Comme Annette Shavan, peut-on perdre son doctorat en France ?

Un doyen de faculté qui s’avance vers les caméras pour annoncer que le doctorat de philosophie de la ministre de l’éducation et de la recherche, Annette Schavan, est invalidé 33 ans après lui avoir été décerné… La scène s’est déroulée en Allemagne, le 5 février 2013, à l’université de Düsseldorf. Quelque chose me dit qu’elle est difficilement imaginable en France. Mais pourquoi, au fond ?

1°/ Le titre de “Doktor” jouit d’une grande notoriété outre-Rhin

Alors qu’en France, seuls les docteurs en médecine peuvent espérer voir leur titre accolé à leur nom, en Allemagne, Herr Doktor jouit d’une aura considérable quelle que soit la discipline. Le paradoxe de l’université française conduit ainsi son diplôme le plus prestigieux a n’être jamais mis en avant par ceux qui l’ont obtenu après, au moins, une dizaine d’années de laborieuses études. Ainsi, alors que je reçois chaque année environ 200 scientifiques dans Science Publique, l’émission que j’anime sur France Culture, très rares sont ceux qui se présentent comme docteurs alors que bon nombre le sont. Pourquoi ? Il semble que la filière du doctorat reste refermée sur l’université. La vocation d’un docteur est de devenir professeur et/ou directeur de recherche. Même s’ils entrent au CNRS, les docteurs ne sortent guère des murs de ces institutions.

En Allemagne, après leur thèse, la plupart des Doktor font leur carrière dans l’industrie. Leur visibilité n’a alors pas de commune mesure. Surtout dans un pays où l’industrie est également fortement valorisée.
En France, conscient de ce problème qui leur barre souvent la route vers des emplois dans les entreprises alors que l’université est saturée, les docteurs se sont réunis dans une association nationale des docteurs, l’ANDès dont l’objectif affiché est de
“promouvoir les docteurs”. Étonnant paradoxe… Le titre le plus élevé a donc besoin de “promotion”. C’est pourtant justifié. Le docteur reste loin d’avoir la même cote, dans l’industrie, d’un polytechnicien ou d’un centralien. Résultat, le faible nombre de docteurs dans les entreprises est l’une des principales causes du retard français en matière de pourcentage du PIB consacré à la recherche.

2°/ Pas besoin d’être docteur pour être ministre de la recherche en France

En Allemagne, donc, on ne badine pas avec le doctorat. Et même, ou surtout, un ministre de la recherche ne saurait avoir usurpé son titre. En France, ce cas de figure a d’autant moins de chances de se produire que… les ministres de la recherche sont rarement docteurs. A partir d’Hubert Curien, docteur es sciences, ministre de la recherche jusqu’en 1993, on ne trouve guère que 3 docteurs sur ses 19 successeurs: Claude Allègre, docteur es sciences physiques, ministre de 1997 à 2000, Luc Ferry, docteur en science politique, ministre de  2002 à 2004 et Claudie Haigneré, docteur ès sciences, option neurosciences, ministre déléguée de 2002 à 2004.

Force est de constater que ces trois ministres n’ont pas laissé un souvenir impérissable. Lorsque Luc Ferry et Claudie Haigneré étaient aux commandes, l’un des plus forts mouvements de révolte des chercheurs s’est produit avec “Sauvons la recherche“, en 2003. Il a fallu un autre couple, beaucoup plus politique, François Fillon et François d’Aubert, pour rétablir l’ordre et redonner un peu d’espoir dans les laboratoires.

3°/ Pas besoin d’une thèse de valeur pour être docteur en France

C’est peut-être ce qui fait le plus mal à l’image de l’université française. Et c’est peut-être lié à la sous-valorisation du doctorat. Même s’ils peuvent paraître anecdotiques, trois exemples publics ont suffi pour jeter un discrédit tenace sur l’institution qui délivre les doctorats. Il s’agit du diplôme décerné à Elizabeth Teissier, docteur en sociologie en 2001 avec  sa thèse intitulé “Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination-rejet dans les sociétés postmodernes”. Ex mannequin et comédienne, Elizabeth Teissier est surtout astrologue depuis 1968. Elle avait, certes, obtenu un DEA en Lettres modernes… en 1963.

Les autres exemples de doctorats ayant défrayé la chronique sont, bien entendu, ceux des frères Bogdanoff en mathématiques appliquées et en physique théorique. Ces cas sont-ils des exceptions ou la partie émergée de l’iceberg ? C’est toute la question.

Mais la France aurait sans doute besoin d’une “affaire Schavan”. Pas forcément, d’ailleurs, concernant le doctorat, rare, d’un ministre de la recherche. Mais juste une reconnaissance d’erreur. Histoire de montrer que l’institution universitaire est capable de revenir sur la décision de l’un de ses directeurs de thèse et d’un jury. L’erreur étant humaine, son absence est d’autant plus suspecte. Lorsqu’un peu moins de 10 000 thèses sont soutenues chaque année en France (contre environ 15 000 en Allemagne), une faute devrait être pardonnée. Encore faudrait-il qu’elle soit avouée ou déclarée…

Michel Alberganti

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Google : moteur de recherche de jeunes génies

Louis Braille avait 15 ans lorsqu’il a inventé un alphabet pour les aveugles, en 1824. Ada Lovelace avait 13 ans lorsqu’elle s’est intéressée aux mathématiques qui allaient la conduire à écrire,  à 27 ans, ce qui est considéré comme le premier programme informatique de l’histoire. Alexander Graham Bell avait 19 ans lorsqu’il a commencé ses expériences sur le son qui l’amèneraient à inventer le téléphone. Le talent, la créativité et la valeur n’attendent donc pas le nombre des années. Fort de ce vieil adage, Google s’est lancé, en 2011, dans la recherche de ces jeunes surdoués de la science. Avec la Google Science Fair, depuis, des jeunes de 13 à 18 ans sont récompensés chaque année pour leurs découvertes.

