Sarkozyste de gauche

 

Nicolas Sarkozy ne m’est pas antipathique. Après une telle introduction d’une carnassière insolence, suis-je autorisé à continuer sur ma lancée ou vais-je être sur le champ déporté sur l’île de la Jatte pour collusion avec l’ennemi et intelligence avec la puissance occupante ?

Quand j’ai l’audace d’écrire que Nicolas Sarkozy ne m’est pas antipathique, je ne dis en rien que j’adhère à ses idées, n’étant même pas convaincu que l’homme se vante d’en posséder, ou que j’applaudis à la mise en œuvre de sa politique, même si je ne trouve rien dans ces cinq années de gouvernement des mesures qui par leur caractère outrancièrement extravagant dans une radicalisation droitière me donneraient des hauts le cœur et des hoquets de dégoûts. Non pas que je les approuve mais elles ne m’apparaissent pas comme infâmantes.

D’un autre côté, suivant les affaires nationales de loin, je puis tout à fait comprendre que je ne saisisse pas vraiment à quel point ce diable d’homme a mis la France à genoux, comment il a orchestré une politique d’une telle bassesse qu’elle déconsidère à tout jamais l’honneur de la patrie.

Mais puisque le pays s’entiche d’antizarkozisme comme d’autres versent dans l’idolâtrie béate du temple mitterrandien, je dois me tromper.

Il me faut quand même avouer que je n’ai jamais bien saisi en quoi fêter son élection au Fouquet’s consistait en un crime de lèse-majesté susceptible d’être traduit en cour martiale ou comme un ignominieux crachat adressé à la face du peuple ? Voulait-on qu’il aille se rincer le gosier Chez Yvette, dans un rade de Bagnolet, avec Raoul et Marcel comme compagnons de débauche ?

Je dois être sûrement d’une naïveté confondante mais j’ai beau chercher une explication rationnelle à ce déferlement de reproches je ne perçois pas bien la gravité de son choix. Se serait-il rendu à la Coupole ou aux Deux Magots qu’il aurait eu le droit à une telle curée ?

Pas plus, tant que j’y suis, que je comprenne qu’on pût être offusqué qu’il se soit offert quelques jours de détente à bord d’un yacht appartenant à un ami ? Voulait-on qu’il s’offre un moment de détente dans un quelconque Center Park à jouer au tennis avec des écureuils ? S’il possède dans son carnet d’adresse des amis à la fortune insolente, tant mieux pour lui. Ou tant pis. Mais en quoi ceci me regarde ?

Une nouvelle fois, afin d’éviter tout malentendu, je pense avoir toujours voté à gauche. Sauf en 2007 mais là hein je n’y suis pour rien. Avoir des convictions, c’est bien ; en faire un dogme inébranlable qui résiste au principe de réalité quand cette réalité se conjugue avec l’expression d’une pensée altérée et exaltée qu’on ne retrouve guère plus que sur le chemin de croix de la voie Dolorosa, est au-dessus de mes forces.

Reste le personnage de Nicolas Sarkozy. Celui qui vient batailler sur les plateaux de télévision. Et là je l’avoue tout net, dans cet exercice ou tant d’autres se contentent d’assurer le service minimum et développent des arguties étriquées et confondantes de conformisme enatiques, je le trouve toujours percutant. Voire séduisant.

Oui je sais bien qu’il maltraite la langue de Katherine Pancol, qu’il rosse le subjonctif passé, qu’il snobe le participe passé du futur antérieur du verbe sustenter mais ces distorsions langagières ne me heurtent pas. Je préfère un homme qui s’exprime avec une réelle vivacité où je perçois une intelligence en mouvement que le maniement irréprochable d’une langue rigide et sèche comme une catéchèse papale.

Sagalovitsch ? Oui votre Honneur ? Pour collusion avec Satan et apologie de crimes contre l’humanité, je vous condamne à 125 ans de travaux forcés.

 

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Libération-ci, Figaro-là

Évidemment on a encore tous en nous quelque chose de Libé. Mais de moins en moins. Voire plus du tout. Comme dans un couple que l’usure du temps abîme voilà venu l’avènement de ces jours sombres où l’autre apparaît dans sa criante et tragique laideur et agit comme un repoussoir au point d’en arriver à songer au divorce.

Tout à coup, sans savoir si ce sont nos capacités mentales qui se sont effritées ou celle de ses rédacteurs, les jeux de mots dans les titres que l’on trouvait hier encore savoureux et subtils nous apparaissent aujourd’hui comme lourds et tronqués.

Les éditoriaux cinglants et inspirés et surtout si précieusement épars de Serge July ont disparu laissant place à des fadettes de commentaires aseptisés et convenus qui tiennent plus de la roucoulade de perroquet piaffeur que de la répartie saillante et pertinente.

Depuis quelques temps maintenant, Libé s’est transformé en un fanzine d’adolescents boutonneux crânant dans la cour de récréation avec ses unes à répétition qui tiennent plus de l’épate futile que du devoir d’information.

