Dans les veines de Gawker coulent le Web et les ragots…

Gawker, c’est le petit site Web d’infos qui fait peur aux grands. Lancé en 2003, il s’est fait connaître en publiant des articles sur les coulisses des médias new-yorkais et des potins sur les stars de Manhattan. «A chaque fois que le New York Times produit un document usage interne, celui-si se retrouve une heure plus tard en ligne sur Gawker», soupirent les journalistes du quotidien américain. Réponse de Gawker: «Les salariés qui en ont marre de leur boîte nous envoient les notes faites sur et par leur société. Chaque jour, on en reçoit des centaines, on trie puis on publie celles qui nous intéressent.»

Crédit: AA

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Gawker.com n’a rien d’un site d’infos généralistes. On y trouve de «l’infotainment», avec des sujets peopolitique, people tout court, des sujets culturels, tournés vers les usages des Web et/ou les jeux vidéos, et des sujets sur les médias. En particulier la télé, «l’occupation préférée de 90% d’Américains», sourit l’équipe. Bref, des sujets très populaires voire potaches, dont le ton détonne. Chaque jour, une soixantaine d’articles sont publiés sur Gawker, sans compter les billets des blogs que le site agrège, comme Valleywag, spécialisé dans les nouvelles technologies, Citylife, qui zoome sur le quotidien des New-Yorkais. Le tout, financé par la pub, est gratuit et compte le rester.

Rotation permanente

Moyenne d’âge des journalistes de Gawker: 30 ans. A la rédaction, qui compte une cinquantaine de personnes — la «moitié sont des contributeurs extérieurs», l’emplacement des bureaux change tout le temps, et les chefs tournent tout autant. «On n’a pas encore trouvé la meilleure configuration possible», me confie Remy Stern, le nouveau rédacteur en chef.

Chaque rédacteur peut voir, sur un outil interne, le nombre de clics que ses articles génèrent. Et ce, en temps réel. Avec ses 4, 2 millions de visiteurs uniques par mois (chiffres Quantcast), Gawker reste petit — People.com fait, lui, 15,7  millions de visiteurs uniques par mois, et Slate.com 8,1. Le trafic, Gawker regarde ça de près, et publie même des articles sur son cas.

Pourtant, question notoriété, Gawker s’est fait sa place au soleil. Et pas qu’au figuré. Le rédacteur en chef m’emmène visiter la partie, dit-il, «la plus importante du site»: une terrasse sur le toit de plusieurs centaines de mètres carrés avec vue sur l’un des quartiers les plus branchés de New York. «On y organise des soirées une fois par semaine. Le service marketing invite ses clients à venir siroter des bières. Une fois qu’ils ont bu quelques verres, ils achètent des publicités.» La bonne vieille technique.

Pas de conférence de rédaction

A Gawker, malgré l’apparente ambiance décontractée, le superflu n’existe pas. Aucun chargé d’édition ni secrétaire de rédaction pour relire les articles — «il y a très peu de différences entre la version écrite par le rédacteur et celle que l’internaute lit en ligne». Pas non plus de «front page editor» devant alimenter et animer la page d’accueil — «tout ce qui est mis en ligne est automatiquement sur la “une”». Et les titres? Et les photos? Et le circuit de la copie? «La journée, je passe derrière les rédacteurs pour changer ici un titre, pour mettre l’accent là sur un sujet, mais la nuit, ce sont eux qui s’en chargent.»

Pas non plus de conférence de rédaction tous les matins. «Toute la rédaction est connectée via Campfire (un outil qui permet de chatter à plusieurs, et échanger des fichiers de façon instantanée, ndlr), m’explique Remy Stern. C’est ici que l’on se demande “est-ce qu’on fait ce sujet?”, “qui le fait?”, “tu as vu cette vidéo? est-ce qu’on la publie?”, etc. Au lieu de prendre des décisions une fois par jour en conférence de rédaction, on en prend toutes les deux minutes par ce biais. De toute façon, on n’a pas mille ans pour décider.»

Surtout ne pas ressembler aux rédactions traditionnelles

La seule peur de Gawker, c’est de faire les mêmes choses – c’est-à-dire, pour eux, les mêmes erreurs – que les rédactions traditionnelles. «Les vieux journaux ont installé des circuits de la copie très établis, des processus de production sophistiqués, or on voit bien que ces mécanismes ne fonctionnent pas, tranche le rédacteur en chef. Si on met des avocats/relecteurs partout, on n’avance pas.» La théorie a du bon. Mais en pratique, cela met une sacrée pression sur les rédacteurs, qui n’ont pas de filet de sécurité. Et à qui il arrive de se tromper. «Notre communauté nous force à être vigilants. Les internautes nous signalent les fautes dès qu’ils en voient une, que les rédacteurs corrigent alors en indiquant qu’ils se sont trompés.» Un mode de production «work in progress» allègrement pratiqué ailleurs…

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Des sujets sur la télé vitesse grand V

Autre point commun avec les jeunes rédactions en ligne françaises: la pratique du «breaking news» permanent et du «live». «C’est très important, souligne le rédacteur en chef. On est dans une monde ultra compétitif. Cela ne sert à rien d’être le troisième site à publier l’info, il faut être le premier.» Car c’est rentable, en terme de trafic. Quand Gawker a fait des «lives» en janvier pour raconter, à la minute près, les piques que s’envoyaient les animateurs de show télévisuels américains comme Jay Leno, Connan O’ Brien ou David Letterman, par émissions interposées, cela lui a rapporté des millions d’internautes, assure-t-il. «Tous les Américains parlaient de ce scandale, qui a même fini par faire trois fois la “home” du nytimes.com». Gawker a alors sorti l’artillerie lourde. Une vingtaine de boîtiers pour enregistrer tous les shows du soir, y compris quand ils se tenaient au même moment mais sur des chaînes différentes, et pas moins de 10 personnes pour veiller au grain. «Si un animateur en insultait un autre, on était ainsi sûr d’avoir le passage en stock. On pouvait le numériser et le mettre en ligne en quelques minutes».

La main à la pâte

De règles, Gawker n’en a guère. Y compris sur l’usage des réseaux sociaux. «Les rédacteurs savent ce qu’il est pertinent d’y publier ou pas», reprend Remy Stern. Même si Gawker ne règlemente pas l’utilisation de Twitter ou Facebook par ses journalistes — contrairement au New York Times et à Reuters, qui ont édicté des chartes, Christoper Marscari, le responsable du marketing, fait une différence entre les contenus mis sur l’un ou l’autre réseau. «Sur Facebook, on publie les articles qui vont susciter le plus d’interaction entre la rédaction et les lecteurs. Sur Twitter, on met avant tout les contenus les plus informatifs». Là non plus, pas de superflu.

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Alice Antheaume

7 commentaires pour “Dans les veines de Gawker coulent le Web et les ragots…”

  1. Social comments and analytics for this post…

    This post was mentioned on Twitter by slatefr: Dans les coulisses de gawker.com par @alicanth http://bit.ly/dlMLgu

  2. Bon article 🙂
    Merci.

  3. […] souvent son côté bêta. Par exemple, Gawker [pour mieux connaître ce site, vous pouvez lire Dans les veines de Gawker coulent le Web et les ragots, NDLE] a beau avoir essayé de se payer Schmidt à cause de ses présumées frasques […]

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