La chasse aux trolls s’organise

Les commentaires les plus fréquents, sur un site d’informations généraliste à fort trafic? «Adieu l’artiste» (si une personnalité vient de mourir), «pauvre France» (pour les sujets de la rubrique société, également en politique), «OSEF», l’acronyme de «On S’En Fout» (pour tout type d’article). Sans compter les multiples «les journalistes devraient un peu plus chercher la petite bête avant de véhiculer au mieux des informations imprécises, au pire des manipulations….» et autres «pourquoi traiter de ce sujet stupide alors que des gens meurent en Indonésie/Somalie/Chine».

Ceux-ci côtoient, heureusement, d’excellentes réactions qui apportent un supplément d’information, voire pointent ce que le journaliste aurait pu rater.

A les lire, et, pire, à les modérer, je me demande, au fond, à quoi servent ces commentaires (1.300 sont soumis chaque jour sur lemonde.fr; plus de 2.000 commentaires sur Rue89; et près de 4.000 sur 20minutes.fr). D’où le dilemme: faut-il privilégier le volume, et laisser en ligne les commentaires cités ci-dessus, suivant l’idée que ces commentaires sont le reflet de ce que pensent les lecteurs, idiots ou pas? Ou faut-il supprimer les commentaires dont la rédaction juge qu’ils n’apportent ni fond, ni débat au sujet, voire qu’ils n’ont rien à voir avec le sujet du tout?

Crédit: Flickr/CC/zzathras777

Crédit: Flickr/CC/zzathras777

>> MISE EN GARDE Attention, loin de moi l’idée de retirer toute possibilité de commenter les productions journalistiques. Du journalisme sur le Web sans interaction avec l’audience, ce serait comme une profiterole sans chocolat fondu. Cela n’aurait aucun intérêt. La question, c’est comment organiser l’interaction entre journalistes et internautes pour que l’échange ne soit pas «plombé» par des commentaires incongrus, sur les réseaux sociaux comme sur les fils de commentaires internes des sites d’infos? >>

Cohabitation entre rédactions et trolls

Selon Antonio A. Casilli, auteur de Les Liaisons numériques (éd. du Seuil), les commentaires parasites ne sont pas l’exception, ils sont la règle. «Nous vivons avec les trolls», lâche-t-il, en plein milieu d’un débat organisé par le Spiil, le syndicat de la presse professionnelle en ligne. Un troll, c’est quelqu’un qui va poster des commentaires sans intérêt, sinon celui de casser la discussion de l’audience et de tuer le débat. Il le fait souvent exprès. Et c’est très irritant.

Yann Guégan, community manager de Rue89, veut être positif: «l’intérêt de cohabiter avec les trolls, c’est qu’il y a un côté difficulté intellectuelle, façon “L’Art de la guerre”, pour trouver comment les contrer.» «Les trolls font partie du jeu, confirme Michel Lévy-Provencal, ex-directeur du studio multimédia de France 24, et organisateur des conférences TEDx à Paris. Quand les journalistes s’exposent sur le Net, les “trolleurs” les prennent comme objets de discussion. C’est un grand classique.»

En effet, ajoute Thibaud Vuitton, journaliste au Monde.fr: «On connaît les papiers qui vont susciter des réactions: généralement il suffit qu’il y ait “Sarkozy” dans le titre pour que ça se déchaîne. On remarque aussi que les critiques sur les papiers sont plus acerbes à partir du moment où un article est signé par un journaliste. Les commentaires sont plus neutres quand c’est signé “lemonde.fr”.»

Thermomètre

Le phénomène est tel que les trolls servent au fond de baromètre de visibilité. Car au fond, il serait inquiétant qu’un site d’infos d’envergure ne soit pas «trollé». Cela signifierait que ses contenus ne suscitent pas – assez – de réactions et qu’ils ne sont pas assez populaires. Lemonde.fr est, à ce titre, un cas à part car seuls les abonnés peuvent commenter. «Du coup, ça limite – un peu – les trolls, juge Thibaud Vuitton. Mais ça favorise un autre type de réactions de lecteurs qui, parce qu’ils sont abonnés, parce qu’ils payent pour pouvoir commenter, sont en droit d’exiger quelque chose. Les commentaires du type “Le Monde n’est plus ce qu’il était” ou “Beuve-Mery se retourne dans sa tombe” sont les plus énervants. On peut parler de trolls car ils n’apportent pas grand chose au sujet traité.»

