.

C’est la crise mon petit.

C’est la crise jeune homme.

C’est la crise mon vieux.

Afin de l’éviter, on (la société, mes parents, le président de la république) m’à forcé à passer un bac C (heureusement raté) au prétexte que c’était le seul moyen de ne pas mourir de faim demain.

Le malheureux qui choisissait une voie autre était considéré soit comme un branleur de littéraire de mes deux aux tendances vaguement psychopathes, soit un kamikaze enragé condamné à errer dans les travées de l’ANPE et le plus souvent un peu des deux.

Sur quoi, histoire d’égayer le tableau et d’éviter à la morosité de s’installer, le SIDA a joyeusement déboulé, mettant fin au mythe de la libération sexuelle, et du jour au lendemain, c’est devenu l’enfer sur terre.

On ne pouvait même plus baiser pour oublier qu’on allait tous rater nos vies et finir dans le ravin.

Les années passant, tout est allé de mal à pis.

La gauche a succédé à la droite, la droite à la gauche, on a même mélangé les deux juste pour voir mais sans effet : la crise perdurait.

Puis, du haut de ses montagnes, Ben Laden a commencé à s’ennuyer et s’est amusé à jouer au jokari avec les tours jumelles.

 

L’Amérique n’a pas apprécié la plaisanterie et a convoqué le fantôme de Lawrence d’Arabie pour s’en aller inspecter les sables irakiens puis les collines afghanes.

Le monde n’a pas aimé. La crise a adoré.

En 2008, on s’est aperçu qu’on avait vendu des maisons à des gens pauvres comme Job et les banques ont commencé à claquer des dents avant de passer sous la guillotine, décapitant le peu d’espoir qui nous restait.

La grande crise du capitalisme, a-t-on dit, à qui on allait une bonne fois pour toutes régler son compte, afin que les générations futures puissent continuer à prospérer au lieu de nous maudire pour les avoir contraint à chasser le bison dans le but de remplir le ventre de leurs enfants crevant de faim.

A l’heure d’aujourd’hui, nous sommes toujours en crise.

Aux dernières nouvelles, le chômage se porte comme un charme, les usines agonisent, le niveau des océans augmente, la planète se réchauffe, on caille de chaleur, le pouvoir d’achat est encalminé dans la bande d’arrêt d’urgence de la récession, la croissance décroît, l’horizon s’assombrit, la fin se rapproche.

 

Pourtant nous sommes toujours vivants et plutôt bien portants.

Pour la plupart d’entre nous, vivant dans le monde occidental, nous mangeons à notre faim.

Nous ne nous levons pas tous les matins en craignant de trouver dans notre boîte aux lettres une convocation pour rejoindre notre corps d’armes afin de participer à une nouvelle Grande Guerre à l’ouest de l’Oural.

Nos lits sont douillets, nos écrans de télévision, plats, nos téléphones, portables, nos cuisines, équipées, nos tables, basses, nos enfants, obèses, nos vacances, nombreuses.

Nos radiateurs ronronnent en hiver, nous sommes libres d’aller où bon nous semble, nous pouvons même exprimer à voix haute notre mécontentement d’être gouvernés par des incapables et, de temps à autre, on nous demande même de choisir ceux qui présideront à notre destinée.

Et pourtant, nous sommes bel et bien en crise puisque tout le monde nous assène que nous le sommes.

J’ignore si le paradis a jamais existé sur cette terre mais l’idée que les hommes s’en faisaient à l’origine de l’humanité devait ressembler à ce que nous vivons depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

 

Pourvu seulement que cette crise perdure à tout jamais…

 

 

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Lloyd Cole ou la grâce du perdant magnifique

 

Il était programmé pour être le nouveau Dylan.

Quand il débarque en 84, affublé de ses Commotions, Lloyd Cole, chemise rouge, visage poupin, références littéraires en bandoulière, voix étranglée et roucoulante, allure d’étudiant attardé dans le rayon de la littérature anglaise section poésie élisabéthaine, allume des feux de forêts qui débroussaillent la scène musicale anglaise.

