Et si information et intelligence artificielle se conjugaient?

Crédit: AA

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Télévision du futur, programmes olfactifs, replay basé sur des émotions, robots lisant des informations, vidéos compilées en 5 secondes… A la conférence Le Web, organisée à Paris du 9 au 11 décembre 2014, France TV (*) a sorti le grand jeu avec un stand-atelier dédié aux innovations numériques, histoire de prouver que le paquebot “est là où on ne l’attend pas” et “est capable de réfléchir à l’avenir, à la croisée de l’information et de l’intelligence artificielle”, m’explique Bernard Fontaine, directeur des technologies de l’innovation du groupe. Zoom sur quelques uns des prototypes qui pourraient avoir de l’impact sur la production de contenus journalistiques et leur diffusion.

Un robot présentateur d’informations  

Quoi? Il mesure 84 centimètres, pèse 3,5 kilos et porte des baskets rouges aux pieds. Ce robot, baptisé Poppy, est capable de lire à haute voix les cinq dernières informations publiées sur France TV Info, la plate-forme de live permanent de France TV fondée en 2011.

Comment cela marche? Ce robot présentateur d’informations est le fruit d’un travail de groupe. Le squelette open source de Poppy est élaboré par l’INRIA, un laboratoire de recherche numérique qu’Eric Scherer, le directeur de la prospective de France TV, surnomme le “MIT français”; le résumé des informations prises sur France TV Info et destinées à être lues est l’oeuvre de l’algorithme d’une start up appelée News’Innov; et enfin, la mise en voix passe par une autre start up, Voxygen. Une voix qui n’a rien de mécanique et qui “met le ton”.

Qu’est-ce que cela apporte au journalisme? C’est un pas de plus vers la robotisation de l’information, dont j’ai déjà parlé ici et . “Poppy n’est pas destiné à remplacer nos journalistes”, et encore moins les présentateurs vedettes de France TV installés aux différents JT, rassure Bernard Fontaine, directeur des technologies de l’innovation du groupe. Mais il fait office de radio d’informations continu à dimension plus “humaine” qui peut par exemple intéresser un public d’enfants.

Autre élément intéressant: la voix du robot. Ce peut être la voix de David Pujadas, de Laurent Delahousse ou celle de Marie Drucker si ceux-ci enregistrent au préalable, lors d’une demi-journée dans un studio, un échantillon de 3.000 bouts de phrases dans lesquels Poppy peut ensuite puiser au moment de lire son texte.

Des programmes de TV olfactifs

Quoi? Sur son écran, le téléspectateur voit une vache brouter dans un pré. Aussitôt l’odeur de l’herbe fraîche vient lui titiller les narines. Car, à côté du téléviseur, une enceinte parsemée de capsules olfactives diffuse des senteurs adaptées à ce qui est diffusé, en l’occurrence des programmes de France 3.

Comment cela marche? La technologie, signée Odoravision, est comparable à celle d’une cafetière à capsules. Pour vivre l’expérience, il faut acheter la machine – ici l’enceinte olfactive -, avoir un programme télé avec lequel les odeurs peuvent être synchronisées – ici, ce sont les programmes de France 3 -, et bien sûr disposer des capsules contenant les odeurs, valables pendant un an à peu près.

Qu’est-ce que cela apporte au journalisme? “Nos programmes ont enfin une odeur”, clame la présentation. Sur le papier, c’est l’innovation la plus “gadget” présentée sur le stand de France TV. Mais elle répond à une difficulté que connaissent bien les reporters: comment raconter l’odeur sur place? Comment la mettre en images ou en mots?

Pour décrire celle du crash du vol MH17 en Ukraine à l’été 2014, Alfred de Montesquiou, grand reporter à Paris Match, a parlé de “boucherie” et d’odeur de “charogne”. Autre exemple: en 2011, en Libye, “70 corps ont été retrouvés là où l’escorte de Mouammar Kadhafi a été stoppée”. Christophe Ayad, journaliste au Monde et envoyé spécial à Syrte, commence son papier en disant que “l’odeur est insoutenable”. Au-delà de ces scènes, l’odeur des explosions de volcan, des tremblements de terre, des prisons où sont enfermés les détenus, ou même dans les fermes françaises, constituent des éléments de reportage essentiels qui permettent une immersion immédiate.

Des commentaires sur images réalisés en 5 secondes

Quoi? L’utilisateur choisit un article de presse, qui sera presque aussitôt transformé en une vidéo de moins de 2 minutes intégrant clips animés, infographies, photos avec une voix off en guise de commentaire.

Comment cela marche? La technologie provient de Wibbitz, l’application israélienne fondée par Zohar Dayan et Yotam Cohen qui fait partie des “bite sized news”, c’est-à-dire les applications qui permettent de mieux digérer l’actualité via des résumés.

Qu’est-ce que cela apporte au journalisme? Non seulement les sites d’informations et applications mobiles pourraient proposer un bouton “play” sur chaque article “de sorte que les lecteurs puissent choisir entre lire l’information ou la visualiser à travers nos mini-vidéos”, espèrent les fondateurs, cités par le blog techno du Monde.fr, mais cela pourrait aussi avoir de l’impact sur la fabrication des journaux télévisés. Car un commentaire sur images prend avec Wibbitz 5 secondes à réaliser, tandis qu’un humain expérimenté a besoin de 45 minutes pour le faire. La rapidité d’exécution de Wibbitz est vertigineuse, souligne Bernard Fontaine: 10.000 vidéos peuvent être ainsi créées par jour. De quoi alimenter des journaux télévisés à toute heure du jour et de la nuit.

Un comptage de foule précis

Quoi? Impossible de savoir aujourd’hui avec certitude quel est le nombre exact de manifestants ayant défilé pour telle ou telle cause. Il y a toujours un nombre X annoncé par les organisateurs et un nombre Y – généralement bien moindre que X – donné par la police. Le logiciel Golaem, qui a été à l’origine développé pour créer des figurants (humains ou animaux) pour des scènes de cinéma ou des publicités, peut aussi servir à comptabiliser le nombre exact de personnes agglutinées dans une manifestation ou sur un lieu donné.

