“John From”, heureux rêve de jeune fille

198311-john-from-un-film-aux-couleurs-de-l-ete-4John From de Joao Nicolau, avec Julia Palha, Clara Riedenstein, Filipe Vargas, Leonor Silveira. Durée: 1h35. Sortie le 25 mai.

Ce serait un film entièrement filmé depuis les émotions d’une jeune fille de 15 ans. Pas un film psychologique sur une adolescente, mais une aventure quotidienne reconfigurée par les émotions et les perceptions de cette Rita qu’on accompagne d’abord avec perplexité, puis une sorte de joie disponible, accueillante.

John From n’est pas réaliséé par une adolescente mais par un cinéaste portugais de 40 ans, Joao Nicolau, déjà repéré pour son premier long métrage, l’inventif et romanesque L’Epée et la rose. Loin des tribulations épiques de ce dernier, mais avec le même sens joueur des situations et des images, il accompagne cette fois de manière semble-t-il réaliste le quotidien de son héroïne, durant cet été de vacances, entre parents et ennuis, copine et ennui, musique et ennui.

Et puis, dans l’ascenseur rouge vif de cet immeuble d’une cité moderne pour classe moyenne, Rita a vu Philippe. Le photographe Philippe est un voisin, il est aussi l’auteur d’une exposition sur les îles du Pacifique au Centre culturel où Rita s’exerce sans entrain sur un orgue.

Alors, d’abord… rien. Il ne se passe rien. Mais le monde a changé. C’est à dire que pour Rita, et donc aussi pour nous, qui regardions avec un plaisir sans enjeu particulier cette chronique estivale, le monde a changé. Elle a flashé, sur lui, qui a le double de son âge et une petite fille ? Sur les images exotiques ? N’importe, il ne s’agit pas d’expliquer, il s’agit d’embarquer.

Dans un mouvement de cinéma très gracieux et très sûr, Joao Nicolau déplace progressivement le dosage de réalisme et de fantastique au profit du second, le monde se met à ressembler de plus en plus à des toiles orientalistes du Douanier Rousseau, des brouillards mystérieux se faufilent sur les parkings, les sentiments absolus de la jeune fille colorent le ciel et les bâtiments.

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John From, dont le titre renvoie au Culte du cargo, croyance d’origine mélanésienne, est bien une opération de magie, un geste de croyance. Moins la croyance du personnage dans son idylle avec le charmant voisin  qui a plus de deux fois son âge que celle du réalisateur dans la capacité du cinéma à accompagner ce désir, à lui donner forme, couleur, rythme et musique.

Joao Nicolau retrouve ainsi cette euphorie très particulière, qui fut celle de toutes les grandes aventures modernes du cinéma, celle où le pur bonheur de filmer faisait surgir des plans enchantés, chez Jacques Demy ou chez Jacques Rozier par exemple.

Comme un envol d’aras vert fluo dans un quartier paisible d’une capitale européenne, comme la chanson des pas d’une jeune fille dans une rue inondée de soleil, comme la valeur inestimable du contenu d’un message échangé en cachette avec sa meilleure amie, John From dit le plus légèrement du monde quelques une des choses les plus graves au monde. Obregado.

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