Exportation des trolls sur les réseaux sociaux

Or il n’y a pas que sur les sites Web d’infos que cela se passe. «Sur les réseaux sociaux aussi, il y a des trolls», reprend Michel Lévy-Provencal. Sur la page Facebook d’un site d’infos, et aussi sur Twitter, en réaction à un tweet par exemple. C’est d’autant plus compliqué à vivre, pour les rédactions, que cela signifie que l’interaction et «la modération doivent aussi s’effectuer en dehors du site d’origine.» C”est-à-dire sur tous les espaces où les communautés des sites d’infos s’exportent.

A dire vrai, les rédactions en ont assez des trolls. Surtout les trolls d’extrême droite, plus offensifs sur les sites d’infos, notent les journalistes en ligne, que ceux de l’extrême gauche. Ils ont été à la fête cet été lors des polémiques sur la sécurité, la déchéance de la nationalité et les Roms. Sur les sites d’infos, nombreux sont les articles qui ont été fermés aux commentaires «quelques minutes après qu’ils ont été mis en ligne, voire avant la mise en ligne», me raconte Mélissa Bounoua, l’une des community managers de 20minutes.fr. «Nous avons même pensé faire une journée sans commentaire (sur aucun article).»

«Comme partout, il y a des millions d’abrutis qui polluent les fils de discussion, reconnaît Duy Linh Tu, professeur de journalisme à l’école de la Columbia, à New York (1). Mais si vous prenez le temps de mettre en valeur les commentaires pertinents de ceux qui réfléchissent, vous connaîtrez mieux vos lecteurs, mieux aussi les sujets sur lesquels vous travaillez, et au final, vous améliorerez la valeur de la marque de votre site d’infos aux yeux de votre audience».

Explications: à chaque fois que quelqu’un commente, lit un commentaire ou réagit à un commentaire, l’article et la page de cet article fait un clic de plus. Si les commentaires sont bien modérés et que la rédaction répond elle-même, dans les commentaires, dans le fil Facebook, aux remarques des internautes, l’audience va développer un attachement plus grand pour le site en général. Si tout va pour le mieux, le public va alors davantage s’inscrire aux newsletters, s’abonner aux flux RSS, et se sentir partie prenante de l’information, estime Duy Linh Tu. Bonus non négligeables: les clics sur les commentaires font de la page vue, et aident au référencement du site dans les moteurs de recherche.

Des éloges? Rarement. Des colères? Tout le temps

Sauf que ce serait trop simple. «Les internautes ne commentent pas pour dire que telle ou telle info est chouette. S’ils trouvent l’article bien, soit ils se taisent, soit ils cliquent sur le bouton «I like», rappelle Charles Dufresne, community manager sur les sites d’infos depuis… 2005. Les seules fois où l’on note de l’empathie de la part de l’internaute dans les commentaires, c’est lorsqu’une personnalité meurt, et/ou lors d’un exploit sportif.»

Dans le même temps, les rédactions et les internautes ont commencé à distribuer des mauvais points aux trolls. L’un s’appelle le point Godwin, c’est le pire des mauvais points. Il repose sur le principe que «plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler» devient forte. En France, un autre mauvais point est apparu, et ce, dès le 14 janvier 2007, au congrès de l’UMP porte de Versailles, lorsque Nicolas Sarkozy annonce qu’il sera candidat à la présidence de la République.

«C’est à partir de cette date que l’on note l’apparition du point Sarkozy reprenant le principe du point Godwin», se souvient Charles Dufresne. Cette fois, «plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant Sarkozy et L’UMP» devient forte. Illustration par l’exemple via ce commentaire sous un article sur la menace terroriste de Ben Laden: «Ben Laden/Sarko, même combat». Heureusement, cela reste un phénomène «infinitésimal, reprend Yann Guégan, même si «l’on a de vrais cas psychiatriques, des trolls acharnés qui nous traitent de “bande de BIP de gauchistes” et font du harcèlement numérique. Ils changent de comptes, t’embrouillent la tête et montent les internautes les uns contre les autres. Jusqu’à ce que tu comprennes que c’est la même personne qui fait les questions et les réponses sous différentes identités.»

L’insulte par mimétisme

Autre phénomène récent: le mimétisme entre le ton relevé dans les propos de personnalités publiques et celui des commentaires des internautes. Avec les dérapages langagiers de Brice Hortefeux, de Jean-Paul Guerlain au JT, «l’internaute se dit qu’il peut faire pareil, et se met à paraphraser l’insulte, dans les commentaires», sur le site d’infos comme sur les réseaux sociaux.

L’insulte, la diffamation, le racisme, la xénophobie, l’homophobie, etc… tout cela doit être supprimé sans délai sur les sites d’info, qui sont, en tant qu’éditeurs, responsables devant la loi de la bonne tenue des débats.

