Rugby de souche

Visiblement Mourad Boudjellal, le président du club de Rugby de Toulon dérange. Il faut dire que retrouver un arabe à la tête d’une des formations les plus prestigieuses de l’ovalie hexagonale a de quoi laisser perplexe. Ce serait comme de retrouver un juif à la tête de l’office du tourisme polonais. Ou un noir à la tête d’une congrégation de skinheads. Une erreur de casting.

Pour avoir qualifié le comportement de l’arbitre lors d’une prestation de son équipe du joli quolibet de ” sodomie arbitrale “, formule somme toute très parlante, Mourad Boudjellal s’est vu infliger une interdiction d’exercer longue de 130 jours. L’arabe de service s’en sort bien. Il risquait une simple et pure radiation.

C’est qu’on ne rigole pas à la ligue nationale de rugby. On ne transige pas avec les notions de valeurs qui sont, comme chacun le sait, l’un des piliers de ce jeu. Surtout quand il s’agit d’un arabe. Qu’un français de souche, un brave gaillard né du côté de Brive-la-Gaillarde et élevé au cassoulet puisse péter les plombs et invectiver de la sorte le corps arbitral, passe encore mais qu’un arabe, un maghrébin, peut-être même un musulman, voire un djihadiste qui a déjà eu l’outrecuidance de faire fortune en montant tout seul un empire financier dans le monde de la bande dessinée, franchisse ainsi la ligne rouge, voilà qui est des plus intolérables.

Le monde du rugby n’est pas le monde du football. Dans ce noble sport, où l’esprit de chevalerie se mêle à celui de la franche camaraderie, on pratique la rhétorique avec un art consommé de la formule. On glorifie la langue française, cette langue ancestrale, venue de la terre qui jamais ne ment, cette langue vernaculaire héritée de nos vénérables ancêtres qui ont eu le courage de repousser les arabes à Poitiers.

Que Mourad Boudjellal se fut offusqué du comportement de l’arbitre en soulignant que ” ces décisions lui semblaient avoir été prises dans un tropisme plus ou moins partisan et conséquemment susceptible d’interférer d’une manière outrancière avec l’esprit par principe intangible de la règle du jeu comme fondement de la notion d’équité “, tout le monde se serait incliné devant cette prose sentant bon les références proustiennes. Visiblement Mourad Boudjellal ne connaît pas Proust. Sûrement que Marcel n’est pas encore traduit en algérien.

Le rugby met un point d’honneur à se prétendre être un sport qui se situe au-delà de la vulgarité régnant dans les autres sports. Au rugby, le public se tait quand un adversaire tire une pénalité. Au rugby, on respecte son adversaire. On ne triche pas. On ne surjoue pas. Un vrai sport d’hommes. Avec des tripes et des couilles.

Certes de temps à autre, on s’échange quelques gnons, on s’agrippe par les testicules, on piétine la tête de son adversaire mais toujours dans l’esprit du jeu. On se permet de décrocher un direct à son vis-à-vis mais attention toujours en le respectant. Comme la fameuse troisième mi-temps. Où contrairement à ce que l’on pourrait penser, on ne se cuite pas. Non monsieur, chez ces gens-là, quand on boit, on met un poing d’honneur à rester debout et à respecter le tabouret qu’on envoie valdinguer à travers la vitre de l’établissement où l’on s’enracine jusqu’au bout de la nuit.

Vraisemblablement, ce genre de notions reste étranger à Mourad Boudjellal. D’ailleurs si ça se trouve, avec ses origines arabisantes, il se peut fort bien que  cet immigré né dans le Var, ne goûte que modérément à l’alcool. Pas étonnant après cela qu’il ait du mal à saisir les valeurs éternelles du Rugby.

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Débandade de la BD

Comme chaque année, en plein cœur de l’hiver, le carnaval de la BD s’arrête à Angoulême. Évidemment, hormis les deux trois bouseux de service qui y habitent, personne ne sait où se trouve Angoulême sur la carte de France. Assurément quelque part. Peut-être perdue entre Paris et Marseille. Personnellement, dans ma lecture assidue et continue de France Football, je n’ai jamais entendu parler du FC Angoulême ou de l’Olympique Angoulamais. Ou de l’Association Sportive d’Angoulême.

Ce qui d’emblée vous classe une ville et la rend à priori aussi attrayante à visiter qu’un parc d’attraction désaffecté ou une usine spécialisée dans le découpage de la cuisse droite de poulets d’élevage.