Comment cela marche? Un journaliste filme Les Invalides à Paris envahis par le collectif La Manif pour tous en 2013, s’opposant au mariage homosexuel. Les images sont alors analysées avec le logiciel Golaem qui détermine ainsi si les rangs sont serrés ou lâches, le nombre de mètres carrés de l’esplanade, et parvient, via une modélisation, à obtenir le chiffre précis d’occupation des sols: “on arrive à un comptage de 165.000 personnes là où la police avançait le chiffre de 150.000 personnes et les organisateurs 1 million”, tranche Stéphane Donikian, interrogé par Méta Media.

Qu’est-ce que cela apporte au journalisme? Enfin un outil fiable dans le comptage des manifestants. Et l’arrêt de cette bataille de chiffres systématique entre la police et les manifestants.

Un système de recommandation basé sur les émotions

Crédit: Bernard Fontaine

Crédit: Bernard Fontaine

Quoi? Un algorithme de “brain recommandation” suggère des émissions en replay adaptées à son humeur du moment.

Comment cela marche? A l’aide d’électrodes déposées sur le crâne, la start-up française Mensia Technologies capte si l’on est serein, nerveux, fatigué ou alerte. Et suggère, en étant branché sur Pluzz, la plate-forme de rattrapage des programmes de France TV, des émissions ad hoc, par exemple “Des chiffres et des lettres” en cas de sérénité.

Qu’est-ce que cela apporte au journalisme? L’appareillage (un casque doté d’électrodes) est assez contraignant mais le système, qui n’est pas encore mis en service, pousse plus loin la personnalisation de l’information. Il ne repose pas sur les goûts déclarés par l’utilisateur – contrairement à l’algorithme de Netflix – mais sur ce que l’utilisateur ne sait pas forcément diagnostiquer tout seul, à savoir son état de fatigue, son anxiété, bref tout ce que l’on a pour habitude de relativiser.

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(*) NB : Je collabore chaque semaine à l’émission Médias Le Mag diffusée sur France 5, une chaîne qui fait partie du groupe France TV.

Alice Antheaume

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Web Summit 2014: l’Irlande, les robots et la réalité virtuelle sont dans la place

Crédit: AA

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Si vous n’étiez pas au Web Summit, la conférence sur les nouvelles technologies qui s’est tenue à Dublin, en Irlande, du 4 au 6 novembre 2014, voici un rattrapage en 7 points et autant de tendances en vigueur dans la sphère numérique.

L’Irlande est dans la place

Signe du dynamisme de la place irlandaise dans le monde numérique, le Web Summit, créé il y a quatre ans par Paddy Cosgrave, un trentenaire irlandais, a réuni 22.000 participants, 614 speakers et 1.324 journalistes à Dublin. Autant dire une foule impressionnante. Oubliez la Silicon Valley, regardez l’Irlande, clament les entrepreneurs présents au Web Summit.

“Il n’y a pas de pays plus favorable aux entreprises en Europe”, prétend le premier ministre irlandais Enda Kenny, en s’offrant le luxe de sonner la cloche à l’ouverture du Nasdaq à New York. C’est aussi en Irlande que se situent les plus importants bureaux en Europe de Google et Facebook, qui révèle vouloir passer de 500 à 1.000 employés à Dublin.

La politique du “double irish”, cette technique d’optimisation fiscale qui permet à des entreprises d’échapper au fisc europeén en profitant d’une dérogation, n’y est pas pour rien. Même si le gouvernement irlandais a présenté un projet de loi qui veut y mettre un terme, Twitter, qui emploie 200 personnes à Dublin, assure que cela ne remet pas en question ses projets d’expansion en Irlande. Les panélistes du Web Summit l’ont martelé: le dynamisme irlandais en matière de numérique n’est pas qu’affaire de fiscalité, c’est aussi une question de talents.

Le pari de la réalité virtuelle

Quelle sera la prochaine grande révolution numérique? Bien malin qui peut le savoir. Brendan Iribe, le patron d’Oculus Rift, la société rachetée 2 milliards de dollars par Facebook en mars, parie sur la réalité virtuelle pour métamorphoser la façon dont on communique. “La plupart des gens voyagent, prennent l’avion ou la voiture, pour rencontrer leurs interlocuteurs. Imaginez que l’on puisse, dans le futur, mettre des lunettes de soleil pour rencontrer les gens en ayant l’impression d’être dans la même pièce, en pouvant regarder de près leurs yeux, voir bouger leur bouche, cela aurait un énorme impact” sur nos vies à long terme.

En attendant, le casque de réalité virtuelle d’Oculus, qui a fait l’événement à Austin, lors du festival South by South West, sera commercialisé dans quelques mois, sans que Brendan Iribe ne donne de date précise. “Nous sommes très impatients. Nous sommes très très près du but. C’est une histoire de mois, pas d’année. Mais de plusieurs mois quand même”.

Les stars hackent la scène

Eva Longoria, Lily Cole, Bono… Ils ont tous défilé au Web Summit. A qui profite leur venue? A la conférence d’abord qui voit son influence et son rayonnement démultipliés lorsque ces célébrités promeuvent l’événement – l’intervention d’Eva Longoria est celle qui a recueilli le plus de tweets (plus de 3.000) à l’occasion du Web Summit, loin devant celle de Tony Fadell, le président de Nest, cette entreprise de thermostats intelligents rachetée par Google 3,2 milliards de dollars (2,5 milliards d’euros) en janvier. Pour ces stars, c’est une formidable opportunité aussi. Car elles investissent désormais dans des projets numériques et/ou des fondations. Or accéder au Web Summit à un public d’investisseurs de cette trempe peut leur permettre de lever des fonds.

L’ombre de Steve Jobs

Steve Jobs est mort il y a trois ans, et pourtant, son nom a été cité par pas moins de trois intervenants du Web Summit. D’abord par John Sculley, ex-patron d’Apple, responsable de l’éviction de Jobs en 1985 avant que ce dernier ne revienne en fanfare en 1997. Sculley est «célèbre par association», remarque Techcrunch, et «c’est une étrange dynamique».

«Tout le monde veut savoir comment était Steve Jobs, et dans quelle mesure Sculley l’a poussé au départ. 30 ans après, nous voulons toujours en parler, disséquer les tenants et les aboutissants de la situation d’alors, en demandant à Sculley ce qu’il s’est passé.» On ne saura rien ou si peu des activités de Sculley en dehors d’Apple, qu’il a quitté en 1993.