Le sérieux et le niveau étonnants du travail de ces adolescents

Coup de pub pour le géant mondial des moteurs de recherche ? Certes, mais pas seulement si l’on considère, par exemple, les résultats de l’an dernier. Force est de constater que le travail accompli par les lauréats dépasse souvent largement le gadget d’adolescents. Le plus surprenant, peut-être, réside dans le type d’objectif qui a passionné ces jeunes. La détection du cancer du sein, la perception de la musique par les malentendants, l’amélioration du rendement des cultures en Afrique ne sont pas des sujets légers. Malgré leur âge, ces jeunes gens s’attaquent, sans crainte de l’échec, à des problèmes très sérieux. Sans crainte, non plus, que d’autres aient déjà trouvé une solution. En cela, ils se comportent en vrais scientifiques. Face à un problème qu’ils ont identifié dans leur entourage, ils cherchent une solution. Et ils trouvent comme le montrent ces trois vidéos décrivant, dans un style un peu trop publicitaire peut-être, les travaux de lauréats de la Google Science Fair 2012 :

Les prix décernés par le jury de la Google Science Fair comprennent une bourse d’études de 50 000 $ et un voyage aux Galapagos avec les expéditions du magazine National Geographic. Le concours pour 2013 s’est ouvert le 30 janvier et les candidats ont jusqu’au 30 avril pour déposer leur dossier. Les finalistes seront invités sur le campus de Google, à Mountain View en Californie où les gagnants seront annoncés le 23 septembre 2013.

Michel Alberganti

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Gaz de schiste: fracturation politique

En matière de gaz de schiste, en France, il faut suivre… Le 14 septembre 2012, tout était interdit. Avec le rapport Gallois, le 5 novembre 2012, la porte de la recherche semblait entrouverte. Mais aussitôt, Jean-Vincent Placé, sénateur EELV, est monté au créneau, invoquant l’accord électoral entre le PS et les Verts (qui ne parle d’ailleurs pas de recherche…). Sans doute dans un souci d’apaisement, Jean-Marc Ayrault a “oublié” le gaz de schiste lors de sa présentation du pacte national. Les services du Premier ministre confirmaient alors que la proposition de Louis Gallois en faveur de la poursuite de la recherche sur le gaz de schiste ne serait pas retenue. (Lire le résumé du chapitre précédent). Placé arrivait alors gagnant…

Mardi 13 novembre 2012 : première conférence de presse de François Hollande. Le Président de la République déclare alors, au sujet de la technique de fracturation hydraulique :

“Tant qu’il n’y aura pas de nouvelles techniques, il n’y aura pas d’exploration et d’exploitation de gaz de schiste en France. Cette technique porte considérablement atteinte à l’environnement. Je le refuse tant que je serai là. La recherche continue. On ne peut pas empêcher la recherche sur d’autres techniques. Aujourd’hui, elle n’a pas abouti. Mais elle n’est pas interdite. Je laisse les chercheurs travailler. Je prendrai mes responsabilités le moment venu.”

Salutaire mise au point

Salutaire mise au point qui remet Jean-Vincent Placé… à sa place. C’est à dire celle d’un sénateur qui, tout Vert soit-il, n’est pas en position de diriger la recherche française. Le silence de Jean-Marc Ayrault, le 6 novembre, avait créé un véritable malaise. Le voilà dissipé par François Hollande. Tant mieux. Désormais, les laboratoire français vont pouvoir démontrer que la France reste un pays d’inventeur !

Cette clarification survient au moment où de multiples signaux conduisent à penser que le dossier du gaz de schiste n’est pas près de se refermer, n’en déplaise à Corinne Lepage qui le rejette en bloc dans les colonnes du Monde.,Le même quotidien reprend les prévisions publiées par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son rapport annuel, le World Energy Outlook publié le 12 novembre.

Les Etats-Unis, futurs numéro un mondial du pétrole et du gaz

Les États-Unis deviendront le premier producteur mondial de pétrole, dépassant l’Arabie saoudite, entre 2017 et 2020 et premier producteur de gaz dès 2015 en devançant la Russie. Tout cela grâce aux huiles et gaz de schiste. L’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels est en train de bousculer en profondeur et de façon totalement inattendue l’échiquier énergétique mondial.

Toujours Le Monde, dans un entretien, rapporte l’opinion de Fatih Birol, économiste en chef de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) :

“La France réduit la part du nucléaire, interdit le gaz de schiste et vise à limiter plus fortement ses émissions de CO2. Ces trois éléments sont-ils compatibles ? Je n’en suis pas sûr. Je crois qu’il est possible d’exploiter proprement le gaz de schiste à condition de fixer un cadre réglementaire très strict aux industriels qui devront faire des investissements technologiques importants. Mais le jeu en vaut la chandelle, car les bénéfices à tirer de cette ressource peuvent être très élevés.”

1000 ans de consommation en Suède

La Suède, pays qui ne fait parti des pays les plus polluants, a découvert que son sous-sol contient pas moins de 1000 années de sa consommation de gaz… La Suède n’exploite pas ce gaz. Pour l’instant, elle explore, malgré l’opposition des Verts qui partagent le pouvoir. D’ici la fin de l’année, le gouvernement suédois se prononcera sur une éventuelle exploitation commerciale. En toute connaissance de cause. Ce qui n’est pas le cas en France puisque les forages d’exploration sont interdits. En France, comme en Suède d’ailleurs, si les Verts persistent dans leur position, une fracturation politique deviendra inéluctable dans la majorité présidentielle.