Une ville qui ne possède pas de club de foot digne de ce nom, c’est comme une librairie qui n’aurait pas dans ses étagères les œuvres complètes de Bernard Foglino. Ou celles de Sagalovitsch. Une aberration métaphysique. Une incontinence linguistique. Une impossibilité cosmique. Une ville fantôme. Le contraire n’étant pas forcément vrai. Ainsi je ne suis pas bien certain que Valenciennes, Lens ou Lyon, soient des villes propices à l’ébaudissement et à l’étourdissement. Tout au contraire de Saint-Etienne, ville magnifique, majestueuse, ville d’art et de culture qui doit être la seule ville de France qui peut s’enorgueillir de posséder une rue Virginia Woolf. Mais je m’égare.

Retour à la case départ.

 A la BD donc.

 Tout le monde aime la BD. Même le plus grincheux des vieux réactionnaires qui ratiocine à longueur de temps sur la perte des valeurs et vilipende cette jeunesse décervelée assoiffée de biens de consommation aussi utiles à l’élévation de leur âme qu’un stérilet pour une nonagénaire sur le départ, consentira à avouer que, quand bien même ce n’est pas sa tasse de thé, il n’en reste pas moins qu’il garde un souvenir ému de sa lecture des aventures de Bécassine.

Quoi de plus étonnant ? Dans nos sociétés occidentales, sitôt que l’enfant cesse d’être ce vermiceau braillard tout juste bon à emmerder ses parents pour un anecdotique mal de dents, on lui colle sous le museau une BD. Et le gamin émerveillé de découvrir des vignettes colorées où évoluent des personnages drôlatiques qui rivalisent de prouesses pour terrasser le méchant.

 L’adolescence venue, le vermiceau mal dégrossi et désormais tout boutonneux se branlera de plaisir sur une quelconque BD érotique piquée à la bibliothèque municipale et se fendra la gueule d’un rire bien gras en découvrant les aventures des Bidochon qui ressemblent à s’y méprendre à ses grands-parents. Voire à ses parents.

 

Et une fois devenu un adulte bien rance, amer et désillusionné devant une vie qui s’effiloche et ne ressemble en rien à ses rêves d’enfant, il se souviendra avec nostalgie de la lecture des aventures de Tintin qu’il s’empressera d’offrir à son braillard de moutard pour lui permettre de regarder sans être dérangé Vivement Dimanche.

La boucle est bouclée.

Reste qu’à titre personnel, la BD ne me nourrit pas. Certes, possédant un sens du graphisme aussi développé que la notion de compassion chez un paysan polonais, je ne suis guère enclin à juger de la qualité intrinsèque d’un dessin. Ne sachant même pas dessiner les contours d’une vache, je reste sourd aux performances esthétiques d’un dessinateur de talent.

Et quand il m’arrive de lire une bande dessinée, chose qui survient assez souvent lors de mes crises hémorroïdaires récurrentes qui surgissent toujours pendant la période de Pessah, avec son gavage forcé de galettes bétonnées, réminiscence du coût à payer pour pouvoir jouir de mes infâmes origines sémites, je dois avouer qu’une fois la lecture du dernier Larcenet ou Sfar achevé, malgré l’évident plaisir que j’ai pris à lire les tribulations d’un chat circoncis soignant son mal de vivre en retournant vivre à la campagne auprès de son rabbin, je ne peux m’empêcher de pousser un râle d’insatisfaction dont la teneur peut se résumer ainsi, quoi c’est tout, serait-ce donc déjà fini ?

Même Maus, ce sommet de la BD qui sert bien souvent de cache sexe et d’argument ultime pour porter aux nues cette activité paraît-il créatrice,  aussi réussi soit-il, exceptée cette ignominie d’avoir oser prêter aux allemands les traits d’un chat (ignominie faite au chat j’entends) me semble d’une relative fadeur comparée à Si c’est un homme de Primo Levi. Encore que.

 
Loin de moi l’idée de prétendre que la bande dessinée serait un art mineur. Enfin si, tout au contraire et très précisément, au mot près, c’est ainsi que je l’appréhende. Un aimable interlude sans conséquence tout à fait approprié pour ne pas s’ennuyer quand les intestins se mettent à valser et que les toilettes demeurent alors ce havre de paix où cessent les ruminations de la pensée stérile et les tergiversations existentielles. Comme celle de savoir où se trouve Angoulême et dans quelle division ses joueurs évoluent.