Voir s’afficher la tête de Pierre Bourdieu en devanture du journal peut certes être considéré comme un acte courageux visant à relever le niveau des masses abruties mais on ne peut s’empêcher de penser à la tête enfarinée du voyageur de commerce qui dans sa gare de R.E.R parcourant à l’aube falote la Une des quotidiens nationaux reste confondu de confusion devant la figure de commandeur du sociologue.

Et puis, il y a eu cet épisode des primaires socialistes où à chaque entretien réalisé avec l’un des prétendants concourant à la victoire finale, dans les photos prises sur le vif du candidat arpentant l’air concerné et pénétré les coursives du journal, immanquablement, comme un intrépide zelig fellinien, s’immiscait la tête du rédacteur en chef qu’on imaginait rosissant de plaisir à apparaître ainsi aux cotés de la vedette d’un jour.

Avant que ne survienne le temps des élections où d’un coup d’un seul Libé est devenu la Pravda du parti socialiste, la voix fidèle de son maître, le porte-parole méticuleux de ses idées, l’incantateur vociférateur des propositions du candidat, la caisse enregistreuse de ses actes et dires.

Et d’éprouver, même si on partage en partie les mêmes sympathies revendiquées de la tête pensante du journal, comme une certaine gêne devant une telle surreprésentation.

Comme un repas de famille où ce serait toujours le même radoteur de cousin, auréolé par ses succès à répétition dans ses diverses entreprises, qui tiendrait le crachoir tout au long du repas et que toute l’assistance couverait du regard en se disant, “comme il parle bien, comme il est intelligent, comme j’ai la chance d’appartenir à la même lignée.”

Parce qu’un journal qui ne prend même plus la peine de critiquer, de mettre en perspective les défauts et les qualités d’un potentiel futur président de la république, qui ne s’astreint pas à un nécessaire travail de remise en cause, ce n’est plus vraiment un journal, c’est juste un tract borné lancé à la tête de lecteurs et d’électeurs qui ne parvient à convaincre que les convaincus.

Un peu comme si à chaque nouveau numéro des Inrockuptibles, ancienne formule, on aurait eu droit à un entretien avec Morrissey.

A chaque édition du Magazine Littéraire ou de la Quinzaine Littéraire un dossier sur Virginia Woolf.

A chaque nouvelle parution de So Foot, un dossier sur le foot guatémaltèque.

Ca lasse.

Le pire c’est que la maladie se répand. Voilà que maintenant l’Équipe nous balance en Une le visage des deux trublions à l’élection présidentielle.

Serge (July, hein, pas Reggiani) reviens vite, les enfants sont en train de mettre le feu à la baraque !

 

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Français de couche

Jusqu’à quand va-t-on exonérer de leurs funestes responsabilités ces clochards d’électeurs qui en toute conscience déposent dans les urnes des ballots de votes appelant au secours la marine nationale pour soulager leur peine et consoler leur rage de vivre dans un pays qui ne les respecte plus ?

Déjà entend-on d’un peu partout les doctes exégètes de la chose politique, élus, journalistes, éditorialistes de tout bord, nous expliquer à coups de raisonnement boîteux que ces gens-là ne sont d’aucune manière des racistes primaires ou des nationalistes enragés. Du tout. Qu’il faut comprendre que ce sont avant tout des gens qui souffrent. Qui ont mal à être eux.

Des braves gens somme toute, égarés dans un monde qui les dépasse, tétanisés d’angoisse confuse, confrontés à des enjeux débordant la frontière de leur intelligence vérolée, et qui, éperdus de désespoir ombrageux, lancent des appels au secours, en hurlant au loup leur besoin d’être entendus et secourus.

Appels que personne ne consent à entendre si ce n’est la sylphide égérie de la résistance nationale qui seule parmi toutes ose se dresser sur les remparts de la ligne Maginot pour
défendre la patrie en danger.

Des pauvres. Des précaires. Des délaissés. Victimes, victimisés, victimaires. Méprisés, meprisants, méprisables.

Qui en fait, au plus profond d’eux-mêmes, ruissellent d’amour pour leur prochain. Qui, si l’on regarde de près, sont pétris de valeur d’humanisme et donneraient volontiers leur chemise pour défendre la veuve et l’orphelin. Enfin seulement s’ils ont de naissance entachée d’aucune souillure venue de l’autre rive de la Méditerranée. De gentils toutous aux canines inoffensives qui réclament juste leurs doses de caresses et leurs rations de Canigou.

Et qui se fiancent bien malgré eux avec le mouvement national. Parce que tous les autres, hein, ils ne nous comprennent pas, ils ne savent pas la difficulté de vivre dans des contrées reculées où le boulanger s’appelle désormais Mohamed, où l’on enseigne à nos enfants non plus la glorieuse histoire de France mais celle de l’Arabie et de la Mésopotamie, où partout croissent et se multiplient comme des moutons priapiques des musulmans sanguinaires qui en silence, dans l’arrière-cour de leurs abattoirs putrides, affûtent leurs couteaux pour demain mieux égorger nos filles et nos compagnes.

La France, ça s’apprend. Ça se respecte. Ça se mérite. La France, c’est du lourd. Du double millénaire. Des traditions ancestrales qui puisent leurs racines dans un christianisme de bon aloi.