Les trolls le savent bien, et, même s’ils accusent les modérateurs d’être des «censeurs», ils s’adaptent à la marge. Ainsi, ils se sont mis à faire du LOL, qui n’est pas modérable, note Charles Dufresne. Lors du chat avec Benjamin Lancar, porte-parole des jeunes populaires, l’un des 10 articles les plus commentés de toute l’histoire de 20minutes.fr, ont ainsi surgi des commentaires qui passent par l’humour plutôt que par l’insulte: «Hey Benji! Petite question indiscrète… Es-tu inscrit sur DroiteRencontre?»; «Benji, étais-tu celui qui, dans la classe, recevait les boulettes de papier dans la tête?»; «Pensez-vous adopter un lolcat pour améliorer votre popularité sur la toile du web 2.0?».

Pour Yann Guégan, il n’y a pas que les trolls qui ont mûri, les rédactions aussi. «Au fil de l’eau, on a appris une chose: ceux qui commentent le plus souvent ne sont pas les plus pertinents. Alors que quelqu’un qui n’aura rédigé qu’un seul commentaire peut s’avérer très brillant.»

Quatre organisations à la loupe

Face aux trolls et autres commentaires désarmants, voici quatre tentatives d’organisation des réactions de l’audience qui valent le coup d’oeil:

1.     Le tagage des commentaires, façon Gawker

Gawker, qui voit son flux de commentaires augmenter et cherche à ce que ceux-ci soient de qualité, a institué un nouveau système. Selon les explications données le 14 septembre dernier, les commentaires ineptes peuvent désormais être tagués individuellement, par les modérateurs, de mots-clés pas très charitables, tels que #horssujet ou #bancal. Ils sont alors sortis de l’article où ils ont été postés à l’origine, et deviennent visibles dans des pages taguées selon les catégories suivantes: «patrouille de trolls» (#trollpatroll); «fans de» (#fanboys) pour les «gens qui ont perdu tout sens critique au profit d’une marque ou d’une idée, et qui sont fermés à toute discussion»; «suspension de séance» (#timeout) pour ceux qui méritent d’être bannis; «zone fantôme» (#phantomzone) pour ceux qui ne savent pas écrire correctement deux phrases et font des remarques stupides; et «bruit» (#whitenoise) pour «ceux qui parlent de rideaux alors que l’article porte sur tout autre chose». En clair, cela revient à envoyer le troll au piquet, visible de tous, sur une page dédiée à sa bêtise. La correction par l’exposition publique au ridicule, donc, plutôt que par l’éviction.

2.     Le statut de commentateur VIP, façon Huffington Post et Reuters

Comme sur le Huffington Post, Reuters a institué un système selon lequel les commentateurs passent des niveaux, et obtiennent des «pouvoirs» au fur et à mesure de leur progression, comme dans un jeu vidéo. Au début, ils sont simples «nouveaux utilisateurs», leurs commentaires sont modérés a priori par la rédaction de Reuters. A chaque fois que l’un de leurs commentaires est validé, ils gagnent des points. Au bout d’un certain nombre de points, ils deviennent «utilisateurs reconnus», et là, leurs commentaires sont validés a priori – c’est-à-dire qu’ils sont publiés aussitôt qu’ils sont écrits, sans devoir attendre la validation du modérateur.

Cependant, met en garde Dean Wright, de Reuters, la rédaction regarde a posteriori les commentaires ainsi publiés. Si le commentaire est pertinent, l’utilisateur gagne d’autres points. En revanche, si le commentaire est malvenu, que la rédaction doit le supprimer après publication, l’utilisateur reperd des points. A l’issue de ce comptage, l’utilisateur reconnu peut accéder, au bout d’un certain nombre de points, au statut d’utilisateur VIP, expert, etc. «Ce système n’est pas parfait, glisse Dean Wright, mais nous pensons que c’est un début qui facilitera les échanges civiques et récompensera une discussion ouverte à toutes les franges de la société.» «La notion de badge, de réputation, fonctionne très bien, analyse Michel Lévy-Provencal. Car cela fait émerger des personnages clés issus du public, qui vont permettre l’auto-régulation des débats».

3.     Le classement des commentaires, façon The Daily Mail et Rue89

Le Daily Mail a organisé son flux de commentaires en quatre catégories: les plus récents, les plus vieux, les mieux notés, et les moins bien notés. Façon de gérer le flux et laisser les autres utilisateurs décider, en votant, de  la qualité des réactions. Rue89 le fait aussi, dans une moindre mesure: la rédaction sélectionne les commentaires les plus enrichissants sur un article, lesquels s’affichent par défaut sous le contenu, alors que les autres sont moins visibles, et les internautes peuvent voter pour un commentaire – mais une bonne évaluation ne provoque pas la remontée en tête du fil du dit commentaire, précise Yann Guégan.