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Belle and Sebastian compte sur nous

Allez toi l’auvergnat qui sans façon a téléchargé de la musique alors que dans ta vie il faisait riche, au lieu de te lamenter sur la mise en bière de Mégaupload et de ses affidés, tous ces pourvoyeurs de séries débilitantes, corruptrices de notre jeunesse en perdition, je te propose de te réconcilier avec le web en participant à une bonne action, où tu verras, tu retrouveras ta dignité perdue et ton appétence à mener une existence digne d’être vécue. Bref, décroche ton téléphone et vas t’en taper dans ta barre d’adresse, le lien suivant :  http://www.kickstarter.com/projects/godhelpthegirl/god-help-the-girl-musical-film. Tu y es ? Donne l’argent. Donne te dis-je. Ne discute pas. 5.10.15.50.1500 euros. Peu importe. C’est le geste qui compte. Comment ça tu ne comprends pas l’anglais ? Avec toutes les séries que tu t’es tapé, tu ne sais toujours pas baragouiner dans la langue de Faulkner ? Bon assieds-toi je vais t’expliquer.

Alors voilà. Stuart Murdoch se trouve être le chanteur d’un groupe nommé Belle and Sebastian. Si tu me dis, “la série télévisée ?”, je te dénonce à Hadopi sur le champ. Non, pas la série avec le gentil toutou, mais le groupe de pop écossais. Après les Smiths, le deuxième groupe le plus grand de toute la terre. Enfanté à Glasgow. Comme Lloyd Cole, Jesus and Mary Chain, Simple Minds, Orange Juice, Franz Ferdinand. Que des tocards. Auteur d’albums qui excepté le plus que parfait  If you’re feeling sinister, miracle de pop lumineuse et scintillante, peuvent apparaitre parfois languides et rébarbatifs comme une pluie d’automne sur un lac ougandais  ou sublimes comme la course d’un cheval à l’arrêt sur un hippodrome versaillais. C’est selon.

Chansons qui détricotent des vies intemporelles. Tantôt suaves et mélodieuses. Parfois geignardes et ennuyantes mais toujours entraînantes. Ou pas. C’est selon. Bref, un grand groupe comme on les aime. Le genre de groupe sur lequel le critique, en panne d’inspiration, pourra toujours commencer son papier par “si Baudelaire (Ou Rimbaud ou Verlaine ou Lautréamont) était vivant, il s’appellerait Stuart Murdoch et chanterait au sein de Belle and Sébastian “.  Avant de conclure son article par “si Keats (Byron, Shelley) était né dans les années 80, il jouerait de la guitare au sein de Belle and Sebastian”. Donc, pour résumer et aller à l’essentiel, tout sauf  des petites frappes de tête à claques oiseuses et décervelées qui se prennent pour le nombril de Manchester ou le trou du cul de Liverpool. Tout le contraire. Des jeunes gens polis, propres sur eux, catholiques, enfants de choeur lettrés et désespérés et par là-même forcément attachants. Effet de miroir. Magie de la pop. Ô mon frère, ô mon semblable. Quand le ciel bas et noir pèse comme un couvercle. La vraie vie est ailleurs. Tendre est la nuit. Vieil Océan, je te salue.

Sinon, Belle and Sebastian doit être le groupe que l’on entend le plus dans les films indépendants américains (Juno, Storytelling…). Pas étonnant après cela que la tête pensante du groupe ait eu comme une furieuse envie de manier la bobinette. Pour mener à bien son projet, il s’est associé à un gentil producteur, Barry Mendel, entre autre, récolteur de dollars pour les films de Wes Anderson (Rushmore, La famille Tenenbaum). Problème ? Ils ont besoin d’oseille. Comme tout le monde. Et c’est là que tu peux les aider. En te dépouillant de ton tuxedo d’occasion pour qu’ils puissent tourner leur film cet été sans être obligés d’aller caresser dans le sens du poil,  le chibre d’un requin syndiqué à Hollywood  et possédant une villa à Barbara. En échange de quoi, au regard de ta contribution, tu recevras, un pins, une carte postale, un poster du film, ton nom au générique, la possibilité d’assister au tournage voire de figurer dans le film. Bref tu seras étroitement impliqué dans l’élaboration du long métrage qui devrait recevoir la caméra d’or à Cannes en 2013.