La France est chrétienne et elle n’est pas à vendre. Surtout pas à des hordes barbares qui n’ont de français que leur carte vitale dérobée à des gens sans ressources.

Les français de souche, les français du terroir, les français de nos campagnes arriérées et de nos pastorales bourgardes n’ont pas besoin d’être écoutés.

Ils ont juste besoin de se voir administrer une bonne claque en pleine figure afin de les ramener à la réalité de ce qu’ils sont en train de devenir : des êtres rances, envieux, moisis, dégoulinants de stupidité et de haine, des hommes et des femmes qui, au lieu de se remettre en question et de s’interroger sur les raisons de leur affliction, fuient toute confrontation avec eux-mêmes et désignent d’emblée l’autre, toujours l’autre, le  juif, l’arabe, le parisien, les gens d’en-haut, d’en-bas, du milieu, les notables, les puissants, les édiles, les élites, les médias comme responsables de leur propre malheur.

Jamais eux-mêmes.

Il serait grand temps que les politiques cessent enfin d’avoir pour eux des égards de jeune pucelle et des regards de biches attendries.

Qu’ils osent se permettre de leur rappeller où ce genre de comportement a déjà mené. Dans les bas-fonds de l’Histoire où gisent les cadavres des gens suppliciés au seul motif  qu’ils étaient ce qu’ils étaient.

Les gens qui souffrent de trop se soignent ou se suicident.

Tout ceci hélas demande du courage.

On comprendra dès lors que la partie est loin d’être gagnée.

 

 

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Les chèvres de Mister Ancelotti

La version mille et une nuits du PSG est en train de prendre l’eau au point que la formation parisienne s’apprête à délaisser le mirifique et tant convoité titre de champion de l’hexagone à des petits maquisards montpelliérains bravaches comme des soldats napoléoniens à la bataille d’Austerlitz.

Et les journalistes cocardiers, désemparés et déboussolés devant cette scandaleuse déconvenue, de s’en prendre à la victime toute désignée en la personne de Carlos Ancelotti, ce malotru d’italien fanfaron au palmarès famélique, l’homme coupable de changer de tactique trois fois par matchs, de permuter ses joueurs comme d’autres changent de maîtresses, de prendre un malin plaisir à effectuer des remplacements semblant défier toute logique, de proposer des schémas tactiques jamais encore aperçus sur les vertes pelouses de nos belles provinces françaises.

Les joueurs évoluent hagards sur le pré, et profitent du moindre arrêt de jeu pour s’interpeller l’un l’autre afin de s’assurer d’avoir bien compris les dernières consignes du Mister.

La plupart du temps, ahuris de stupéfaction muette, ils demeurent les bras ballants, se grattent les couilles de dépit, lancent des regards de biche apeurée à leur entraîneur qui leur renvoie un regard courroucé, celui du professeur exaspéré qui a bien du mal à admettre que ses élèves ne parviennent même pas à comprendre les bases élémentaires de la discipline enseignée.

C’est pourtant le cas.

Carlos Ancelotti se retrouve dans la position inconfortable d’un émérite professeur d’un prestigieux lycée parisien qui du jour au lendemain se voit soudain propulsé au beau milieu du chahut d’un bahut situé en zone défavorisée.

Avec son cortège de problèmes afférents : des infrastructures déplorables, des collègues de travail dépassés et démoralisés, des élèves pas au niveau qui ont accumulé au fil des ans de telles lacunes qu’elles empêchent toute compréhension d’un discours élaboré, une anorexie intellectuelle qui vire souvent à la paralysie mentale, une incapacité psychique à assimiler les rudiments d’un enseignement scholastique où la religion et la primauté de l’aspect tactique l’emporte sur le souci  affirmé de l’engagement physique à tout crin.

Ancelotti a du souci à se faire.

Lui qui est passé entre les mains d’Arrigo Sacchi, le sorcier milanais, adepte de séances d’entraînement sans ballon, se heurte à des joueurs dont l’entendement se limite à quelques notions de base apprises lors de leur passage dans des centres de formation où on leur enseigne plus volontiers le maniement des haltères et des barres parallèles que la subtilité et la nécessité du replacement en zone défensive.

Le football est aussi et surtout une affaire de culture et de transmission.

Le Barça s’inspire de la devise prophétique de Saint-Johan Cruyff  qui exige que “ce ne sont pas aux joueurs de courir mais à la balle.”

Les Italiens se sont toujours montrés soucieux et obsédés de réduire au maximum les espaces afin d’éviter que l’adversaire développe son jeu à sa guise.

Les Français, eux, galopent comme des poulets à la tête guillotinée, jouent à la va-comme-je-te-pousse, et développent des méningites aigües dès lors qu’on leur demande de changer de schéma de jeu considérant qu’ils ignoraient déjà qu’ils en appliquaient un.

Ancelotti se pensait propulsé à la tête d’une équipe prestigieuse.

Il découvre horrifié que ses poulains n’entendent rien à ses discours savants, qu’ils font mine durant la semaine d’avoir bien saisi la teneur des augustes leçons divulguées par le Mister mais qui le dimanche arrivé doivent utiliser des antisèches accolées aux manches de leurs maillots pour appliquer les consignes maintes fois ressassées de leur prestigieux coach.