4.     L’identification des commentateurs, façon Slate.com

A ceux qui s’arrachent les cheveux devant les commentaires anonymes de «lombric118», qui peut être banni puis revenir en s’inscrivant sous le pseudo «lombric128», Slate.com a choisi de ne pas publier de commentaires non identifiés. Or pour y parvenir en un clic, Slate.com demande à ses internautes de s’identifier via leur compte de leur choix (compte Facebook, Twitter, Google, Yahoo!, Friend Feed, etc.). Les identifiants et mots de passe sont donc ceux que l’internaute utilise déjà sur l’un de ces comptes. En outre, cela permet au débat de se faire avec des commentateurs plus engagés dans la mesure où ils sont définis par la page profil de leur réseau social. Avec leur photo, leur métier parfois, et leur vrai nom le plus souvent.

«Le jeu en vaut la chandelle, conclut Thibaud Vuitton. C’est quand même une des plus belles choses que le Web a apporté au journalisme: nous sommes en prise directe avec notre audience.»

(1) propos recueillis par chat

Et vous, comment faites-vous pour lutter contre les trolls et gérer le flux de commentaires?

Alice Antheaume

31 commentaires pour “La chasse aux trolls s’organise”

  1. Article intéressant merci. L’apport des commentaires et la nécessité de faire avec les trolls est aussi intéressante que les mots sur lesquels ils aiment à baver! J’aime particulièrement cet aspect que souligne Yann Guégan «l’intérêt de cohabiter avec les trolls, c’est qu’il y a un côté difficulté intellectuelle, façon “L’Art de la guerre”, pour trouver comment les contrer.» C’est ce qui rend la modération un peu plus passionnante également…

  2. Chez nous, il y a un système de modérateurs issus de la communauté, sélectionnés sur leur motivation, envie de participer, etc. D’autant plus efficace qu’il y a sur le site une énorme partie des forums qui n’a absolument rien à voir avec la partie actualité, et finalement cette équipe de modérateurs (qu’on soutient, sur la partie actu ce sont essentiellement les journalistes qui la gèrent) s’en tire vraiment bien.
    Bien sûr, il y a du troll, et il y en a toujours. Il y a une partie des sujets qu’on traite, dont on sait avant de les écrire qu’ils partiront en flamewar. Mais c’est comme ça, et finalement les trolls se font généralement rabrouer par la communauté directement, voire les modérateurs s’ils sont un peu moins contrôlables.
    Avec un système de sanction, qui va de la suspension au ban à vie. D’ailleurs, le problème du multi-compte n’en est pas vraiment un : ce n’est pas compliqué de repérer que l’adresse IP est la même (a priori un troll qui va commenter sous différents pseudos ne va pas changer d’IP entre les deux, sauf à n’avoir vraiment QUE ça à faire de ses journées).
    J’ajouterai qu’il ne faut pas être trop catégorique : un troll sommeille en chacun de nous, et on peut devenir troll deux heures par mauvaise humeur, envie de se passer les nerfs, sans pour autant gâcher la vie des gens à longueur de temps. Je connais plusieurs cas de lecteurs qui se sont défoulés, on été sanctionnés deux jours, ou ont simplement reçu un MP d’avertissement, et se sont excusés sans que ça aille plus loin.

  3. La meilleure solution est aujourd’hui d’investir véritablement sur le community management.
    Vu que le trafic créé par les commentaires est d’une importance cruciale pour créer du trafic, il est temps de se donner les moyens de mettre en place une véritable stratégie de community management.
    Il s’agit entre autre de ne plus confier cette tâche à des stagiaires ou à des débutants.
    Pourquoi ne pas mettre des journalistes ou personnes ayant ce type de formation/background à la modération des commentaires sur les sites de médias?

    On avait expérimenté cela pendant un moment sur un portail : chaque journaliste était chargé de modérer les commentaires sur ces articles. L’expérience n’a pas tenu trop longtemps (à cause des égos des uns et des autres…) mais elle avait montré une voie pas trop mauvaise à mon sens…

  4. Alice, pourquoi cette évocation de la profiterole sans chocolat ? Une frustration récente ? Ou juste quelque chose qui vous passait par la tête ? Vous avez besoin d’en parler ?

    (Oui, ceci est une illustration, ne me remerciez pas)

  5. On s’en fout non ?

  6. Bonjour,

    votre article est super intéressant, et du coup je prends une énorme claque. Il se trouve que j’ai été un troll, hier sur @rrêt sur Image (membre du spiil, chez qui vous êtes brillamment intervenue), dont vous pourriez citer l’excellent forum de discussion.