Dépêche-toi, il te reste 20 jours. Si d’ici là, ils n’ont pas récolté assez de blé, le projet ne se fera pas et ce sera par ta faute. Et là, mon gaillard…

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Dujardin ou la France comme on l’aime

La nouvelle voix de la France à l’étranger se nomme donc Jean Dujardin. C’est comme ça. On est content pour lui. Pour la France aussi. Ça nous change de la beauté désespérée de Gérard Philipe. Ou de l’arrogance souriante de Delon. Ou de la lourdeur paysanne de Depardieu. Ou de la grâce affectée de Juliette Binoche. Avec Dujardin, au moins, on se marre. Pas une photo où il ne fasse le pitre de service au risque parfois d’en faire des tonnes. Sourire truqué, clin d’œil appuyé, grimace compassée. Ce n’est plus un acteur, c’est une marionnette atteinte de troubles du comportement. En même temps on le comprend. C’est son mécanisme de défense. Moi-même quand on me contraint à frayer avec des gens qui ne me ressemblent pas, j’ai aussi cette tendance à sourire bêtement et niaisement tout en me demandant ce que je fous là au juste.

C’est établi. Jean Dujardin est sympathique. Et il ne se prend pas au sérieux. Et il kiffe ce qui lui arrive. Et il aime sa femme. Et il aime la vie. Et il nous aime. Et il aime le public. Et il aime les gens. Et c’est un type normal. Comme vous et moi. Enfin surtout vous. Et il ne se prend pas pour une star. Et il a les pieds sur terre. Et il met son argent à la caisse d’épargne. Et il a offert à sa grande tante une villa à Mougins. Et il aime les vieux parce qu’un jour on sera à leur place. Et il aime les jeunes parce qu’ils sont le futur. Et il respecte la planète. Et il ne supporte pas qu’on pourchasse les baleines bleues. Et il ne trompe pas sa femme. Et il ne se drogue pas. Et il aime bien la bonne bouffe. Et il ne se prend pas pour Dieu le Père. Et il trouve que la droite et la gauche, c’est pareil. Et il aime les gens, les vrais, son charcutier, son boucher, son horticulteur. Et il pense que les gens qui votent pour le front national sont juste malheureux et qu’il faut écouter leur souffrance. Et il ne supporte pas la pauvreté. Ni l’injustice. Ni la méchanceté gratuite. Et il trouve ahurissant qu’au vingt-et-unième siècle, t’as des gens qui meurent encore de faim. Et il trouve qu’en Occident on a tendance à trop se plaindre surtout quand on voit ce qui passe ailleurs dans le monde. Et il respecte toutes les religions même si personnellement il ne croit pas trop en Dieu vu comment les hommes se font encore la guerre. Et il croit que ce qui ne te tue pas te rend plus fort.



Et que pour être un bon acteur il faut toujours continuer à travailler. Et que ses vrais amis ne bossent pas dans le cinéma ce qu’il lui permet de garder les pieds sur terre. Et qu’il est toujours ému quand on lui demande un autographe. Et qu’il aime bien déconner de temps en temps. Et que pour lui, jouer avec ses enfants représente la chose la plus importante au monde. Et que c’est dur parfois de partir pour 3 semaines de tournage. Et qu’il ne comprend pas pourquoi les gens l’aiment tant. Et qu’il se trouve horriblement banal. Et qu’il aurait rêvé tourner avec Bourvil ou avec Dean Martin. Et qu’il trouve normal de payer ses impôts parce ça veut dire que tu gagnes assez d’argent pour vivre dans le confort. Et que lorsqu’il se voit à l’écran il se trouve toujours nul. Et qu’il collectionne les grands vins de Bordeaux juste pour le fun de déboucher de temps en temps une bonne bouteille millésimée. Et qu’un jour il aimerait bien pousser la chansonnette. Et qu’il aimerait bien que Saga lui foute la paix vu qu’il n’a jamais vu aucun de ses films.

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Le Christ s’est arrêté à Colombey

Depuis que je suis en âge de raisonner par moi-même – étant très lent de nature, mettons autour de ma treizième année – il m’apparaît avec netteté que la France a toujours été en crise. Tout le temps, chômage, inflation, endettement, commerce extérieur défaillant, balance des comptes publics déséquilibrée, ascenceur social en panne, grèves, blocage, sécheresse, tempête, grisaille, tourmente. Partout  un paysage de désolation s’étalant à la une des journaux. Un naufrage perpétuel. Une noyade continuelle. Un saut dans le vide qui continue, continue encore, continue toujours. Un horizon à jamais bouché. L’impuissance résignée du politique. Un corps électoral en déliquescence. Un mécontentement toujours plus grand. De la rancœur et de l’amertume dans tous les foyers de l’hexagone. Une peur constante de tout : de l’étranger, des réformes, du changement, du déclassement, de la perte d’influence. Frileuse, moisie, résignée, la France aime à se flageller et à se présenter toujours sous le rôle du martyr de service, victime expiatoire du train de l’Histoire qui s’en va, l’abandonnant sur le quai du Temps.