Moins grande gueule que Morrissey, le ténor affrété des Smiths, plus introverti, bardé de culture livresque et musicale, il réconcilie la littérature et le rock avec son premier album qui possède d’emblée cette autorité tranquille des disques destinés à survivre à leur époque.

Un classique.

Trois décennies plus tard, Lloyd Cole est toujours là. Nous aussi.

Les cheveux ont viré au gris, les traits se sont épaissis, le regard apparaît comme encore un peu plus fatigué et las mais ses disques égrenés au fil des années comme autant de rappels à continuer sa vie de chanteur inclassable ont toujours aussi belle allure.

Son dernier s’intitule Standards.

Comme son précédent, le magistral et impeccable Broken Record, il passera certainement inaperçu.

Pas très grave.

Il y a déjà longtemps que Lloyd Cole a quitté le grand cirque de l’industrie musicale où la recherche du profit immédiat l’emporte sur toute autre considération.

Lloyd Cole a toujours eu trop de talent pour séduire l’ahuri de service qui s’enivre de disques aussi parfaitement insignifiants que les romans de n’importe quel tâcheron
d’écrivain coupable de composer des récits capables de ravir un lecteur convaincu que c’est Cioran en personne qui a écrit le Coran.

Ou que Moby Dick est une marque de barre chocolatée et Rimbaud un punk avant l’heure.

Au détour des années 90, sentant que l’inspiration se tarissait, Lloyd Cole a quitté la vieille Europe pour s’installer dans son Amérique rêvée qui hantait ses lectures adolescentes.

Celle de Norman Mailer, de Joan Didion, de Flannery O’Connor.

Du Velvet et de Dylan.

De Jarmusch et de Kazan.

Il n’en est jamais revenu, arpentant sans cesse cette Amérique revisitée, avec ses highways qui se perdent dans l’écheveau de nuits couleur de cendre, ses motels de fortune abritant des voyageurs de passage au cœur brûlé, ses paysages infinis où se reflètent les sanglots d’âmes cherchant à comprendre la raison de ces chagrins d’amour qui ne passent pas.

Et s’arrêtant ici et là pour tâter, comme tout bon écossais qui se respecte, d’un green de golf, sport où il excelle ( handicap +5).

Dans son dernier disque, Lloyd a embauché son fiston Will et quelques autres acolytes pour l’aider à composer des chansons parfois furieuses parfois paisibles toujours élégantes où affleurent la lassitude et la résignation de vivre une époque qui ne ressemble plus à grand-chose.

Les mélodies glapissent des ritournelles d’amour toujours aussi compliqué à appréhender, les guitares tissent des refrains serrés où Lloyd s’interroge, mi-inquiet mi-ironique, sur la modernité de ce monde qui semble se chercher encore une bonne raison pour continuer à exister.

 

Et puis parfois Lloyd Cole ne résiste pas à la tentation: il se reprend pour Elvis et d’une voix rêveuse et languide envisage encore et toujours la rédemption par l’amour, la grande affaire de Lloyd Cole depuis ses débuts.

Le tout finissant de former une mosaïque parfaite de onze chansons tenant une nouvelle fois parfaitement la route alternant des ritournelles suaves et des couplets éruptifs.

Largement de quoi passer l’été.

A l’ombre d’une piscine désolée, dans un coin paumé de la Nouvelle-Angleterre, loin de la civilisation, occupé à revisiter les œuvres complètes de Nathanael West tout en sirotant un bourbon épais comme une mer d’amertume.

 

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Pourquoi j’enverrais bien un chèque à l’UMP

 

Sur le fond il n’y a rien à redire ou à médire.

La loi est la loi.

Sarkozy a glouglouté plus d’argent qu’il ne devait, Sarkozy a dépensé plus d’oseille que sa tirelire pouvait contenir, Sarkozy devait être puni.

Imparable logique.