    Oui j’ai été un troll, censuré et exclu pour une semaine pour attitude trollesque. Pourtant, en 3 ans d’usage, je crois avoir été un membre tout à fait correct, animant les débats avec courtoisie et sympathie… et puis je me suis laissé prendre hier à une discussion, avec un troll justement.
    Et il m’a changé en troll à mon tour. Le débat est devenu un règlement de compte entre commentateurs, la modération a jugé bon de censurer larga mano, moi avec mon petit ego échauffé j’ai crié au scandale, enfermé dans mon illusion virtuelle, et j’ai insulté tout le monde.
    Un pétage de plomb. Et moi, un des premiers soutiens d’@rrêt sur image, l’abonné des premiers jours, je deviens un troll frappé du bannissement infâmant comme un collégien insolent.

    Docteur, suis-je vraiment un troll ?

  7. Le fond du problème, à mon avis, c’est que ces journalistes professionnels n’ont pas besoin d’avoir des commentaires sur leurs articles. Je parierais même que les commentaires les dérangent plus qu’autre chose. Les journalistes ont une journée de 8 heures pour produire du contenu et n’ont que rarement le temps de lire tous ces messages, et encore moins de discuter consciencieusement avec leurs lecteurs, qu’ils soient trolls ou non.
    Contrairement à un blog traditionnel, dans lequel l’auteur prend le temps d’échanger en commentaires, créant ainsi un rapport qui est tout autre avec ses lecteurs — et ce, quel que soit les sujets abordés, quelle que soit l’importance du lectorat, et sans même passer par le moindre système de modération ou de notation des commentaires. Il n’y a qu’à voir comment se débrouillent des Maître Eolas ou Laurent Gloaguen pour s’en convaincre. Les trolls ? On ne les voit même pas.
    Sur un blog, les commentaires sont en vérité des fils de discussion. Sur un site de presse, ils sont en réalité des courriers de lecteurs, avec toutes les doléances, le parasitage et les coups de gueule que cela comporte lorsqu’un individu s’adresse à une entité abstraite, à une marque.

    Et pourtant, les sites de presse s’obstinent à garder la possibilité de commenter, pourquoi donc ? L’alibi est connu : « les commentaires permettent de corriger un article, de le compléter, de l’enrichir » sauf qu’en réalité, mis part quelques rares exceptions, il n’en est rien. Il parait même que « du journalisme sur le Web sans interaction avec l’audience, ce serait comme une profiterole sans chocolat fondu. Cela n’aurait aucun intérêt. » mais vous en connaissez beaucoup, vous, des journalistes web qui ont l’habitude d’interagir avec leur audience ? Pas tant que ça. Le simple fait d’employer des community managers pour gérer les commentaires en est déjà symptomatique.

    M’est avis que les sites de presse conservent cette fonction embarrassante pour fidéliser une partie des lecteurs acharnés qui lisent ou rédigent quotidiennement ces commentaires (préserver un sans-blanc de communauté en somme — façon forum, mais en papier mâché), et ainsi de flatter quelques stats permettant de meilleurs revenus.

  8. Merci pour cet article très intéressant que je partage…
    J’irai plus loin encore en rappelant que le journaliste ou blogger est rédacteur, c’est lui qui apporte la valeur ajoutée de ce qui est lu et le lecteur lui est fidèle parce que le journaliste a choisi un contenu qui est pertinent.
    Les commentaires apportent en effet souvent des points de vue intéressants et selon moi, c’est le journaliste lui même qui doit s’intéresser aux contributions des lecteurs plus qu’un community manager (qui doit s’y intéresser dans une autre mesure pour promouvoir le support de publication).
    Ainsi il serait tout a fait pertinent que le journaliste assume certains commentaires, soit en reprenant des passages et en citant les auteurs, dans une partie “contributions intéressantes” après l’article et donc mise en valeur par rapport aux commentaires, soit en sélectionnant des commentaires qui apparaitraient dans une rubrique “commentaires choisis” mise en valeur par rapport au flot des commentaire, souvent illisible pour les lecteurs!

  9. «Le jeu en vaut la chandelle, conclut Thibaud Vuitton. C’est quand même une des plus belles choses que le Web a apporté au journalisme: nous sommes en prise directe avec notre audience.»

    oh que oui !

    l’enjeu aujourd’hui est d’inciter le maximum d’internautes à commenter. Quant à la manière de mettre en avant les meilleurs commentaires (et non commentateurs), tout reste encore à imaginer.