Michel Alberganti

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Les écologistes interdisent jusqu’à la recherche sur le gaz de schiste

Qui décide de la recherche française ? La ministre en charge, Geneviève Fioraso ? L’Agence nationale de la recherche (ANR) ? Le CNRS ? Les Universités ? Les Agences indépendantes ? Les Comités d’éthique ? Le dernier épisode en date du vaudeville français sur le gaz de schiste plaide pour une autre tutelle : les écologistes, plus précisément Europe Ecologie Les Verts. Plus personnellement, semble-t-il, un homme : Jean-Vincent Placé, sénateur qui, à 44 ans, cumule les responsabilités. La dernière en date : avoir contraint le gouvernement à reculer, une fois de plus, sur le gaz de schiste.

Préambule

Avant même la publication du rapport Gallois, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, réaffirme l’opposition du gouvernement à la fracturation hydraulique mais dit vouloir “réfléchir” à l’exploitation du gaz de schiste, qui “sera certainement sur la table” à l’occasion de la publication du rapport, comprend-t-on. Arnaud Montebourg est alors rejoint par le ministre délégué aux relations  avec le Parlement, Alain Vidalies, qui assure qu’au sein du gouvernement personne ne pense qu’il faut écarter le gaz de schiste “pour l’éternité”, selon l’AFP.

Acte 1

Lundi 5 novembre 2012, Louis Gallois, ancien président l’EADS, après Airbus, la SNCF, Aerospatiale, Snecma et ex directeur de cabinet de Jean-Pierre Chevènement en 1981 avant de devenir directeur général de l’industrie en 1982, remet son très attendu rapport au Premier ministre intitulé “Pacte pour la compétitivité de l’industrie française“.

Au chapitre sur “la priorité à l’investissement, un choc de confiance”, la cinquième proposition est : “mener les recherches sur les techniques d’exploitation du gaz de schiste”. Louis Gallois s’explique ainsi dans son rapport :

“Nous plaidons pour que la recherche sur les techniques d’exploitation des gaz de schiste soit poursuivie. La France pourrait d’ailleurs prendre l’initiative de proposer avec l’Allemagne à ses partenaires européens un programme sur ce sujet. L’exploitation du gaz de schiste soutient l’amorce de réindustrialisation constatée aux États-Unis (le gaz y est désormais 2 fois et demi moins cher qu’en Europe) et réduit la pression sur sa balance commerciale de manière très significative.”

Acte 2

Jean-Vincent Placé réagit aussitôt en déclarant à l’AFP  :

“Si le Premier ministre reprend ces propositions du rapport Gallois, il y aura une large fracture dans la majorité avec les écologistes. Un revirement du gouvernement serait une violation absolue de l’accord passé (entre) le PS et Europe Écologie-Les Verts”.

Acte 3

Louis Gallois a sans doute l’impression d’avoir été mal compris. Il précise donc sa position, pendant le journal télévisé de France 2 de lundi soir et sur RTL mardi 6 novembre :

“Je n’ai pas dit qu’il fallait poursuivre l’exploration, c’est interdit par la loi. J’ai dit qu’il fallait continuer de travailler sur la technique d’exploration, ça me paraît naturel.”

Acte 4

Mardi 6 novembre, Jean-Marc Ayrault présente le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi qui s’inspire fortement du rapport Gallois mais il ne mentionne même pas le gaz de schiste. Les services du Premier ministre confirment au magazine Le Point que la proposition correspondante de Louis Gallois n’est pas retenue par le gouvernement.

Acte 5

En apparence, le gouvernement se plie aux termes de l’accord pré-électoral entre le PS et EELV. En apparence seulement. Car voici ce que dit le document en question sur ce sujet :

“L’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels (gaz et huiles de schiste) seront interdits, les permis en cours seront abrogés et les importations découragées”.

Epilogue

Il apparaît ainsi que l’interdiction de la recherche sur les techniques d’exploitation ne fait pas partie de l’accord PS-EELV.
Le renoncement du gouvernement sur la proposition de Louis Gallois à propos du gaz de schiste peut paraître anecdotique par rapport aux autres points du “pacte national”. En fait, il ne l’est pas. Il s’agit même d’une grave défaillance du fonctionnement de la majorité présidentielle et d’un signal catastrophique donné en direction de la recherche française.

En effet, voici qu’un parti politique crédité de 2,31% des voix à l’élection présidentielle de mai 2012 et 5,4% des voix au premier tour des législatives suivantes grâce à l’accord conclu avec le PS (63 circonscriptions réservées à EELV), se trouve en position de dicter sa loi au gouvernement. Voilà qu’il étend, de lui-même, les termes de l’accord qui lui a permis d’obtenir 18 députés à l’Assemblée nationale.

L’interdiction de l’exploration et de l’exploitation vaut désormais aussi pour la recherche de nouveaux moyens d’exploitation. Rappelons que le gouvernement fonde le moratoire actuel sur le gaz de schiste sur les dangers présentés par la fracturation hydraulique, seule technologie existant à ce jour. Le rapport Gallois préconise d’en trouver d’autres, mois dangereuses pour l’environnement. Mais non, pas question pour les écologistes. Ces derniers, eux, ne sont pas opposés à une technologie particulière mais bien au gaz de schiste lui-même. Facteur de retard, de leur point de vue, dans le développement des énergies renouvelables en France.