Heureusement que comme l’a rappelé si justement Monsieur Wauquiez  la France possède des racines chrétiennes. On n’ose imaginer dans quel état de déshérence et de désespérance la France se retrouverait si par malheur le Christ cessait de veiller sur ses intérêts et de la considérer comme sa plus parfaite des créations. Jésus par pitié, ne nous abandonne pas. Sans toi, nous sommes comme perdus. Avec Toi à nos côtés, nous pouvons affronter sans crainte notre perte du triple A, notre quinzième place de notre équipe nationale de football au classement de la FIFA, notre perte d’influence lors des sommets internationaux.

Sans oublier que le Christ n’est pas le seul à nous supporter et à nous réconforter dans ces épreuves terrifiantes que nous sommes amenés à traverser. Grâce à Dieu, nous avons aussi le Grand Charles, appelé à la rescousse sitôt que la France traverse une période de turbulence. De Gaulle, c’est notre Prozac à nous. Notre antidépresseur intemporel qui nous permet de survivre à tous les coups tordus que l’histoire, mauvaise fille, ne manque pas de nous infliger. Notre Sauveur des temps modernes qui, alors que la nation vacillait et semblait sur le point de se rompre, s’est élevé au-dessus du brouillard londonien et a dit non. Non, de toute éternité, La France est immortelle. Non, la France est d’essence divine et a le devoir immémorial de montrer la voie aux autres peuples égarés dans la brume de l’histoire.

De Gaulle pourtant. Le responsable de tous nos maux. Ah Charles, au nom de la splendeur supposée de la France, que de torts et de malentendus tu as engendrés. Si en 1944-1945, tu l’avais ramené un peu moins, si tu n’avais pas réussi ce tour de passe effarant de nous présenter, aux yeux du monde, comme l’une des nations victorieuses de la seconde guerre mondiale, si tu ne nous avais pas obligé à nous asseoir à la table des vainqueurs et à endosser un costume trop grand pour nous, aujourd’hui nous n’en serions pas là. Nous serions devenus une puissance moyenne et contente de l’être. Nous aurions assumé notre rang, celui d’un beau pays où la douceur de vivre n’a d’égal que la richesse sans pareille de son terroir. Un pays accueillant, décomplexé, aux mœurs paisibles, riche de ses diversités, aimable avec l’étranger, traversé par l’esprit de concorde, heureux de vivre en harmonie sur une terre fertile.

Mais non, pour toi la France n’était pas et ne serait jamais une contrée comme les autres et, fort de cette conviction chevillée au corps et à l’âme, tu as voulu que la France continue à être ce phare qui éclaire le monde de son auguste lumière, sans te rendre compte que nous n’avions plus l’énergie suffisante pour alimenter ce soleil. Qu’après tous ces siècles où nous avons contribué au progrès de l’humanité, nous aspirions seulement à jouir de vivre une existence paisible sans nous mêler de problèmes qui nous dépassent.  

Nous avons essayé pourtant d’être à la hauteur de tes attentes. Mais la barre était trop haute. Beaucoup trop haute. Si bien que nous ressemblons à ce sauteur à la perche qui malgré une course d’élan impeccable, malgré une technique irréprochable, n’arrive jamais à passer la barre, perchée à des hauteurs inatteignables, et se ramasse lamentablement sur le matelas capitoné, dépité et amer de sa prestation, moqué par ses petits camarades de jeux.

Ainsi va le navire France. Droit dans le mur mais la tête haute.  Assurés qu’avec le Christ et notre Charlot comme grands timoniers, nous ne risquons pas grand chose. Si ce n’est une bonne crise de foi.

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Monsieur Niel

Mes chers compatriotes, je le confesse bien bas, de ma lointaine retraite, je vous envie. Depuis que j’ai visionné, en catimini, la conférence de presse de Monsieur Niel, le Monsieur Loyal de la téléphonie, j’ai comme des envies de retour, des démangeaisons de revenir à la case départ. Je commence à rôder autour des agences de voyage histoire de voir le prix d’un billet d’avion pour rentrer au bercail. Pénible aveu : La France me manque. Enfin, surtout ses forfaits téléphoniques. 20 euros pour pouvoir converser avec le monde entier, voilà le genre de nouvelle qui vous terrasse et change à jamais votre conception de l’existence. Dans la longue et glorieuse histoire de l’humanité, il y aura donc eu Dieu, Moïse, Copernic, Galilée, Newton, Einstein, Charles de Gaulle, et désormais Monsieur Niel.