Le patron de Dropbox, Drew Houston, qui n’a rencontré Steve Jobs qu’une fois en 2009, a aussi été interrogé sur la personnalité du gourou d’Apple. Même chose lorsque le chanteur Bono est arrivé au Web Summit, lui qui s’est autrefois ému auprès de Steve Jobs du look immonde d’iTunes, indigne d’un esthète du design comme il l’a été. Autant d’occurrences qui prouvent que l’ex-patron d’Apple garde une influence remarquable sur le monde de la technologie, même en 2014, même si, parmi d’autres figures titulaires ont été mentionnées lors des interventions du Web Summit, notamment Larry Page, de Google, et Mark Zuckerberg, de Facebook.

John Collison, la jeune pousse

A la conférence DLD 2014 à Munich, en Allemagne, était apparu, célébré comme un prodige, Nick d’Aloisio, 18 ans, venu présenter son bébé, l’application News Digest.

Au Web Summit, au rayon jeunes pousses prometteuses et déjà riches, figure John Collison, un Irlandais de 24 ans qui a co-fondé Stripe, une start-up de paiement en ligne basée à San Francisco et estimée à… 1,5 milliard d’euros. Sur la grande scène, le jeune homme aux visage encore joufflu, en chemise jean brut et chausses bateaux, rappelle qu’aujourd’hui “la plupart de nos achats s’effectuent hors ligne mais cela va s’inverser au profit des paiements en ligne, un marché immense”. Stripe teste un bouton “buy now” sur Twitter. Quant à l’Apple Pay, c’est aussi signé Stripe.

“Plus l’interface pour payer est simple, et intégrée, plus vous allez acheter des choses en ligne”, prévoit John Collison, plus à l’aise pour parler de sa société que de lui-même. “Quel genre de parents vous laissent lancer votre start-up alors que vous n’aviez pas fini vos études?”, interroge le journaliste David Rowan, de Wired, après avoir présenté Collison comme une “icône”. “C’est vrai que j’ai un parcours peu commun. Mes parents ont tous les deux lancé leur business, et comme on était à la campagne, l’Internet était très lent, ils ont donc pris une connexion par satellite”, répond John Collison qui, à l’époque, était en train d’apprendre la programmation informatique.

Les assistants robots

Autre star remarquée du Web Summit, Nao, un robot de 58 centimètre. Il a beau avoir été créé en 2006, il a fait une sortie remarquée à Dublin, à la fois sur la grande scène, et sur le stand, où se sont agglutinées les équipes de télévision, dont Médias Le Mag et CNN International.

“Il peut parler, danser – il fait partie d’une chorégraphie de Blanca Li, ndlr -, éviter les objets, sentir quand vous le touchez sur ses capteurs, et vous aider à apprendre”, m’explique Laura Bokobza, la directrice marketing d’Aldebaran, la société française qui a, cocorico, conçu cet humanoïde pour qu’il “accompagne des élèves dans leur apprentissage”, par exemple lors de cours dans des universités. Il peut même tweeter.

Nao, alias Jean-Mi, participe chaque semaine à l’émission Salut les Terriens avec Thierry Ardisson. Profitant du boom des robots de l’information, va-t-il remplacer les journalistes? Non, répond Laura Bokobza: “il n’est pas là pour remplacer les gens mais les assister”.

D’ailleurs, il a besoin de la programmation d’un technicien ad hoc avant de pouvoir réagir à ce qu’il se passe. Le temps réel de l’information est une donnée qui lui est difficile, pour ne pas dire impossible, à intégrer pour le moment.

A noter: il n’est pas encore à vendre pour les particuliers, même si Laura Bokobza pense qu’il pourrait être bientôt commercialisé au prix de 4.500 euros avec un an de maintenance garantie.

Streaming toute

Le futur est au streaming, pas au téléchargement. La preuve, le succès de Spotify, une start-up suédoise créée en 2008, avec 12,5 millions d’abonnés payants, dont les revenus titillent ceux diTunes au dernier trimestre en Europe. Une étape importante pour l’avancée streaming, se félicite Willart Ahdritz, de la société Kobalt. Pas de surprise, puisqu’en 2012, Sean Parker le fondateur de Napster a prédit que les revenus de Spotify dépasseraient ceux d’iTunes d’ici deux ans, rappelle The Independent.

L’expansion de Netflix en Europe va dans le même sens même si aucun chiffre officiel n’a été communiqué depuis son arrivée en France.

Transports numérisés

 

Crédit: AA

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Comment embarquer la technologie à bord des moyens de transport? C’est l’une des questions sur laquelle planchent de nombreuses marques, de Google avec ses voitures connectées à Audi qui prévoit un tableau de bord incluant Google Earth et Google Maps ainsi qu’une sorte de Siri permettant aux conducteurs de garder les mains sur le volant et les yeux sur la route tout en dictant leurs SMS à voix haute – un système qui ne serait pas sans danger, selon cette étude réalisée par l’Université d’Utah.

Aer Lingus, la compagnie aérienne irlandaise, a même installé sa nouvelle classe affaires avec écrans HD au milieu des stands dédiés aux start-up du Web Summit. C’est pourtant bien moins impressionnant que l’avion sans hublot que propose le Centre for Process Innovation (CPI), et dont la vidéo de démonstration a beaucoup circulé en ligne ces dernières semaines. Dans 10 ans, l’habitacle de la cabine serait alors recouvert intégralement d’écrans sur lesquels les voyageurs pourront voir des films, une vue panoramique du ciel, consulter leurs emails ou surfer sur Internet.

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Alice Antheaume

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Le boom des robots de l’information

Crédit: Flickr/CC/salforduniversity

D’ici 15 ans, 90% des informations pourraient être produites par des robots. Cette prédiction, glissée du bout des lèvres par Kristian Hammond, le dirigeant de Narrative Science, une start-up qui produit des articles de façon automatique, fait froid dans le dos. Les lecteurs font-ils seulement la différence entre les contenus écrits par les journalistes et ceux rédigés par des programmes informatiques? Pas si sûr.