Au moment où la situation économique est si tendue que le gouvernement augmente les impôts et les taxes et où la faiblesse de la compétitivité de l’industrie arrive en tête du diagnostic des experts tels que Louis Gallois, la France se prive de la possibilité d’une ressource qui pourrait jouer un rôle important pour l’aider à traverser cette période difficile. En réduisant la facture énergétique, le gaz de schiste français diminuerait aussi les coûts de production.

Une embellie économique serait le meilleur instrument pour stimuler les investissements dans les énergies renouvelables, dans la transition énergétique. La France, en pointe dans l’exploitation pétrolière, dispose de tous les laboratoires nécessaires pour inventer une nouvelle technologie moins dangereuse que la facturation hydraulique. Ou pour perfectionner cette technique afin d’éviter tous risques de pollution ou de maladie.

Eh bien non. Jean-Vincent Placé en a décidé autrement. Un tel dogmatisme, qui piétine jusqu’au principe de précaution, peut apparaître absurde et mortel pour l’avenir de la France. Comme le note Louis Gallois, même l’Allemagne n’adopte pas une telle ligne. Et la nécessité du lancement d’une recherche européenne commune dans ce domaine, qu’il propose, apparaît comme une évidence.

Est-il supportable que ce soit sans la France ?

Michel Alberganti

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Le prix Nobel de physique n’est pas tendre pour la recherche française

Lors de l’émission du Club Science Publique que j’ai animée le vendredi 19 octobre 2012 sur France Culture, le prix Nobel de physique 2012, Serge Haroche a parlé de l’organisation de la recherche française, en préparation des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche qui se tiendront les 26 et 27 novembre 2012. A la lumière de son expérience, il se révèle assez sévère sur la structure actuelle du financement des laboratoires.

Voici, en vidéo, l’extrait de l’émission où Serge Haroche expose son sentiment sur ce sujet en réponse à une question d’Etienne Klein, physicien au CEA :


Club Science Publique : Prix Nobel de physique… par franceculture

Michel Alberganti

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Le cerveau peut se soigner tout seul

Lors de l’émission Science Publique du 12 octobre 2012, que j’ai animée sur France Culture, il est arrivé ce qui se produit parfois lors d’une émission de radio. L’un des invités, Denis Le Bihan, directeur de Neurospin, a relaté des expériences qui ont été menées par différents laboratoires et dont les résultats ont été publiés dans des revues scientifiques. Et sa description s’est révélée tout bonnement sidérante. Elle est arrivée à un moment de l’émission où étaient évoquées les limites des thérapies actuelles. Qu’elles soient chimiques, avec les médicaments, ou électriques, avec les électrodes implantées à l’intérieur du cerveau, pour soigner, par exemple, la maladie de Parkinson.

La douleur disparaît

“Mais le cerveau peut aussi se soigner lui-même”, a alors lancé Denis Le Bihan. Pas de quoi être ébouriffé. Nous avions tenté de réaliser une émission sur ce thème. Sans grand succès d’ailleurs… La surprise est venue de l’expérience particulière qu’il nous a racontée. Le patient souffrant de douleurs chroniques est installé dans un appareil d’IRM fonctionnelle (IRMf). Les neurologues règlent l’instrument pour mesurer l’activité du cerveau dans le centre de la douleur. Ils établissent ensuite une liaison entre cette mesure et l’image d’une flamme de bougie qui est projetée sur un écran devant le patient. Les expérimentateurs demandent ensuite à ce dernier de tenter de faire baisser la hauteur de la flamme jusqu’à l’éteindre. Le patient n’a aucune clé, aucune méthode, aucune technique pour y parvenir. En se concentrant, il parvient toutefois à obtenir ce résultat. La hauteur de la flamme baisse. Et la douleur aussi ! Lorsqu’ils sortent de l’IRM, les patients restent capables de contrôler leur niveau de douleur. Mieux, ils expliquent que “leur douleur (a) baissé d’intensité sans qu’ils aient besoin d’y faire expressément attention”, note Denis le Bihan dans l’ouvrage intitulé Le cerveau de cristal qu’il vient de publier chez Odile Jacob.

Biofeedback

Cela s’appelle le biofeedback par IRM. Le résultat est encore plus spectaculaire sur des patients déprimés chroniques. Dans ce cas, la région du cerveau qui est choisie est celle du plaisir. Et les patients doivent, à l’inverse, tenter d’augmenter la hauteur de la flamme sur l’image qui leur est présentée. Il s’agit ainsi de stimuler l’activité de ce centre du plaisir. Et ils y parviennent. “Là encore, le résultat fut remarquable, certains patients sortant complètement de leur dépression après l’examen IRMf, et ne prenant plus aucune médication”, écrit Denis Le Bihan dans son ouvrage. Ainsi, un “simple” appareil de mesure devient un instrument thérapeutique !

Dépression, Parkinson…

Résultats également positifs sur la maladie de Parkinson. Les malades apprennent, de la même façon, à contrôler leur cerveau et ils améliorent leurs performances motrices. Denis Le Bihan ne met guère en valeur ces expériences dans son livre. Lors de l’émission, il n’a pas parlé des résultats obtenus sur la dépression. Cette discrétion n’est pas due au hasard. Le chercheur veut à la fois dévoiler ses avancées et ne pas faire naître des espoirs démesurés ou prématurés. “Il reste encore beaucoup à faire pour mieux cerner cette méthode de biofeedback, (mesurer) son efficacité à long terme, et préciser quels patients peuvent en bénéficier (certainement pas tous)”, écrit-il. “Cette approche n’est pas encore totalement validée, mais on potentiel est énorme”, poursuit-il.