Du coup, pour cet été, Carlos a commandé à l’Émir la collection complète des Passeports, ces précieux devoirs de vacances pour les élèves en grande difficulté.

Oui avec des images.

Et en version audio.

 

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L’homme qui lit à l’oreille du peuple

Je ne sais si le camarade Jean-Luc a des chiffres mais je sais au moins qu’il a des lettres. Et de belles lettres. Sans juger d’aucune façon de la teneur de ses propos, de la pertinence de ses propositions, de la probité de ses intentions, étant forcé à un nécessaire devoir de réserve, je me dois cependant d’avouer que son maniement de la langue française flatte la molasse de carcasse d’écrivain à la noix qui sommeille en moi tout juste susceptible de se réveiller quelques semaines par décennie pour pondre des romans plus ou moins approximatifs.

Ah c’est que cet homme, contrairement à tous les autres candidats sélectionnés pour la course à l’échalote pestilentielle ou présidentielle, c’est selon, à commencer par l’ancien valet de chambre de Ségolène, a lu.

Ca se sent. Ca se renifle. Ca se hume.

Ahuri, je l’ai entendu commencer des phrases par de fracassants et tonitruants “d’aucuns”.

Interloqué, je l’ai écouté recourir à des adverbes juteux et délicieusement désuets comme un “nonobstant ” fleurant bon la compagnie proustienne.

Ébaubi, je l’ai surpris à entonner des phrases amples et aériennes, à la structure quasi faulknérienne, pouvant s’enorgueillir de posséder dans le même élan fougueux un sujet, un verbe, un complément d’objet direct, un complément circonstanciel de lieu, de temps, de manière, là où tant d’autres se contentent d’annonces rédigées en un style si aride qu’il rendrait mélancolique et suicidaire un poteau télégraphique.

Une langue fleurie, articulée, poétique qui s’en va ruisselante de verbes évocateurs chanter l’homme nouveau, savoureuse d’adjectifs flamboyant parler au cœur des hommes bafoués au quotidien dans leur dignité d’êtres humains, élégante d’adverbes puissants s’adressant à la conscience humaine des gens de bonne volonté que le temps a fini par rendre amers et désillusionnés.

Il n’est pas question ici de juger du bien-fondé des discours du camarade Jean-Luc. Je laisse ce soin à d’autres beaucoup plus avisés dans les affaires publiques que mon crétin de cerveau, ramolli par des heures d’onanisme footballistique, à des experts certifiés versés dans l’étude de l’épineux problème de la dette souveraine à laquelle je n’entends rien, ne veux rien entendre, ma vie étant déjà assez compliquée comme cela… tout en demeurant assez lucide pour réaliser que les propositions du camarade Jean Luc aussi pittoresques et parlantes soient-elles se heurteraient de plein fouet à la réalité inflexible du monde moderne.

 

Il s’agit d’autre chose. De cette simple appétence pour la langue française. De ce goût affirmé pour des phrases qui prennent le temps de se dévoiler, de s’effeuiller, de se découvrir, de ces phrases qui ne claquent pas toutes comme des slogans publicitaires dont on s’aperçoit après-coup qu’elles sont vides et creuses comme des urinoirs désaffectés, de ces réparties saillantes qui énoncent peut-être parfois des vérités naïves ou des propos transis d’un romantisme daté mais dont on ne peut nier ni la sincérité ni l’allant ni la force de conviction aussi éphémère cette force soit-elle.

Avec cet accent rocailleux, gaullien, railleur, le camarade Jean-Luc ressuscite la langue de la France éternelle, cette langue vernaculaire qui, de Rousseau à Michelet, de Zola à Katherine Pancol, a toujours su incarner avec superbe l’âme d’un peuple fougueux et indomptable qui n’attend qu’une étincelle pour continuer à écrire en lettres de sang son grand roman national.

 

 

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Nos nouveaux cons

Par bien des aspects, Internet représente vraiment le grand trou du cul du monde de la pensée contemporaine. Le défouloir idéal pour celui qui veut exister à tout prix et prouver aux yeux du monde que sa parole compte et importe. Le piédestal rêvé pour l’aspirant journaliste, critique, commentateur, analyste, boursicoteur d’idées, bâtisseur de système philosophique, qui a trouvé là un moyen idéal pour enfin, du fond de son cabinet d’inepties, se faire entendre. Convaincu qu’il est, du haut de son ignorance suintante de crasse et de bêtise confondue, qu’il a forcément des choses pertinentes à dire, des vérités cruciales à asséner, des commentaires judicieux à partager.

J’écris donc j’existe.

Les Bouvard et Pécuchet des temps modernes ont de beaux jours devant eux. Par légions, ces nouveaux cerbères de la crétinerie organisée, ces gardiens du temple de l’idéal philosophique de la pétomanie mentale, sévissent et s’égaillent à longueur de journées sur des sites d’informations dûment répertoriés qu’ils colonisent à coups d’interventions aussi insipides que bavardes.