    J’avais récemment écrit un billet sur ce thème en expliquant notamment ce qu’était pour moi un billet bien commenté. Je me permets de partager 😉
    http://www.editorial-interactif.com/vive-les-commentaires/

  10. Trop long ; pas lu.

  11. On peut aussi regarder du côté de Youtube (commentaires modérés via des votes + / – et mis en valeur en tête).
    Et puis la problématique existait déjà à l’époque des forums (statut de réputation en fonction du nombre de commentaires)

    Et à mon sens, l’un des plus beau système pour des membres loggés est celui du forum de http://www.subfactory.fr/forum.html#threadlist Les membres distribuent des points aux commentaires, qui impactent les points à disposition des auteurs, qui eux-mêmes distribuent des points, etc.

    La discussion est aussi intéressante du côté des systèmes de notations, les étoiles ont disparus pour être remplacé par le + ou – complétement manichéen mais plus efficace.

    Enfin, il me semble que plus une rédaction / des auteurs répondent aux commentaires, plus les trolls sont identifiés rapidement, moins ils sont véhéments et plus les lecteurs repèrent les commentaires de qualité. A vérifier…

  12. Pour ma part, j’ai choisi de demander, aux rédactions et supports qui me publient, qu’ils ne publient aucun commentaire après mes articles. Car au fond, je considère que l’internet favorise les échanges violents entre personnes qui ne se connaissent pas. Et c’est une perte de temps pour tous, et pis encore c’est favoriser des addictions perverses.

    Demian West

    http://demianwest.7duquebec.com/?p=143

  13. L’idée de vouloir “sélectionner” les commentateurs me dérange toujours un peu. Attention aux dérives que cela peut engendrer. Par exemple et pour caricaturer, un site d’intellos commenter par des intellos perd tout sens critique. Effet inverse de celui recherché. A priori un bon commentateur qui a un peu de jugeote ne prendra pas en compte les commentaires de Trolls. Et s’il perd son sang froid c’est qu’il n’est pas si bon que ça !

  14. OSEF

  15. Bonjour je suis un ‘troll’ sur lesinrocks.com.
    Je souhaiterais apporter quelques nuances a l’article :

    1) ne négligez pas les trolls : ce sont un contre pouvoir utile et nécessaire.
    Car qui sont le contrepouvoir des media?
    a part les trolls, personne!

    2) face a l’essort du personnal branding, le troll est une arme efficace pour eviter que le journaliste tombe dans des derives egocenrtistes

    3) un peu facile de traiter les commentateurs de trolls sans se remettre en cause. (surtout pour le « On s’en fout » sous les sujet bidon buzz)

    4) cessez le mepris svp. Les gens sont comme dans la IRL : des beauf. C est donc normale de retrouver des commentaires du genre « adieux l’artiste ».

  16. OSEF !

  17. Le débat suscite des controverses, Schopenhauer dévoile en son temps quelques subtilités de l’art d’avoir toujours raison. Comment qualifier le ” troll”, qui n’a de nouveauté dans le discours, que le terme mythologique. Un lutin, un ogre, une gargouille? Votre article le défini très bien, un alien !

  18. Hello

    Nommer des personnes “Troll” est une marque de respect que je ne connaissais pas. Est-ce censer inviter à un dialogue constructif ?

    J’oublierai le «Comme partout, il y a des millions d’abrutis qui polluent les fils de discussion, reconnaît Duy Linh Tu, professeur de journalisme à l’école de la Columbia, à New York (1)”.
    Les cons sont partout y compris chez les rédacteurs, les journalistes et les titulaires d’une carte de presse qui participent à mieux vendre de la lessive dans les journaux en pratiquant l’auto-censure pour assurer leur survie.

    Par ailleurs, c’est bien de connaître l’art de la guerre de Tsun Zu, il serait peut-être tant de passer la 3 avec la sagesse de mots de Baltasar Gracian.

    Je précise 3e car le premier livre est le prince de Machiavel pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu.

    Je ne connaissais pas ce site mais au travers de cet article c’est d’un conformisme qui me rappelle trop l’expérience de Arsch !

    Au revoir

  19. “auteur de Les Liaisons”
    => En français, on écrit “auteur des Liaisons”

    “Un troll, c’est quelqu’un qui va poster des commentaires sans intérêt, sinon celui de casser la discussion de l’audience”
    => Non, la notion de troll renvoie à un message polémique, visant à faire réagir. Ce n’est pas forcément sans intérêt !

    “nombreux sont les articles qui on été”
    => “ont”

    “voire avant la mise en ligne”
    => Les commentateurs sont si rapides, j’en suis impressionné !

    “Charles Dufresne, community manager sur les sites d’infos depuis… 2005”
    => À quoi servent les points de suspension ici ?

    “et/ou lors d’un exploit sportif”
    => En français, le “ou” suffit. “et/ou” est une aberration.

    “bande de BIP de gauchistes”
    => Le “BIP” est utile pour censurer un son ; à l’écrit, c’est un peu ridicule.