Un divan en forme de miroir

 

Et d’envisager, encore avec prudence, ce que peut être l”avenir de l’IRM: “Il est encore trop tôt cependant pour dire si le lit de l’imageur IRM remplacera un jour le divan des cabinets de psychiatrie”. L’IRMf servirait alors de connecteur direct, sans l’intermédiaire d’un médiateur humain, entre l’individu et son cerveau. Les psychanalystes, déjà passablement mals en point, pourraient alors se faire du souci. Et peut-être se remettre en cause. Ce qui ne fait jamais de mal à personne. Pour les patients que nous sommes, les perspectives sont vertigineuses. Nous nous retrouverions devant une image réelle de l’activité d’une certaine région de notre cerveau. Avec le pouvoir d’agir sur son fonctionnement.

La fatalité des bugs

Comment comprendre qu’une douleur chronique, une dépression ou un tremblement puissent être maîtrisés aussi facilement que Denis Le Bihan le décrit ? On connaît aujourd’hui, et les invités de Science Publique se sont attachés à l’expliquer, la complexité mais également la plasticité des cellules nerveuses du cerveau. Sans cesse, elles se reconfigurent pour “faire le travail”, c’est à dire répondre aux besoins de l’organisme qu’elle contrôlent. 100 milliards de neurones ! Comment imaginer cette population grouillante, ces dizaines de milliards de synapses acheminant des messages électriques et chimiques en permanence ? Que, comme dans un ordinateur, cette complexité engendre des bugs est plus facile à concevoir. Que ces bugs se traduisent pas des états anormaux, comme une douleur chronique ou une dépression persistante, semble également plus que probable. Toute la question est de trouver un moyen de rétablir un fonctionnement normal. Pas question de rebooter… Pas de bouton de reset… Que faire ?

Comme un pli anormal

L’expérience de biofeedback de Neurospin démontre que l’action est possible. Même si le modus operandi reste mystérieux. Tout se passe comme si le bug avait engendré un pli anormal dans le tissu cérébral. Sans fer à repasser, le pli perdure. Et il engendre une douleur, un malaise, un tremblement bien après que la cause première ait disparu. Le plus étrange, c’est que la volonté seule ne puisse pas effacer ce pli. Comme s’il restait inaccessible au fer à repasser. Or, avec l’expérience de la flamme de la bougie, il apparaît que ce fer à repasser existe bien et qu’il est possible de l’appliquer sur le pli. Notre attention a simplement besoin d’être guidée. Sans repère, elles n’est pas capable de se fixer sur le point névralgique. La bougie l’éclaire et, soudain, elle devient capable d’effacer le pli et de restaurer l’état antérieur.

Un potentiel inexploré

Bien sûr, si cette technique permettait de résoudre les problèmes de douleur, de dépression et de maladie de Parkinson, le bénéfice serait déjà considérable. Mais on ne peut s’empêcher d’imaginer ce qui deviendrait possible grâce à ce type d’action directe sur le cerveau. Resterions-nous limités au repassage des plis, c’est à dire à la correction d’anomalies ? Ou bien pourrions-nous accélérer à volonté l’activité de certaines zones du cerveau ? C’est à dire agir volontairement sur des processus qui se produisent inconsciemment. Pourrions-nous, ainsi, décupler notre concentration ? Augmenter à volonté la capacité de notre mémoire à court terme ? Amplifier certains sens ? Serons-nous un jour capables de reconfigurer notre cerveau beaucoup plus rapidement qu’il ne le fait tout seul ? Cette plasticité extraordinaire que nous avons découvert deviendra-t-elle malléable à souhait par notre volonté ? Deviendrions-nous, ainsi, véritablement maîtres des neurones de notre cerveau ? Un tel pouvoir fait rêver ! Mais il conduit aussitôt à une question : que ferions-nous d’un tel pouvoir ?

Michel Alberganti

(Ré)écoutez l’émission Science Publique du 12 octobre 2012 sur France Culture :

Comment fonctionnent nos neurones ? 57 minutes

Avec Jean-Gaël Barbara, Neurobiologiste et historien des sciences au CNRS, Jean-Pierre Changeux , neurobiologiste, membre de l’Académie des sciences, professeur honoraire au Collège de France, Denis Le Bihan, directeur de NeuroSpin, médecin et physicien, et François Lassagne, rédacteur en chef adjoint de Science & Vie.

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Le militantisme anti-OGM est-il compatible avec la science ?

Les photos illustrant l’étude publiée le 19 septembre 2012 par Gilles Eric Séralini (Université de Caen, Institut de biologie, CRIIGEN) dans la version en ligne de la revue Food and Chemical Toxicology rappellent celles qui ornent… les paquets de cigarettes. Reprises par le Nouvel Obs qui fait la couverture de son édition du 20 septembre avec le titre “Oui, les OGM sont des poisons!”, elles montrent des rats perclus de tumeurs après avoir été alimentés avec du maïs Monsanto NK603, résistant à l’herbicide Roundup de… Monsanto, et de l’herbicide Roundup. Résultat : les rats ainsi nourris meurent beaucoup plus vite que les rats du groupe de contrôle recevant une nourriture sans OGM ni Roundup.

Quels effets sur l’homme ?