Sitôt qu’une nouvelle apparaît, peu importe sa nature ou son intérêt, son ampleur ou son insignifiance, les voilà qui sans même prendre le temps de la réflexion, de peur qu’un autre ne les devance, sait-on jamais, s’emparent de leur plus beau clavier et s’en vont crachoter un gargouillis de commentaire d’une stupidité effarante, d’une vacuité si profonde, si absolue, si inouïe de bêtise abyssale qu’elle relève parfois du génie.

C’est que ces gens-là ont un avis sur tout, absolument sur tout. Ils sont à leur aise sur tous les sujets possibles et imaginables. Ils peuvent argumenter avec le même aplomb sur le
prix en hausse de l’essence sans plomb, sur la dernière séance de chimiothérapie d’Hugo Chavez, sur l’apparition d’un nouveau traitement contre le rhume des foins, sur le danger supposé de manger des carottes râpées, sur les vertus de l’onanisme chez le dauphin de l’Antarctique inférieur, sur la mort de Dieu, sur le problème de flatulence d’un animateur de jeux télévisés, sur la nouvelle coupe de cheveux d’une starlette en cure de désintoxication.

Ils adressent leurs condoléances transies à des gens dont ils ne soupçonnaient pas, une minute avant, l’existence. Ils se fendent d’une pensée émue pour celui qui s’en est allé, que ce dernier soit un garagiste bordelais écrasé par une patrouille de sangliers en maraude ou un grand cinéaste kazakhe à la filmographie obsolète. R.I.P. Je prie pour vous. Soyez forte. Après le printemps vient l’hiver.

Ils résolvent les crimes les plus inextricables en trois coups de cuillères à pot, soupçonnent des complots à chaque coin de dépêche, distribuent à tout-va des bons et des mauvais points, s’enorgueillissent de connaître sur le bout de leurs orteils les mécanismes de pensées de ceux qui nous gouvernent.

Ils éructent à l’infini des solutions et des avis pour régler une bonne fois pour toutes les grands problèmes de notre époque : il faut limiter l’influence de la Chine, l’Amérique n’a plus les moyens de ses ambitions, le modèle français date, Ribery devrait jouer à droite, Claude François n’a jamais été remplacé, ma voisine sent des pieds. Affirmation qu’ils appuyent d’une citation implacable de leur auteur favori,  généralement Audiard ou Coluche, qui n’ont jamais rien demandé à personne.

Leur sens de la répartie est sans limites comme est sans limite l’inanité de leur jugement.

Mieux : ils se répondent entre eux. Ils s’invectivent à coups de raisonnement tordus, de jeux de mots foireux, de diatribes emportées et attendent avec gourmandise quel effet leur nouvelle saillie aura sur l’autre qui ne se démonte d’ailleurs pas et en profite au passage pour en rajouter une couche.

Il est à noter que ces gens-là n’ont évidemment aucune mais absolument aucune compétence pour traiter du sujet abordé. Leur raisonnement ne repose sur rien si ce n’est sur leur expérience personnelle puisée dans le néant de leur bibliothèque imaginaire.

Auparavant ils sévissaient dans les cafés du commerce et n’emmerdaient que le tavernier de service. Désormais les voilà consacrés sur la place publique. Promus pollueurs
assermentés et incontinents des forums de discussion. Dépêchés comme maîtres de cérémonie au chevet de l’amphithéâtre du bavardage inconsistant.

Ils s’enivrent de leur propre prose, ils jouissent de se savoir si importants, si illustres, si reconnus. Ils se relisent à l’infini avec un air de satisfaction béate inscrite sur leurs
moustaches, ils se paluchent de plaisir devant l’éclat magnifique de leurs pensées ; ils s’aiment.

Ce sont les nouveaux cons et ils sont là pour longtemps.

Évidemment cette constatation ne s’adresse d’aucune manière aux commentateurs de ce blog qui à une exception près font tous preuve d’une intelligence, d’une perspicacité, d’une sagacité si grande qu’il est souvent plus intéressant de les lire que de perdre son temps à parcourir les inepties rabâchées par l’auteur moisi de blog prétentieux et puéril !

Et pour une fois, c’est à prendre au premier degré.

 

 

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Fin de partie

 

Il y a des nouvelles comme ça qui vous cueillent dès le matin apparu et vous donnent des envies furibondes de défenestration précipitée ou de pendaison certifiée conforme par les pompes funèbres locales : la jeunesse de France, enfin un peu plus d’un quart, en pince pour Marine La Peine.

Que des vieux sur le départ s’amourachent de la poupée barbie du mouvement national, on arrive à le concevoir : quand les fesses s’affaissent et que le ventre ventripote, que les capacités mentales vacillent et se perdent dans la brume de l’amertume et de la vie qui s’en va, que le coeur se rapièce et s’économise, quoi de plus normal que d’appeler au secours et de tenter de trouver du réconfort auprès de personnes qui vous expliqueront que si vous avez raté votre vie, si vous êtes condamné à papoter avec votre poste de télévision, si votre retraite vous permet à peine de vous acheter votre cargaison de couches-culottes, c’est la faute à l’autre qui vit sur vos subsides, au système qui vous rejette, à l’Europe qui vous étouffe, au monde entier qui se détourne de vous.

Mais la jeunesse ?