    “et se met à paraphrase l’insulte”
    => “paraphraser”, plutôt ?

    “A ceux qui s’arrachent”
    => Il manque l’accent sur le “À”.

    “les commentaires ineptes peuvent désormais être tagués individuellement, par les modérateurs, de mots-clés pas très charitables, tels que #horssujet ou #bancal”
    => On dit “étiqueté” plutôt que “taggué”. À quoi sert le symbole # ? Mettre le mot en italique ferait bien plus propre.

    Etc.

  20. Encore une fois, le troll comme le lol sont issus de la culture du jeux vidéo, la Mecque du troll se trouve sur les forums de jeuxvideo.com. Toute cette “culture” s’exprime depuis plus d’une décennie sur le net.

    A quand un article sur, comment modérer les fatals flatteurs dans les commentaires ?

  21. je pratique beaucoup plus les blogs ou forums de sport :

    primo sans modération affichée sur le site lui même c’est une porte ouverte au trollage… et dans les forums de sport, l’empoignade va bon train, il suffit parfois d’un rien…
    deuxio : si’l n’y a pas d’action de modération bien marquée dès le début, c’est particulièrement difficile de remettre de l’ordre par la suite… aucun gérant de site web n’a envie d’éplucher tous les commentaires qui sont postés.

    et d’abord qu’est-ce que les trolls ? espèce de poil a gratter des forums, c’est parfois très drôle, souvent pathétique mais le plus souvent les trolls sont comme des sales gosses qui poussent les limites de l’autorité… voir jusqu’ou on peut aller dans la provocation, d’autres cherchent un défouloir purement et simplement… l’objet de l’article ne les intéresse pas ! ils sont la pour se montrer, exister. Rien de plus énervant pour un troll que de déposer un commentaire qui fera pschiittt ! les trolls ne peuvent exister que grâce à tous les soupe au lait qui démarrent au quart de tour.

    certains objecteurs sont assimilés aux trolls car ils n’interviennent uniquement sur leur sujet de prédilection, celui du PSG ou sarko, ou autre….
    ils ont souvent un très bon argumentaire, mais le fait de les voir rabâcher les mêmes arguments à longueurs d’articles qu’ils arrivent à détourner d’une façon ou d’une autre pour parler de LEUR sujet… c’est particulièrement symptomatique de tous les forums sportifs.

    finalement il reste le forumeur tout à fait normal qui parfois pète un cable sur le sujet qui lui donne des boutons… il se contrôle bien les 3/4 du temps mais fini toujours par déraper quand la soucoupe est pleine. En fait c’est le défaut majeur qui guette tous les forumeurs, à force d’être immergés dans les forums on prend des libertés sur le ton et la forme quand on s’habitue à discuter toujours avec les mêmes personnes. Des personnes qu’on croit connaitre car on discute parfois sur plusieurs mois, et qui tout à coup réagissent différemment, ou n’accèptent pas de devenir cyber amis.

    reste le cas des sites de cyberportes : on se retrouve autour d’un seul sujet dont tous les membres sont passionnés : le foot, tennis, la musique, l’écriture…
    le nombre de participants est restreint, et n’est pas ouvert à tous vents, c’est sélectif dès l’entrée, un poil intimidant.

    dans le cas des sites journalistiques, l’ouverture des articles aux commentaires permet d’augmenter sensiblement le nombre de visiteurs,c’est évident.
    d’autre part, sans interactivité du journaliste qui a rédigé l’article ce n’est pas toujours intéressant d’avoir des commentaires. Car c’est bien beau de croire à l’interactivité journalistes/forumeurs, mais croire qu’un article suffit c’est limité.

  22. Très bon commentaire de Christophe D., qui mouche ce papier militant pour le communuity management sur sites médias.

    Le community management pour les entreprises? Opportun et porteur de valeur ajoutée, exactement ce que le consommateur peut rechercher et estimer nécessaire pour reconnaître la vraie plus-value apportée par la société commanditaire.

    Le community management dans les médias mainstream? La mort précipitée du petit cheval.
    En clair le développement de l’emploi de community managers (version high tech des modérateurs en fait) entrainera une dé-responsabilisation éditoriale décuplée des journalistes au profit de la gestion purement marketing des lecteurs.
    Avec une tendance encore plus prononcée à déplacer les budgets consacrés aux rédactions/investigations envers une frange du personnel plus apte de générer du business que les journalistes eux mêmes.

    La gestion “nécessaire” des trolls dans tout ça (on est toujours le troll d’un autre pourtant)?
    Une façon bien proprette de justifier la création de toutes pièces de véritables laboratoires à censure.
    En matière de liberté d’expression et d’opinion, une telle tendance réductrice ne risque pas de donner un nouveau souffle aux médias mainstream.