Les scientifiques se prononceront sur le fond de cette étude. Ils devront, en particulier, reproduire l’expérience afin de vérifier qu’ils obtiennent les même résultats que l’équipe de Gilles-Eric Séralini. La procédure classique. En cas de confirmation de l’effet de ce cocktail mortel, il restera à extrapoler ses effets sur l’être humain. Il faudra enfin vérifier que les doses utilisées par les chercheurs français, transposées à la masse corporelle humaine, sont représentatives de ce que nous consommons. C’est dire s’il reste des choses à vérifier avant de conclure, comme nos confrères du Nouvel Observateur, que les OGM sont des poisons. Si tel était le cas, un désastre sanitaire majeur serait à craindre aux Etats-Unis, grands consommateurs d’OGM depuis des décennies. Pour l’instant, donc, il s’agit d’une alerte très inquiétante qui impose de lancer de nouvelles études indépendantes.

Traitement médiatique et éthique

S’il est trop tôt pour statuer sur la valeur scientifique de cette étude, il est d’ores et déjà possible d’en analyser le traitement médiatique et la composante éthique. Il se trouve en effet que le principal auteur de l’étude, Gilles-Eric Séralini, est également ouvertement militant anti-OGM. A la fin de la publication dans Food and Chemical Toxicology, il est mentionné:

Conflict of Interest
The authors declare that there are no conflicts of interest.

Les mêmes auteurs remercient ensuite, pour leur support, la fondation “Charles Leopold Meyer pour le progrès de l’homme” et le CRIIGEN (Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le génie Génétique), l’équivalent de la CRIIRAD, spécialisée dans le nucléaire, mais pour le génie génétique. Le CRIIGEN se déclare un comité “apolitique et non-militant d’expertise, de conseil, indépendant des producteurs d’OGM“. Le président de son comité scientifique est… Gilles-Eric Séralini. Parmi ses membres, on trouve Corinne Lepage, présidente d’honneur, et Jean-Marie Pelt, secrétaire général.

Publication scientifique, livres, documentaire…

Gilles-Eric Séralini publie, le 26 septembre prochain chez Flammarion, un ouvrage intitulé : Tous cobayes, OGM, pesticides, produits chimiques”. Le même jour, sort au cinéma un documentaire de Jean-Paul Jaud, “Tous cobayes”, adapté du livre de Gilles-Eric Séralini. Ce film sera diffusé sur France 5 le 16 octobre. Quelques jours auparavant, le 22 septembre, les éditions Charles Leopold Meyer auront publié un ouvrage intitulé “Pour qu’ils ne puissent plus dire qu’ils ne savaient pas !” signé par Corinne Lepage. Le livre “démontre l’absolue nécessité et l’urgence dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui de mener des études indépendantes” sur les OGM, selon  l’éditeur. Cela fait beaucoup. Même si l’on considère comme aussi salutaire que nécessaire l’alerte de l’opinion publique sur les questions que soulèvent les OGM et les agissements de Monsanto, largement exposés dans le remarquable documentaire Le Monde selon Monsanto, réalisé par Marie-Monique Robin.

Indépendant… et militant

Indépendant, le CRIIGEN n’en est pas moins militant, quoi qu’il en dise. Les écrits de ses principaux membres en témoignent largement. Gilles-Eric Séralini est l’auteur de Génétiquement incorrect (Flammarion, 2003, 2012), Ces OGM qui changent le monde (Flammarion, 2004) et Nous pouvons nous dépolluer ! (Josette Lyon, 2009). Avec Jean-Marie Pelt, il a publié Après nous le déluge ? (Flammarion, 2006). Quant à Joël Spiroux de Vendômois, docteur en médecine et président du CRIIGEN, il signe aujourd’hui même, dans le Nouvel Observateur, une tribune intitulée: “OGM, Monsanto, Roundup & Co : comment notre société produit des malades”. Difficile, dans ces conditions, d’arguer d’une quelconque indépendance d’opinion du CRIIGEN et de ses membres vis à vis des OGM. Tous mènent un combat ouvert contre les organismes génétiquement modifiés.

Influence sur le protocole expérimental ?

Rien de plus respectable. La question qui se pose concerne la conjonction entre la publication d’une étude scientifique et un battage médiatique visiblement orchestré s’exprimant simultanément dans la presse, dans l’édition, au cinéma et à la télévision. Bien entendu, l’objectivité scientifique n’existe pas plus que l’objectivité journalistique. Mais jusqu’où le militantisme peut-il influencer le protocole d’une expérience ? La publication d’aujourd’hui dans Food and Chemical Toxicology conduit forcément à cette interrogation du fait de l’engagement idéologique et politique de son auteur principal. Seule l’expertise scientifique de ses travaux pourra lever ce doute légitime. S’il est prouvé que la découverte de Gilles-Eric Séralini constitue effectivement une grave menace pour l’homme, cela démontrera que le militantisme peut servir de moteur efficace à la démarche scientifique.  Dans le cas contraire…

Michel Alberganti

» A lire aussi: Maïs OGM Monsanto, l’étrange affolement du gouvernement français

(Ré) écoutez l’émission Science Publique que j’ai animée sur France Culture le 24 février 2012 :

24.02.2012 – Science publique│La France peut-elle se passer de la recherche sur les OGM ? 59 minutes Écouter l'émissionAjouter à ma liste de lectureRecevoir l'émission sur mon mobileaudiovideo

Avec:
Philippe Chalmin, professeur d’économie à Paris-Dauphine.
François Houllier, directeur général délégué à l’organisation, aux moyens et à l’évaluation scientifique de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA.
Jean-Christophe Pagès, président du comité scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies ( HCB).
Joël Spiroux de Vendomois, docteur en médecine générale et en environnement, président du Comité de recherche et d’informations indépendantes sur le génie génétique, le CRIIGEN.

