Il était une fois les journalistes sur Twitter…

W.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Aurélien Viers, rédacteur en chef au NouvelObs.com, explique pourquoi il a envoyé, à ses équipes, un email sur l’utilisation journalistique de Twitter.

Twitter et les journalistes? Une belle histoire. A croire que les fondateurs ont forgé un service de micro-blogging sur mesure pour la profession.

En mode passif, le réseau social sert d’outil de veille, d’alertes, et comme agrégateur de flux d’informations. On suit en temps réel des médias, des hommes politiques, des sites d’infos, des blogs, etc.

En mode actif, ce couteau suisse peut aussi être utilisé comme moyen de diffusion par le reporter, qui délivre des infos, souvent depuis son smartphone, par tranche de 140 caractères.

Enfin, le réseau permet de rechercher des contacts (interlocuteurs, spécialistes, etc.), d’entrer en relation avec eux – comme avec le reste du monde – et d’établir un dialogue en direct entre le journaliste et le public.

En bref, Twitter = veille + information + communication + discussion.

Là où les rédactions permettaient aux journalistes de s’exprimer dans un format défini et limité (une page dans le journal, un reportage dans une émission de radio), Twitter permet aux journalistes de s’exprimer avant, pendant, après le bouclage. Jour et nuit.

Comme ils le veulent? Oui. Les journalistes se sont appropriés le réseau. Chacun à leur manière. Certains ne diffusent que des infos sur leur secteur d’’activité, par exemple, et partagent leur veille. D’autres recherchent des témoins. D’autres encore débattent sans fin de l’actu. Beaucoup en rigolent. Et puis, certains font tout cela à la fois: veille, information, discussion, débat, humour.

Tout dépend de la couleur que vous annoncez dans votre biographie, ces quelques lignes que l’on écrit à côté de la photo de son profil. Et si c’était le contrat de lecture que vous passez avec ceux qui vous suivent – vos followers?

On peut être journaliste Web et ne pas s’empêcher de plaisanter de temps en temps. Ce que fait très bien Alexandre Hervaud, qui se présente sur son profil comme “journaliste en quasi-vacances. CECI N’EST PAS UN COMPTE (trop) SERIEUX”.

Moins abruptement, certains glissent aussi à leur audience qu’ils manient le second degré. Nicolas Filio, par exemple, rédacteur en chef adjoint de Citizenside, affiche son “amour pour la langue française” quand la moitié de ses messages sont écrits en anglais.

L’ironie, le second degré, l’humour transpirent dans les articles à la française. Alors, les bâillonner sur Twitter?

Un journaliste ne peut oublier qu’un tweet, même écrit en une seconde, ne peut colporter des éléments non vérifiés. D’autant que, hormis ceux qui perdent toute retenue, le journaliste sait que cet espace, Twitter, est public, voire grand public, avec plus de 3 millions d’inscrits en France.

Au sein de son média, dans son service, lors des conférences de rédaction, le journaliste discute avec ses collègues. Ceux-ci s’interpellent et s’opposent parfois. C’est plus que normal. C’est nécessaire. Mais s’en prendre à son propre média, ou critiquer sa direction? Cela peut bien sûr arriver, mais ces séquences n’ont pas vocation à se retrouver déballées à l’extérieur de la rédaction. Il en va de même sur Twitter.

C’est pour rappeler ces quelques règles élémentaires et de bon sens (voir à ce sujet le très intéressant billet d’Eric Mettout, le rédacteur en chef de lexpress.fr) que j’ai adressé un email au service Web du Nouvel Observateur. Un message repris in extenso (sans m’avoir contacté) par Télérama.fr, puis évoqué dans un article du Monde.

Avec ou sans charte d’utilisation des réseaux sociaux (le Nouvel Observateur a une charte de déontologie, mais pas de charte relative à ce que les journalistes ont le droit ou pas d’écrire sur Twitter ou Facebook, ndlr), les journalistes laissent transparaître leur personnalité sur les réseaux sociaux – continuons ainsi.