Eût-il dépassé ses frais de campagne de quelques dizaines d’euros que la sanction eût été la même.

On ne transige pas avec la Loi.

Sinon, c’est la porte ouverte aux arrangements douteux, aux combinaisons suspectes, aux complicités équivoques.

 

Il n’empêche.

Il serait aussi bon parfois que nos juristes les plus éminents adoptent des attitudes un tantinet plus souples afin de ne pas porter un coup fatal à la démocratie qui faut-il le rappeler demeure un idéal nécessitant chaque jour d’être défendu et renforcé.

La sanction du conseil constitutionnel aussi rigoureusement légitime soit-elle porte en elle la marque de fabrique de ces mesures a priori salutaires qui lorsque les brigades nationales défileront triomphantes et arrogantes sur les Champs-Élysées, seront peut-être considérées a posteriori par les générations futures comme ayant contribué à rendre l’impossible possible.

L’histoire est un rétroviseur implacable qui sans cesse nous renvoie des messages d’alerte nous prévenant à intervalles de plus en plus réguliers que le danger se rapproche, que si nous ne changeons pas notre façon de conduire, de nous conduire, si nous ne réagissons pas là, maintenant, de suite, nous connaîtrons la même sortie de route que nos prédécesseurs.

Il faudrait parfois, surtout au moment où la société trouve de plus en plus de charme à un parti aux idées fleurant bon les pesticides entêtants du nationalisme, être capable de se dérober à l’intransigeance martiale de la Loi et tenter de l’attendrir afin d’empêcher le pire d’advenir.

 

Je n’ai aucune sympathie pour l’UMP.

J’éprouve autant de tendresse pour Jean François Copé que pour Jean-Michel Aulas.

Pour que mon chat cesse de m’emmerder dès potron-minet avec ses miaulements intempestifs je lui montre la photo de Claude Guéant ce qui a le don de le calmer sur le champ.

Et même si je reconnais à Sarkozy une vraie truculence intellectuelle, même si j’apprécie sa vivacité d’esprit, son allant, son énergie, j’ai toujours eu comme habitude, les jours d’élection, de froisser son bulletin de vote et de l’envoyer valdinguer dans la poubelle la plus proche après m’être acquitté de mon devoir électoral.

Et pourtant.

Je pense sincèrement que nous ne pouvons nous réjouir de voir l’UMP se transformer en une succursale d’Emmaüs.

Que pour que la démocratie ne finisse pas par flancher sous les coups de boutoir du populisme véreux, il lui faut comme piliers des partis forts, articulés, responsables, capables de canaliser l’aigreur désespérée d’un peuple qui jour après jour croit assister au délitement de ses élites.

 

Tout ce qui affaiblit les forces démocratiques renforce implacablement le pouvoir des extrêmes.

Les Sages du conseil constitutionnel, en appliquant férocement la Loi, n’ont pas failli à leur mission.

Ils ont juste manqué d’une virgule de discernement, d’un soupçon d’inflexion dogmatique, d’une pincée d’audace visionnaire qui permet parfois d’éviter le grand carambolage de l’histoire.

Ceci assené, je suis interdit bancaire.

Croyez qu’ils acceptent des virements d’un euro symbolique via Western Union à L’UMP ?

 

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Le tatouage ou l’apogée de la branlette mystique

 

C’est sûrement la saison qui veut cela.

L’attroupement soudain de bovins d’estivants sur les plages ensablées se tartinant le cul chevelu pour mieux se cuivrer la peau, conjugué à la stupéfiante redécouverte de ces corps passés et trépassés sous le moulinet d’un maître tatoueur.

Évidemment, chacun est libre de disposer de son corps à son aise.

Moi-même, je cultive jalousement ma calvitie galopante, que je prends tout de même soin de camoufler sous une casquette du plus bel aloi quand l’été survient, histoire de ne pas effrayer les enfants.

