Session de rattrapage pour la rentrée

Crédit: Flickr/CC/redagainPatti

Si, cet été, vous avez préféré déconnecter plutôt que de faire les exercices préconisés dans ce cahier de vacances, voici, en guise de rattrapage, une sélection des informations que vous auriez pu rater en août et qui concernent l’information et l’Internet.

3 août 2013 : Newsweek, le magazine américain, est racheté par le groupe de médias en ligne IBT Media, qui édite aussi les sites Latin Times ou encore Medical Daily, et est présidé par un entrepreneur français installé à New York, Etienne Uzac. Le montant de l’opération n’a pas été révélé.

Pourquoi c’est important? Parce que ce titre historique n’en finit plus de passer de mains en mains jusqu’à n’être plus “qu’une marque à la dérive, désincarnée, perdue quelque part dans le cyberespace”, regrette un ancien journaliste, qui raconte la gloriole passée de l’hebdomadaire créé en 1933, à une époque où le temps réel, réseaux sociaux et smartphones n’existaient pas. De fait, ces dernières années ont été chaotiques. En 2010, Newsweek, propriété à l’époque du groupe Washington Post, est mis en vente. Sidney Harman, ingénieur et homme d’affaires, le rachète pour 1 dollar symbolique à l’été 2010. A partir de novembre de la même année, Newsweek fusionne avec le pure-player The Daily Beast, né en 2008, et appartenant, lui, au groupe IAC. Sidney Harman meurt en 2011. Newsweek, sous le contrôle d’IAC, sort son dernier numéro imprimé en décembre 2012 et ne conserve qu’une activité numérique, à peine visible sur le site de The Daily Beast. Au final, Tina Brown, la rédactrice en chef de The Daily Beast et de Newsweek, n’a pas réussi à sauver ce dernier.

5 août 2013 : le groupe du Washington Post, qui détient le quotidien américain homonyme, annonce qu’il est racheté par Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon. C’est bien Jeff Bezos à titre personnel, dont la fortune est de 25,2 milliards de dollars selon Forbes, et non la société Amazon dont il s’agit là. Montant de la transaction: 250 millions de dollars, un prix jugé exagéré. Objectif affiché: “faire mieux que simplement survivre”, a expliqué Donald Graham, le président du Washington Post, dont la famille possédait le titre depuis 1933, soit 80 ans.

Pourquoi c’est important? Si Jeff Bezos ne connaît guère le marché de l’information, comme il le confie lui-même dans la lettre qu’il a adressée aux employés, il s’y connaît en stratégie éditoriale et souhaite développer de nouveaux formats. Changements en vue, donc. “Ils seront essentiels”, insiste Jeff Bezos, alors qu’”Internet transforme presque tous les aspects du marché de l’information, en réduisant les cycles de l’information, en érodant les sources de revenus à long terme et en introduisant de nouvelles formes de concurrence.” Une situation que le Washington Post connaît bien, voyant son nombre d’abonnés décliner de 832.332 abonnés en 1993 à 474.767 en 2013, et faisant face à la montée en puissance de Politico, un média né en janvier 2007, et axé sur la politique sous toutes ses formes (congrès, pouvoir exécutif, lobbying), sans parler d’autres façons de s’informer… En quoi vont consister ces changements? C’est toute la question. Un homme de la trempe de Jeff Bezos, dont on connaît le pedigree technologique et le sens des affaires, qui martèle qu’il faut trouver une nouvelle voie pour l’information et “expérimenter” ne peut que susciter l’intérêt des rédactions du monde entier.

19 août 2013 : Alan Rusbridger, le rédacteur en chef de The Guardian, signe un éditorial au vitriol dans lequel il dénonce les pressions exercées par le gouvernement britannique après que son journal a publié des documents secrets fournis par Edward Snowden, consultant du renseignement américain devenu fugitif. “Vous vous êtes bien amusés. Maintenant, nous voulons que vous nous rendiez le matériel”, aurait sommé un fonctionnaire de l’exécutif anglais. Une injonction qui s’ajoute à l’interpellation, le 18 août, de David Miranda, compagnon de Glenn Greenwald, le premier journaliste à avoir travaillé sur les données de Snowden pour le Guardian. Résultat, Alan Rusbridger indique avoir détruit les disques durs contenant ces informations, sous le regard de deux agents de sécurité de l’Etat.

Pourquoi c’est important? L’éditorial d’Alan Rusbridger est un détonateur à commande multiple. D’abord, on comprend que le journalisme d’investigation est menacé, y compris dans un pays où la presse est libre, par “le formidable appareil de surveillance mis en place par l’État”. Ensuite, le Guardian joue gros. Le titre (site, quotidien et supplément) a perdu 30,9 millions de livres (36 millions d’euros) lors de l’exercice annuel se terminant le 31 mars 2013, selon Le Monde. Or la publication des révélations sur le programme de surveillance PRISM, un scoop mondial, a certes suscité un trafic considérable sur le Web et le mobile, mais n’a pas eu d’impact sur les ventes du quotidien. “Pas de revenu direct, donc”, s’est désolé en juillet dernier Alan Rusbridger, ajoutant que, pourtant, “nous devons gagner de l’argent”.

Le Guardian cherche en fait à retaper sa façade pour séduire des actionnaires potentiels et éviter de couper dans sa rédaction, composée de 600 journalistes. Le message est clair: la rédaction sait produire des coups éditoriaux or “du bon journalisme = un bon business”, sourit Alan Rusbridger.

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Bonne rentrée à tous! Si vous avez aimé ce “rattrapage”, merci de le partager sur les réseaux sociaux.

Alice Antheaume

 

2 commentaires pour “Session de rattrapage pour la rentrée”

  1. […] Rachat de Newsweek (IBT Media) et du Washington Post (Jeff Bezos), pressions sur le Guardian (affaire Snowden), … https://blog.slate.fr/labo-journalisme-sciences-po/2013/08/29/rattrapage-newsweek-jeff-bezos-washingt… […]

  2. […] Herald, aux Etats-Unis, entre 1906 et 1939. Dans House of Cards, le Washington Herald ressemble au Washington Post – racheté cet été par Jeff Bezos -, même si celui-ci a fait une large place au numérique et n’a pas une vision […]

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