 

L’autre jour, en le regardant gigoter comme un fanfaron de coq sur son estrade, l’œil coquin et le regard gourmand, ressemblant à Charlie Chaplin jonglant de sa mégalomanie à l’aide de sa mappemonde flottante dans le Dictateur, j’ai soudain compris le pourquoi de l’affolement précipité des autorités de l’époque lorsque Galilée commença à publier ses élucubrations métaphysiques. Trop d’intelligence effraie. L’esprit humain reste souvent sourd quand le génie flamboyant, débarqué de nulle part, se déploie devant lui avec toute sa panoplie d’arguties qui par leur inventivité et leur audace révolutionnaire vous font comprendre ce qu’une fourmi doit éprouver lorsqu’elle se retrouve face à face avec une limace : un sentiment de petitesse, d’inutilité, d’incongruité mêlée à une envie féroce de s’agenouiller devant la puissance tutélaire d’une force qui vous surpasse et vous terrasse.

Avec l’air d’y toucher, Monsieur Niel réinvente le monde et réenchante le rêve français. Et il le sait. Il suffit de le regarder plastronner face aux caméras du monde entier pour comprendre que le doute ne l’habite guère, et que tous les matins, quand il daigne honorer de son auguste présence un nouveau jour apparu, devant sa glace grande comme le Parthénon, il ne doit pas lasser de s’admirer sous toutes les coutures et de s’auto-congratuler avant de s’autoriser à se prendre dans ses bras pour se féliciter d’exister. Certes, avanceront quelques esprits narquois, fielleux de jalousie rentrée, monsieur Niel a une élocution un peu bâtarde voire pataude qui déroule un phrasé qui ne brille guère par son liant ni son allant, certes ses réparties et autres saillies verbales tombent à plat comme un soufflé raté et ses envolées linguistiques possèdent la portée transaltlantique d’un pet de grenouille, il n’empêche que sa jubilation, à grand-peine retenue, à faire la nique aux autres grands groupes de télécommunication procure un étourdissement de plaisir infinis. Monsieur Niel jouit d’être Monsieur Niel, l’homme qui pense le nouveau monde, anticipe le futur, appréhende la modernité comme personne ne l’avait jamais incarné jusqu’alors.

 

Tour à tour visionnaire, altruiste, débonnaire, sarcastique, ironique, drôle, inspiré, gracile, aérien, volubile, malin, roublard, populo, Monsieur Niel reprend le flambeau de la pensée française là où Camus l’avait laissé : au pied d’un arbre, sur la nationale 6, à la sortie de Sens.

Monsieur Niel ne doute de rien et il a bien raison. Son offre à 20 euros est de celle qui transforme le vaste champ des activités humaines et oblige les hommes à changer de logiciel pour ne pas rester, comme un demeuré hagard, au bord de la route. Rendez-vous compte : désormais n’importe quel énergumène, quels que soient, sa race, sa religion, sa couleur de peau, son club de foot préféré, pourra envoyer des cargaisons de texto pour relater l’histoire de sa truculente visite chez son proctologue : ” vu le procto. Aie. =*savaséigné : p”  tout en conservant le loisir de converser avec moult détails de ses problèmes hémorroïdaires récurrents avec tout le contingent de ses solides et indéfectibles amis. Même son oncle d’Amérique sera désormais au courant de ses testicules poussant à l’orée de son arrière-train. Et tout ça gratuitement. Ou presque.

Le monde ne sera plus comme avant. Dans les livres d’histoire, on se souviendra qu’il y aura eu un avant et un après 10 janvier 2012. Le 10 janvier sera  le jour où le monde a basculé dans une nouvelle ère. Celle de Monsieur Niel.

Une seule fausse note toutefois : franchement, quelqu’un dans son entourage, son majordome ou sa cireuse de chaussures,  aurait pu penser à dire à Monsieur Niel que sa blanche chemise, impeccablement repassée, débordait de trop sur sa droite, occasionnant une frange boudinée des plus disgracieuses. C’est à ce genre de petit détail, Monsieur Niel, que l’on rate parfois le train capricieux de l’Histoire.

P.S: Le premier qui se demande le pourquoi de la présence de Delon, je le raye de mon blog. A vie.

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Génocide générationnel

C’est désormais acquis, officiel, confirmé, certain, assuré, inévitable : la jeunesse de notre beau pays vivra moins bien que les sexagénaires qui sont en train de radoter leurs derniers beaux quartiers d’été avant de baisser pavillon et de s’encrasser dans les cimetières municipaux. Nos aînés en partance pour un monde meilleur ont beau jeu de se morfondre en excuses plus ou moins sincères, de raser les murs, de prier leurs cadets de les pardonner de leur laisser une pareille chienlit, cela ne change rien au fait indubitable qu’ils ont sur leurs consciences ensanglantées, l’assassinat de masse, perpétué de leur vivant, de leurs propres descendances.