Mais que dire de tous ces hurluberlus tellement amourachés de leurs propres personnes qu’ils finissent par considérer leur corps comme une réplique d’un tapis persan et s’en vont tout guillerets se faire peinturlurer la peau de figures biscornues, de hiéroglyphes bizarroïdes, de tortellinis bigarrés dégringolant sur leurs épaules dénudées ou colonisant leurs cous charpentés.

Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez ces gens-là ?

Je comprends tout à fait la coquetterie de se laisser dessiner au bas des reins une pirouette de virgule dessinant une jolie et discrète arabesque s’incrustant dans les replis d’un fessier qui s’annonce.

J’éprouve aussi une sincère compassion pour les amoureux déchiquetés qui un soir d’ivresse, par défi ou par dépit, se sont laissé convaincre de se faire graver le nom de sa dulcinée bientôt oubliée, le prénom de son chéri d’été ou le surnom de son maître-nageur préféré.

Non ce qui m’effare et me rend quelque peu désillusionné sur l’avenir de la race humaine et sur l’intérêt tout relatif de sa survie, c’est cette capacité à décliner sur son corps toutes les variations de l’avarie humaine.

 

Cette cacophonie outrancière de symboles kabbalistiques s’entrechoquant avec des scribouillis issus de la métaphysique indienne rivalisant avec des standards de la philosophie hindoue côtoyant des symboles équivoques de l’art précolombien le tout dominé par des hiboux s’entretenant avec des dauphins occupés à copuler avec des colombes roucoulant avec des aigles.

A quoi donc tout ce carnaval apocalyptique rime-t-il ?

On se doute bien que selon les dernières rumeurs, Dieu s’est offert quelques congés mais cette absence prolongée mérite-t-elle qu’on transforme son pauvre corps en un bûcher scabreux de bibeloteries douteuses et sa peau en une mosaïque de graffitis dessinés par des prédicateurs attardés ?

J’entends bien que les personnes arborant ce genre très particulier de tatouages ont accès à des mondes dont nous autres, pauvres et simples couillons hélas mortels, ne soupçonnons même pas l’existence.

Que leur karma profond se logeant dans les archives de leur cerveau transcendé se retrouve en prise direct avec un univers ultramarin où voguent des nacelles de pharaons enluminées suspendues dans l’éther de parfums enchantés.

Que leurs esprits dansent au-dessous du volcan, que leur âme fraternise avec les esprits errants et que leurs corps épousent les mystiques hâleurs de dieux si mystiques que leurs adeptes arrivent à les confondre avec des sorciers de la Foire du Trône.

 

Le pire dans toute cette pantomime niaiseuse c’est que généralement les tatoués de cette espèce ne plaisantent guère avec leurs attributs sculpturaux et sont tout à fait capables si on les interroge sur le pourquoi de la présence de ces ornements, de répondre avec la force de celui qui sait, de celui qui a vu, de celui qui a tout compris, qu’ils incarnent la Force, l’Amour, la Foi, la Foi dans la Force de l’Amour, l’Harmonie, la Paix, la Loi, la Féminité, le Cosmos, la Liberté, la Volonté.

Ouais, la Volonté, mec.

Tu vois ça, te dit-il en te désignant une spirale de gribouillis pétaradant de lianes entrecroisées partouzant avec des huit renversés, c’est ce que portaient les guerriers amarachénéens de l’ère acropolistique quand ils partaient combattre les apaches des alpages albinois. Tu piges un peu la portée du symbole ?

Ou alors, te regardant droit dans les yeux, mais alors vraiment droit dans les yeux, ils t’expliquent le plus sérieusement du monde, en caressant amoureusement l’objet de ton étonnement, que ça, mon pote, c’est le symbole du vent dans la mythologie irlandaise et tu sais ce que ça veut dire, ça veut dire que l’homme il devient grand quand il comprend qu’il n’est que le messager de celui qu’il prétend être et qu’il réalise alors que la Terre, c’est la Mère qui porte en elle le berceau de notre mort dans l’infini de la pensée cosmique.

 

Ce qui, quand on réfléchit bien… Non même pas.

 

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