  23. À mj75 : pas sûr que les commentaires augmentent le nombre de visiteurs. En revanche ils augmentent le nombre de visites, de pages vues et autre temps passé en ligne.

    Et ça, même avec des trolls, c’est tout bénef pour un site de presse en manque de revenus publicitaires. Lorsqu’un commentateur s’intéresse à un sujet, voire à une discussion (soyons fous), il peut revenir plusieurs fois dans la journée sur le site pour voir s’il y a du neuf ou pour ajouter une nouvelle contribution. Mieux encore, si l’on parvient à créer un véritable esprit de communauté entre lecteurs à travers les commentaires (justement rarissime sur un site de presse mais courant sur les forums et sur certains blogs de renom), les habitués finissent par se connaitre et reviennent encore plus souvent sur le site pour discuter entre eux, atour des sujets du jour.

    Bref, les commentaires sont enquiquinants pour pas mal de journalistes, mais arrangent bien leurs patrons 😉

  24. thank you

  25. Une question : qui lit les commentaires ?

    Le journaliste “en prise avec son lectorat” ?
    Le commentateur qui trouve un moyen de gonfler son égo?
    Le lecteur qui s’est déjà concentré sur un long article ?

  26. pauvre France

  27. Hélas, je ne peux être qu’en désaccord avec vous.

    La qualité d’un article se mesure à la quantité de dérapages et de trolls qu’il génère dans les commentaires.
    Plus un article est mauvais, plus il y aura de trolls. Plus il est bon, moins il y en aura.

    Seulement, à l’heure actuelle, les articles sont de plus en plus mauvais. La presse classique peine à nous délivrer une analyse approfondie, structurée, impartiale et sans faute d’orthographe (un comble pour des soi-disant professionnels de l’écriture).
    En comparaison, il existe de nombreux blogs gratuits, dont la qualité des articles est largement plus élevées que de nombreux sites de journaux. Le site de Maitre Eolas est l’exemple parfait du fait que de bons articles permettent d’éviter les trolls.

    Le problème est que les journalistes veulent avant tous faire du chiffre, attirer un maximum de personnes. Pour ce faire, ils n’hésitent pas à donner des appréciations, des analyses choquantes, des titres racoleurs… Au lieu de faire un vrai travail de journaliste, les auteurs deviennent des polémistes. Ce faisant, ils attisent la haine des gens et ainsi les trolls et commentaires déplacés.

    Au final, le seul moyen de lutter contre les trolls, c’est que les journalistes fassent correctement leur boulot. On ne leur demande pas d’être excellent, juste d’être impartiaux, pertinents, non-polémiques (être des journalistes quoi) et d’arrêter les supputations déplacées.

    En espérant que certains comprennent cela et arrête de blâmer les autres pour leur propre turpitude.

  28. […] que j’avais du temps pour observer les autres et il faut admettre que même si c’est peuplé de TROLLS (dont je fais partie d’ailleurs), il y a du bon et du […]

  29. Il faudrait déjà s’entendre sur la définition d’un troll : bien souvent ce n’est qu’une objection ou une contradiction qui n’est pas dans la ligne du parti. Il faut quand même bien avouer que chaque site d’infos possède une “idéologie” dominante que la majorité des commentaires ne fait que refléter. On en arrive donc à l’utilité desdits commentaires qui pour cette raison me parait limitée (c’est pour cela que je commente!), voire inutile pour le journaliste lui-même. Il s’agit à mon sens plus d’un fil de discussion mais qui va toujours dans le même sens. C’est le défaut de toute communauté sur le web :au début riche et pleine d’espoir, puis petit à petit elle s’appauvrit au fur et à mesure que son identité se forge parce que les contradicteurs sont considérés comme des trolls et finissent par se lasser puis partir.

  30. […] à l’école de journalisme de Sciences Po, animera les débats. N’hésitez pas à lire le billet qu’Alice a consacré au sujet sur son blog, Work In […]

  31. […] Le défouloir des commentaires. La teneur des commentaires des sites d‘information laisse parfois songeur sur l’utilité de ces déversoirs à médiocrité : jalousie, a priori, racisme, haîne… A tel point que certains sites comme Le Figaro choisissent de contrôler les commentaires avant leur publication (sauf pour leurs abonnés mais ils disposent de leur nom et adresse, ce qui limite les incartades). D’autres, tel Rue89 les ferment après 7 jours, non sans avoir remonté les meilleurs et masqué les autres. Passé l’euphorie du tout participatif, est donc venue la question de la sélection des meilleurs et de la chasse aux trolls […]

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