Les surréalistes ont beaucoup cité le vers d’Arthur Rimbaud – il faut absolument être moderne. Sur Twitter, nouvel espace d’expression, où tout reste à expérimenter, journalistes, restez vous-mêmes. Il faut absolument être non terne.

Aurélien Viers

8 commentaires pour “Il était une fois les journalistes sur Twitter…”

  1. Très intéressant contrepoint à l’avis d’Eric Mettout. Je ne suis pas persuadé que le clivage entre vous soit très grand, il parle de faire confiance à ses journalistes, vous de leur rappeler des règles de bon sens… J’entends la même chose. Cela dit, je ne suis pas aussi “tolérant” que vous concernant la ligne qu’adoptent certains journalistes, y compris parmi ceux que vous citez. Qu’ils soient dans le registre du LOL, du décalé, du trash, de second degré, je pense que Twitter n’est pas le bon lieu pour cela pour des journalistes. Les traits d’esprit en 140 signes cela peut faire très plaisir à leur auteur, mais cela dénote aussi une certaine vision de notre métier qui gagnerait globalement à s’imposer une rigueur plus grande.
    L’AEF, agence de presse à laquelle j’appartiens (80 journalistes), s’est dotée d’une charte pour essayer de résoudre le dilemme entre la ligne de neutralité qui est la sienne et le côté plus relâché qui va avec Twitter. Je pense que nous sommes allés assez loin dans la réflexion, même si cela n’a pas rencontré d’écho particulier dans la profession.
    J’en ai parlé ici : http://monjournalisme.fr/2011/06/une-agence-de-presse-peut-elle-apprivoiser-twitter/

  2. Pour @AlexandreHervaud c’est sa nouvelle bio twitter et c’est peut-être justement sa pratique de twitter (l’ancienne bio mentionnait bien qu’il était journaliste) à Libération qui lui a joué des tours… Il aurait peut-être fallu en parler dans le billet :-///

  3. Je ne suis pas certain que cela pose beaucoup de problème aux journalistes de respecter et protéger leur entreprise. Cela tombe effectivement sous le sens.
    Par contre, quand vous écrivez “journalistes, restez vous même”, acceptez vous qu’un de vos journalistes affiche clairement des opinions politiques (religieuses, etc…) qui peuvent parfois être en opposition avec la ligne éditoriale de votre media???

  4. On ne peut pas empêcher les journalistes sur Twitter d’exprimer leur opinion, notamment politique, ou leur réflexion. C’est aussi un lieu de débat ou de prise de position…

  5. […] Via Scoop.it – MotsNumériquesW.I.P. demande à des invités de donner leur point de vue. Ici, Aurélien Viers, rédacteur en chef au NouvelObs.com, explique pourquoi il a envoyé, à ses équipes, un email sur l’utilisation journalistique de Twitter.Show original […]

  6. […] “Je ne pensais pas que cela arriverait, nous n’avons jamais eu aucun souci”, reprend Aurélien Viers. “Aucun journaliste ne tweete sur son canard ou sa direction en les critiquant, c’est enfoncer des portes ouvertes, mais il fallait que cela soit précisé”. Il a alors envoyé un email à son équipe, rappelant quelques règles simples et de “bon sens” sur l’utilisation de Twitter par les journalistes, dont il s’explique dans cette tribune publiée sur WIP. […]

  7. Ce point de vue est solide et fondé mais rendons à Rimbaud… la citation exacte : “il faut être absolument moderne”. Il y a là plus qu’une inversion de mots puisque pour Rimbaud – et les surréalistes qui le reprenaient – la question de la modernité ne se posait pas. On se devait d’être moderne. Mais on devait l’être sans réserve, de façon absolue.

  8. […] Le point de vue d’Aurélien Viers, rédacteur en chef du NouvelObs.com Le point de vue d’Eric Mettout, rédacteur en chef de l’Express.fr Le point de vue de Johan Hufnagel, cofondateur de Slate.fr […]

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