Alors certes, sociologues et autres exégètes de la philosophie comportementale contemporaine vous diront, chômage, précarité, manque d’horizon, vie à la con, perte de repères, ascenseur social à l’arrêt, âpreté de l’existence, frilosité de la société, égoïsme des aînés, banlieue cloisonnée, accès à la propriété refusé, système éducatif périmé, intégration bloquée, jeunesse sacrifiée, remisée, rebutée.

Et ils n’auront peut-être pas tort.

Mais l’audace de la jeunesse alors ? Et le goût pour la révolte ? Et le désir de changer l’ordre établi ? Et cette croyance que tout est possible, que le futur vous appartient, qu’il vous tend les mains ? Et cette appétence pour le combat, pour la lutte, pour ne pas se ratatiner, alors que la sève de la vie coule triomphante et tonitruante dans les veines, que grondent les orages tant désirés d’une vie déroulée sous des cieux tourmentés, que le monde est là, à portée de mains, qu’il vous attend même, qu’il vous réclame, qu’il vous supplie de l’étreindre et de le bousculer, et que dansent, dansent, dansent les chants de l’espérance ?

 

C’est fini tout cela ?

Ce sont des idées d’un autre temps à jamais révolu ?

Des niaiseries de romantiques égotistes qui datent d’un autre siècle ?

Des envolées lyriques qui sentent bon la nostalgie d’un monde ancien qui n’existe plus que dans la mémoire égarée des rêveurs d’hier ?

Certes il y a belle lurette que je ne suis plus vraiment de ce monde mais tout de même.

Si la jeunesse se fiance avec l’égérie  falote du mouvement national, si elle se met à rouler des pelles à la matrone des idées rassises et moisies, si elle se met à danser une valse endiablée avec la ministre arrogante de la propagande rance, si à l’aube de sa vie à venir, elle baisse déjà les armes, refuse le combat, et s’en remet à une fornicatrice d’idées étriquées, alors il n’y a plus…

Qu’à attendre Godot.

Oui, mais en attendant ?

Si on se pendait ?

Ce serait un moyen de bander…

 

 

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Crasse comme Grass

A la question l’Allemagne a-t-elle le droit de critiquer Israël, la réponse est non, non, et non encore. Quand l’une de ses figures les plus éminentes de son intelligentsia, en la personne de Günter Grass, se permet d’affirmer ” qu’Israël menace la paix mondiale ” non seulement il éructe des imbécillités et des contre-vérités ahurissantes de bêtise crasse, ce qui est son droit le plus absolu, mais plus grave, il salit le travail de mémoire que l’Allemagne, cahin-caha, s’efforce d’entreprendre depuis des générations maintenant.

On ne dira jamais assez combien l’Occident, plus par nécessité et par pragmatisme que par souci de rendre la justice, s’est montrée clémente vis-à-vis de l’Allemagne. Les crimes perpétrés par l’Allemagne nazie sont les crimes perpétrés par le peuple allemand. Nul besoin d’entrer dans des arguties savantes pour savoir jusqu’à quel point la nation allemande est responsable des atrocités commises contre les juifs, les tziganes, les homosexuels. Elle l’est. Entièrement et totalement. Qu’elle le veuille ou pas.

Quand bien même on trouvera toujours ici-et-là des exemples de personnes remarquables de courage et de bravoure qui ont tenté de combattre l’innommable et l’inéluctable, il n’en reste pas moins que la dette contractée par l’Allemagne vis-à-vis du peuple juif est imprescriptible, que les siècles auront beau passer, les millénaires défiler, toujours, il faudra que l’Allemagne d’une manière ou d’une autre rende des comptes. Et que toujours elle se tienne aux côtés d’Israël, cet état que malgré elle et à cause d’elle, elle a contribué à fonder et à légitimer.

Que Günter Grass, écrivain aussi léger qu’une colonie de Panzer, au style aussi aérien qu’un pas de danse d’une colonie d’hippopotames flatulents, à l’œuvre écrite à coups de marteau, s’en prenne d’une telle manière à Israël, laisse pantois de suffocation indignée. Certes la vieillesse est un naufrage et libère la parole. Monsieur Hessel nous l’a déjà prouvé. Raymond Barre aussi. Et tant d’autres.

Non pas qu’Israël soit un pays qu’on ne puisse pas critiquer. Non pas qu’Israël soit une nation au-dessus de toutes les autres. Non pas qu’il ne soit pas possible d’émettre des opinions contrastées sur sa façon de conduire ses affaires intérieures. Mais de grâce que ces critiques s’opèrent avec la même retenue que lorsqu’elles s’appliquent à n’importe quelle autre démocratie agissant sur cette planète. Qu’on ne s’égare pas dans des considérations atrabilaires et vénéneuses qui reniflent les parfums entêtants de l’antisémitisme de bon aloi.

De cet antijudaïsme primaire qui pousse des gens totalement étrangers à la question palestinienne, des gens qui par ailleurs peuvent très bien changer de trottoir pour éviter de passer devant une mosquée, ou se méfier du comportement de l’épicier arabe d’en-bas de la rue, ces mêmes gens qui au nom de je-ne-sais quel raisonnement droit-de-l’hommiste s’en prennent avec une haine irraisonnée à Israël.

