Stop à l’hystérisation du foot

Le message est clair pour le prochain qui sort en boîte.

Les Bleus jouent ce soir contre l’Italie. Le risque, malheureusement, d’entendre encore une fois des tonnes de commentaires moralisateurs.

Qu’ils se taisent tous, les moralistes du foot, où qu’ils soient ! Qu’ils se taisent, et qu’ils se contentent de se dégoupiller une bière en regardant un bon match de foot. Qu’ils pestent devant leur télé en dénonçant la probité des mamans de tous les joueurs s’ils le veulent, mais, par pitié, qu’ils arrêtent avec leurs cris d’orfraies ridicules. Depuis l’épisode de la main de Thierry Henry, le foot français, et en particulier son équipe nationale, sont devenus des cibles.

Chaque match est l’occasion de commentaires. Nasri qui envoie un “Chut” – certes pas très châtié – à la tribune de presse ? Qu’on le pende ! M’Vila qui s’abstient de serrer la main de son coéquipier en sortant du terrain ? Voyou ! Le même M’Vila qui sort en boîte avec quatre coéquipiers à quelques jours d’un match décisif ? A la mine (véridique) ! On ne veut pas jouer les ravis de la crèche. Oui, le foot est un jeu, mais avant tout un business. Oui, les joueurs sont des pros avec ce que ça implique de devoirs.

Mais si l’on prétend réellement combattre certains excès d’un sport qui pousse à la starification précoce et devient le meilleur ambassadeur d’une économie dérégulée, qu’on arrête de se focaliser sur des symptômes qui n’en sont pas. Halte à l’hystérisation des moindres faits et gestes de gamins qui tapent dans un ballon. Pour mémoire, Cantona a été suspendu 8 mois pour avoir frappé un supporter, et mis au placard 18 mois pour avoir traité Henri Michel de “sac à merde”. Des mecs viennent de se faire suspendre un an pour une sortie en boite !

Ces sanctions disproportionnées sont le symbole d’un phénomène de déresponsabilisation des individus. Les joueurs sont surprotégés dès leur plus jeune âge. Leur entourage leur dit quoi manger, quand baiser, quand sortir. Les mecs sont “mis au vert” trois jours avant les matchs pour s’assurer qu’ils ne feront pas de conneries. Ce n’est pas du professionnalisme, c’est de l’infantilisation.

La Fédération française de football (FFF) est partie prenante de ce phénomène. Depuis 2010, elle ne sait que faire pour calmer l’opinion publique. Alors, elle réagit de plus en plus sévèrement, à la tête du client, jusqu’à en perdre tout sens de la mesure. Il règne au sommet de la 3F une volonté de rétablir un ordre moral qui ferait écrire un chef d’oeuvre à Balzac. Il faudrait pourtant leur dire que Mac Mahon n’est plus à l’Elysée.

PDPS a décidé de revenir sur les “affaires” ayant agité le sport français ces dernières années et de les juger à l’aune de la nouvelle politique de la FFF.

Rugby – l’affaire Bastareaud

Les faits: En juin 2009, lors d’une tournée en Nouvelle-Zélande, le jeune trois-quart centre se réveille un matin le visage tuméfié. Il affirme avoir été agressé en rentrant à l’hôtel en pleine nuit. L’affaire fait grand bruit chez les Kiwis à deux ans de la Coupe du monde. A tel point que le Premier ministre John Key suit personnellement les investigations. Finalement, l’enquête de la police locale conclut que Mathieu est rentré sain et sauf, que les caméras de l’hôtel le montre, et qu’il n’a jamais été agressé. La suite est encore à trancher. La version officielle raconte que le jeune homme, ivre, serait tombé sur sa table de nuit. La version officieuse parle d’une échauffourée entre joueurs bourrés en rentrant de boîte de nuit. Au final, pour clore l’incident diplomatique naissant, François Fillon est obligé de s’excuser au nom de la France. Oui, le Premier ministre, forcé de s’excuser pour le mensonge d’un joueur de rugby de 21 ans… C’est quand même autre chose qu’une sortie parisienne.

La sanction: Pour avoir mis en danger les relations France/Nouvelle-Zélande par un mensonge, Bastareaud écopera de trois mois de suspensions commués en travaux d’intérêts général. Il ne sera pas sélectionné jusqu’au 7 février 2010. Et sa carrière internationale s’inscrit depuis en pointillés.

Ce qu’aurait fait la FFF: Après avoir enduit la langue du coupable d’essence pour lui apprendre à mentir, la FFF livre Bastareaud à la Nouvelle-Zélande pour qu’il comprenne les conséquences de ses actes. Lynché et laissé pour mort au milieu des moutons, Mathieu est soigné par une famille Maori. Il tombe amoureux  et demande la nationalité kiwi. Lors du quart de finale France/Nouvelle-Zélande en 2015, il élimine les coqs à lui tout seul.