En 2011, les robots écrivant des articles journalistiques étaient encore rares. Désormais, ils sont en ordre de marche. Et ils fonctionnent à merveille lorsqu’il s’agit de compiler des bouts de texte factuel et des données – les scores des matchs sportifs, les résultats financiers des entreprises, la magnitude d’un séisme, les votes obtenus aux élections.

De part et d’autre de l’Atlantique, de plus en plus de médias publient des contenus automatisés.

  • Forbes a des papiers écrits par le robot de Narrative Science.
  • Associated Press et Yahoo! font appel aux programmes d’une autre start-up américaine, Automated Insights.
  • France TV Info a, lors des élections municipales, mis en place un robot sur Twitter à qui les utilisateurs pouvaient demander de les alerter des résultats obtenus dans leur ville dès que ceux-ci étaient disponibles.

Le robot de France TV Info sur Twitter lors des élections municipales 2014

Branché sur les alertes du centre américain qui surveille les secousses sismiques, il est programmé pour rédiger des papiers en fonction du niveau de l’alerte reçu. Ensuite, le papier est mis dans le système de publication du Los Angeles Times en attente d’une validation humaine. C’est ce qu’il s’est passé lundi 17 mars 2014. A 6h25 du matin, un tremblement de terre secoue la Californie. Trois minutes plus tard, à 6h28, figure déjà sur le site du Los Angeles Times un papier de 700 signes sur le séisme, rédigé par Quakebot, et relu par Ken Schwencke, journaliste et programmateur au Los Angeles Times, sorti de son lit par ce séisme.

“Nous avons l’information, nous la publions en premier, nous informons notre audience. Si nous pouvons l’automatiser, pourquoi s’en empêcher?”, justifie-t-il.

Quakebot


Un rêve de rédacteur en chef?

Dans une rédaction, un robot travaille vite, ne dort pas, ne prend pas de congés et… ne râle pas. “Quand nous avons commencé, nous étions des parias dans cet univers”, reprend Joe Procopio, d’Automated Insights, qui se défend de créer des rédactions low-cost. Pour lui, le système est vertueux: il libère les journalistes d’une partie ingrate de leur travail – par exemple la rédaction de dépêches factuelles – pour leur permettre de se concentrer sur des enquêtes à haute valeur ajoutée ou des reportages qui nécessitent un peu de finesse dans l’approche.

Les limites des robots

Et si les rédactions confiaient aux robots l’écriture des “breaking news” – Facebook peut déjà vérifier les contenus de ses utilisateurs en temps réel alors que ceux-ci partagent 684.478 éléments par minute sur le réseau social -? Voire leur sous-traitaient  leur secrétariat de rédaction?

Puisque les robots sont les rois de la compilation de données, il est logique qu’ils puissent servir à monter et éditer des pages imprimées. Cela existe déjà avec The Long Good Read, une expérience menée par le Guardian dont l’objectif est de réussir “à presser quelques boutons pour imprimer un journal” dont le contenu a du sens pour les lecteurs. Le principe? Un algorithme maison, baptisé Ophan, pioche dans les articles les plus vus, les mots clés cherchés par les lecteurs du Guardian et une somme d’autres critères pour sélectionner les contenus à imprimer.

Le Guardian, qui a le goût du défi, a voulu savoir si un robot pouvait aussi écrire des articles très “anglés” et livrer des analyses. Pour ce faire, ils ont développé un autre robot en interne, le “Guardbot”. Bilan de l’expérience? “Nous avons peut-être été un peu trop optimistes”, tempère la rédaction.

Car réaliser des interviews, manier les formules et offrir un récit qui ne soit pas trop “brut de décoffrage” restent des tâches impossibles à automatiser.

Mais la veille et la “curation” d’informations pourraient aujourd’hui être assurés par des robots. Pas question, a tranché Mark Thompson, le patron du New York Times, au moment d’annoncer le lancement de l’application mobile NYT now: “la sélection humaine, et par là, le jugement humain, demeurent fondamentaux… peut-être pas pour tout le monde, mais pour une part importante et qualifiée de notre audience”.

Quand les lecteurs n’y voient que du feu…

Comment les lecteurs jugent-ils les contenus écrits par des robots – qui ne sont pas toujours annoncés comme tels? N’y voient-ils que du feu? Christer Clerwall, un chercheur de l’Université suédoise de Karlstad, a recueilli les réactions de lecteurs face à des articles sportifs réalisés d’un côté par des étudiants en communication et journalisme et de l’autre par des automates.

Dans l’étude qu’il a publiée fin février, il ressort que ces lecteurs ont beaucoup de mal à discerner les contenus produits par humains et ceux rédigés par des robots. Et quand ils font la différence, ils jugent les informations délivrées par les robots “plus justes, plus fiables, plus objectives” que celles des journalistes et que l’écriture robotisée “est perçue comme plus descriptive, plus informative, et plus ennuyeuse” que l’écriture humaine.

Résultats des tests menés auprès des lecteurs

C’est vrai qu’un robot ne votant pas, ne déjeunant pas avec ses sources, il ne peut a priori pas se faire manipuler par celles-ci. Du journalisme enfin objectif? Si les lecteurs sondés par l’étude paraissent le croire, la neutralité des robots est un mythe.

Le mythe de la neutralité

Lorsque les ingénieurs conçoivent un programme, ils “font des choix dans les paramètres, basés sur leurs intuitions, or celles-ci ne sont jamais neutres”, expliquent Gilad Lotan, expert des données, et Kelly McBride, de Poynter, lors d’une discussion sur les algorithmes, le journalisme et la démocratie à South by Southwest.

Sur ce point, il n’y a pas de transparence. Aucune charte éditoriale n’indique encore comment sont “paramétrés” ces robots de l’information ni qu’il faille préciser aux lecteurs si un article est écrit par un humain ou non.

Retrouvez dimanche à 12h30 sur France 5 le débat de Médias Le Mag sur les robots journalistes. Et n’ayant pas encore de robot pour ce faire, merci de partager cet article sur les réseaux sociaux s’il vous a plu. 

Alice Antheaume

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Dans la boule de cristal du journalisme en 2014

Crédit: Flickr/CC/coniferconifer

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Nouvelle année oblige, la période est aux prophéties. Voici ce qui pourrait advenir et compter dans les rédactions en 2014. Au programme: déprimer, trouver la sortie, vivre avec le «brand content», cohabiter avec les algorithmes, voir la Social TV s’améliorer, et le journalisme de contexte émerger.