Qui n’arrivent même pas à réaliser que leur indignation étranglée n’a rien à voir avec la cause de la Palestine. Qu’elle n’est que la traduction de leur aversion irrationnelle et métaphysique envers un peuple dont le seul crime est d’avoir reçu la parole biblique avant les autres et d’avoir continué à exister malgré les tentatives à jamais répétées de l’exterminer une bonne fois pour toutes.

Le monde dégorge de conflits où il serait louable et moral de s’engager. Ces vociférations crachées à la face d’Israël les entend-on avec la même vigueur et la même exemplarité lorsqu’il s’agit par exemple, mettons de la Syrie ? A-t-on vu ici-et-là des gens manifester en masse pour dénoncer les crimes commis par un régime qui s’amuse à tirer sur des innocents ? Des arabes qui s’entretuent n’empêcheront jamais personne de dormir. C’est même tout le contraire.

Nul besoin de s’acharner outre-mesure sur Günter Grass. La science nous apprend que plus on vieillit, plus les souvenirs inhérents à notre enfance et à notre adolescence remontent à la surface de nos pensées, qu’elles envahissent notre cerveau et altèrent notre perception du monde alentour. Les années de jeunesse de Günter s’étant déroulées sous l’uniforme des Waffen-SS, ceci explique peut-être cela.

 

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L’Euro 2012 se gagnera à Auschwitz

 

Décidément, l’Allemagne, pourtant déjà favorite, ne mégote pas sur ses ambitions et met toutes les chances de son côté pour remporter en juin prochain l’Euro 2012 de football. A cet effet, les instances dirigeantes du football germanique, qui visiblement pratiquent à haute dose le comique troupier, ont annoncé, à grand renfort de publicité, que durant la compétition qui se tiendra en Ukraine et en Pologne, ils offriraient à leurs joueurs un bon gratuit pour s’en aller visiter Auschwitz et découvrir une page méconnue de l’histoire allemande.

Il faut dire que l’occasion était trop belle. Il eut été vraiment des plus inconvenants et des plus sots de ne pas profiter de ce séjour polonais pour ne pas découvrir la principale attraction du pays. Limite rageant. Au lieu de s’emmerder dans leur hôtel à jouer aux cartes ou à se défier à la Play station, quoi de plus revigorant et de plus distrayant pour ces fiers compétiteurs que de s’en aller prendre la pose, afin d’envoyer quelques clichés à la famille restée au pays, devant le fantôme des rails de chemin de fer, le souvenir des fours crématoires, le squelette des chambres à gaz ?

C’est bien connu, une virée au grand air vous ressoud un groupe comme jamais et permet aux joueurs de se changer les idées et d’échapper à la pression inhérente à ce genre d’évènement planétaire. La routine étant l’ennemi du footballeur qui n’en peut plus de passer ses journées à glandouiller dans la chambre de son luxueux hôtel à papoter avec son agent au sujet de son éventuel prochain transfert, cette visite impromptue dans l’un des endroits les plus pittoresques de la région ne pourra donc avoir que des aspects positifs quant à la cohésion du groupe et à son envie d’en découdre avec ses prochains adversaires.

Certes, l’intention est louable et personne ne pourra la contester. Certes, on ne peut qu’applaudir le travail de repentance et de mémoire que la fédération allemande impose à ses méritants poulains. Certes, il est salutaire que le sport allemand prenne le temps de se souvenir que l’innommable a bien eu lieu en cet endroit et que les grands-parents des joueurs qui composent la sélection allemande ne sont peut-être pas étrangers à cette abomination.

Pourtant d’où vient alors cette impression de malaise, cette sensation que quelque chose ne va pas dans cette affaire, qu’il y a là comme une incongruité qui nous conduit à penser que toute la publicité opérée autour de cette visite programmée comporte quelque chose de vaguement obscène et de choquant ?

Peut-être, à choisir, eût-on préféré que ce voyage se déroulât dans la plus grande des discrétions, à un autre moment, en une autre circonstance, sans nécessairement prendre le soin d’en avertir la presse afin d’en tirer un quelconque profit ou d’effectuer une opération de communication qui, même si elle ne se trouve être animée d’aucune arrière-pensée, ne s’imposait pas. Pas ainsi. Pas sous le phare obscène des caméras et des médias. Pas pour transformer un impérieux devoir de mémoire en une contribution pornographique servant à amender la nation allemande de ses crimes imprescriptibles ou à prévenir la résurgence d’un antisémitisme latent.

Et de se demander s’ils prendront-ils le soin de lire le dernier poème de cet impayable tête de nœud de Günter Grass, le prix Nobel de littérature le moins raffiné de l’histoire, qui pas plus tard que lundi s’est fendu une nouvelle fois d’un joli quatrain sur les assassins en puissance que représentent les sanguinaires israéliens au regard des gentils toutous iraniens : « «Pourquoi ne dis-je que maintenant (…) que la puissance atomique d’Israël menace la paix mondiale déjà fragile. Parce qu’il faut dire ce qui pourrait être trop tard demain.»