Les politiques, coupables d’avoir fermé les yeux sur ces agissements délétères, pire même, de les avoir sciemment encouragés, leur emboîtent le pas, et la voix grave, la mine défaite et compatissante, admettent à reculons cette atroce et insoutenable réalité : le monde qu’ils laisseront sera un monde cruel, cupide, sans morale, livré à lui-même, rempli de chausse-trappes, où la jeunesse n’aura de cesse de culbuter et d’être précipitée la tête la première dans un ravin sans fin.

Des criminels donc. Accusés d’avoir commis de sang-froid et en toute connaissance de cause un génocide générationnel. Des sales vieux cons  d’égoïstes, perclus d’indifférence, abjects de veulerie, bouffis de suffisance, qui se sont empiffrés, en toute conscience, sur le dos de leurs enfants, sans que cela ne les amène à changer d’un iota leur comportement. Après moi le déluge aura été leur devise.

Nos aînés auront donc commis le plus infâme des impairs en n’assurant pas à leurs descendants une vie meilleure. Une faute métaphysique qui leur vaudra à tout le moins des remontrances divines et un passage obligé et prolongé dans les abymes. Parce que – c’est écrit dans le marbre biblique qui jamais ne ment – depuis que l’homme est l’homme, le créateur a passé un acte intangible avec sa créature. A tes descendants, une vie plus florissante tu leur donneras. De quoi mener une vie plus douce que la tienne, tu leur offriras. Une existence plus joyeuse et plus mieux, tu leur apporteras. Si jamais tu ne respectes pas cette règle d’or que je te donne comme preuve de ma confiance envers toi, tu seras déshonoré et tu connaîtras alors les feux de l’enfer. (Kevin, Livre IV, Épître XVIII).

Un peu partout, aux abords de nos grands centres commerciaux, les loups aiguisent déjà leurs canines et s’apprêtent à entrer dans la bergerie. Le chômage, la faim, la dette, le froid, le réchauffement climatique, la perte du triple B, l’arrivée du Qatar au PSG, la fonte de la banquise, les fonds de pensions déficitaires, la chute de l’euro, l’augmentation du prix de la baguette, les suicides à répétition de Loana, obligeront la nouvelle génération à vivre dans des conditions épouvantables jamais rencontrées par l’homme dans sa longue quête du bonheur pour tous sur terre. Désargentés, ruinés avant même d’avoir commencé à jouer, nos jeunes erreront de villes en villes à la recherche d’un peu de chaleur et d’un morceau de pain que personne ne leur donnera. Anéantis par la crise immobilière, ils vivront dans la rue, clochards amers mâchonnant leur amertume en crachant sur la tombe de leurs géniteurs.

Le pire est certain. Les écrans plats ne seront plus jamais aussi plats, il sera difficile voire impossible d’offrir à son chat un téléphone portable avec un forfait illimité, les enfants devront se résoudre à se passer de téléviseur dans les toilettes, Madame devra renoncer à la lipposuccion de son disgracieux orteil gauche, Monsieur ne pourra plus entretenir ses maîtresses et sera contraint de muscler son poignet pour entretenir les turgescences récurrentes de son membre mis au chômage technique. Bien vite, il faudra opérer des coupes sombres dans le budget des produits de première nécessité : fini les vacances à Bali, désormais ce sera Hammamet et encore. Impossible de mater les exploits magnifiques de l’Olympique Lyonnais en ligue des champions, il faudra se contenter d’écouter le récit de leur défaite triomphante à la radio. Le Tour de France deviendra payant. On sera obligé de relire les vieux classiques poussiéreux laissés en héritage par nos salauds de parents au lieu de se précipiter sur les derniers romans des romanciers à la mode. On n’allumera plus le chauffage qu’une nuitée sur deux. Les consoles vidéos seront remisées au grenier avec pour leur tenir compagnie des grilles-pains, désormais bien inutiles puisque du pain il n’en y aura plus.

Ce sera la fin d’un monde. Dans trois générations, on sera revenu à l’âge de pierre. Dans dix, on recommencera à papoter avec les singes. Et c’est ainsi que dans trois siècles, au plus tard, nous retournerons au jardin d’Eden. Et cette fois-ci, promis, on laissera Eve poireauter à la porte.