Déprimer

Rue89 en grève pour obtenir des garanties sur son avenir, 20 Minutes en grève pour protester contre un plan social supprimant son service photo, plan de 71 départs volontaires (sur 470) à L’Equipe, motion de défiance contre le directoire à Courrier International, perte nette de 2 millions d’euros au Monde, Libération en crise gravissime… Lors du seul mois de décembre 2013, les nouvelles émanant des rédactions françaises sont funestes. Malheureusement, dans un contexte où les modèles de la presse traditionnelle se morcellent, il n’y a hélas guère d’espoir que le moral ne remonte en 2014. Sauf à sauter sur les options ci-dessous.

Chercher de nouveaux leviers économiques

Renouveler le(s) modèle(s) économique(s) de l’information est devenu, sinon une priorité, une nécessité. Outre les paywalls, dont j’ai déjà parlé ici, outre la réduction du taux de TVA pour les éditeurs en ligne, l’idée de solliciter directement les lecteurs pour financer le journalisme se répand de plus en plus. Aux Etats-Unis, Jessica E. Lessin, ex-journaliste au Wall Street Journal, a fondé en 2013 The Information, avec un modèle unique: l’abonnement payant qui «attend beaucoup de ses lecteurs», note Mathew Ingram, de GigaOm. Il coûte 399 dollars par an ou 39 dollars par mois, «ce qui est plus cher que le tarif d’entrée d’un abonnement au Wall Street Journal».

Dans le même esprit, le crowdfunding fait rage sur des plates-formes comme Kickstarter – sur lequel on dénombre plus de 870 projets journalistiques faisant appel à la générosité des curieux, ou Kisskissbankbank qui a une section réservée au journalisme.

Trouver une porte de sortie

Katie Couric, la présentatrice de ABC dont l’émission quotidienne ne sera pas reconduite, a été embauchée pour être la présentatrice internationale («global anchor») de Yahoo! David Pogue, le journaliste spécialiste des nouvelles technologies du New York Times pendant treize ans, rejoint lui aussi l’entreprise dirigée par Marissa Mayer.

C’est la grande reconversion pour les journalistes, peut-on lire sur Medium.com, la plate-forme créée par Evan Williams, le fondateur de Twitter. «Les journalistes ont commencé à déménager avec leurs compétences en storytelling dans le monde de l’entreprise, et particulièrement les entreprises des nouvelles technologies». Et si ce phénomène était promis à durer?

Vivre avec le «brand content»

Le «brand content», ce contenu de marque qui s’insère dans des formats éditoriaux en ligne, n’est plus un gros mot. Il peut prendre la forme d’une série de vidéos pour un opérateur téléphonique, d’une interview d’un expert sur les factures d’électricité pour EDF, ou d’une liste de conseils pour passer une soirée inoubliable pour une marque de vodka. Ces contenus, qui véhiculent des «valeurs» dans laquelle se reconnaît cette marque plutôt qu’ils ne font l’apologie de celle-ci, peuvent ainsi être likés, retweetés ou reblogués – alors qu’une bannière n’est jamais partagée sur un réseau social. Lexpress.fr, Lequipe.fr, 20minutes.fr, leparisien.fr europe1.fr, Le Huffington Post, en hébergent déjà, d’autres rédactions vont suivre en 2014.

Si ces nouveaux espaces publicitaires prennent le pas sur les bannières, c’est qu’ils rapportent beaucoup plus – jusqu’à 250.000 dollars pour une campagne sur Buzzfeed comprenant une dizaine de contenus. Du point de vue éditorial, que les médias prennent une partie du rôle des agences de pub ne va pas sans poser de questions éthiques. Le New York Times s’est fendu d’une note sur le sujet, précisant que ces publicités seraient distinguées des contenus journalistiques par une bordure bleue, un logo de l’annonceur, et une police d’écriture différente, ainsi que la mention «paid post» spécifiant que le contenu a été payé. Plus important encore, les contenus des annonceurs seront créés par l’équipe commerciale, et non par la rédaction, martèle le directeur de publication Arthur Sulzberger Jr.

Même règle à Buzzfeed: à New York, la rédaction ne produit pas les contenus de marques. Ceux-ci sont réalisés par l’équipe créative, qui travaille de l’autre côté du plateau, sur les mêmes formats éditoriaux.

Cohabiter avec les algorithmes

A quand un Netflix pour l’information? Cette question a été posée par Ken Doctor, l’auteur du livre Newsonomics. Cela supposerait d’avoir des algorithmes capables d’indiquer ce que les gens veulent savoir et comment ils s’informent et de… financer la production . Car tout le fonctionnement de Netflix, la plate-forme qui a financé la série House of Cards, repose sur la puissance de ses algorithmes, capables d’analyser avec précision ce que ses utilisateurs aiment regarder et comment ils le visualisent. Plus de la moitié d’entre eux finissent ainsi une saison d’une série télévisée (jusqu’à 22 épisodes) en une semaine, autant dire que le visionnage intensif est installé dans les chaumières.

Crédit: Sony Pictures Television

Crédit: Sony Pictures Television

Dans ce cadre, les robots aident à calibrer la production journalistique. Ils peuvent aussi aider à éditer un journal comme The Long Good Read, une expérience menée par le Guardian dont l’objectif est de réussir «à presser quelques boutons pour imprimer un journal» dont le contenu a du sens pour les lecteurs. Le principe? Un algorithme maison, baptisé Ophan, pioche dans les articles les plus vus, les mots clés cherchés par les lecteurs du Guardian et une somme d’autres critères pour sélectionner les contenus à imprimer.

Voir la Social TV s’améliorer

26 millions de Français ont un compte Facebook, environ 2,6 millions ont un compte actif sur Twitter – pour 85 millions de tweets échangés au cours de 2013 – selon Seevibes. Commenter les programmes télévisés sur les réseaux sociaux est désormais entré dans les moeurs. Pourtant,  jusque là, les expériences de second écran sont faibles, regrette KC Estenson, de CNN, lors de la conférence Le Web à Paris, en décembre 2013. «Ce sont des tentatives rudimentaires de mettre un peu de conversation à la télévision».