En même temps lorsqu’on sait, selon un songade récent, que 20% de la jeunesse allemande ignore ce qui s’est passé à Auschwitz, il peut s’avérer salutaire d’envoyer en pélerinage les petits soldats de la Mannschaft pour effectuer une sorte de piqûre de rappel.

La sélection francaise ne voulant pas être en reste, Laurent Blanc a lui aussi prévu d’emmener ses troupes à Auschwitz, mais aussi à Treblinka, mais aussi à Lublin, histoire d’en montrer aux allemands. Juste avant, ils s’offriront une halte à Drancy avant de découvrir Vichy et ses alentours. Si avec ça, on n’arrive pas en finale…

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Loft présidentiel

Abyssale de médiocrité, la campagne présidentielle ronronne des refrains chagrins qui n’enthousiasment guère la foule bâtarde, trépignant d’impatience qu’on réponde enfin à ses grandes inquiétudes métaphysiques : le prix de la baguette va-t-il augmenter, pourrai-je acquérir un forfait téléphonique sans être obligé de signer pour un contrat de trois ans, y aura-t-il de la neige à Noël, l’été sera-t-il chaud, le regime Dukan est-il efficace, les jeux vidéos sont-ils dangereux pour nos crétins d’enfants, le Christ est-il le fils de Dieu ou son lointain cousin, ma crème hémorroïdaire sera-t-elle remboursée par la sécu ?

Les candidats caquètent chacun dans leur coin-coin devant des parterres acquis et conquis à leur cause. L’asthénie intellectuelle des candidats et la vacuité de leurs programmes aidant, les débats s’onanisent et tournent à vide, et le grand brassage des supposées idées s’en va visiter les calendes grecques.

On s’ennuie ferme.

L’absurdité du principe de l’égalité des temps de parole suscite des envies de déni de démocratie, de retour à une élection opérée par la seule noblesse, et un désir irrésistible d’adhésion à l’assertion toute flaubertienne que le suffrage universel est “une honte réservée… à des nigauds qui forment la masse électorale.”

Au nom du respect et du droit à tout candidat à jacquetter des inepties dans la lucarne audio-visuelle, on nous prive de confrontation directe entre les principales têtes de pont des partis représentatifs de la vie républicaine, ce moment de vérité où chacun apparaît dans la nudité de ses convictions et ne peut plus tricher avec lui-même ni avec l’électeur. Le face à face terrible, impitoyable, sanguinaire où se dévoile enfin la véritable nature de celui censé nous incarner, où il n’est plus question de lire les discours rédigés par le gourou de service, où il faut se dépouiller, mouiller le maillot, vaincre, terrasser l’autre pour débouler en vainqueur sur le perron de ses espérances elyséennes.

En attendant, on chemine auprès de candidats qui se contentent d’affirmer “moi je dis que je sais et je sais ce que je dis ” et d’être en retour applaudi par des militants qui ont remisé leur cerveaux au vestiaire. Comportement putassier qui revient à demander à notre maman chérie si elle nous aime encore, ou d’entreprendre son épouse qui, habituée à force, aux déhanchements lubriques de son fornicateur de mari, se pâme de jouissance plus ou moins feinte, à la grande satisfaction de son mâle, tout à sa joie de constater que son coup de rein opère avec la même efficacité qu’au temps des premiers amours.

On en vient à se demander si on ne devrait pas inventer un loft présidentiel, enfermer à triple-tour les dix candidats dans le décor capitonné d’un studio télévisé, les voir évoluer jour après jour, afin de comprendre leur ressort intime, et de saisir leur être et non plus leur paraître.

Où l’on découvrirait que Nicolas veut tout régenter, de l’utilisation du papier toilette à l’heure d’extinction des feux, que François s’emploie à nouer des amitiés avec tous ses camarades d’infortune et à apaiser les rancœurs naissantes, que Jean-Luc passe son temps à dénigrer ses camarades de classe et s’en prend à la vaisselle à la première contrariété rencontrée, que Marine reste dans son coin à marmonner des insultes maussades, que François premier prévient que, faute d’un changement de comportement, on va droit dans le mur et suggère d’avaler de la poule au pot à tous les repas, qu’Eva terrorise tout son monde avec ses remontrances zélotes, que Jacques se complaît à proposer des idées farfelues toutes les deux secondes comme de bâtir un pont entre la salle de bains et le plafond de la salle de billard, que Nicolas propose à chacun de s’enfermer à double-tour dans leur chambre respective et de ne pas en ressortir avant l’effondrement de la ligne Maginot, et que Nathalie et Philippe fomentent en douce une révolte pour changer les règles du jeu.

Où l’on s’apercevrait que Nicolas et Jean-Luc s’entendent pour remiser François au placard, que François et François rêvent à des lendemains communs, que Marine s’acoquine avec Nicolas, que François premier s ’accouple avec lui-même, qu’Eva a un don pour l’auto-flagellation, que Jacques est mal luné et que Nathalie et Philippe se congratulent et se ravissent d’être d’accord sur tout même si ce tout équivaut à rien.

Le programme passerait sur toutes les chaines en flux continu. Pas moyen d’y échapper. A moins d’éteindre son téléviseur. Ce qui entraînerait une vague de suicide sans précedént.

Ce serait déjà cela de gagné.

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