 

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Le mal français

Comme tout bon citoyen accaparé par les affaires de la nation, en pleine phase de révision en vue de la prochaine élection présidentielle, je me suis précipité bille en tête sur la fracassante déclaration d’intention de M. Hollande, paru en grande pompe dans Libération. Début parfait : la patrie est en danger, le pays tangue, les digues ont cédé, les métastases se propagent, la fin est proche, c’est foutu, Marianne va chercher la corde, Godot ne viendra pas, autant se pendre tout de suite.
Et puis, et puis, et puis, soudain l’éclaircie, miraculeuse, inattendue, inespérée : ” Notre vie intellectuelle et artistique demeure une des plus riches et suscite toujours l’admiration des peuples “.  J’en aurais chialé de bonheur retrouvé. Les jambes flageolantes, le cœur en pâmoison, l’âme au bord des larmes, je me suis agenouillé devant l’écran de mon bénitier d’ordinateur et longtemps, j’ai prié pour que les puissances célestes accordent à François le loisir de présider très bientôt notre belle république.

Cette phrase, elle n’a l’air de rien comme ça, elle se promène anodine dans le discours du candidat socialiste, elle passe inaperçue parmi le constat de désolation et la promesse de lendemains réenchantés, et pourtant, à elle seule, elle renverse des montagnes, pulvérise des champs entiers de la morosité ambiante. Certes, que notre vie intellectuelle et artistique soit l’une des plus riches que l’univers intergalactique n’ait jamais compté, franchement qui en doutait ? A jamais la France demeure la mère des arts. Comme l’Angleterre est le pays des demeurés d’hooligans, l’Allemagne des vulgaires buveurs de bière, l’Italie des voleurs de bouffeurs de spaghettis, l’Espagne des tapettes de danseurs de claquettes, les japonais des rieurs tueurs de baleine, les coréens des horribles mangeurs de chiens, la France demeure, envers et contre tout et tous, cette patrie dont le génie rayonne à jamais sur la mère des astres. Marc Levy, Tatiana de Rosnay, Katherine Pancol, Guillaume Musso, Jennifer, Mireille Mathieu, Jeanne Mas, Johnny, Zizi Jeanmaire, … dois-je vraiment continuer ? Inutile. Chacun connaît la puissance intellectuelle de notre beau pays. Elle est incomparable. Elle n’a pas d’égal. Elle est infinie. Elle profusionne à chaque coin de rue, s’épanouit au détour de chaque fontaine, rayonne à travers champs et montagnes.

Mais pas seulement. Car comme le souligne fort à propos Monsieur Hollande, elle suscite toujours l’admiration des peuples. Et là, là, je dis merci François. Parce que moi j’en connais et j’en fréquente de ces esprits chagrins qui ratiocinent à tout-va sur le déclin culturel de la France, sur sa continuelle perte d’influence, sur sa décrépitude inexorable, alors que c’est tout le contraire. Plus que jamais le monde entier nous regarde. Les modes naissent à Paris et meurent à Marseille. Les autres capitales jalousent notre rayonnement culturel. Pas une université en ce bas monde qui ne possède son département de littérature française contemporaine au portillon duquel s’amassent des milliers d’étudiants avides de saisir une particule de notre savoir. Pas un centre culturel d’un pays étranger qui n’organise une fois l’an une exposition, La France, Son Génie, Sa Grâce, Ses Lumières, à laquelle assiste, médusée et fascinée, une foule ahurie de découvrir la richesse fabuleuse de notre patrimoine culturel.

Nous fascinons. Nous émerveillons. Nous ruisselons de notre génie intemporel. Aucun pays, dans l’histoire des pensées et des idées, n’a connu un tel rayonnement. Pas même la Grèce Antique. Pas même la Grande Russie. Pas même l’Angleterre Victorienne. Il suffit de se promener dans n’importe quelle capitale européenne, dans n’importe quelle cité américaine, dans n’importe quel village asiatique pour se rendre compte que la France continue à être cet unique agitateur d’idées, ce vivier de la modernité créatrice, ce phare, oui ce phare, qui dans le brouillard des pensées formatées, continue à briller et à redonner espoir à des milliards d’hommes et de femmes qui tous les soirs avant de se coucher remercient encore le Seigneur de leur avoir donné comme Soleil cette France éternelle, terreau de toutes les audaces et de toutes les folies.

Aussi, en toute logique, je te conseille, Cher François, sitôt que tu seras président, de décider en tout premier lieu d’inscrire la France au patrimoine mondial de l’humanité. Elle le mérite tellement.

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