Si le lien entre nombre de commentaires sur les réseaux sociaux et nombre de téléspectateurs n’est pas encore prouvé, les tentatives d’animation éditoriale peuvent booster les réactions en ligne et redéfinissent la programmation traditionnelle de la télévision.

Trois exemples augurent de progrès à venir:

  • Le dispositif autour de la série Scandal 

Lors de la diffusion de la série Scandal, aux Etats-Unis, l’actrice Darby Stanchfield, qui joue le rôle de la détective Abby, a tweeté elle aussi en direct et retweeté les meilleurs commentaires publiés. Conclusion: le direct télévisuel n’est pas le seule programme à avoir du sens pour la Social TV.

Crédit: ABC studios

Crédit: ABC studios

  • Le principe d’écriture de la série What Ze Teuf 

Le scénario de la série What Ze Teuf sur D8 est écrit au jour le jour par les spectateurs sur Twitter, et tourné dans la foulée. En clair, les contributions des internautes ne sont pas là pour faire joli, elles participent du principe narratif.

  • Twitter et Comcast

Le partenariat entre Twitter et Comcast, qui a installé le bouton «see it», montre comment Twitter compte devenir la télécommande de la télévision. Moralité, les réseaux sociaux influent sur la programmation. Il y a, en ligne, des making of, des compléments, des pastilles créées pour la consommation de vidéos hors antenne.

Pratiquer le journalisme sécurisé

«Un bébé qui naît aujourd’hui grandira sans la moindre idée de ce que vie privée peut bien vouloir dire». Voilà ce que Edward Snowden, l’ex consultant de la NSA, l’agence nationale de sécurité américaine, réfugié en Russie, a déclaré en vidéo lors de ses voeux de fin d’année. Avant lui, Eric Schmidt, le patron de Google, Vint Cerf, ingénieur de Google, et Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, ne disaient pas autre chose.

Mais les révélations de Snowden sur le système de surveillance généralisé mis en place par la NSA a servi de détonateur en 2013. Pour les citoyens bien sûr, mais pour les journalistes aussi qui, plus jamais, doivent enquêter sur des sujets sensibles en apprenant à sécuriser leurs communications, leurs documents et leurs informations. «Sans cela on lit en vous comme dans un livre ouvert», insiste Micah Lee, de l’Electronic Frontier Foundation, qui recommande de passer par le projet Tor, dont il assure que la NSA ne sait pas comment l’épier, et par la messagerie Off The Record – il y a aussi Crypto.cat.

S’adonner au journalisme de contexte

Nous ne cherchons plus les informations, elles viennent à nous était la devise en 2012. Nous ne cherchons plus les informations, les recommandations viennent à nous pourrait être la devise de 2014. Car, en ligne, la recommandation sociale est devenue la norme.

Aux Etats-Unis, nombre d’applications sont apparues pour faciliter la vie quotidienne des professionnels et faire office d’assistants personnels automatisés, prédit Amy Webb lors de l’Online News Association à Atlanta. Donna vous dit quand partir pour ne pas être en retard à votre prochain rendez-vous (en calculant votre itinéraire et en anticipant s’il y a des embouteillages sur la route). Tempo vous sort les documents dont vous avez besoin en fonction des intitulés des réunions inscrites dans votre agenda, et lorsque vous allez par exemple voir telle ou telle compagnie, les dernières informations concernant cette dernière vous sont proposées. Twist regarde votre calendrier, voit le nom des personnes avec qui vous avez rendez-vous et le lieu, puis géolocalise l’endroit où vous êtes, et prévient automatiquement vos hôtes que vous allez être en retard. Hunch vous propose des publicités recommandées en fonction de ce que vous aimé, retweeté, des marques auxquelles vous faites confiance sur les réseaux sociaux.

Les utilisateurs voient donc remonter, en push automatique, des recommandations qui les intéressent. Pour les rédactions, insiste Amy Webb, c’est une immense opportunité que de proposer des strates d’informations contextuelles, forcément indispensables, à partir des agendas des utilisateurs.

 Excellente année 2014 à tous!

Alice Antheaume

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Le code, langue vivante 2 des journalistes?

Plus de développeurs et moins de journalistes. C’est ainsi que les équipes éditoriales du Guardian vont être remaniées, a annoncé le rédacteur en chef du quotidien britannique, Alan Rusbridger. Car au Guardian comme ailleurs, le futur du journalisme passe par la compréhension du code.

Pourquoi? Parce que, derrière chaque site d’informations et chaque application mobile, il y a des lignes et des lignes de signes (lettres, chiffres, ponctuation) incompréhensibles pour le quidam mais sans qui, en ligne, il n’y aurait aucun habitacle susceptible d’accueillir des contenus journalistiques.

Il serait donc temps d’apprendre à “taper” ces “lignes” de code. Ou, du moins, à en saisir la logique. D’autant que les “codeurs” incarnent la nouvelle élite, selon le Washington Post. le A l’Ecole de journalisme de Sciences Po, certains étudiants estiment que c’est LA nouvelle langue à ajouter à leurs CV. L’un d’entre eux m’a indiqué, par email, l’existence de leçons, en ligne, gratuites et en anglais, pour commencer à programmer.

Ecole de code

Un clic plus tard, me voici à la Codecademy, la Star Academy du code, un site créé en août dernier par deux compères, Zach Sims and Ryan Bubinski, issus de l’Université de la Columbia, à New York. Leur pari? Faire de l’apprentissage du code une résolution de l’année 2012.

Les journalistes, étudiants ou professionnels, ne sont pas les seuls concernés. Selon ces jeunes entrepreneurs, savoir coder sera, dans les années à venir, aussi fondamental que savoir lire ou écrire. Sims et Bubinski ont déjà convaincu plus de 280.000 “élèves” de suivre leurs cours, dont le maire de New York, Michael Bloomberg. Tous sont désormais inscrits à la Codecademy comme on s’inscrirait à une salle de sport, pour se maintenir à flot. Et les apprentis codeurs tweetent leur progression, sous le hashtag #codeyear.