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La Terre absorbe encore 50% du carbone émis par l’homme

La Terre, avec ses océans, ses forêts et ses autres écosystèmes, parvient encore à absorber 50% du carbone produit par les activités humaines, en particulier avec la combustion de carburants fossiles comme le pétrole ou le charbon. Ce résultat provient d’une étude publiée le 2 août 2012 dans la revue Nature par des scientifiques de l’université Boulder du Colorado et de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). Nul doute qu’il s’agit là d’une bonne nouvelle qui démontre les formidables capacités de la Terre pour jouer un rôle d’amortisseur des variations de la composition de l’atmosphère. Ainsi, l’augmentation de l’effet de serre, principal responsable du réchauffement climatique, n’en déplaise aux sceptiques (voir commentaires d’un billet récent), reste décalée par rapport à celle de la concentration de CO2. La mauvaise nouvelle, c’est que 50% du carbone émis… reste dans l’atmosphère. Et toute la question est de savoir pendant combien de temps la Terre va continuer à être capable d’engloutir de telles masses de carbone. Les chercheurs ne répondent pas à cette interrogation mais ils assurent que le phénomène ne peut être éternel. Tout se passe comme si la planète nous donnait un délai de grâce.

Le résultat publié aujourd’hui signifie que l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère (représentée ci-dessus) serait nettement plus forte sans la part de 50% des émissions absorbée par la Terre. Il faut remarquer que ce phénomène s’est fortement accentué. “Par rapport à 1960, la planète absorbe deux fois plus de CO2”, note Ashley Ballantyne, principal auteur de l’étude publiée dans Nature. Pour autant, et le résultat publié aujourd’hui le montre, les scientifiques ne comprennent pas exactement comment la Terre effectue ce travail d’absorption massive et variable en fonction des quantités émises. D’où l’impossibilité de créer de nouveaux puits de carbone avec une garantie sur leur efficacité. “Comme nous ne savons pas pourquoi ni où le processus se produit, nous ne pouvons pas compter dessus, commente Pieter Tans, climatologue de la NOAA. Nous devons clarifier ce qui se passe afin de pouvoir améliorer nos projections sur les futures concentrations de CO2 et notre compréhension de la façon dont le changement climatique va évoluer dans l’avenir”.

Acidification des océans

Les effets de l’absorption du carbone par les océans, estimée au quart des émissions, se traduit par une acidification des eaux qui a des conséquences sur la vie marine, en particuliers sur les écosystèmes des récifs coralliens qui abritent 25% des espèces de poissons répertoriées sur la planète. “Plus les océans s’acidifient, plus il deviendra difficile pour eux d’absorber plus de carbone”, estime Pieter Tans qui précise néanmoins que le ralentissement de ce phénomène n’est pas encore perceptible. Des irrégularités apparaissent néanmoins avec une absorption qui s’est réduite dans les années 1990 avant d’augmenter entre 2000 et 2010. Cette instabilité pourrait être le signe des difficultés croissantes rencontrées par le mécanisme d’absorption. “Si nous conduisons à 150 km/h, la voiture va commencer à trembler et cliqueter en raison d’instabilités et cela signifie qu’il est temps de relâcher l’accélérateur”, explique Jim White, professeur à l’université Boulder. “C’est la même chose pour les émissions de CO2”.

La courbe de croissance de la concentration en CO2 sur une longue période (courbe de gauche) laisse néanmoins craindre que le moment pour les océans seront saturés en CO2 pourrait arriver assez vite. Les courbes ne laissent pas apparaître le moindre signe d’inflexion malgré la multiplication des “sommets de la Terre” au cours des dernières décennies. En 2010, 33,6 milliards de tonnes de CO2 ont été rejetées dans l’atmosphère et, en 2011, 34,8 milliards de tonnes. A ce rythme, la concentration en CO2 devrait atteindre les 400 parts par million (ppm) en 2016, contre 394 ppm aujourd’hui. Avant l’ère industrielle, cette valeur était de 280 ppm. Entre 1959 et 2010, 350 milliards de tonnes de carbone ont été relâchées dans l’atmosphère, ce qui correspond à environ 1000 milliards de tonnes de CO2. La nouvelle étude montre donc que seulement la moitié de cette quantité a été absorbée par la Terre. “Nous constatons déjà un changement climatique, note Caroline Alden, doctorante à l’université de Boulder. Si les puits naturels de carbone saturent, comme les modèles le prédisent, l’impact des émissions humaines de CO2 dans l’atmosphère doublera”.

Michel Alberganti

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Découverte de la 25e particule au CERN, sûrement le boson de Higgs

Le 4 juillet 2012, à 10h35, les applaudissements fusent dans la salle de conférence du Cern. Fabiola Gianotti, porte-parole de l’expérience Atlas, vient d’afficher sur son powerpoint les chiffres que tout le monde attend: la masse de la particule mystère et le taux de confiance dans les mesures effectuées.

126,5 giga-électronvolts (GeV); 5 sigma.

Ces deux chiffres signent officiellement une découverte.

Grâce à la plus grosse machine jamais construite sur Terre pour réaliser des expériences de physique, le LHC (Large hadron collider) de Genève, les physiciens viennent officiellement de découvrir une nouvelle particule. Elle a toutes les apparences de ce que la théorie prédisait sous l’appellation «boson de Higgs». S’agit-il bien d’elle, cette fameuse 25e particule? Pour Etienne Klein, physicien au CEA, tout semble converger dans ce sens.