On aurait pu citer…

Le crachat de Pascal Papé sur un journaliste néo-zélandais un peu trop intrusif lors du dernier Mondial. A part quelques lignes sur les sites Internet, aucune incidence. La FFF, elle, aurait immédiatement envoyé le joueur dans un camp de rééducation en bonnes manières. Papé est capitaine du XV de France pour les tests d’automne.

Handball – l’affaire des paris douteux

Les faits: En mai 2012, des joueurs du club phare de Montpellier parient sur la défaite de leur équipe à la mi-temps d’un match de championnat face à Cesson. Mission accomplie, et plusieurs milliers d’euros dans les poches des parieurs, qui n’étaient pas sur le parquet eux-mêmes. Sauf que la justice, alertée par les mises suspectes, s’en mêle. L’affaire est toujours en cours d’instruction.

La sanction: Les joueurs de Montpellier ont été privés de match par leur club jusqu’à ce que leurs contrôles judiciaires soient levés. Toujours mis en examen, ils restent “présumés innocents” par leur employeur et l’équipe nationale. Claude Onesta a ainsi récemment appelé Samuel Honrubia et Nikola Karabatic sous le maillot bleu. Des sanctions sportives (quelques matchs de suspension, au pire), pourraient encore être décidées par la Ligue.

Ce qu’aurait fait la FFF: “Les joueurs qui ont parié ont souillé le maillot bleu”, s’emporte Noël Le Graët. L’ex-ministre des Sports David Douillet demande à l’Assemblée nationale des excuses publiques du président de la République à la Française des Jeux. Les joueurs fautifs sont condamnés à venir animer, tous les jours, le tirage du Loto Foot à la télé.

Athlétisme –  la bagarre Baala/Mekhissi

Les faits: Mehdi Baala et Mahiedinne Mekhissi se sont sévèrement mis sur la gueule en public, devant les caméras, lors du meeting Herculis de Monaco le 22 juillet 2011. L’image policée de l’athlé française en prend un coup.

La sanction: Dix mois de suspension dont cinq avec sursis. De quoi permettre à Mekhissi d’aller chercher une belle médaille d’argent à Londres l’été suivant.

Ce qu’aurait fait la FFF: S’ils aiment se battre, autant en profiter. La FFF demande une dérogation à l’Etat pour organiser le premier combat à mort au stade de France. les protagonistes sont habillés en gladiateurs. Le sable utilisé pour l’arène provient de la baie du Mont-Saint-Michel. Le consortium du Stade de France est ravi, les 80 000 places partent comme des petits pains.

Cyclisme – L’affaire Festina

Les faits: Eté 1998, un soigneur de l’équipe Festina est arrêté à la douane franco-belge la voiture pleine de produits dopants. L’enquête donnera lieu à un procès retentissant et à une fameuse marionnette des Guignols : Richard Virenque aka “On m’aurait menti ?”.

La sanction: Les coureurs français de l’équipe Virenque, Brochard, Moreau, Rous et Hervé sont tous condamnés à quelques mois de suspension.

Ce qu’aurait fait la FFF: Rien. Le dopage n’existe pas dans le football, c’est bien connu.

Sydney Maréval et Olivier Monod

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Illustration: l’exécution de Louis XVI, Wikimedia commons/CC.

4 commentaires pour “Stop à l’hystérisation du foot”

  1. hum je trouve votre procédé de : ” regardez les autres font pires” un peu douteux, à 21 ans on est plus un gamin, tous ils agissent en connaissances de cause, et je rappelerais que le foot foot cest d’abord un jeu avant d’etre un business…

  2. @gwyn. On ne veut justement pas tomber dans le piège de comparer en disant “les autres font pire”. On veut justement arrêter de réserver un traitement de défaveur au foot, et traiter les différentes “affaires” avec un minimum de recul et de raison. Pas besoin d’ériger le foot en valeur morale suprême.

  3. Le problème essentiel des joueurs de l’équipe de France, c’est plutôt un délit de “sale gueule”. Je suis d’accord avec vous lorsque vous évoquez le fait que la plupart d’entre eux ont toujours été suivis et couvés, depuis leur plus jeune âge. Cela s’en ressent lors des interviews qu’ils donnent, avec un vocabulaire incroyablement pauvre et de grosses difficultés d’expression.L’image qu’ils renvoient est donc forcément négative (personnellement j’adore Ribéry et Valbuena pour ça… quoique Benzema est pas mal aussi).

    Le foot en France, à la différence des autres sports, est sur-médiatisé, d’où ces excès de zèle de la part de la FFF.

    Enfin, s’il est vrai que les moindres faits et gestes des footballeurs sont épiés, le salaire qu’il touche justifie largement ces excès…Dans un contexte de crise, où beaucoup de gens font face à de grosses difficultés financières, on va pas aller pleurer sur le sort de M’Vila et consorts: ils roulent toujours en Ferrari, ça va!

  4. si j’abonde dans votre sens pour la très large majorité de votre billet, il est toutefois bon de préciser que Bastereaud n’est pas le seul fautif dans “son histoire”. Cette affaire, dans ce qu’elle implique du staff et des joueurs présents à Wellington en cette fin juin 2009, reste encore bien “sombre” !

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