Au programme, donc, des leçons pour apprendre en s’amusant des langages informatiques, à commencer par Javascript. Oui, “apprendre en s’amusant”. Car la Codecademy repose sur le même principe de “gamification” que le site de géolocalisation Foursquare: chaque exercice réussi fait gagner des points. Puis des badges, dont les participants peuvent s’enorgueillir en les affichant sur les réseaux sociaux.

Scripts, commandes, etc.

En vrai, c’est ultra simple et bien pensé. Même pour des littéraires. “Tout se fait sur Internet et c’est interactif”, décrit Zach Sims, interrogé par CNN Money. “Vous n’aurez jamais besoin de lire un livre sur la programmation puis de vous exercer sur un ordinateur, vous faites juste à ce que vous montre notre programme”.

“Comment vous appelez-vous?”, interroge le programme, en indiquant qu’au moment de taper la réponse, dans un espace ressemblant à un chat de messagerie instantanée, vous devez mettre votre prénom entre guillemets – obligatoire dans Javascript pour les mots, mais pas pour les chiffres. Puis il vous demande de retaper votre prénom entre guillemets et de compléter par .length (longueur, en français) – ce qui donne, dans mon cas, “alice”.length – puis de taper “entrée”. Le programme vous indique alors combien de lettres composent votre prénom. Vous avez ainsi réalisé votre premier “script”.

Ensuite, cela se complique pour passer en revue d’autres commandes, comme envoyer un message d’alerte qui s’afficherait en pop-up depuis un navigateur, ou définir des variables qui correspondent chacun à un jour de la semaine.

26 exercices plus tard, 230 points et 3 badges obtenus au prix d’heures d’acharnement déraisonnable, j’ai arrêté de croire que cela suffirait à me transformer en développeuse accomplie. D’après les fondateurs de Codecademy, rien n’est impossible à condition de suivre le programme pendant un an, à raison d’une leçon par semaine au minimum. Pour l’instant, s’il y a une leçon à retenir, c’est qu’en tapant du code, le seul oubli d’un point virgule à la fin d’une ligne peut ruiner toute velléité de programmation.

Je l’ai déjà écrit dans un précédent WIP intitulé “Premières leçons de code”. S’initier aux rudiments du code, ça sert, pour un journaliste, à «penser» selon deux approches: la forme ET le fond, les interfaces ET les contenus.

En effet, comment, en ligne ou sur mobile, concevoir le meilleur format éditorial possible si l’on ne sait pas ce qu’il est possible de faire ou pas, techniquement parlant? Et comment, dans les rédactions, travailler avec des robots sans comprendre comment ceux-ci sont programmés?

Avez-vous testé Codecademy? N’hésitez pas à écrire vos impressions ci-dessous.

Et merci de partager cet article sur Facebook et Twitter!

Alice Antheaume

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Journalists, welcome to Robotland!

Crédit: Flickr/CC/Brett Jordan

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Algorithms, smart robots which sort loads of information and arrange it according to users’ requests, are entering the newsroom. This automated-manual coexistence already occurs when journalists try to make content “facebookable” or Google-friendly. To do so, they rely on algorithms roughly based on the same principle as those used for displaying “most sent/commented/blogged articles”. Robots took over human for such tasks.


What is the next step? Will such robots become standalone content creators working like online news Trojans? A piece from The Week wonders: “Are computers the cheap, new journalists?” Behind these questions, a software program designed by Narrative Science, a Chicago-based startup, can write articles made up of … comprehensible sentences.

How does it work? An algorithm agreggates data and converts it into articles. Until now, this technology has been effective only for sports pieces. But Narrative Science says that this technology can apply for finance (by scanning companies’ financial accounts) and politics (through opinion polls and election results).

Beware, Journalists… Artificial intelligence researcher Kris Hammond, who has been quoted by The New York Times, predicted that “within five years, a computer will win a Pulitzer Prize”. “For very simple, brief information, automated writing can do the trick”, says Frédéric Filloux, editor or the Monday Note and a professor at Sciences Po School of Journalism. “But for everything else, you have to look at the pole vaulting theory: Everyone can jump 5.9 feet (Editor’s note: with at least a bit of practice), but not many can jump 7.5 feet. That’s the difference between very good and great.”

Not human, no journalistic soul

Alexandre Malsch, a 26-year-old engineer who heads Melty Network, agrees with this view. “A robot will never be able to make a play on words, unless you record all existing wordplays in a huge database… In any case, a robot will never be able to write an article with soul.” And Malsch knows a lot about robots. About thirty algorithms permanently scan his Melty.fr website aimed at teenagers (four million unique visitors). Its goal is to “help” writers produce content in the right format, on the right subject, and at the right time. (Needless to say, there is no point in posting a story about Lady Gaga when the target audience is at school.)

Heading towards all-automated journalism?

In order to be highly visible on internet search engines, the young developer designed a publishing tool called CMS (Content Management System) that has been providing journalists since 2008 with a “practically all-automated” system. What length does the headline have to be to appear among Google’s top hits? “No writer can calculate the optimal length; only a robot can”, says Malsch.

Indeed, in CMS, the robot turns a title to green when it has the right length and to red when it is too long or too short. Same goes for key words used in a title. The writer can suggest three different titles for each content, and the robot gives each one a success rating, so the writer just has to select the title which gets 90 or 95%. In Melty’s CMS, another parameter outsourced to robots is the number of links that a specific article should contain. Robots go further than that: they also say at what time the article should appear online by analyzing a huge amount of data to figure out when the article will be the most visible on Google – something that is totally impossible for a journalist.

This hit-boosting tool is just one example of the automation being applied to publishing systems. It does not touch or change the text (except for the links and titles). “It’s just like a new Word—a tool that helps journalists but doesn’t replace their jobs, interviews, or analysis.”

Putting a human touch into the work of machines

Is this all impressive? Absolutely. Is there any cause for concern? Maybe, but all-automated journalism is certainly not around the corner. “When you see how difficult it is for translation tools to produce relevant results in real time, you realize that it is not going to happen tomorrow,” explains Filloux. All the more so since before a journalist actually starts to write a piece, he or she must collect source material that is far more important than what he or she finally uses… The original volume should be 5-10 times greater than the actual published content.”

As a (paradoxical) result, Malsch and his development team are injecting manual work back into the machines, especially for editing and selecting content, and for forcing the publication of content in real time rather than waiting for the robot to get it out. “As the world is moving forward, human choice becomes increasingly important,” concludes Malsch. “Manual work is regaining currency.”