«La nouvelle particule a tous les traits du boson de Higgs. Pour en être absolument certain, il faut poursuivre le dépouillement des données ce qui devrait être achevé d’ici la fin de 2012.»

Pourquoi cette nouvelle est-elle importante? Lire la suite sur Slate.fr.

Et vous pouvez écouter Science Publique du 6 juillet 2012 sur ce thème, sur France Culture:

Table ronde

06.07.2012 – Science publique:  Higgs : Le nouveau boson du CERN est-il une révolution ? videoaudio

Au CERN, à 10h35, mercredi 4 juillet 2012, lorsque Fabiola Gianotti annonce ses résultats applaudissements fusent : 126,5 giga-électronvolts, 5 sigma. Une nouvelle particule élémentaire de la matière a été découverte… Avec Jean Iliopoulos, physicien théoricien (ENS), Bruno Mansoulié (CEA), physicien expérimentateur, et Michel Davier, professeur de physique (Université Paris Sud).

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Ce que nous révèlent les magiciens sur les failles de notre perception

Les chercheurs de l’Institut Barrow Neurological à l’hôpital Saint Joseph de Phoenix, travaillent sur la façon dont le public, c’est-à-dire nous, perçoit les tours des magiciens. Autrement dit, ils traquent les mécanismes et leurs failles qui, dans notre cerveau, sont exploités par les illusionnistes pour tromper, détourner et manipuler notre attention. Ils s’attaquent ainsi à un domaine peu exploré alors qu’il intéresse directement aussi bien les militaires ou les commerciaux que les sportifs. Toutes professions qui tentent d’exploiter à leur profit les faiblesses de leurs adversaires ou de leurs cibles.

Deux docteurs de l’Institut, Susana Martinez-Conde, du laboratoire de neuroscience visuelle et Stephen Macknik, du laboratoire de neurophysiologie comportementale, ont déjà publié plusieurs articles sur leurs travaux d’analyse de la magie et des illusions. Le dernier en date, paru dans la revue Frontier in human Neuroscience en novembre 2011, relate leurs résultats concernant la perception des gestes du magicien par le public.

L’une de leurs études a été réalisée en collaboration avec le magicien Apollo Robbins, qui se définit lui-même comme “gentleman voleur” et qui s’est fait connaître comme pickpocket des agents des sécurité accompagnant le président Carter. Apollo Robins pense que le public réagit différemment suivant le type de geste qu’il fait. Pour lui, lorsqu’il déplace sa main en ligne droite pendant qu’il réalise un tour, chaque spectateur ne concentre son attention que le point de départ et le point d’arrivée de son geste. Et il ne perçoit pas ce qui se passe entre temps. A l’inverse, lors d’un mouvement courbe, l’assistance suit chaque instant du geste.

Mouvements rectilignes ou courbes

En étudiant les mouvements oculaires de spectateurs, les scientifiques de l’Institut Barrow ont pu confirmer le pressentiment d’Apollo Robins. Mais il sont allés un peu plus loin. Ils ont en effet découvert que les différents gestes déclenchent deux types de mouvements des yeux: l’un, continu, est capable de suivre un geste courbe; l’autre saccadé, passe d’un point d’intérêt à un autre dans le cas d’un geste rectiligne. Pour Susana Martinez-Conde, ce constat, s’il intéresse les magiciens, peut également se révéler précieux pour les stratégies de fuite d’une proie poursuivie par un prédateur dans la nature, les tactiques militaires et le marketing. Cette découverte est considérée comme la première réalisée dans le domaine des neurosciences à partir d’une théorie formulée, à l’origine, par un magicien et non par un scientifique.

Positions moyennes des yeux des spectateurs pendant le faux passage de la pièce de la main gauche à la main droite dans deux cas de figure: mouvement rectiligne ou mouvement courbe.

Les expressions du visage ne jouent pas toujours un rôle

Forts de cette réussite, les deux chercheurs ont fait appel à un autre magicien, Mac King, pour analyser le tour classique de la pièce qui disparaît en passant d’une main à l’autre. En réalité, la pièce reste dans la première main. Mais la simulation du passage à l’autre main est si réussie par le magicien qu’il trompe nos neurones. Ceux-ci réagissent alors exactement comme si la pièce avait effectivement changé de main.

Susana Martinez-Conde et Stephen Macknik ont également soupçonné que les perceptions erronées du public pouvait être induites par les expressions du visage du magicien. Ils ont donc présenté à un public deux vidéos de Mac King. Dans la première, les spectateurs pouvaient voir le visage du magicien pendant son tour. Dans la seconde, le visage de Mac King était masqué. Résultat: pas de différence. Surprise, Susana Martinez-Conde en déduit que “les fausses pistes sociales dans la magie sont plus complexes que nous le pensions et qu’elles ne sont pas nécessaires pour tous les tours”.

Un public averti…

Bien sûr, les découvertes des chercheurs sont encore loin de menacer les secrets des magiciens. On comprend qu’ils collaborent à ce type de recherches… Néanmoins, il semble louable que des scientifiques s’attaquent enfin à l’étude de tels phénomènes qui peuvent nous en apprendre beaucoup sur les lacunes de notre perception de la réalité. Histoire de nous inciter à la prudence. Il ne suffit pas de voir pour croire. Sinon, le risque de prendre des vessies pour des lanternes s’aggrave terriblement. Que les magiciens de la politique, eux aussi, se le disent. La science pourrait bientôt mettre à jour leurs meilleurs tours… En attendant de perdre notre naïveté, profitons du plaisir de la magie proposée par Apollo Robins et Mac King:

Michel Alberganti

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