Note: This article was written by a human being.

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Alice Antheaume (translated by Micha Cziffra)

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Journalistes au pays des robots

Crédit: Flickr/CC/Brett Jordan

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Les algorithmes, ces robots intelligents qui trient des tonnes d’informations pour les classer selon la demande des utilisateurs, sont – déjà – les collègues des journalistes. La cohabitation automatique/manuel a déjà lieu lorsque les journalistes tentent de rendre un contenu “facebookable” (visible sur le fil d’actualités de Facebook) ou “Google friendly” (visible sur Google) en utilisant les paramètres des algorithmes. Ou lorsque les éditeurs sous-traitent une partie de la page d’accueil de leurs sites d’infos – de fait, les boîtes avec les articles les plus envoyés, les plus commentés, les plus populaires sont gérées par des robots, non par la main humaine.

Quelle est la prochaine étape? Ces robots vont-ils pouvoir produire du contenu de façon autonome, façon forçats de l’information en ligne? Telle est la question posée par cet article, “les ordinateurs sont les nouveaux journalistes pas chers?“, publié sur The Week. Derrière ces interrogations, un logiciel inventé par Narrative Science, une start-up basée à Chicago, aux Etats-Unis, capable de rédiger des articles en faisant des phrases… compréhensibles.

Comment ça marche? L’algorithme compile des données pour les transformer en articles. Jusqu’à présent, cette technologie n’était opérante que pour le sport. Désormais, Narrative Science assure que le travail peut être fait pour l’économie (en scannant des comptes financiers d’entreprises) et la politique (à l’aide des résultats de sondages, et d’élections). Tremblez, journalistes, “d’ici 5 ans, un programme informatique gagnera le prix Pultizer”, croit Kris Hammond, chercheur en intelligence artificielle, cité par le New York Times.

“Pour certaines informations très brèves, très simples, une rédaction robotisée peut fonctionner”, estime Frédéric Filloux, auteur de la Monday Note et professeur à l’Ecole de journalisme de Sciences Po. “Mais pour le reste? C’est la théorie du saut en hauteur. Sauter 1,80 m, tout le monde peut y arriver (à condition de s’entraîner, ndlr). Mais 2,30 m, qui peut le faire? Voilà toute la différence entre du très bon et de l’excellent.”

Pas d’humain, pas d’âme journalistique

Même avis du côté d’Alexandre Malsch, 26 ans, ingénieur et directeur général de Melty Network. “Un robot ne saura jamais faire un jeu de mots, à moins peut-être de renseigner tous les jeux de mots de la Terre dans une base de données… Dans tous les cas, un robot ne saura pas écrire un article en y mettant une âme”.

Pourtant, les robots, Alexandre Malsch connaît. Une trentaine d’algorithmes scannent en permanence son site aux 4 millions de visiteurs uniques, destiné aux ados (Alexandre Malsch préfère le terme “jeunes”), Melty.fr. Objectif: “aider” les rédacteurs à produire du contenu au bon format, sur le bon sujet, au bon moment – en clair, pas la peine de mettre en ligne un contenu sur Lady Gaga si le public cible de la chanteuse est à l’école au moment où l’article est publié.

Vers le tout automatique?

Afin, donc, d’être le plus visible possible sur les moteurs de recherche, le jeune développeur a imaginé, dès 2008, un outil de publication (CMS, content management system) qui offre du “presque tout automatique” pour les journalistes. Quelle longueur doit faire le titre de l’article pour arriver en premier dans les résultats de Google? “Aucun rédacteur ne peut en calculer la longueur optimale”, reprend Alexandre Malsch, “seul un robot en est capable”. En effet, dans le CMS, le robot met le titre que tape le rédacteur en “vert” quand il fait la bonne longueur, et en rouge quand il est trop long ou trop court. Idem pour les mots-clés utilisés dans un titre. Le rédacteur peut en proposer trois différents pour chaque contenu produit, le robot donne pour chacun un pourcentage de réussite, le rédacteur n’ayant plus qu’à opter pour le titre ayant obtenu 90% ou 95%.

Autre paramètre sous-traité aux robots dans le CMS de Melty: le nombre de liens que doit contenir tel ou tel article. Et, plus poussé encore, l’heure de la mise en ligne de l’article. A quel moment l’article sera-t-il le plus visible sur Google? Le robot peut le savoir, en analysant de multiples données en un instant, pas le journaliste.

Cette machine à booster le référencement est un exemple de robotisation du système de publication. Le texte, pas touche – à part les liens qu’il contient et le titre. “C’est juste un nouveau Word, un outil pour aider les journalistes, mais cela ne remplace en rien leur travail, leurs interviews, leurs analyses.”

Remettre de l’humain dans les machines

Impressionnant? Aucun doute. Inquiétant? Peut-être. Mais le tout automatique n’est pas encore au programme. “Quand on voit la difficulté qu’ont les outils de traduction à donner des résultats pertinents en temps réel, on comprend que ce n’est pas tout à fait pour demain”, dit encore Frédéric Filloux. D’autant que, rappelle-t-il, avant d’écrire un article, un journaliste doit recueillir une matière première beaucoup plus importante que ce dont il se sert au final… Il faut un volume initial au moins 5 à 10 fois supérieur à la publication.”

Résultat – et c’est paradoxal: Alexandre Malsch et ses développeurs remettent du manuel dans leur machine, par exemple dans l’édition et la sélection des contenus, et dans le fait de pouvoir “forcer” la publication d’un contenu en temps réel, plutôt que d’attendre que le robot le pousse. “Plus le monde avance, plus la sélection humaine a l’importance”, conclut-il. “Le fait à la main redevient une valeur.”

NB: Cet article a été écrit par une humaine.

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Alice Antheaume

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Liens du jour #3

– Et si un robot était capable de produire des infos comme un journaliste? La machine s’appelle Nozzl (Read Write Web)

Super Nanny, star, bien que franco-française, d’une heure sur Twitter (20minutes.fr)

– Sur le Kindle, les auteurs publient leurs ouvrages sans DRM (Digital Right Management, les verrous numériques), et Amazon ne dit rien (Nieman Journalism Lab)

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